3. Un développement encore limité
a) La timide montée en puissance des effectifs de la réserve communale de sécurité civile
Au 19 août 2009, 245 réserves communales étaient recensées et 306 étaient en projet. Au total, on compte 2 109 réservistes communaux de sécurité civile. On compte en moyenne 22 réservistes par réserve communale.
Selon M. Jean BENET 81 ( * ) , sous directeur des sapeurs-pompiers et des acteurs du secours au ministère de l'intérieur, ces communes représentent 3 millions de personnes. Toutefois, si l'on ne compte pas Paris, on tombe à moins de 1,5 million de personnes concernées.
On observe que la réserve communale de sécurité civile est souvent composée des élus du conseil municipal. Cela illustre sans doute la difficulté pour ce dispositif de mobiliser l'ensemble des citoyens. Or, ce n'est pas une situation optimale puisque les conseillers municipaux sont déjà largement sollicités, en raison de leur fonction, en cas de crise.
b) Pourtant, une activité qui concerne beaucoup de communes et de citoyens
On est donc loin des 10 000 communes concernées par un plan communal de sauvegarde, c'est-à-dire potentiellement exposées à des catastrophes naturelles. Or c'était là la cible : constituer dans les communes particulièrement exposées des forces d'appoint pour aider les services de secours et les services communaux à faire face aux conséquences d'une inondation, d'une tempête ou d'un incendie.
Sans doute la cible était elle en réalité plus limitée. Puisque certaines réserves communales sont créées par une intercommunalité et que leurs missions touchent des communes proches géographiquement, le corps de réserve communale devrait concerner environ 4 000 communes de taille variable.
Paris a créé une réserve communale. Pour le reste, il s'agit de communes plus réduites, comme Toulon (166 000 habitants), Issy-les-Moulineaux (62 000 habitants) ou Rueil-Malmaison (78 000 habitants) et Vénissieux (57 000 habitants).
c) Un budget variable
Il existe deux types de dispositifs budgétaires concernant les réserves communales :
- cadre minimal (fourniture de brassards) ;
- cadre élargi (création d'un service de réserve communale comme c'est le cas à Rueil-Malmaison).
4. Une réserve qui a du mal à trouver sa place
Le bilan des réserves communales apparaît donc mitigé en raison du faible nombre de réserves créées. On a longtemps imputé ces débuts timides à la jeunesse du dispositif. Mais force est de constater, 6 ans après leur création par la loi, que le dispositif n'a toujours pas pris pleinement la place qui lui revient dans le cadre de la protection civile.
Dans de nombreux départements, constat est fait d'une totale absence ou d'une présence exceptionnelle de la mise en place de réserves communales de sécurité.
Comment expliquer cette situation ?
La faiblesse des moyens humains et techniques dans les petites communes, ainsi que la tendance de certains élus à considérer que la sécurité est de la seule responsabilité de l'Etat, peuvent en partie expliquer ce manque de succès du dispositif, malgré les actions de sensibilisation conduites par les préfets.
La deuxième raison tient, semble-t-il, à la définition du champ de compétence de la réserve communale.
Le Préfet honoraire Gabriel Aubert, auteur du rapport « Les réserves de sécurité nationale », rendu en avril 2009, sur la question des réserves civiles et militaires, a évoqué devant la mission, en premier lieu, la doctrine d'emploi de ces réserves.
Il a fait remarquer qu'une des difficultés que rencontraient les mairies pour animer ces réserves était qu'elles étaient uniquement conçues comme des outils de gestion de crise et n'avaient pas d'activité entre les périodes de crise. Elles sont, aux termes de la loi, dédiées exclusivement aux interventions en situation de crise. « Cette spécificité peut-être démotivante, les réservistes étant placés en situation d'attente d'une hypothétique catastrophe, sans pouvoir exercer une activité régulière au titre de la réserve comme le font les réservistes militaires, gendarmes ou policiers. » a-t-il souligné.
Il a indiqué que si, de manière générale, ces réserves se créaient dans les communes les plus exposées aux risques, les catastrophes n'étaient heureusement pas si fréquentes à l'échelle d'une même commune. Il a souligné que cette ambiance d'attente, qu'il a comparée à celle des militaires du « désert des tartares » de Dino Buzzati, n'était pas propice à la fidélisation et à l'efficacité opérationnelle des réservistes.
