Audition du général de brigade aérienne Pascal HAMET, Délégué aux réserves opérationnelles de l'Armée de l'air, le 7 avril 2010
Le général Hamet a tout d'abord indiqué que la réserve de l'armée de l'air demeurait dans une phase de montée en puissance et possédait ainsi une marge de progression importante.
La réserve opérationnelle de l'armée de l'air compte actuellement 5 200 volontaires, les objectifs fixés en 2003 ont été atteints à 70 %. Il a signalé que la cible d'effectif à l'horizon 2015 avait été revue à la baisse en passant de 8 200 à 6 400 réservistes ayant souscrit l'Engagement à Servir dans la Réserve (ESR). Il a ajouté qu'il fallait continuer à recruter des réservistes dans des secteurs et des métiers dont l'armée de l'air avait besoin. Il a signalé qu'en termes de répartition des ESR par origine de recrutement, l'équilibre anciens militaires d'active-issus du civil était presque atteint dans la réserve de l'armée de l'air.
L'activité moyenne annuelle d'un réserviste opérationnel de l'armée de l'air se situe légèrement au-delà de 25 jours, ce qui est supérieur à la moyenne de la réserve militaire en général. Les activités plus soutenues (60 jours et plus) sont souvent des activités qui s'inscrivent dans la durée comme des actions de soutien à des unités en pic d'activité, ou bien des réservistes (20 à 25 chaque année) projetés en OPEX pour 60 à 150 jours.
Il a signalé qu'il existait également des sections aériennes de réserve de l'armée de l'air (SARAA), composées de trois quarts de réservistes avec une qualification de pilote, et un quart avec une qualification technique. Avec 250 réservistes, ces sections ne représentent que 5 % des effectifs totaux de la réserve opérationnelle volontaire de l'armée de l'air. Ces sections participent à l'entraînement des forces aériennes à la posture permanente de sûreté (PPS) par des simulations d'arraisonnement d'aéronefs, et effectuent entre 25 et 40 jours d'activité au titre de la réserve chaque année.
La réserve de l'armée de l'air constitue un renfort multifonctionnel : elle accueille des hommes et des femmes qui peuvent embrasser la palette complète des métiers de l'armée, de la protection jusqu'à l'intégration dans des unités de dissuasion. Les réservistes sont des compléments individuels des effectifs de l'active, qui ont vocation à intervenir en renfort de compétence et d'effectif.
L'armée de l'air ne dispose pas d'unités composées exclusivement de réservistes et gérées de façon autonome. Comme les SARAA, seuls les centres d'instruction et d'information des réserves (CIIRAA), présents sur chaque base, sont encadrés exclusivement par des réservistes (de 5 à 8 réservistes selon la taille du centre et de la base). Ces centres ont pour mission d'informer les réservistes et de les accompagner dans leur parcours professionnel en leur dispensant une partie de leur formation, mais aussi de tenir l'ensemble de la réserve (opérationnelle et citoyenne) et les associations de réservistes informés des activités de la réserve et de contribuer à tisser un lien entre la société civile et son armée. Ils forment également les militaires du rang puisque la formation initiale du réserviste, dispensée pendant une période dénommée FMIR, comprend des modules communs à la formation des militaires du rang. Cette formation initiale du réserviste constitue un socle de référence à la formation ou la remise à niveau d'un militaire du rang étalée tout au long de l'année.
Le programme de la FMIR, destiné à faire découvrir et connaître l'armée de l'air à de jeunes volontaires, principalement d'âge scolaire (17 à 20 ans) est le même pour tous les réservistes, quel que soit le niveau d'études et de qualification. Dans les modules qui composent la formation initiale, le général Hamet a précisé que la gestion de crise n'était pas évoquée en tant que telle. Toutefois, il a estimé qu'elle pourrait être intégrée dans le volet citoyenneté et esprit de défense de la formation. Un bloc de 15 jours structure la formation, préférentiellement pendant les vacances scolaires, puis les nouveaux réservistes effectuent 2 à 3 semaines de découverte des missions de l'armée de l'air dans une unité de l'active.
