II. LA ZONE EURO, UN AN APRÈS
A quelques mois du dixième anniversaire de l'introduction physique de la monnaie européenne, la crise de la dette souveraine affecte près d'un tiers des membres de la zone euro, confrontés à des difficultés croissantes pour accéder aux marchés (Espagne, Italie) ou mis sous assistance financière (Grèce, Irlande, Portugal).
La réponse formulée par l'Union européenne, il y a un an, face aux difficultés rencontrées par la Grèce puis l'Irlande et le Portugal a consisté en la mise en oeuvre de plans de sauvetages financiers de grande ampleur en coopération avec le Fonds monétaire international, conditionnés à l'adoption, par les pays concernés, de mesures d'austérité sans précédent.
Les difficultés que continue à rencontrer la Grèce viennent souligner la nécessité pour l'Union européenne d'aller plus loin et de dépasser le stade du règlement des difficultés financières. L'effet par nature récessif des mesures de rigueur adoptées à Athènes, mais aussi à Dublin et Lisbonne, dans le cadre des plans d'aide n'est pas de nature à rassurer définitivement les marchés financiers. Il s'agit bien là du paradoxe de l'intervention européenne qui tente de juguler le problème de liquidités mais fragilise toute relance rapide de l'économie.
A. DE L'AIDE EXCEPTIONNELLE À LA PÉRENNISATION DU MÉCANISME DE SOUTIEN
1. L'effet de contagion
Conçue pour stopper une contagion de la crise de la dette à d'autres pays de la zone périphérique, l'aide accordée à la Grèce n'aura pu empêcher un durcissement des conditions d'accès aux marchés financiers à l'endroit de l'Irlande et du Portugal, ainsi que, dans une moindre mesure, l'Espagne. Ces difficultés à se refinancer ont finalement conduit Dublin et Lisbonne à recourir à l'aide de l'Union européenne.
Comme le laissait entendre le rapport n° 249 de la
commission des affaires européennes du 19 janvier dernier, le Portugal
s'est vu contraint début avril de recourir au fonds de soutien de
l'Union européenne.
Une aide 78 milliards d'euros sur trois ans a ainsi été accordée à Lisbonne, dont les deux tiers seront financés par l'Union européenne et un tiers sera à la charge du FMI. Le taux d'intérêt concernant les fonds débloqués par l'Union européenne se situe entre 5,5 et 6 %, alors que celui retenu par le FMI devrait être plus faible, augmentant en fonction de la durée de l'échéance (entre 3,25 et 4,25 %). La maturité moyenne des prêts est évaluée à 7 ans et demi. Le programme d'aide repose sur trois conditions La première d'entre elles concerne l'assainissement des finances publiques, le déficit public devant être ramené à 5,9 % du PIB en 2011, 4,5 % en 2012 et 3 % en 2013, contre 8,6 % en 2010. Les efforts de consolidation budgétaire devraient, à cet égard, être équivalents à 10 % du PIB sur trois ans, financés aux deux tiers par des réductions budgétaires (réduction des pensions de retraites de plus de 1 500 euros mensuels, gel des autres pensions, gel des augmentations salariales dans la Fonction publique en 2012 et 2013) et pour le tiers restant, par une augmentation des recettes, notamment fiscales (suppression de déductions d'impôts sur le revenu et sur les bénéfices des sociétés, augmentation des taxes sur les voitures et le tabac). La compagnie Air Portugal, la division fret des chemins de fer portugais, les entreprises publiques du secteur énergétique (GALP, EDP,REN), de la communication ( Correios Portugal ) et des assurances ( Caixa seguros ) seront également privatisées. Dans le même temps, 12 milliards d'euros sont prévus pour recapitaliser le secteur bancaire. Des exigences en matière de capital propres seront portées à 9 % en 2010 et 10 % en 2012. Des réformes structurelles destinées à supprimer les rigidités observées, notamment, sur le marché du travail devront être entreprises. La réduction de la durée de versement des allocations-chômage de trois ans à dix-huit mois et la diminution des indemnités de licenciement de trente à dix jours par année travaillée est ainsi envisagée. Les autorités portugaises doivent, par ailleurs, encourager les investisseurs privés à maintenir leur exposition à la dette portugaise.
La victoire du parti social-démocrate aux
élections législatives du 6 juin dernier ne remet pas en
cause l'application de ce plan négocié entre la troïka et le
gouvernement socialiste sortant. Une première tranche de
18 milliards d'euros a ainsi pu être versée.
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Il convient, cependant, de souligner que chacune de ses crises a sa spécificité : explosion de la bulle immobilière en Irlande, laxisme budgétaire en Grèce et effondrement de la compétitivité portugaise. Il ne s'agit, dès lors, pas tant d'une crise de la zone euro que d'une crise des politiques économiques nationales. Les inquiétudes concernant l'Espagne et l'Italie sont, de leur côté, principalement liées à une interrogation sur leur aptitude à renouer durablement avec la croissance. De fait, la question de la contagion ne tient pas à la similarité des crises mais bien au climat de défiance vis-à-vis de la dette souveraine européenne des pays rencontrant le plus de difficultés économiques.
Les marchés développent désormais une crainte à l'égard de la dette souveraine européenne toute aussi irrationnelle que ne l'était la confiance d'avant la crise, à l'époque où la Grèce empruntait quasiment au même taux, au risque de différer des réformes structurelles indispensables. Désormais, le risque d'insolvabilité de l'un affecte directement le refinancement des autres. C'est en ce sens que la solidarité européenne doit continuer à jouer à plein, afin de restaurer la confiance des marchés.
C'est sous l'angle de l'effet de contagion que doit également être analysée l'hypothèse de toute restructuration, en Grèce comme ailleurs. Si en Amérique du Sud, la restructuration de la dette n'affectait qu'un seul État, elle ne toucherait pas seulement au sein de la zone euro l'État débiteur mais affecterait également indirectement les autres pays en difficulté, voire l'ensemble de la zone en dissuadant les établissements financiers d'investir dans la dette publique.