Il serait, de ce point de vue, souhaitable que les réserves communales puissent intervenir au-delà des frontières de leur propre commune afin de mutualiser les efforts entre communes et d'accroître l'activité de ces réserves qui devraient également pouvoir avoir une activité régulière, ne serait-ce que de formation.
La troisième raison est le caractère bénévole de l'activité des réservistes communaux. Le préfet Jean AMBROGGIANI, auteur d'un rapport sur l'effort de mise en cohérence des réserves civiles et militaires, remis à Mme Bernadette MALGORN, Secrétaire général du ministère de l'intérieur, souligne ainsi que le caractère bénévole du réserviste communal est un frein à son recrutement : « La transposition du concept de réserve issu du monde militaire à la société civile n'a rien de spontané et nécessite une appropriation culturelle que ne facilite pas entre autre le recours au bénévolat, dès lors que les autres formes de réserve et le service civil volontaire bénéficient d'une rémunération » 82 ( * ) .
La quatrième raison est liée à l'articulation entre les réserves communales et les pompiers volontaires. Si la vocation de chacun est assez clairement établie, les pompiers se concentrant sur les secours, ils sont en concurrence pour recruter localement des volontaires. Or nombre de communes connaissent aujourd'hui des difficultés pour recruter et fidéliser les pompiers volontaires, en particulier dans les zones rurales.
Comme l'a souligné M. Jean BENET, sous-directeur des sapeurs-pompiers et des acteurs du secours au ministère de l'intérieur, devant la mission, « ces difficultés reflètent un problème sociétal plus profond illustrant les difficultés des jeunes générations à s'engager dans la durée. Les anciens sapeurs-pompiers étaient volontaires pour une durée de vingt ans en moyenne contre 7 à 8 ans en moyenne actuellement. »
Dès lors, certains maires hésitent à créer des réserves communales de peur de fragiliser le recrutement des SDIC, qui eux-mêmes freinent la constitution de ces réserves. Ainsi certains interlocuteurs ont indiqué qu'on sentait « les préfectures soucieuses de ne pas gêner les SDIC par une politique trop volontariste de mise en oeuvre ou de promotion des réserves communales. ». Il est d'ailleurs significatif que, dans les documents sur les réserves communales émanant des préfectures à l'adresse des élus locaux, il soit dit que : « la réserve communale doit agir dans le seul champ des compétences communales. Elle ne doit pas se substituer ou concurrencer les services publics de secours et d'urgence ou les associations de sécurité civile, caritatives, humanitaires ou d'entraide. » 83 ( * )
S'agissant enfin de l'accompagnement de l'Etat, la mission a le sentiment, partagé par de nombreux interlocuteurs, qu'il n'y a pas eu de volonté suffisamment forte pour faire avancer ce dispositif. Les maires dotés d'une réserve expriment le sentiment que ces réserves n'ont pas bénéficié d'un accompagnement significatif de l'Etat.
A l'inverse, l'administration du ministère de l'intérieur semble considérer que ces réserves pourront être intégrées dans la planification des crises et recevoir une aide des pouvoirs publics quand elles auront fait leurs preuves. Ainsi, dans une réponse à un questionnaire de la mission, le Directeur de la Planification de Sécurité Nationale, Haut Fonctionnaire de Défense Adjoint, le Préfet Yann JOUNOT, a estimé que « Ces réserves sont de création récente. Lorsqu'elles pourront être recensées de façon fiable, identifiées et, le cas échéant, qu'elles auront montré leur utilité, elles seront intégrées dans les différentes planifications (plans communaux de sauvegarde, planifications départementales ou zonales) et deviendront un outil nécessaire de la gestion de crise majeure » 84 ( * ) .
* 81 Cf Audition de M. Jean BENET, sous directeur des sapeurs pompiers et des acteurs du secours en présence du colonel Pierre LAVILLAUREIX, le 6 juillet 2010, annexe 1 page 315
* 82 « Effort de mise en cohérence des réserves civiles et militaires », rapport du Préfet Jean Ambroggiani remis à Mme Bernadette Malgorn, Secrétaire général du ministère de l'intérieur 2009.
* 83 Les réserves communales de sécurité civile, document de la DSC
* 84 Réponses en complément de l'audition du Haut fonctionnaire de défense du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, par les deux rapporteurs de la mission sur le rôle des réserves dans la gestion de crise, le 31 mars 2010.