Il a indiqué que si, à l'issue de ce processus de formation et découverte, le réserviste souhaitait poursuivre son engagement, un ESR était souscrit lorsqu'un poste se libérait. Plus d'un tiers des réservistes en formation initiale s'engagent dans la réserve à l'issue du premier contrat d'un an, consacré à la formation et à la découverte de l'activité de réserviste. Pour ce premier contrat et les jours de formation, les réservistes sont rémunérés au tarif de militaire du rang (soit environ 50 euros par jour).
Le délégué aux réserves de l'armée de l'air a apporté quelques précisions concernant les effectifs intégrés par la voie de la FMIR. En 2009, 40 % des réservistes FMIR de l'année 2008 sont restés dans la réserve, alors qu'auparavant ce taux était en moyenne de 25 %. En outre, si l'on considère une période de 4 années, à la fin il ne reste plus que 10 à 15 % des réservistes recensés au début de la période.
Le recrutement du réserviste se fait essentiellement par le bouche à oreilles au niveau local, sous autorité des commandants de bases, dans des zones à proximité des emprises de l'armée de l'air. Le général Hamet a signalé qu'il faudra élargir les méthodes de recrutement en raison de la restructuration des bases et de la volonté d'accroître la proportion de personnel issu de la société civile.
Le délégué aux réserves de l'armée de l'air a ensuite indiqué que les plans d'armement de la réserve correspondaient aux référentiels d'organisation. Ils constituent « une sorte de fichier de réservistes ». Les plans d'armement sont construits par « gestion », c'est-à-dire par « grand employeur » dans une famille de métiers : la direction des ressources humaines possède sa propre gestion, de même que le commandement du soutien des forces aériennes, etc.
Le général Hamet a ensuite évoqué la gestion de crise dans le cadre du scénario H3 et l'utilisation de la réserve dans ce type de situation. Pour contribuer à la réalisation des contrats opérationnels permettant de répondre aux différents scénarios, l'essentiel est de constituer un vivier de réservistes préparés à l'éventualité de ce scénario H3, le plus dimensionnant pour les forces. Notamment, une crise sur le territoire national nécessiterait le déploiement d'environ 10 000 hommes pour une mission de protection ou d'intervention et une intervention hors du territoire nécessiterait un engagement conséquent de forces en opération. Pour l'armée de l'air, le délégué a indiqué que la réserve opérationnelle permettrait de tenir dans la durée et que dans ce cas, il s'agirait d'être vigilant sur le renfort des unités navigantes, sur la protection des bases, sur l'armement des états-majors, en particulier des structures de gestion de crise tels les centres d'opérations.
L'emploi de la réserve s'inscrit parfaitement dans le cadre de ce renfort des forces d'active engagées en opérations : elle constitue un vivier de personnel en vue du soutien de la gestion d'une crise. Toutefois, même dans le cadre du scénario H3, les dispositifs de convocation actuels ne permettent pas de mobiliser de manière obligatoire tous les réservistes. Selon le délégué aux réserves de l'armée de l'air, en pratique, seul un dispositif législatif fort (réquisition, mobilisation) permettrait de mobiliser un maximum de réservistes opérationnels en cas de scénario critique. Néanmoins, l'essentiel est de disposer d'un vivier de réservistes préparés et entrainés dans lequel l'armée peut puiser pour renforcer ses dispositifs.
Le délégué a indiqué que le plan « Vigipirate » était consommateur de réservistes, mais aucun réserviste n'est impliqué exclusivement dans ce plan. Les réservistes sont simplement intégrés dans le dispositif en renfort des militaires de l'active et selon les besoins en effectifs.
