SUEDE
Eléments de contexte général :
Les services à la personne font l'objet d'une politique globale depuis le 1 er juillet 2007, soit quelques mois après l'arrivée au pouvoir du gouvernement de centre-droit du Premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt. Depuis, la promotion de ce type de services est perçue comme un enjeu national et deviendra sans doute l'un des grands sujets de débats entre le gouvernement et l'opposition (parti social-démocrate, parti de gauche et le parti vert) en vue des élections générales de septembre 2010.
En effet, si le gouvernement cherche à développer les services à la personne, qualifiés de secteur d'avenir, par le biais d'incitations fiscales, les partis de l'opposition considèrent que les mesures en place profitent surtout aux personnes à revenus élevés et proposent, en conséquence de mettre fin au système actuel ou de le réformer, en cas de victoire aux prochaines élections.
Le système actuel repose sur une réduction d'impôt de 50% du coût de la main d'oeuvre du service exécuté, dans la limite de 5 000 € par an (50 000 SEK) et par personne ou de 10 000 € par an par ménage. Le service rendu doit faire l'objet d'une facturation et le revenu doit être déclaré. Entre le 1 er juillet 2007 et le 1 er juillet 2009 la déclaration devait être faite par l'acheteur du service qui réglait initialement l'intégralité de la facture pour ensuite se faire rembourser de 50% du coût de la main d'oeuvre par l'administration fiscale dans la limite du plafond. Depuis le 1 er juillet 2009, l'acquéreur ne paye que 50% du coût de la main d'oeuvre pour le service exécuté et c'est par la suite le prestataire de service qui, après déclaration à l'administration fiscale, se fait rembourser par celle-ci pour les 50% restants du coût de la main d'oeuvre.
Parallèlement, il existe depuis plusieurs années une incitation fiscale identique pour les travaux sur les logements (menuiserie, peinture, etc.), avec le même niveau d'abattement et de plafonnement. Les deux systèmes qui coexistent sont intitulés RUT-avdraget (services à la personne) et ROT-avdraget (travaux de rénovation ou d'amélioration des logements) et ont fait l'objet d'une vaste campagne de communication par les autorités suédoises, notamment lors de la récession économique au début de 2009 pour soutenir l'activité du secteur de la construction.
Selon l'agence suédoise des impôts ( Skatteverket ) 40 000 entreprises, essentiellement des PME, ont profité de ces allégements fiscaux pour des prestations fournies aux ménages. Dans une large majorité des cas, il s'agit de prestations pour des travaux sur des logements (plus de 80% des entreprises) et non pas pour des services à la personne. Pour les services à la personne, il s'agit essentiellement d'entreprises de ménage (et très peu de services à la famille sous forme de garde d'enfants, soutien scolaire...). Au total, 150 000 personnes (3,3% des ménages suédois) ont profité de cet abattement fiscal, représentant plus de 300 € en moyenne par personne, entre le 1 er juillet 2009 et le 1 er février 2010. Le coût pour l'Etat atteint ainsi désormais près de 6,5M€ par mois, soit presque le double par rapport à 2008 (44M€/an = 3,6M€/mois).
Une autre enquête de l'Office suédois de statistiques confirme que ce sont bien les personnes aux revenus élevés qui ont recours à ce type de prestations. En effet, près de 10% des personnes aux revenus supérieurs à 5 000€ par mois ont bénéficié d'allégements fiscaux (en moyenne de 900€ par an) en 2008, contre 1% pour les personnes aux revenus inférieurs à 3 000€ par mois (en moyenne de 400€).
L'avenir du secteur semble prometteur puisque selon l'Institut d'opinion Demoskop, 23% des ménages suédois (soit 1 million sur les 4,4 millions de ménages du pays) envisagent à terme d'utiliser les incitations fiscales pour se procurer ce type de services. Le taux est même de 26% pour les ménages avec enfants.
Cette question est d'autant plus sensible d'un point de vue politique que 55% des personnes qui se procurent ces services pourraient réduire ou arrêter ce type d'achats, si les incitations fiscales devaient disparaitre. Une telle décision menacerait environ 5 600 emplois.
Mais il y aurait aussi en cas de retrait de ces incitations fiscales un gonflement du travail au noir, qui retrouverait aussi sans doute les proportions qu'ils occupaient avant ce dispositif.
