D. L'UTILLISATION DES PROFITS

L'affectation de l'EBE soulève des problèmes semblables dans les deux pays.

1. Le rétablissement des taux de marge ne profite à l'investissement dans aucun des deux pays mais la France investit plus

En France , la hausse de la part de l'EBE dans la valeur ajoutée ne s'était pas accompagnée d'une augmentation du taux d'investissement.

EXCÉDENT BRUT D'EXPLOITATION, ÉPARGNE ET INVESTISSEMENT
DES SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES

Source : Insee - Comptabilité nationale en base 2000

Dans les sociétés non financières, alors que le rapport de l'EBE à la valeur ajoutée (le taux de marge) est passé de 24 à environ 32 points du PIB à la faveur d'une modération salariale qui a réduit le poids relatif des salaires, le taux d'investissement (ratio de l'investissement à la valeur ajoutée) a baissé oscillant autour d'une moyenne de 18 points du PIB depuis le début des années 80, très en-deçà de sa moyenne historique des années 60 et 70. Il s'est toutefois légèrement redressé en fin de période pour toucher le niveau de 20 points de PIB.

De même, en Allemagne , l'augmentation du taux de marge des entreprises du secteur privé observé depuis 2000 n'a pas relancé l'investissement.

FORMATION NETTE DE CAPITAL FIXE DU SECTEUR PRIVÉ RAPPORTÉE AU PIB

Source : Rapport du Conseil d'analyse économique et du Conseil allemand des experts en économie - Eurostat

Ici apprécié en termes nets, l'effort d'investissement a été divisé par deux en Allemagne dans la première moitié des années 2000 . La croissance de la formation nette de capital fixe, qui rend compte mieux que la formation brute de la variation du stock de capital, a chuté (de 6,5 % à environ 3 %). Elle s'est un peu redressée par la suite mais la crise globale a interrompu cette évolution. En comparaison, la dynamique de l'investissement, quoique médiocre, a été plus soutenue en France (et dans l'Union européenne), le différentiel avec l'Allemagne atteignant environ 3 points de PIB.

2. L'effort de recherche-développement semble plus soutenu en Allemagne

Il est vrai qu'en contrepartie l'effort de recherche et développement (R&D) a été supérieur en Allemagne.

Quant à ces dépenses, le tableau offert par l'Allemagne et la France est à peu près le même que pour l'investissement national mais inverse.

INVESTISSEMENT EN R&D RAPPORTÉ AU PIB

Source : Conseil d'analyse économique - Eurostat

L'Allemagne consacre davantage de ressources à la R&D (2,5 points de PIB contre 2 points environ pour la France).

Mais à part en toute fin de période, l'effort de R&D reste stable dans les deux pays et, globalement, ne profite pas de l'augmentation du taux de marge des entreprises. En outre, l'effort de R&D allemand doit être vu à partir de caractéristiques du pays, qui conduisent à nuancer le diagnostic de décrochage entre les deux pays.

QUELQUES ÉLÉMENTS DE COMPARAISON SUR LA RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT
EN ALLEMAGNE ET EN FRANCE

Source : Ambassade de France en Allemagne

a) Un effort de recherche-développement supérieur en Allemagne

Le poids relatif des dépenses de recherche et développement dans le PIB est supérieur de près de 30 % en Allemagne.

Plus significativement encore, compte tenu de l'importance de l'effet de masse critique dans le processus de recherche et développement, le montant nominal des dépenses qui y sont consacrées en Allemagne est plus élevé de 50 %.

Ces écarts importants ne proviennent pas de différences dans le financement public de la recherche. Dans les deux pays c'est approximativement la même somme qui est consacrée à la recherche et développement par la sphère publique : 17 milliards d'euros en 2007. Compte tenu de niveaux de PIB différents, la France réalise, en proportion, un effort public supérieur à celui de l'Allemagne : 0,96 % contre 0,71 % du PIB en 2007 (+ 0,25 point du PIB).

En revanche, la structure du financement de la recherche privilégie l'implication du secteur privé davantage en Allemagne .

Structure des dépenses de recherche-développement
en Allemagne et en France

Allemagne

France

Privé

Public

Privé

Public

En % du total

68

27

54

46

En points du PIB

1,93

0,71

1,12

0,96

Source : Ambassade de France en Allemagne

L'écart observé quant à l'effort de recherche privée entre l'Allemagne et la France 23 ( * ) est conséquent et plusieurs indicateurs semblent montrer que les performances comparées de l'Allemagne bénéficient de son plus grand effort de recherche-développement.

