B. LES AMBIGUÏTÉS DES PRINCIPES DE COMPENSATION DES EXTENSIONS/CREATIONS DE COMPÉTENCES : L'EXEMPLE DE LA « DÉCENTRALISATION SOCIALE »

En matière de création ou d'extension de compétences, les associations nationales d'élus ont rappelé que la garantie de compensation du coût constaté au moment de sa mise en oeuvre ne s'applique pas, conformément aux dispositions de l'article 72-2 précité de la Constitution. La « décentralisation sociale » en est un exemple, qui reflète les profonds désaccords entre l'État et les collectivités territoriales.

La « décentralisation sociale » désigne les lois des dix dernières années mettant en place de nouvelles prestations individuelles de solidarité, dont la gestion a été confiée aux départements. Il s'agit de la loi du 20 juillet 2001 30 ( * ) mettant en place l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA), la loi du 18 décembre 2003 31 ( * ) transférant le revenu minimum d'insertion (RMI) aux départements, remplacé depuis 2009 32 ( * ) par le revenu de solidarité active (RSA) et enfin, la loi précitée du 11 février 2005 créant la prestation de compensation du handicap (PCH).

Aujourd'hui, les dépenses d'aide sociale des départements représentent 60 % de leurs dépenses courantes hors investissement , soit un total de 29,4 milliards d'euros sur un budget global de 48,4 milliards d'euros. Le versement des trois allocations précitées représente 28 % de ces dépenses, soit 14 milliards d'euros. Entre 2004 et 2009, les dépenses des trois prestations sont passées de 10,5 milliards d'euros à 14 milliards d'euros, et représentent aujourd'hui 10 % des charges de fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales. En comparaison, les transports ne représentent que 6 % du budget total des conseils généraux, les réseaux et infrastructures, 5 %, l'enseignement, 6 %, comme le présente le graphique suivant.

Répartition du budget global des départements

Source : Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

1. L'« effet de ciseau » des finances départementales

L'effet de ciseau auquel sont soumis les départements depuis 2008 s'est aggravé en 2009. Comme le note la Cour des comptes 33 ( * ) , les recettes de fonctionnement des conseils généraux ont progressé de 1,7 % tandis que leurs dépenses ont crû de 4,7 %.

Les différentes causes de cet effet de ciseau des finances départementales ont été analysées dans le rapport de M. Pierre Jamet 34 ( * ) , directeur général des services du département du Rhône, dont les éléments rejoignent ceux du rapport de MM. Gilles Carrez et Michel Thenault 35 ( * ) .

a) La chute du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

Les départements perçoivent à leur profit exclusif les droits de mutation afférents aux ventes d'immeubles. Le taux est fixé par le conseil général dans une fourchette de 1 % à 3,60 % et s'applique au prix de vente. Les droits sont dus par l'acquéreur.

Ils perçoivent également une taxe additionnelle aux droits de mutation recouvrés par l'État à l'occasion de cessions de fonds de commerce, d'offices ministériels ou de droit au bail. Le taux départemental est de 0,6 % pour les mutations dont le prix de cession est compris entre 23 000 euros 36 ( * ) et 107 000 euros et 1,4 % au-delà de 107 000 euros.

Entre 2004 et 2008, les départements ont bénéficié d'un produit dynamique de DMTO, qui a progressé de 5,8 milliards d'euros en 2004 à près de 8 milliards en 2007 37 ( * ) , comme le montre le graphique suivant. Cette augmentation est corrélée au dynamisme du nombre de transactions immobilières, évalué, au cours de cette période, à 800 000 par an.

A partir de 2008, a commencé une légère baisse des DMTO, évalués à 7,1 milliards d'euros, baisse qui s'est accentuée en 2009, avec un produit égal à 5,5 milliards d'euros, soit une baisse de 22,5 % entre 2008 et 2009. En effet, le nombre de transactions immobilières conclues en France en 2009 a chuté à 590 000, contre 670 000 en 2008 38 ( * ) .

Cependant, le dynamisme des DMTO entre 2004 et 2008 ne doit pas masquer les disparités de ressources de cette imposition entre départements. Une analyse fine des recettes des conseils généraux montrent, par exemple, que le produit des DMTO de la Haute-Garonne, dont la population, en 2008, est de 1 209 883 personnes, s'élevait à 128 220 457 euros (soit 106 euros/habitant) tandis que les Alpes-Maritimes, avec une population similaire (1 220 693 habitants), bénéficiaient de 324 880 746 euros de DMTO (soit 266 euros/habitant), d'où un rapport de 1 à 2,5.

De même, les départements du Calvados et du Finistère ont bénéficié, en 2008, de ressources en DMTO équivalentes (77 986 029 euros pour le premier, 78 476 771 euros pour le second) alors que leur population connaît un différentiel de 200 000 habitants (736 543 habitants pour le premier contre 937 607 habitants pour le second), d'où un ratio de DMTO/habitant égal à 106 euros/habitant pour le Calvados et de 84 euros/habitant pour le Finistère.