Les Livres blancs de 1994 et 2008 évoquent tous les deux le besoin d'une réserve professionnalisée et resserrée de 500 000 hommes en 1994, et 80 000 hommes en 2008. Le calcul du format de la réserve repose, pour répondre à un besoin d'emploi, a précisé le général Hamet, non pas sur un seul raisonnement en termes d'effectifs mais également en termes d'activité : c'est au travers de l'activité moyenne annuelle d'un réserviste que l'on mesure sa contribution à la mission des forces et que l'on s'assure de son entrainement et de son aptitude. De plus, étant donné le contexte de réduction du format de l'armée d'active et des ses implantations, on réduit aussi les capacités d'accueil, de formation et d'encadrement des réservistes. Sans s'inscrire dans un processus homothétique, l'évolution du format de la réserve a un lien avec celle du format de l'active.
Le général Hamet a signalé que l'armée de l'air disposait des coordonnées des réservistes opérationnels « disponibles » (réserve opérationnelle de niveau 2), qui sont au nombre de 16 000. Il a précisé que 1 060 disponibles sont également sous ESR et font donc partie de la réserve opérationnelle volontaire de niveau 1. Avant 2005, le bureau des archives des réserves de l'armée de l'air recevait les dossiers des retraités de l'active. Mais c'est désormais chaque base d'affectation des anciens militaires qui conserve leurs coordonnées pendant les 5 ans de disponibilité. Souvent, la dernière affectation du militaire constitue le lieu de repli, ce qui garantit une certaine stabilité dans le suivi des adresses.
Par ailleurs, depuis le début de l'année 2010, l'armée de l'air a demandé aux anciens militaires d'inscrire leur adresse internet sur la fiche individuelle afin que l'armée de l'air puisse envoyer des mails groupés aux disponibles et assurer leur suivi.
En outre, dans la pratique, le disponible ne répond pas toujours aux convocations ou ne se présente pas aux rappels, très rarement effectués. Toutefois, un rappel, même de courte durée, pourrait être utile, a estimé le général Hamet. Une convocation à revenir une fois par an pour servir dans la réserve permettrait ne serait-ce que d'effectuer un contrôle d'aptitude et un examen médical. Toutefois, la charge administrative et « médicale » induite ne milite pas pour une généralisation de cette pratique.
Le général Hamet a enfin évoqué le symposium air international des réserves (IARS) qui permet à différents pays de confronter leur expérience en matière de système de réserve militaire. En 2009, ce forum s'est tenu au Canada, sur le thème du positionnement de l'entreprise par rapport à la réserve. Il a indiqué que lors de ces forums on peut y mesurer le grand écart dans la notion et la conception de la réserve dans les différents pays. Par exemple, la réserve américaine est beaucoup plus autonome en fonctionnement et en équipement et donc plus active et développée. L'activité de ses réservistes s'apparente à un travail à mi-temps, voire à plein temps (Garde nationale) En Italie, la réserve militaire est encore à l'état embryonnaire.
De plus, chaque année, une base aérienne en France accueille l'évènement «Air Raid». Il s'agit d'un exercice inscrit dans le Livre bleu des exercices et entrainements majeurs de l'armée de l'air, qui se déroule sur 4 jours. C'est un rassemblement de 500 à 600 personnes, dont la moitié regroupée dans environ 60 équipes qui doivent accueillir au moins 2 réservistes dans leur effectif. Les pays alliés et les autres corps d'armée sont invités à participer à cet événement.
Enfin, le délégué aux réserves a fait remarquer que plusieurs réservistes étaient employés dans des métiers spécifiques dans les secteurs de la sécurité et du secours (pompiers, personnels de santé...). Selon ses estimations, à exploiter avec prudence puisqu'obtenus par sondage d'un échantillon de seulement une centaine de réservistes, 8 % des réservistes volontaires pourraient être mobilisés ou impliqués en cas de crise au titre de leur profession. Il a indiqué qu'il serait souhaitable de mettre en place un dispositif qui permette d'identifier ces personnes dans le but d'éviter les doublons. Pour conclure, il a rappelé que tout réserviste, complément individuel intégré dans des unités d'active, peut contribuer aux actions en faveur du traitement d'une crise, par un engagement exclusif en renfort des forces d'active.