2. Un financement diversifié

Conformément à la logique bismarckienne, l'assurance retraite par répartition est principalement financée par des cotisations sociales assises sur les salaires bruts. Le taux de cotisations est actuellement de 19,9 % 7 ( * ) , dont 9,95 % pour la part patronale et 9,95 % pour la part salariale.

Le produit de ces cotisations, qui s'élevait à environ 180 milliards d'euros en 2008, ne représente toutefois que les trois quarts des recettes totales de l'assurance légale, lesquelles atteignaient un peu plus de 244 milliards .

Le quart restant est assuré par des versements provenant du budget de l'Etat fédéral au régime légal d'assurance vieillesse, soit environ 62,5 milliards en 2008, dont :

- 38,24 milliards qui correspondent à une enveloppe historique, constituant le complément fédéral à proprement parler ( Bundeszuschuss - article 213, deuxième alinéa du Livre VI du code de la sécurité sociale), indexée sur l'évolution du salaire brut moyen d'une année sur l'autre ainsi que, le cas échéant, sur l'évolution du taux des cotisations. Cette enveloppe visait initialement à compenser le coût des dépenses à caractère non contributif ;

- s'ajoute à cette enveloppe de base une contribution supplémentaire (Z usätzliche Bundeszuschuss ) de 18,19 milliards, provenant pour moitié de ressources de la taxe sur la valeur ajoutée (un point de TVA a été attribué au financement de l'assurance vieillesse en 1998) et pour l'autre moitié, depuis le 1 er avril 1999, du produit d'une taxe sur l'énergie payée par les entreprises les plus polluantes ( Ökosteuer ) ;

- enfin, 6,1 milliards versés au régime des mineurs (celui-ci fait partie de l'assurance légale, contrairement aux autres régimes spécifiques à certaines professions).

A ces contributions s'ajoute le financement par le budget de l'Etat fédéral des mesures favorables à la famille (11,5 milliards) - conformément au principe qui fonde l'assurance sociale allemande, ces avantages non contributifs doivent être financés par la solidarité nationale - et des charges liées aux anciens régimes de la RDA (11 milliards).

Au total, ce sont donc plus de 80 milliards d'euros que l'Etat fédéral consacre aux retraites.

3. Le défi démographique

Comme ses voisins européens, l'Allemagne doit faire face aux conséquences financières et sociales du vieillissement de sa population . La part des plus de soixante-quatre ans est ainsi passée de 15 % en 1985 à 19,9 % en 2007 8 ( * ) et atteindra sans doute 33,2 % d'ici 2050 9 ( * ) .

Aussi, l'allongement de la durée de la vie exerce mécaniquement une pression sur l'assurance retraite légale , contrainte de verser des pensions plus longtemps.

Mais le défi démographique que le pays doit surmonter va bien au-delà du seul problème du vieillissement. L'Allemagne se caractérise en effet par l'un des taux de fécondité les plus bas d'Europe (1,38 enfant par femme en 2008).

La conjugaison de ces deux phénomènes - vieillissement de la population et faible natalité - conduit à un véritable déclin démographique .

Selon les projections démographiques de l'Office fédéral de la statistique, l'Allemagne, qui compte aujourd'hui environ 80 millions d'habitants, ne devrait plus en comptabiliser qu'entre 65 et 70 millions d'ici 2060 . Elle perdrait alors son statut de pays le plus peuplé de l'Union européenne, au profit de la Grande-Bretagne, dont la population devrait passer de 60 millions d'habitants actuellement à plus de 77 millions à cet horizon.

Cette baisse de la population totale est due au fait que le nombre de naissances continuera, dans les années à venir, à être inférieur au nombre de décès.

A partir de 1972, l'Allemagne a en effet enregistré plus de décès que de naissances , ce qui explique le solde naturel négatif de la population depuis cette date (- 0,27 % actuellement). Au cours des quatre dernières décennies, le nombre annuel de naissances a presque été divisé par deux 10 ( * ) .