Par ailleurs, la géographie des migrations interdépartementales continue de distinguer une France de l'Ouest et du Sud, attractive, et une France du Nord-est. Cette différence en termes d'attractivité territoriale se reflète, pour les départements concernés, au niveau de leurs ressources en DMTO. Ainsi, en 2008, le rapport DMTO/habitant s'élevait à 57 euros/habitant pour la Haute-Saône et 47 euros/habitant pour la Haute-Marne. Il n'existe, pour ces conseils généraux, aucun moyen d'action leur permettant de renverser ces tendances défavorables, « gelant » ainsi, en quelque sorte, leurs ressources en DMTO.

Cette très grande différence de ressources en DMTO entre départements plaide, selon vos rapporteurs, pour la mise en place d'un mécanisme de péréquation.

b) La croissance des dépenses de prestations sociales des départements

Jusqu'en 2008, les départements ont utilisé leurs ressources en DMTO pour financer leurs dépenses de prestations sociales. Mais la baisse du produit des DMTO à partir de cette date a mis en lumière l'inadaptation des critères de compensation des créations/extensions de compétences par l'État. La spécificité des prestations versées par les départements réside dans leur sensibilité à divers facteurs sur lesquels les conseils généraux ne disposent d'aucun levier d'action.

En effet, les bénéficiaires des prestations sociales des départements ont fortement augmenté depuis 2002, sous l'effet conjugué de la crise économique et des évolutions démographiques (entraînant un vieillissement de la population française et conduisant à une hausse des dépenses d'APA et, dans une moindre mesure, de PCH).

La forte croissance du nombre de bénéficiaires de ces allocations individuelles de solidarité 39 ( * ) a mis à mal les prévisions initiales faites par l'État lors de l'adoption des lois précitées. Par ailleurs, les départements se trouvent confrontés à l'obligation de verser les prestations, sans disposer du pouvoir juridique - mais également politique et moral - de refuser le bénéfice à toute personne répondant aux critères d'attribution, définis au niveau national par le législateur. C'est pourquoi, comme le note M. Pierre Jamet, se développe le sentiment, au sein des élus départementaux, « qu'ils deviennent des guichets agissant pour le compte d'autrui, en l'occurrence l'État ».

(1) L'allocation personnalisée d'autonomie (APA)

Entrée en vigueur le 1 er janvier 2002 40 ( * ) , l' allocation personnalisée d'autonomie (APA) est une allocation départementale destinée aux personnes de plus de 60 ans se trouvant en situation de perte d'autonomie, résidant à domicile ou en établissement. L'évaluation de la dépendance s'effectue au moyen de la grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources), comprenant six niveaux de dépendance (GIR 1, dépendance la plus lourde, à GIR 6), évalués par une équipe médico-sociale.

La grille AGGIR classe les personnes âgées en six niveaux de perte d'autonomie :


GIR 1 : les personnes confinées au lit ou au fauteuil ayant perdu leur autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale, nécessitant une présence indispensable et continue d'intervenants.


GIR 2 : les personnes confinées au lit ou au fauteuil dont les fonctions mentales ne sont pas totalement altérées, mais qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante, ou celles dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités motrices.


GIR 3 : les personnes ayant conservé leur autonomie mentale, partiellement leur autonomie locomotrice, mais qui nécessitent quotidiennement et plusieurs fois par jour des aides pour leur autonomie corporelle.


GIR 4 : les personnes qui n'assument pas seules leur transfert mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l'intérieur du logement. Elles doivent être aidées pour la toilette et l'habillage.


GIR 5 et GIR 6 : les personnes peu ou pas dépendantes et prises en charge, le cas échéant, par les caisses de retraite.

Les quatre premiers niveaux ouvrent droit à un montant de prestation pouvant aller à 529,56 euros pour le GIR 4 à 1 235,65 euros pour le GIR 1 41 ( * ) . Les personnes des GIR 5 et 6 sont exclues du dispositif de l'APA.

L'APA a succédé à la prestation spécifique de dépendance (PSD), instaurée en 1997 42 ( * ) , qui était réservée aux personnes présentant un fort degré de dépendance (GIR 1 à 3). Dans le cadre de la PSD, les départements disposaient de la possibilité de récupérer les sommes engagées au titre de la prestation sur la succession du bénéficiaire.

L'APA, quant à elle, s'adresse aux personnes moyennement à très dépendantes (GIR 1 à 4) et les départements ne disposent plus de la possibilité du recours sur succession. Une somme demeure cependant à la charge du bénéficiaire, sous la forme d'un « ticket modérateur », sauf si ses revenus sont inférieurs à 695,70 € par mois. Le montant de la participation du bénéficiaire est établi en prenant en compte certaines de ses ressources : revenus déclarés figurant sur le dernier avis d'imposition ou de non-imposition, revenus soumis au prélèvement libératoire, évaluation forfaitaire d'une partie du capital dormant.

