B. UN PREMIER FACTEUR DE DOUTE : L'HYPOTHÈSE DE CROISSANCE DES DÉPENSES PUBLIQUES
Le Gouvernement prévoit une croissance moyenne des dépenses publiques de 0,6 % en volume de 2011 à 2013. On rappelle que le taux de croissance moyen des dépenses publiques depuis le début des années 2000 a été de 2,4 %, sans qu'il soit possible de déceler d'inflexion.
Paradoxalement, il n'est pas possible de déterminer précisément les hypothèses du Gouvernement en matière de croissance des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques en 2011-2013. En effet, si le programme de stabilité 2010-2013 indique la croissance moyenne des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques sur la période 20 10 -2013, il se contente d'indiquer au sujet de la période 20 11 -2013 que la croissance des dépenses sera de 0,6 % en volume (0,9 % en 2010-2013). Il est bien entendu paradoxal que des informations aussi essentielles ne soient pas disponibles dans le programme de stabilité.
Sous ces réserves, on peut décomposer, à titre indicatif, la diminution de la croissance des dépenses publiques prévue par le Gouvernement de la façon suivante.
Le ralentissement des dépenses publiques prévu par le Gouvernement : des hypothèses « volontaristes »
(en points de croissance en volume)
* Hypothèses reconstituées à titre indicatif, le programme de stabilité 2010-2013 n'indiquant pas les hypothèses de croissance des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques en 20 11 -2013 (mais seulement en 20 10 -2013). Le taux de croissance global de 0,6 % en 2011-2013 est en revanche explicitement indiqué.
Sources : Insee, programme de stabilité 2010-2013, calculs de la commission des finances
Selon le Gouvernement, la croissance en volume des dépenses publiques passerait de 2,4 % à 0,6 %, cette diminution de 1,8 point provenant :
- de mesures « documentées » , même si elles restent à préciser : moindre progression des dépenses de l'Etat hors plan de relance (0,5 point), arrêt du plan de relance (0,2 point), volet « dépenses » de la réforme des retraites (0,2 point), moindre progression des dépenses d'assurance maladie (0,3 point si l'on suppose que l'objectif d'ONDAM est respecté, mais 0,2 point si l'on suppose qu'il est dépassé à hauteur du seuil de la procédure d'alerte) ;
- de simples hypothèses, d'ailleurs récurrentes dans les programmes de stabilité et jamais vérifiées : moindre progression des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et retraites (0,2 point) et des dépenses locales (0,4 point). Par ailleurs, si le Gouvernement s'autorise un dépassement de l'ONDAM à hauteur du seuil de la procédure d'alerte, il faut rajouter 0,1 point de croissance supplémentaire des dépenses publiques.
Au total, en supposant que le Gouvernement parvienne à maîtriser les dépenses de l'Etat, des retraites et de l'assurance maladie comme il s'y est engagé (en supposant dans ce dernier cas que les dépenses sont accrues du niveau du seuil d'alerte) mais que, en revanche, les « simples hypothèses » ne sont pas confirmées, la croissance des dépenses serait plutôt de 1,3 % en volume.
1. La norme de croissance des dépenses publiques a toujours été largement dépassée
On peut se demander pourquoi la norme de croissance de la dépense publique a toujours été largement dépassée.
a) Les dépenses dont le taux de croissance a été le plus supérieur à la programmation sont celles de l'assurance maladie et, surtout, des collectivités territoriales
Depuis le début des années 2000, la stratégie de réduction du déficit public est la même. Il s'agit, par une progression des recettes de l'ordre de 1 % par an en volume (contre un peu plus 2 % pour le PIB), de réduire la part des dépenses dans le PIB d'environ 0,5 point par an.
Cette stratégie n'a pas fonctionné. En effet, les programmes de stabilité ne se sont traduits par aucune inflexion du rythme d'évolution de la dépense, qui a été de l'ordre de 2,4 % par an depuis 2000, comme le montre le graphique ci-après.
Croissance en volume des dépenses publiques : prévision et exécution
(en %)
Sources : programmes de stabilité, Insee
Cette croissance des dépenses publiques provient, en moyenne (au sens de la comptabilité nationale) :
- d'une croissance des dépenses de l'Etat de l'ordre de 1 % par an à périmètre courant comme à périmètre constant (contre une prévision inférieure à 0,5 %) ;
- d'une croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale de l'ordre de 3 % par an (contre une prévision de 1,5 %), les chiffres étant analogues dans le cas de l'assurance maladie (respectivement un peu plus de 3 % et 2 %) ;
- d'une croissance des dépenses des collectivités territoriales de l'ordre de 4 %, mais 3 % hors transferts de compétences (contre une prévision de 1,5 %).
Compte tenu du poids des différentes catégories de collectivités territoriales (environ 20 points de PIB pour l'Etat, 20 points de PIB pour les administrations de sécurité sociale et 10 points de PIB pour les administrations publiques locales), cela correspond bien à une croissance globale de l'ordre de 2,4 % par an (1 % en prévision).
b) La principale cause de dépassement de la norme de dépense a été la croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale hors régimes obligatoires de base
Les chiffres qui précèdent pourraient donner l'impression que les dépenses qui contribuent le plus au non-respect de la norme de dépenses sont les dépenses d'assurance maladie et des collectivités territoriales, dont le taux de croissance présente le plus fort écart par rapport à la programmation.
