Audition du Préfet honoraire Gabriel AUBERT, le 8 juin 2010
Le Préfet Gabriel Aubert est l'auteur du rapport « Les réserves de sécurité nationale » rendu sur la question des réserves civiles et militaires en avril 2009 au titre d'une mission de service public relevant du gouvernement.
Le préfet Gabriel Aubert a d'abord évoqué l'utilisation des réserves communales de sécurité civile en temps de crise.
En s'appuyant sur les exemples des tempêtes Xynthia et Klaus, il a soulevé deux questions : que faire face à de telles catastrophes et à qui s'adresser ? Il a souligné que les forces de protection civiles étaient les premières concernées, éventuellement aidées par les forces armées en tant que de besoin. Il a fait observer que les réserves militaires opérationnelles n'avaient vocation à intervenir que de façon marginale dans de telles situations car ces crises étaient d'ordre civil.
De même, il a rappelé que dans le cadre de la gestion des crises, les sapeurs-pompiers intervenaient en exigeant de ne faire que leur métier, c'est-à-dire le secours. Le préfet a souligné que les services de secours se heurtaient souvent au fait qu'on leur demandait d'assurer, au-delà du coeur de leur métier, le soutien de la population et le retour à la vie normale, au risque de compromettre leur disponibilité opérationnelle.
Il a estimé que ces missions pouvaient être assurées par les réserves communales de sécurité civile. Il a souligné que ces réserves devraient jouer un rôle croissant dans la gestion de crise et en particulier dans la période qui s'ouvre après la phase initiale de la crise où il faut aider les populations à retrouver une vie normale.
Il a ensuite souhaité rappeler l'historique des différentes réserves civiles : en 2003 la réserve civile de la police nationale a été mise en place ; en 2004 les réserves communales de sécurité civile ; en 2007 le corps de réserve sanitaire ; et enfin en 2008, il y a eu le projet de loi de création de la réserve pénitentiaire.
Concernant plus particulièrement les réserves communales, il a donné l'exemple de Valréas, commune confrontée à des risques d'inondation récurrents. La conclusion tirée localement à la suite des différentes inondations subies, notamment celle de 1993, est la nécessité d'une section de réservistes communaux capables d'aider la commune à faire face aux conséquences de ces inondations. La réserve communale a donc été créée en 2005 pour mieux organiser la solidarité en cas de crise majeure. Il a insisté sur le fait que ces réserves sont des soutiens de proximité. Les objectifs de celles-ci sont multiples: l'aide technique pour le transport et le nettoyage, l'assistance aux personnes, le transport de denrées, mais également l'aide administrative. Ces réserves nécessitent donc, comme a insisté M. Aubert, aussi bien du matériel que du personnel apte selon le cas aux travaux manuels, aux interventions techniques ou au soutien administratif. Il a indiqué qu'au sein de cette réserve une section de déménageurs avait été créée pour transporter des meubles.
Il a fait remarquer qu'une des difficultés que rencontraient les mairies pour animer ces réserves était qu'elles étaient uniquement conçues comme des outils de gestion de crise et n'exerçaient pas ou peu d'activité entre les périodes de crise. Il a indiqué que si de manière générale, ces réserves se créaient dans les communes exposées et ayant connu des catastrophes, celles-ci n'étaient heureusement pas si fréquentes. Il a souligné que cette ambiance d'attente qui s'apparentait à celle des militaires du désert des tartares de Dino Buzzati n'était pas propice à la fidélisation des réservistes et à l'efficacité de leurs interventions en situation de crise. Il a émis à cet égard l'idée que les réservistes communaux pourraient et devraient intervenir dans les situations de crise au-delà des frontières de leur propre commune.
Comme l'a rappelé M. Aubert, les réservistes communaux ne sont pas rémunérés, alors que les réservistes militaires le sont au prorata du nombre de jours passés sous les drapeaux. Les autres réservistes civils sont quant à eux rémunérés.
Il a ensuite rappelé quelques chiffres : en 2009, 200 réserves communales existaient. Actuellement, seules 1300 communes ont établi un plan communal de sauvegarde pour plus de 10 000 communes exposées à des risques naturels. L'effectif moyen d'une réserve communale est de 22 réservistes. Si chaque commune exposée à des risques naturels avait une réserve cela constituerait une force d'appoint de plus de 220 000 personnes. Même si ces réserves n'étaient créées que dans un dixième des communes concernées, cela ferait 22 000 réservistes.
Deux situations nécessitent l'intervention spécifique de ces réserves, à savoir les inondations et les feux de forêts. Concernant les inondations, le préfet s'est appuyé sur un exemple donné dans son rapport : la ville d'Avignon exposée aux crues. La ville a créé en 2005 une réserve communale pour les îles Barthelasse et Piot. Les réservistes habitent les îles ; par conséquent ils connaissent parfaitement le terrain, et ainsi sont plus efficaces.
