Contribution de Mme Nicole Borvo
Cohen-Seat,
sénatrice de Paris
Le rapport d'information du Sénat sur les conflits d'intérêts est un travail sérieux et approfondi. L'approche sans tabou de nombreuses questions relatives aux rapports entre l'argent et les parlementaires est à souligner.
Je suis en accord avec de nombreuses propositions : le plafonnement des rémunérations, la transparence en matière de libéralité et donations, l'instauration d'une incompatibilité entre le mandat parlementaire et la fonction de conseil, le principe d'une déclaration d'intérêts, principalement.
Cependant, mon approche de la notion de « conflit d'intérêts » diverge de celle adoptée par la majorité du groupe de travail.
Le fait d'écarter d'emblée la notion de conflit « apparent » et de ne considérer finalement le conflit d'intérêts que lorsqu'il est avéré dans un cas particulier, limite considérablement la portée d'une réglementation du conflit d'intérêts, qui à mon sens devrait être préventive.
Je suis en conséquence favorable à une extension des incompatibilités, ce qui n'a pas été retenu par le groupe de travail. On constate en effet que nombre de parlementaires sont dans des situations peu compatibles avec leur mandat. J'aurais souhaité que soit au moins retenue l'obligation de déport dans les cas avérés de conflits d'intérêts.
Pour ma part, je souhaitais une incompatibilité entre le mandat parlementaire et toute activité professionnelle, sauf dérogation expresse accordée par une autorité unique et indépendante de déontologie de la vie politique.
Troisième point de divergence : le maintien d'une autorité spécifique de déontologie dans chaque Assemblée.
Les conflits d'intérêts peuvent intervenir, sur le plan gouvernemental, au sein de la fonction publique, sur le plan parlementaire ou dans le cadre de fonction élective locale.
Aussi, pour garantir l'efficacité de la prévention, du contrôle et des sanctions des conflits d'intérêts, ainsi que pour tendre à une unité de traitement, n'aurait-il pas été souhaitable d'établir une autorité unique, indépendante, à l'image de l'autorité envisagée par M. Jean-Marc Sauvé dans son rapport remis au Président de la République ?
Comment ne pas craindre que le choix d'une autorité spécifique à chaque Assemblée ne soit interprété comme la volonté de rester « entre soi » ?
À cet éclatement des structures de contrôle des conflits d'intérêts, correspond logiquement la forte limitation de la publicité de la déclaration d'intérêts, innovation importante en elle-même, qui perd de sa force du fait du déficit de transparence annoncé.
Je me prononce pour la publication de la déclaration d'intérêts au Journal officiel et sur le site internet du Sénat.
Je propose également que cette déclaration soit annuelle, et non pas triennale, pour permettre son adaptation à l'évolution de l'actualité législative.
En outre, je regrette que ne soit prévue aucune sanction pénale, que ce soit au sujet de la déclaration d'intérêts (omissions, mensonges, etc...) ou des conflits d'intérêts eux-mêmes. Cette absence de sanction pénale dans ce domaine m'apparaît surprenant au regard du droit commun, et pour le moins contreproductive, si l'objectif est d'afficher une volonté de mettre un terme à des pratiques qui participent à discréditer l'action politique dans notre pays.
Par ailleurs, je ne partage pas l'idée que le Bureau reste le seul décideur en manière de sanction disciplinaire.
Cinq points principaux sont donc à l'origine de mon désaccord avec les recommandations du rapport :
- champ trop restrictif du conflit d'intérêts ;
- champ des incompatibilités toujours trop limité ;
- absence de publication des déclarations d'intérêts, même partielle ;
- instauration d'une autorité déontologique distincte selon les institutions concernées plutôt qu'une autorité unique et indépendante ;
- absence de sanctions pénales.
Enfin, je m'interroge sur l'absence de coordination entre le Sénat et l'Assemblée Nationale, cette dernière ayant déjà arrêté les décisions en matière de conflits d'intérêts lors de sa réunion du Bureau du 6 avril 2011.