B. LA STRUCTURATION DE LA RECHERCHE AUTOUR D'ENSEMBLES AYANT UNE RÉELLE MASSE CRITIQUE
1. La mutualisation des infrastructures
Les sciences du vivant ont recours à des technologies de plus en plus perfectionnées, nécessitant des équipements de pointe dont les coûts sont particulièrement élevés.
Compte tenu du caractère limité des budgets pour financer ce genre d'équipements, ils doivent faire l'objet d'une mutualisation. C'est ainsi que s'est imposé le concept de « plate-forme » qui consiste à regrouper sur un même site des équipements et des moyens humains destinés à offrir à une communauté d'utilisateurs des ressources technologiques de haut niveau.
Les plates-formes sont ouvertes aux équipes du site, mais aussi aux expérimentateurs extérieurs, quel que soit leur rattachement (organismes publics, entreprises...).
Les plates-formes obéissent à de grandes thématiques. Il existe désormais un label national : les plateformes « Infrastructures Biologie, Santé et Agronomie » (IBiSA).
a) Exemple de mutualisation des infrastructures : les plateaux et plateformes protéomiques de l'INRA
La protéomique s'est fortement développée ces dernières années grâce, d'une part, aux progrès de la spectrométrie de masse et, d'autre part, à l'augmentation exponentielle des séquences de génomes disponibles. La démarche classique de l'analyse protéomique consiste, dans un premier temps, à séparer les protéines présentes dans une cellule ou dans un compartiment cellulaire. Chaque protéine d'intérêt est ensuite hydrolysée en fragments (c'est-à-dire en peptides). La spectrométrie de masse permet de mesurer précisément la masse des différents peptides obtenus lesquels constituent, dans leur ensemble, la signature de la protéine. La comparaison de ces masses avec les masses théoriques, calculées à partir des séquences issues des génomes, permet, généralement, d'identifier la protéine.
La protéomique s'est d'abord développée à l'INRA autour de thématiques liées au végétal mais elle s'intègre, de plus en plus, à tous les domaines de recherche de l'Institut. Elle permet, par exemple, d'identifier la variabilité existant au sein d'une espèce végétale afin de sélectionner les variétés ayant les propriétés les plus intéressantes ou encore de comprendre comment une bactérie s'adapte à un stress technologique, là aussi, afin d'améliorer la sélection de souches.
Elle permet, enfin de comparer les protéomes d'une cellule dans des conditions différentes et ainsi d'identifier des protéines, marqueurs d'un état cellulaire donné.
Afin de répondre à cette forte évolution dans le domaine, de nombreuses unités INRA se sont équipées de matériel chromatographique et électrophorétique performant permettant la séparation des protéines. Les spectromètres de masse, quant à eux, appartiennent à la catégorie des matériels lourds ayant des coûts d'achat et d'entretien qui nécessitent une mutualisation au niveau de plusieurs unités ou au niveau d'un centre et qui sont souvent acquis avec l'aide financière des régions.
Huit plateaux ou plates-formes de spectrométrie de masse pour la protéomique ont émergé ces 5 dernières années à l'INRA. Ils sont de tailles variables, autonomes ou adossés à des unités de recherche, parfois insérés dans une génopole et parfois sous co-tutelle avec le CNRS. Ils possèdent les équipements et les compétences en spectrométrie de masse permettant de répondre aux différents besoins de la communauté scientifique dans le domaine de la protéomique et sont ouverts prioritairement aux équipes INRA.
Les ingénieurs et responsables des plateaux et plates-formes sont souvent partenaires à part entière des équipes de recherche dans les programmes qui intègrent des approches protéomiques. La réussite des analyses protéomiques et donc des programmes de recherche est fortement dépendante de la qualité de la préparation des échantillons, étape-clé qui doit être menée par l'équipe de recherche en concertation précoce et étroite avec le personnel des plateaux et plates-formes qui assure l'identification des protéines.
b) Une initiative encouragée au niveau européen
La mutualisation des infrastructures de recherche est encouragée au niveau européen.
Les Infrastructures de recherche (IR) sont définies par la Commission européenne comme des installations, équipements, ressources et services liés utilisés par la communauté scientifique pour d'une part conduire une recherche de pointe et, d'autre part, transmettre, échanger et préserver la connaissance.
Les infrastructures de recherche comprennent les grands équipements, les collections, archives, infrastructures en ligne basées sur les technologies de l'information et de la communication et de manière générale toute entité de nature unique, utilisée pour la recherche.
Avec un budget global de 1,7 milliard d'euros annoncé par la Commission européenne dans le septième programme cadre de recherche, l'Europe soutient d'une part les infrastructures déjà existantes et leur accès à la communauté scientifique et, d'autre part, le développement de nouveaux projets.
Les objectifs du programme de soutien aux infrastructures de recherche sont triples. D'abord, il vise à optimiser l'utilisation et le développement des meilleures infrastructures de recherche existantes en Europe.
Ensuite, ce programme aide à créer, dans tous les domaines de la science, de nouvelles infrastructures de recherche d'intérêt paneuropéen et nécessaires à la communauté scientifique européenne ;
Enfin, il soutient la mise en oeuvre du programme et le développement des politiques dans le domaine des infrastructures de recherche.
Ces objectifs se déclinent en plusieurs appels d'offres entre 2007 et 2013 destinés à assurer le soutien aux infrastructures de recherche.
Six projets dans le domaine des sciences du vivant ont été retenus par ESFRI 38 ( * ) et inscrits sur la feuille de route des infrastructures de recherche en 2006. La feuille de route a fait l'objet d'une mise à jour en 2008 et 4 nouvelles infrastructures dans le domaine des sciences biomédicales ont été inscrites dans la version 2008. Ces infrastructures de recherche ont la particularité d'être distribuées et structurées en réseau comme la plupart des infrastructures de recherche en sciences de la vie.
L'une de ces infrastructures de recherche est coordonnée par l'INSERM. Il s'agit d'ECRIN (European Clinical Research Infrastructure Network).
ECRIN est l'infrastructure européenne de recherche clinique dont l'objectif est de promouvoir et faciliter les recherches cliniques multinationales à l'échelle européenne . ECRIN repose sur la connexion de réseaux nationaux de centres d'investigation clinique et d'unités d'essais cliniques. Il s'agit d'une infrastructure distribuée, fondée sur des centres de compétence capables de fournir des services intégrés pour la conduite d'essais cliniques en Europe. Ces services seront proposés aux utilisateurs grâce à un réseau de correspondants dont le rôle est d'une part de structurer la recherche clinique en Europe en développant des pratiques et des procédures harmonisées, répondant aux critères de qualité que la recherche clinique exige, et d'autre part de participer à la réalisation d'études cliniques internationales.
Dans le cadre du 7 e programme cadre de recherche, une partie d'ECRIN sera consacrée à la nutrition.
* 38 L'European Strategy Forum on Research Infrastructures (ESFRI), est un groupe de réflexion stratégique qui a reçu la mission de rédiger une feuille de route européenne (roadmap ESFRI) sur les besoins en IR européenne.