En outre, il a insisté sur le fait qu'il serait souhaitable que dans le respect des prérogatives des collectivités territoriales, ces réserves fassent l'objet d'une coordination et d'une animation au niveau de la zone de défense et de sécurité. En effet, sur l'ensemble des communes, il convient de favoriser l'émergence de réserves dans les communes les plus exposées et disposant d'une taille suffisante pour animer cette réserve. A partir de là un réseau de réserves communales au sein de chaque zone pourrait jouer un rôle important en matière de protection civile.
S'agissant de l'accompagnement de l'Etat, M. Aubert a souligné qu'il n'y a pas eu de volonté suffisamment forte pour faire avancer ce dispositif. En effet, comme souligné dans le rapport, les maires dotés d'une réserve expriment le sentiment que ces réserves n'ont pas bénéficié d'un accompagnement significatif de l'Etat. Il a estimé que si l'on veut voir fonctionner ce système, l'Etat doit se mobiliser.
M. Aubert s'est par ailleurs prononcé pour une rémunération de ces réservistes afin d'en assurer le recrutement.
En ce qui concerne les liens entre réserves communales et fonction Publique territoriale, la question a été posée de savoir si les fonctionnaires communaux ont vocation à obligatoirement intégrer ces réserves. A cet égard, M. Aubert a cité l'exemple d'Issy les Moulineaux.
A l'occasion d'une crise réelle, la ville s'est rendue compte qu'elle ne disposait pas d'un nombre suffisant de personnes pour bien gérer la situation. Elle a donc créé une réserve en limitant l'accès de celle-ci à ses agents ou anciens agents municipaux, le but étant de disposer d'une organisation déjà effective et hiérarchisée. Cette situation est certes contraire au principe d'ouverture des réserves à l'ensemble de la société civile que le préfet souhaite promouvoir par ailleurs, mais permet aux maires de disposer, au-delà du système d'astreintes, d'un instrument pour faire face aux crises, notamment les jours fériés.
M. Aubert a émis l'idée d'un double « vivier » au sein de ces réserves communales, c'est-à-dire l'un composé de professionnels et l'autre de citoyens volontaires. Le premier étant celui d'interventions, constitué par les membres du personnel communal volontaires, le deuxième étant celui de renfort composé de personnes issues de la société civile encadrées, le cas échéant, par des réservistes de premier niveau. Un système de double niveau existe, pour d'autres raisons, du côté des réserves militaires opérationnelles de la loi de 2006. Celles-ci sont divisées en deux : le premier niveau ne regroupe que les volontaires ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle. Le second, regroupe les anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité.
Le maillage du territoire est également un point important du débat sur les réserves communales. M. Aubert a affirmé que si ces réserves sont bien réparties entre les villes, alors elles doivent pouvoir intervenir dans tout le département voire dans le périmètre de la zone de défense et de sécurité. La question du dédommagement des villes qui apporteraient à d'autres territoires le concours de leurs réservistes a été soulevée, le défraiement par l'Etat des communes concernées étant l'une des solutions avancées.
La mise en place de ces réserves communales correspond à l'institutionnalisation d'une situation de fait. En effet, en s'appuyant sur des exemples concrets tels que les tempêtes Xynthia ou Klaus, on constate que la description donnée par M. Aubert se fait presque naturellement en pratique. Lors de crises, les volontaires ne manquent pas à l'appel, le problème étant de gérer ces volontaires et de leur donner les moyens d'agir efficacement.
Dans ces situations de crise, le maire est responsable de l'évaluation de la situation et du soutien à apporter aux populations. Or, il n'est pas toujours en mesure de répondre, faute de préparation et d'encadrement. Les réserves communales pourraient constituer à cet égard une réponse juridique et pratique adaptée.
M. Aubert a souligné combien l'encouragement des initiatives individuelles et communales était essentiel au fonctionnement de ces réserves. Il a insisté sur l'importance de la relation triangulaire entre l'employeur, civil, le salarié réserviste et la réserve. Du côté des militaires, il existe un partenariat avec les entreprises qui s'organise avec conseil supérieur de la réserve militaire : le comité de liaison réserves-entreprises. Le développement de ce partenariat est crucial pour s'assurer de la disponibilité des réservistes et limiter le phénomène de dissimilation aux yeux de l'employeur de leur appartenance à la réserve. Au niveau communal, l'encouragement doit passer également par des dédommagements.
En conclusion, M. Aubert a insisté sur l'intérêt de ces réserves en cas de crise. Celles-ci offrent une marge de manoeuvre aux communes concernées.
Il a concédé que le bilan actuel de ces réserves était cependant mitigé compte tenu du faible nombre de communes ayant mis en place ce système. Il a estimé que les maires ont besoin d'un accompagnement de l'Etat, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement. L'effort doit porter sur les communes de taille significative où la probabilité de réalisation des risques est importante.
Il a préconisé de reprendre certaines des propositions présentes dans son rapport par exemple la création d'un lien juridique entre le plan communal de sauvegarde et la réserve communale. Il émet également l'idée de créer un lien entre réserves communales et associations agréées de sécurité civiles et souhaite intégrer dans les réserves les Comités communaux feux de forêts présents en nombre sur le territoire.