B. LA RÉFORME DE L'AAH : UN CHANTIER MAL PRÉPARÉ ET INABOUTI
Alors qu'elle constitue le coeur du pacte national pour l'emploi des personnes handicapées voulu par le Président de la République, les principaux éléments de la réforme de l'AAH intégrés à la loi de finances pour 2009 ne sont à ce jour que partiellement appliqués .
Le manque de préparation et d'organisation en amont des conditions de leur mise en oeuvre explique en grande partie ce retard. Mais il semble également que les contours juridiques de la réforme ne soient pas encore stabilisés : outre les décrets attendus sur la RSDAE, sur les modalités de la déclaration trimestrielle de ressources (DTR) et sur les conditions de cumul des revenus d'activité avec l'AAH, il parait indispensable d'achever de traduire dans la loi le changement d'approche voulu par le Président de la République.
1. Un double engagement en faveur de la dignité et de l'insertion des personnes handicapées
La réforme de l'AAH opère un renversement de la logique qui prévalait jusqu'alors et qui consistait à mesurer le taux d'incapacité permanente des personnes handicapées plutôt que d'identifier leur faculté à exercer une activité professionnelle.
L'objectif visé est double :
- garantir des conditions de vie dignes aux personnes que leur handicap empêche de façon durable d'exercer une activité , en leur octroyant un niveau de ressources proche du Smic grâce à la revalorisation de 25 % de l'AAH et au versement du complément de ressources : à la fin de 2012, le montant de l'AAH, qui atteindra 776,59 euros, devrait ainsi permettre aux personnes handicapées se trouvant dans l'incapacité totale de travailler de disposer, avec le complément (180 euros), d'une allocation mensuelle d'environ 956 euros ;
- pour les personnes dont le handicap n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle, la réforme prévoit d' intensifier les actions d'insertion et d'accompagnement vers l'emploi .
Ainsi, outre la revalorisation de l'allocation de 25 % en cinq ans, engagée dès 2008, cette réforme prévoit :
- la suppression de la condition d'inactivité préalable d'un an 19 ( * ) requise pour l'attribution de l'AAH aux personnes ayant un taux d'invalidité compris entre 50 % et 80 %, ce qui permet aux potentiels bénéficiaires de percevoir l'AAH dès leur premier jour d'inactivité et les incite davantage à accepter des missions temporaires de courte durée ;
- l'évaluation systématique des capacités professionnelles de la personne handicapée à l'occasion d'une première demande ou d'un renouvellement d'AAH et l'obligation corollaire pour les MDPH d'assortir toute reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) d' une décision d'orientation professionnelle 20 ( * ) ;
- la suppression de la limite d'âge de trente ans pour accéder aux contrats d'apprentissage au bénéfice des travailleurs handicapés ;
- un taux de cumul plus avantageux des revenus d'activité avec l'AAH, de 100 % les six premiers mois d'activité et qui, au-delà de cette période, peut varier entre 40 % pour les salaires supérieurs à 0,3 Smic et 80 % pour les revenus inférieurs à ce seuil ;
- enfin, pour les personnes exerçant une activité en milieu ordinaire 21 ( * ) , il est prévu d'opérer une révision trimestrielle du montant de l'allocation grâce à une déclaration des ressources tous les trois mois, qui doit permettre d'ajuster de manière plus réactive le montant de l'allocation en fonction des besoins de la personne.
* 19 La condition d'inactivité d'un an requise pour être éligible à l'AAH pour les personnes ayant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 % a été supprimée par l'article 182 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.
* 20 Article L. 821-7-3 du code de la sécurité sociale, introduit par l'article 182 de la loi de finances pour 2009 : « Une procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l'article L. 5213-2 du code du travail est engagée à l'occasion de l'instruction de toute demande d'attribution ou de renouvellement de l'allocation aux adultes handicapés. »
* 21 D'après la CNAF, seules 60 000 personnes seraient concernées, les personnes travaillant en Esat n'étant pas visées par cette mesure. Si l'on inclut les personnes ressortissant d'autres régimes que le régime général (essentiellement MSA), un peu moins de 80 000 personnes pourraient être visées.