2. Les modalités d'évolution de l'archipel définies par l'accord de Nouméa
Les discussions pour l'élaboration d'un nouvel accord s'engagent dès 1995. Le FLNKS avait toutefois posé un préalable minier à la poursuite des négociations, afin de permettre la construction d'une usine métallurgique dans la province Nord, dans un objectif de rééquilibrage économique. La répartition des activités liées à l'exploitation du nickel connaissait en effet des disparités, l'activité métallurgique se concentrant au Sud, alors que le Nord restait limité à l'exploitation minière.
Après la signature, le 1 er février 1998, des accords de Bercy prévoyant un échange de massifs miniers entre les sociétés engagées dans l'exploitation du nickel, les négociations politiques reprennent et aboutissent à l'accord de Nouméa, signé par l'ensemble des partenaires le 5 mai 1998, lors de la visite du Premier ministre, M. Lionel Jospin 6 ( * ) .
Lors de la consultation du 8 novembre 1998, la population de l'archipel approuve largement cet accord, le « oui » recueillant 72 % des suffrages exprimés 7 ( * ) .
L'accord de Nouméa détermine pour une période transitoire de quinze à vingt ans l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, les modalités de son émancipation et les voies de son rééquilibrage économique et social.
Il prend en compte les spécificités du territoire, qui justifient d'importantes innovations institutionnelles et juridiques. Son préambule reconnaît « les ombres de la période coloniale » et affirme la nécessité de « poser les bases d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie », permettant « la refondation d'un contrat social entre toutes les communautés ».
Le document d'orientation, second volet de l'accord, prévoit ensuite un renforcement considérable des compétences de la Nouvelle-Calédonie, le transfert du pouvoir exécutif à un gouvernement collégial et la création d'un sénat coutumier.
La mise en oeuvre de plusieurs innovations juridiques prévues par l'accord, dérogeant à certains principes à valeur constitutionnelle, impliquait une révision de la Constitution.
Une telle révision était en particulier nécessaire pour permettre au congrès de la Nouvelle-Calédonie d'adopter des « lois du pays » susceptibles d'être déférées au Conseil constitutionnel avant leur promulgation et pour reconnaître une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Elle était également indispensable pour définir des restrictions au corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province et pour les consultations sur l'accession à la pleine souveraineté.
Le dispositif défini par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 a ainsi rétabli dans la Constitution un titre XIII intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie », comprenant les articles 76 et 77.
L'article 76 a permis l'organisation de la consultation tendant à l'approbation des dispositions de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 par un corps électoral restreint, défini par référence à la loi référendaire du 9 novembre 1988.
En effet, conformément au second alinéa de l'article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988, ont pu participer à la consultation du 8 novembre 1998 les personnes inscrites sur les listes électorales du territoire à la date de la consultation et qui y avaient leur domicile depuis la date du référendum approuvant la loi statutaire de 1988 8 ( * ) .
L'article 77 autorise le législateur organique à adopter des dispositions statutaires dérogeant à des principes à valeur constitutionnelle « pour assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies » par l'accord de Nouméa. Cet article consacre par conséquent :
- le caractère irréversible des transferts de compétences, impliquant un dessaisissement du législateur au fur et à mesure des transferts ;
- la possibilité pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie de prendre des actes de nature législative susceptibles d'être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel avant leur promulgation (les « lois du pays ») ;
- la reconnaissance d'une citoyenneté propre à la Nouvelle-Calédonie, fondant les restrictions apportées au corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province et, selon des modalités différentes, pour la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté à l'issue de la période transitoire de quinze à vingt ans ;
- la faculté pour la Nouvelle-Calédonie d'adopter des mesures spécifiques visant à limiter l'accès à l'emploi local ;
- la capacité, pour les personnes qui en ont perdu le bénéfice, d'accéder à nouveau au statut civil coutumier, par dérogation à l'article 75 de la Constitution.
La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle - Calédonie a par conséquent défini le statut de la collectivité dans le respect des orientations dérogatoires de l'accord de Nouméa.
* 6 Voir l'accord de Nouméa en annexe 2 du présent rapport.
* 7 Avec un taux de participation de 74 %.
* 8 Etaient en outre réputées avoir leur domicile sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, alors même qu'elles accomplissaient leur service national ou poursuivaient un cycle d'études ou de formation continue hors du territoire, les personnes qui avaient antérieurement leur domicile sur le territoire.