Enfin, si le soutien aux incitations fiscales en place varie en fonction des partis politiques, un récent sondage auprès du grand public montre que 78% des personnes interrogées soutiennent la politique actuelle du gouvernement en faveur des services à la personne. 70% de l'électorat des trois partis de l'opposition sont même en faveur d'un maintien du système en place, alors que les dirigeants des trois partis sont ouvertement opposés au système en place.
1. Quelle place représentent les services à la personne dans l'économie (part du PIB, nombre d'emplois en heures de travail ou en ETP) ?
Bien que le secteur des services à la personne soit beaucoup moins développé en Suède qu'en France, selon les chiffres officiels du rapport de la Fédération nationale des employeurs du secteur des services (ALMEGA) 11 300 personnes travaillent actuellement dans ce secteur, soit 7 600 emplois à temps plein dans la mesure où l'agence suédoise des impôts considère que 50% des personnes actives dans le secteur travaillent à mi-temps.
Il convient de noter, en outre, que la définition du secteur est relativement proche de la nôtre et comprend :
- les services à la famille (garde d'enfants, soutien scolaire, accompagnement...),
- les services à la vie quotidienne (travaux ménagers, préparation de repas, mais pas le bricolage,...).
En revanche, les services aux personnes dépendantes (assistance et soins aux personnes âgées/handicapées, soins esthétiques à domicile,...) ne rentrent que très partiellement dans les services à la personne en Suède puisque ces prestations sont généralement fournies par les communes aux personnes concernées dans le cadre d'un système beveridgien relativement généreux, le plus souvent gratuit pour les usagers et financé par l'impôt.
Le chiffre d'affaires annuel des entreprises du secteur est, à ce stade, limité à environ 240M€, mais il est orienté à la hausse en raison de la demande croissante.
Augmenté |
Diminué |
Resté la même |
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Emploi direct |
x |
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Organisme mandataire |
x |
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Organisme prestataire |
x |
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Ensemble des acteurs |
x |
Il n'existe pas, en revanche, de statistiques sur la valeur ajoutée et la part des services à la personne dans le PIB suédois. Selon l'Office suédois de statistiques (SCB), il existe une catégorie plus large intitulée «services collectifs et personnels » ( samhälleliga och personliga tjänster ) qui regroupe certains des services à la personne, mais surtout des services collectifs tels que le traitement des eaux, les services funéraires, etc.
Cette catégorie représente actuellement 4,4% de la production du secteur des services (mais 6% des emplois et 16% du nombre d'entreprises) dans son intégralité dans laquelle on trouve également les catégories suivantes:
- immeubles et services immobilier (42,4%),
- commerces de gros et de détail (23,9%),
- transports et communication (13%),
- instituts de crédit et compagnies d'assurances (7,2%),
- services de soins/santé et formation (6,1%),
- hôtellerie et restauration (3%).
2. Sont-ils identifiés comme des gisements d'emploi ? Sont-ils perçus comme un enjeu national et existe-t-il une démarche prospective à leur endroit ?
Oui, cf réponse dans le cadre de l'introduction en page1
3. Font-ils l'objet d'une politique publique, à l'image de la France avec le plan de développement des services à la personne203 ( * ) ? Si oui :
a) Quelles sont les grandes étapes de la politique de soutien au secteur des services à la personne ? Détailler les mesures (fiscales, sociales, aides directes) et leur coût pour les finances publiques.
Cf réponse page 1
b) Quelles sont les modalités techniques les plus avancées (chèques préfinancés par l'employeur, etc.) ?
Cf page 1
c) Quel bilan peut-on faire des politiques mises en oeuvre (effets sur l'emploi, sur la croissance, sur l'économie souterraine) ? Dispose-t-on d'évaluations de ces politiques ?
Cf réponse à la question 1 et à la page 1
d) Quels en sont les financeurs (État, collectivités locales, sécurité sociale) et quel est le degré de décentralisation dans la définition juridique et la mise en oeuvre du dispositif ? Quels sont les canaux privilégiés pour développer l'offre de services à la personne (particuliers, associations, entreprises, etc.) ? Quel est le poids de chacun ?
