3. L'enjeu de la soutenabilité budgétaire, de l'évaluation et de l'emploi
Il est évident qu'un véritable essor des services à la personne n'est budgétairement soutenable qu'à la condition de s'accompagner, à terme , d'une diminution des aides y afférentes .
A condition que les habitudes de consommation de ces services se renforcent et que certains gains de productivité se réalisent ( supra ), un retrait progressif du soutien public serait-il envisageable sans risque excessif de peser sur le dynamisme du secteur ou de favoriser un quelconque retour à l'économie souterraine ?
La théorie de la fiscalité optimale qu'illustre même partiellement l'expérience belge des « titres services » prédit qu'on peut trouver une configuration d'équilibre qui permette d'exercer des incitations à moindre coût fiscal.
L'EXEMPLE D'UN SOUTIEN EN DIMINUTION : LA BELGIQUE Un dispositif « titres-services » a été mis en place en 2001. Le coût supporté par l'Etat en raison de ce dispositif s'est fortement accru en quelques années, passant de 50 millions d'euros en 2001 à 239 M€ en 2005 puis estimé à plus d'1 Md€ en 2008. Parallèlement, lors de la mise en route du système, le prix d'achat des titres-services, pour une heure de prestation, a tout d'abord été fixé à 6,20 €. En novembre 2004, ce prix a été réévalué à 6,70 €. Puis, en juin 2008, la valeur d'acquisition des titres-services a été portée à 7 € avant de passer à 7,50 € depuis le 1er janvier 2009. Les augmentations successives de prix du titre-service ne semblent pas avoir affecté le volume total des titres-services échangés , même si certains utilisateurs plus fragilisés ont sans doute été évincés. Le degré de prise en charge demeure exceptionnellement élevé, puisque la valeur du titre services est de 20,80 euros depuis le 1 er janvier 2009 Source : Services économiques des Ambassades |
Par ailleurs, à y regarder de plus près, les termes du débat se présentent de manière différente pour les services « de confort » et les services rendus aux publics fragiles.
• Concernant ces derniers, les
services
financés par les départements
, notamment
via
l'
APA
et la
PCH
, posent, certes, un
problème de «
soutenabilité
comptable
», liée à la dynamique propre de ces
prestations au regard de celle des ressources départementales, dans le
cadre d'un budget nécessairement voté en équilibre. Pour
autant, la nécessité des aides, constitutive d'une politique
sociale, n'est globalement pas remise en question, si bien que la
question est bien davantage celle des modalités du financement
des aides, que de leur opportunité
.
• En revanche, les
services de
confort
, qui donnent lieu à des dépenses fiscales et
sociales nationales, posent un authentique problème de
soutenabilité budgétaire
, car il est possible de
considérer qu'il n'existe pas d'obstacle social majeur au retrait ou
à la réduction d'un certain nombre d'avantages fiscaux et sociaux
attachés au recours à des services de confort.
Seul un impact décisif sur l'emploi et l'activité est susceptible de justifier socialement une forte dépense au profit de ces services, qui posent in fine, au bénéfice d'une évaluation renforcée, la question de l' opportunité de leur financement .
Or, comme nous l'avons vu, cette évaluation fait cruellement défaut . Elle est parcellaire et débouche sur des résultats à la fois contestables, disparates et dispersés. Certains projets de rationalisation apportée aux statistiques en matière de SAP sont, à cet égard, susceptibles de déboucher sur des améliorations sensibles.
Sous le bénéfice de la démonstration d'un effet de levier satisfaisant des aides au regard de celui des aides de droit commun, la crise actuelle est cependant de nature à renforcer provisoirement leur légitimité .
Avec l'augmentation du chômage, elle pourra s'asseoir sur une comparaison entre leur coût net global (au terme d'un bouclage macroéconomique tenant compte du surcroit d'activité et de recettes fiscales engendrés par les salaires versés) et celui des revenus de remplacement qui sont versés à une personne venant de perdre son emploi.
Mais il importera, si une décrue du soutien public venait à être décidée , de la rendre à la fois progressive et surtout prévisible , afin de ne pas fausser les anticipations des acteurs, aussi bien particuliers, opérateurs de services à la personne et entreprises co-finançant des CESU. Réciproquement, toute « sanctuarisation » (nécessairement pour une durée limitée, par exemple une législature) devrait aussi faire l'objet d'annonces, propres à conforter ces mêmes anticipations.