Du moins en va-t-il ainsi pour les indicateurs propres aux évaluations courantes concernant la recherche-développement qui ne peuvent être considérés comme indiscutables 24 ( * ) . On se reportera à ce propos à l'encadré ci-dessus et notamment au nombre de chercheurs (supérieur d'environ 78 000, soit de plus d'un tiers en Allemagne) et des publications, parmi lesquelles l'importance relative des copublications avec les États-Unis frappe tout particulièrement.

Quant au nombre de brevets, dont la signification n'est pas évidente, il est 2,75 fois plus élevé en Allemagne qu'en France, ce qui, à tout le moins, témoigne d'un effort de protection et de valorisation plus diffus.

b) Des comparaisons dont la portée ne doit pas être surestimée

Une estimation de l'OCDE attribue l'essentiel des performances des exportations allemandes à l'effort de R&D des entreprises. Mais cette estimation suscite quelques interrogations.

La place plus élevée qu'en France de l'industrie en Allemagne serait le principal facteur d'explication d'un engagement en recherche et développement des entreprises plus fort dans ce pays.

Incidemment, il faut observer que l'appréciation tirée des dépenses de R&D dans les deux pays quant au sens de leur effort de R&D devrait être corrigée de la réduction du poids de la valeur ajoutée industrielle qui s'y est produite.

À cet égard, la baisse plus importante du poids de l'industrie dans le PIB intervenu en France ne s'y est pas traduite par un creusement de l'écart des dépenses de R&D avec l'Allemagne à due proportion, ce qui pourrait suggérer qu'individuellement les firmes françaises du secteur ont fait un effort de R&D supérieur à celui des entreprises allemandes.

En prolongement de cette question, il faut noter que seules des analyses portant sur l'effort des firmes en concurrence permettraient de donner des indications sur l'impact des niveaux comparés de recherche et développement des deux pays sur leur compétitivité .

Par ailleurs, les éléments de comparaison peuvent comporter quelques imprécisions.

En premier lieu, les données relatives à l'effort de recherche et développement son fragiles. Elles peuvent décrire incomplètement les dépenses effectives consacrées à cette fonction par les firmes. Souvent issues de la comptabilité nationale, elles ne recouvrent pas la recherche et développement délocalisée , inconvénient qui va croissant à mesure qu'augmente la diversification géographique des centres de recherche à l'échelle du monde.

En second lieu, elles ne rendent pas nécessairement compte du volume comparé de recherche puisqu'elles sont influencées par les coûts qui peuvent varier d'un pays à l'autre. Sans doute est-il vrai qu'un pays qui paye mieux ses chercheurs a théoriquement plus de chances d'attirer les meilleurs d'entre eux, mais cette relation théorique appelle plus de vérifications empiriques pour être accueillie sans réserves. Au demeurant, les écarts de rémunération des chercheurs, entre la France et l'Allemagne, paraissent, appréciés en moyenne, à l'avantage de la France. Ce n'est pas la rémunération par tête qui paraît différencier les deux pays mais le nombre des effectifs apparemment voués à la recherche 25 ( * ) .

Enfin et, peut-être surtout, au-delà de la fragilité des données, il existe des incertitudes sur l'efficacité de la recherche et développement.

Au demeurant, la similitude des progrès de la productivité générale des facteurs - faible dans les deux pays - n'incline pas à conclure à une sur-performance de l'Allemagne sur la France. En réalité, plutôt que de divergences en ce domaine c'est l'analogie des problèmes rencontrés qu'il faut soulever. À cet égard, l'un et l'autre pays paraissent éloignés de la « frontière technologique » et devraient faire davantage d'efforts pour s'en rapprocher.


* 23 Cet écart appelle sans doute quelques nuances puisqu'il provient probablement pour une part de l'application de règles d'imputation assez conventionnelles qui se combinent avec des différences dans les structures d'animation de la recherche.

* 24 Voir en particulier, le rapport d'information n° 442 (2007-2008) du 2 juillet 2008 - Délégation à la planification - Sénat « Enseignement supérieur : le défi des classements » à propos du classement de Shanghai.

* 25 Seul un examen soigneux de ces effectifs permettrait d'apprécier la réalité de cet écart.

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