Cette analyse est erronée. En effet, compte tenu de la part de leurs dépenses dans les dépenses publiques totales, l'assurance maladie et les collectivités territoriales n'ont contribué que marginalement au non-respect de la norme de dépenses, comme le montre le tableau ci-après.
Contribution au non-respect de la norme de dépenses
(en points de croissance des dépenses publiques)
Administrations publiques |
Etat* |
Administrations de sécurité sociale |
Collectivités locales |
||
Total |
Assurance maladie |
||||
prog. stab. 2000-2002 |
1,5 |
0,8 |
0,5 |
||
prog. stab. 2001-2003 |
1,5 |
1,0 |
0,5 |
0,3 |
|
prog. stab. 2002-2004 |
1,3 |
0,9 |
0,4 |
0,8 |
|
prog. stab. 2003-2005 |
1,1 |
0,4 |
0,7 |
0,2 |
0,6 |
prog. stab. 2004-2006 |
0,9 |
0,0 |
0,4 |
0,0 |
0,6 |
prog. stab. 2005-2007 |
1,2 |
-0,7 |
0,5 |
0,0 |
0,6 |
prog. stab. 2006-2008 |
0,5 |
-0,8 |
0,0 |
-0,1 |
0,4 |
prog. stab. 2007-2009 |
1,8 |
0,3 |
0,9 |
0,0 |
0,6 |
prog. stab. 2008-2010 |
1,7 |
1,0 |
0,6 |
0,3 |
0,0 |
prog. stab. 2009-2012 I |
2,6 |
1,4 |
1,2 |
0,3 |
0,1 |
prog. stab. 2009-2012 II |
1,2 |
0,8 |
0,3 |
- |
0,2 |
EXCES DE DEPENSES MOYEN** |
1,4 |
0,3 |
0,6 |
0,2 |
0,4 |
transferts de compétences/an |
~0,2*** |
~-0,2*** |
|||
EXCES DE DEPENSES NET MOYEN |
1,4 |
~0,5 |
~0,6 |
~0,2 |
~0,2 |
* Au sens de la comptabilité nationale.
** A périmètre courant.
*** Le montant global des transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales depuis le début des années 2000 est de l'ordre d'1 point de PIB (groupe de travail présidé par Gilles Carrez et Michel Thénault, « La maîtrise des dépenses locales », mai 2010).
Source : calculs de la commission des finances
Sur l'ensemble des programmes de stabilité, la croissance en volume des dépenses publiques a été supérieure en moyenne de 1,4 point aux prévisions (croissance de 2,4 % au lieu de 1 %). Cet écart se décompose en :
- 0,6 point correspondant aux administrations de sécurité sociale ;
- 0,5 point correspondant à l'Etat ;
- 0,2 point correspondant aux collectivités territoriales.
Le tableau ci-avant montre que les dépenses des administrations de sécurité sociale ont représenté la moitié du supplément de croissance des dépenses publiques par rapport aux programmes de stabilité. Il s'agit donc là du principal enjeu.
Mais, au sein des dépenses de sécurité sociale, les dépenses d'assurance maladie ne constituent pas le principal facteur de dépassement. Alors que les programmes de stabilité ont prévu une croissance des dépenses d'assurance maladie de l'ordre de 1,5 %, celle-ci a été d'environ 3 %. Compte tenu du montant des dépenses d'assurance maladie - de l'ordre de 170 milliards d'euros -, chaque année ce dépassement a augmenté les dépenses publiques de 2,5 milliards d'euros environ, soit environ 0,1 point de PIB, ou encore 0,2 point de dépenses publiques.
Ce sont les administrations de sécurité sociale hors régime obligatoire de base, et en particulier l'UNEDIC, qui expliquent plus de la moitié du dépassement de la norme.
A titre indicatif, on peut décomposer le dépassement de la norme de dépenses des administrations de sécurité sociale fixée par les programmes de stabilité conformément au tableau ci-après.
Le dépassement de la norme de dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSOC) fixée par les programmes de stabilité : une tentative indicative de ventilation
(par an en moyenne, en milliards d'euros*)
Montant |
|
Régimes obligatoires de base |
~ 3 |
dont : |
|
Assurance maladie |
~ 2,5 |
ASSOC hors régimes obligatoires de base |
~ 4 |
Unedic |
~ 2,0 |
Autres |
~ 2,0 |
Total |
~ 7 |
* Montants initialement calculés en points de PIB, conversion effectuée sur la base du PIB actuel.
Source : calculs de la commission des finances
Ces ordres de grandeur sont particulièrement importants. Ils montrent en effet que si l'on se contente de prendre des mesures pour assurer un meilleur respect de l'ONDAM, la norme de croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale continuera d'être nettement dépassée.
Le champ des « administrations de sécurité sociale » Les administrations de sécurité sociale (dépenses de 494,1 milliards d'euros en 2009) comprennent : - les régimes d'assurance sociale (dépenses de 472,6 milliards d'euros en 2009), c'est-à-dire les régimes obligatoires de base (dépenses de 428,5 milliards d'euros en 2009), mais aussi les régimes complémentaires de retraites, l'UNEDIC, et des fonds spéciaux tels que le FSV ; - des organismes dépendant des assurances sociales (dépenses de 80,2 milliards d'euros en 2009), c'est-à-dire essentiellement les hôpitaux publics ainsi que les hôpitaux privés participant au service public hospitalier. |