B. UN ÉLÉMENT DÉTERMINANT DANS L'ÉMANCIPATION POLITIQUE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Outre son poids économique, le nickel a joué et joue encore un rôle majeur dans l'évolution politique de la Nouvelle-Calédonie .

1. Un projet d'usine dans le Nord déjà ancien
a) Une idée ancienne, dont la concrétisation a longtemps été repoussée

La volonté de voir se construire une usine dans le Nord de la Nouvelle-Calédonie est ancienne, puisque le général de Gaulle, en visite sur le territoire en 1966, l'évoquait déjà .

Pendant des années, les autorités du Nord ont demandé à l'opérateur public historique, Eramet, actionnaire de l'usine historique de production de nickel à Nouméa, la SLN, de construire cette usine. Pour des raisons économiques, le groupe français n'a pas souhaité se lancer dans un projet de cette ampleur. Comme le relevait notre collègue Henri Torre dans son rapport précité, il « faut de plus compter avec l'opposition, réelle ou supposée, de la SLN, qui a refusé pendant toute cette période de se lancer dans la construction d'un second pôle en Nouvelle-Calédonie. Cette attitude qui n'a peut-être pas été suffisamment expliquée et dont, encore une fois, il est difficile de déterminer la réalité, a été très fortement ressentie par le peuple calédonien, et [...] constitue aujourd'hui encore un problème pour la SLN ».

En effet, la construction d'une usine de nickel dans le Nord de la Nouvelle-Calédonie ne répond pas seulement à l'objectif économique d'un rééquilibrage du territoire entre un Sud développé un Nord qui souffre de la faiblesse de ses activités économiques. Elle répond également à un objectif politique, le Nord étant majoritairement peuplé par les kanak, habitants d'origine mélanésienne de la Nouvelle-Calédonie .

Le refus d'un engagement sur la réalisation de l'usine du Nord a alimenté, pendant cette période, et comme l'avait évoqué notre collègue Roland du Luart lors de son déplacement en 1996, le thème de la « richesse volée » des terres kanak.

b) Les principes posés par les accords de Matignon-Oudinot

La relance du projet de construction d'une usine dans le Nord du territoire résulte de la signature des accords de Matignon-Oudinot, le 26 juin 1988, à la suite du conflit opposant les loyalistes et les indépendantistes .

Le texte n° 1 des accords, « La condition d'une paix durable - L'Etat impartial et au service de tous », affirme ainsi la nécessité d'un rééquilibrage économique entre le Nord et le Sud de la Nouvelle-Calédonie. Il énonce que « l'ouverture d'une perspective nouvelle pour la Nouvelle-Calédonie, garantissant une paix durable fondée sur la coexistence et le dialogue, fondée également sur la reconnaissance commune de l'identité et de la dignité de chacune des communautés présentes sur le Territoire, reposant sur un développement économique, social et culturel équilibré de l'ensemble du Territoire , sur la formation et la prise de responsabilités de l'ensemble des communautés humaines qui le peuplent, appelle dans un premier temps, limité à douze mois, le renforcement des pouvoirs de l'Etat ».

2. Le protocole de Bercy
a) Un accord sur le nickel en préalable à la signature de l'accord de Nouméa

Le processus d'autonomisation de la Nouvelle-Calédonie s'est poursuivi postérieurement aux accords de Matignon-Oudinot.

C'est en 1996 que le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) érige en préalable aux discussions sur l'avenir du territoire la réaffectation de certains gisements au profit d'un projet d'usine dans le nord de l'île . En effet, afin de rendre viable un projet d'usine dans le nord du territoire, la première nécessité est de mettre à sa disposition certains gisements de nickel qui s'y trouvent et qui alimenteront la future usine.

C'est dans la perspective de ce rééquilibrage qu'a été signé, le 1 er février 1998, le protocole de Bercy, en préalable à la signature de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 .

b) Le contenu du protocole

Le protocole de Bercy prévoyait le développement et la réalisation d'une usine métallurgique dans la province Nord, sur la base d'un échange de gisements entre la SLN et la SMSP (Société Minière du Sud Pacifique, majoritairement détenue par la province Nord) .

Cet échange était subordonné à une condition suspensive : engager de façon ferme la réalisation de l'usine du Nord avant le 1 er janvier 2006.

Pour ce faire, un partenariat devait être noué entre la SMSP et un opérateur minier et métallurgique présentant les capacités techniques et financières nécessaires et approuvé par les signataires. C'est la société canadienne Falconbridge qui a été choisie à ce titre.

Le cadre des accords de cession des gisements, remis à une « Entité » constituée à Jersey et garante de l'application de la condition suspensive, et du partenariat industriel était également fixé dans l'accord de Bercy. Celui-ci prévoyait notamment les obligations du partenaire industriel, en particulier pour les études de faisabilité, l'engagement ferme de construire l'usine du Nord et le financement du projet, l'obligation de traiter le minerai du gisement de Koniambo dans l'usine du Nord et l'interdiction de nantir les titres miniers ou les parts de la société d'exploitation avant la mise en exploitation de la mine et de l'usine du Nord.

3. Un enjeu politique qui demeure majeur

Votre rapporteur spécial a pu constater, lors des différentes auditions qu'il a menées au cours de son déplacement, que la question du nickel et de son utilisation comme outil de rééquilibrage du territoire reste essentielle dans les débats politiques en Nouvelle-Calédonie .

C'est d'ailleurs le Président du Gouvernement qui, outre la détention individuelle d'un pouvoir de direction et de décision au sein du gouvernement collégial, est chargé d'animer et de contrôler le secteur des mines , de l'énergie et du transport aérien international. Le nickel fait donc directement partie des prérogatives du Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

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