Entre 1972 et 2002, la population a néanmoins augmenté de 3,5 millions d'unités, uniquement en raison de l'immigration. Mais depuis 2003, le nombre d'immigrants ne suffit plus à compenser la perte démographique naturelle, si bien que la population allemande diminue. Au total, elle a perdu 474 400 habitants entre 2002 et 2008.

L'étude de l'évolution du taux de fécondité en Allemagne fait apparaître une nette tendance de long terme vers une fécondité très basse 11 ( * ) . Celle-ci est apparue après la fin du baby-boom , c'est-à-dire dans les années soixante. De 2,51 en 1966, le taux de fécondité est passé à 1,56 en 1973. Par la suite, il a continué de baisser jusqu'à son niveau historique de 1,24 en 1994, taux marqué, il est vrai, par le niveau de fécondité extrêmement bas des femmes est-allemandes après la réunification. Depuis, le taux est remonté à 1,38 enfant par femme en 2007.

Or, un taux de fécondité, qui oscille autour de 1,4, signifie que chaque nouvelle génération ne remplace la génération de ses parents qu'aux deux tiers.

A la différence de la France, l'Allemagne se trouve donc aujourd'hui dans ce que les experts appellent un « piège de la fécondité » : avoir peu ou pas du tout d'enfants est d'ores et déjà devenu une norme sociale. C'est ainsi que les taux de fécondité très bas sur une longue période enclenchent une spirale démographique à la baisse.

Les sondages de l'Eurobaromètre montrent que lorsqu'on les interroge sur le nombre idéal d'enfants, les Allemands, hommes et femmes, répondent par un chiffre d'environ 2,2, ce qui est en-dessous de la moyenne observée dans l'Union européenne. Par comparaison, les Français fixent ce seuil à 2,4 et les Françaises à 2,5 enfants, soit un niveau parmi les plus élevés d'Europe.

Selon une étude sur la situation démographique allemande 12 ( * ) , « il semble que la socialisation dans un environnement avec peu de frères et soeurs ait déjà marqué les Allemands. Aussi, la marge de manoeuvre de la politique familiale est étroite. A court terme, des mesures telles que l'allocation parentale, introduite en Allemagne en 2007, afin d'aider à concilier activité professionnelle et vie familiale, peuvent seulement viser à rapprocher le niveau de fécondité existant du niveau cible. En revanche, influer sur les valeurs et les attitudes en termes de famille et d'enfants, ne peut se faire qu'à beaucoup plus long terme » .

Plusieurs interlocuteurs rencontrés par la mission ont insisté sur cette question démographique, en particulier Ingo Nürnberger de la Confédération allemande des syndicats (DGB), qui a expliqué que la société allemande continue à exercer une pression morale sur les femmes qui décident de poursuivre leur activité professionnelle, tout en élevant leur(s) enfant(s). Heureusement, les mentalités commencent à évoluer et les pouvoirs publics, notamment sous l'impulsion de l'ancienne ministre de la famille, Ursula von der Leyen, prennent des mesures destinées à faciliter la garde d'enfants. Toutefois, beaucoup de progrès restent encore à accomplir, notamment en matière d'infrastructures, pour que l'éducation des enfants ne soit plus un obstacle à la poursuite de l'activité professionnelle.


* 7 Taux en vigueur depuis le 1 er janvier 2007.

* 8 Office statistique de l'Union européenne (Eurostat), base de données en ligne de la population, 2009.

* 9 Statistisches Bundesamt, base de données en ligne Genesis, 2009.

* 10 Statistisches Bundesamt, base de données en ligne Genesis, 2009.

* 11 Stephan Sievert, Reiner Klingholz, « Le décrochage démographique France-Allemagne », Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa), janvier 2010.

* 12 Stephan Sievert, Reiner Klingholz, « Le décrochage démographique France-Allemagne », Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa), janvier 2010.

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