C'est l'Etat, par le biais de l'Agence des impôts ( Skatteverket ), qui finance les incitations fiscales mises en place pour favoriser le développement des services à la personne (même chose pour l'abattement pour les travaux à domicile dont l'historique remonte même aux années 1990).
e) Existe-t-il des politiques de formation ou de valorisation symbolique et pécuniaire pour accompagner le développement de l'offre de services à la personne ?
De manière générale la réponse est négative sauf pour ce qui est des prestations qui relèvent du secteur des soins/santé, mais qui sont, en revanche, essentiellement fournies par les municipalités où réside la personne dépendantes concernée. Ce type de prestations ne rentre pas directement dans la définition des services à la personne et ne permet donc pas de bénéficier d'incitations fiscales (*).
La formation est obligatoire |
La plupart des employés du secteur ont suivi une formation |
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Entretien de la maison et travaux ménagers |
NON |
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Petit jardinage |
NON |
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Petits travaux de bricolage |
NON |
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Garde des enfants à domicile |
NON (sauf cas spécifiques et emplois par la commune) |
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Aide aux devoirs et soutien scolaire |
NON |
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*Transport des personnes âgées, handicapées et dépendantes |
OUI |
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*Aide à domicile des personnes âgées |
Dépendra du type de l'aide. L'entreprise prestataire doit être agrée |
OUI |
*Aide à domicile des personnes handicapées |
Dépendra du type de l'aide, l'entreprise prestataire doit être agrée |
OUI |
f) Quelle est la rémunération horaire nette moyenne d'un salarié de ce secteur (distinguer les éventuels sous-secteurs) ?
Il n'existe pas de statistiques sur le salaire moyen du secteur, ni de salaire minimum en Suède. Selon les conventions collectives, il semblerait toutefois que le salaire moyen pour ce type de travaux sont d'environ 1 700 € par mois avant impôts pour un temps plein. Le prix du marché pour les travaux d'entretien à la maison, etc., déclarés est de 25 à 35 €/l'heure.
Tarifs payés au noir en moyenne en 2009 pour les services à domicile :
- Travaux d'entretien de la maison : 8 à 10 €/heure
- Travaux de jardinage : env 15 €/heure
- Garde d'enfants à domicile : 5 à 7 €/heure
g) Y a-t-il un système d'agrément des prestataires permettant de garantir au client la qualité de la prestation et la contrepartie de l'aide publique ?
Il n'existe pas de système d'agrément ou de certification des prestataires, ni de véritables contrôles qualité au sein du secteur, mais un bon nombre d'entreprises du secteur disposent d'ores et déjà d'une certification ISO 9001.
En revanche, la mise en place d'un système d'agrément spécifique au secteur des services à la personne est considérée par les entreprises comme l'un des trois plus importants outils pour soutenir ce secteur dans l'avenir.
Les trois mesures jugées comme étant les plus importantes par les acteurs sont dans l'ordre :
- le maintien des incitations fiscales,
- la mise en place d'un système de certification pour améliorer l'image des entreprises et pour assurer la qualité des prestations proposées,
- multiplier les efforts pour réduire les services à la personne non déclarés (secteur noir),
h) La crise actuelle paraît-elle de nature à remettre en cause les soutiens existants ?
Non, au contraire il semble que le gouvernement suédois ait même cherché à intensifier ses campagnes pour favoriser le développement de nouveaux emplois dans ce secteur à main d'oeuvre intensive. A titre d'exemple, la ministre suédoise de l'Industrie visite régulièrement des entreprises du secteur et elle vient même de participer, en février dernier, à un séminaire sur les services à la personne organisé par ALMEGA qui, à cette même occasion, à publié un rapport intitulé « Services à domicile: attitudes et faits marquants sur les services à la personne » ( trad.libre du suédois) qui alimente le débat sur ce secteur d'avenir. L'administration a même financé des campagnes publicitaires pour faire connaitre le dispositif d'incitations fiscales au grand public.
i) Peut-on identifier des situations où le recours à des services à la personne soutenu par des aides publiques représente une alternative à des prestations fournies par ailleurs dans le cadre de services publics traditionnels ? Y a-t-il, de ce point de vue, un effet de substitution effectif et/ou souhaitable ?
Les gardes d'enfants à la maison ?
* 203 « Plan Borloo » de février 2005, complété en mars 2009 par un « plan 2 ».