(a) De l'annonce d'un financement paritaire...

Lors des débats parlementaires de la loi du 20 juillet 2001, le Gouvernement avait annoncé la parité de financement 43 ( * ) de cette allocation entre les départements et l'État .

Ainsi, l'État a mis en place un fonds de financement de l'APA (FAPA) pour financer la part des dépenses de l'allocation au nom de l'État. Cette mission a ensuite été confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) 44 ( * ) , établissement public national à caractère administratif, dont la mission est de « contribuer au financement de l'accompagnement de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, à domicile ou en établissement » 45 ( * ) .

Les ressources de la CNSA sont composées de :

• 20 % du produit de la contribution solidarité pour l'autonomie (CSA) (soit 0,3 % de la masse salariale versée par les employeurs en contrepartie du travail effectué sans rémunération supplémentaire par l'ensemble des salariés au cours de la « journée de solidarité ») ;

• 0,30 % de contribution additionnelle aux prélèvements sociaux effectués sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ;

• une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse représentative des sommes consacrées par eux aux dépenses d'aide ménagère à domicile ;

• 0,10 % du produit de la contribution sociale généralisée (CSG) .

Le concours de la CNSA est ensuite réparti entre les départements selon un mécanisme en trois temps :

o la répartition annuelle : six critères définissent le montant du concours qui sera versé aux départements :

Ø trois critères de base que sont :

• le besoin de financement des départements, évalué en fonction de l'importance relative des dépenses réalisées par chacun au titre de l'APA ;

• la capacité contributive des départements par le biais de leur potentiel fiscal ;

• les charges sociales assumées, par le biais du nombre de bénéficiaires du RMI ;

Ø trois critères « correctifs », afin :

• de limiter la contribution du fonds à hauteur de 50 % des dépenses d'APA de chaque département ;

• d'introduire une clause de sauvegarde prévoyant que les départements dont les dépenses d'APA rapportées au nombre de personnes âgées de plus de 75 ans excèdent d'au moins 30 % la moyenne nationale bénéficieront d'aides majorées ;

• d'introduire une règle de plafonnement de la charge des départements prévoyant que les montants répartis ne peuvent être inférieurs à un montant par bénéficiaire égal à 80 % du montant, revalorisé chaque année, de la majoration pour tierce personne.

o le versement d'acomptes mensuels au cours de l'année N ;

o la régularisation au début de l'année N+1.

(b) ... à une situation budgétaire intenable pour les départements

L'annonce par l'État d'une parité du financement de l'APA n'a pas été formalisée . Or, force est de constater que ce principe de départ n'a pas été respecté, compte tenu notamment de la sous-estimation initiale des dépenses liées à l'APA. Évalué à 2 500 millions d'euros pour les années 2002 et 2003, le coût de l'APA s'est en réalité élevé à 1 855 millions d'euros en 2002 et 3 205 millions d'euros en 2003, soit un total de 5 060 millions d'euros pour les deux premières années de mise en oeuvre, soit un peu plus du double des prévisions initiales.

Entre 2002 et 2008, le coût de l'APA a augmenté de 296 %, soit une croissance annuelle des dépenses avoisinant 11 %. On constate, depuis 2007, une certaine décélération : + 6,4 % en 2007, + 5,6 % en 2008, + 5,5 % en 2009. Malgré ce ralentissement, les dépenses liées à l'APA sont appelées à demeurer dynamiques, compte tenu de l'évolution démographique prévisible.

La croissance des dépenses de l'APA est corrélée à l'augmentation du nombre de ses bénéficiaires. Alors qu'en 2003, on dénombrait 765 000 bénéficiaires, une étude de la DREES évalue, au 30 juin 2009, ce nombre à 1 117 000 personnes 46 ( * ) . Deux facteurs peuvent expliquer cette hausse :

- la prise en compte des personnes étant au GIR 4 dans le dispositif de l'APA (ce qui n'était pas le cas dans le cadre de la PSD), soit, au 30 juin 2009, 44,6 % de l'ensemble des bénéficiaires, soit 498 000 personnes ;

- la suppression du recours sur succession dans le système de l'APA, qui « désinhibe » les bénéficiaires à cette allocation, qui ne craignent plus désormais de voir leur patrimoine servir de « caisse de remboursement » au détriment de leurs héritiers.

De fait, la part de l'État dans le financement de l'APA diminue. La Cour des comptes 47 ( * ) constate ainsi que, « sur la période 2002-2007, l'effort des conseils généraux est multiplié par trois quand celui de l'État, qui croît de 90 %, fait un peu moins que doubler ». En effet, alors qu'elle représentait 32 % du financement de la prestation en 2008 et 30 % en 2009, la participation de la CNSA devrait baisser à 28,5 % en 2010, augmentant ainsi la part des conseils généraux dans le financement de cette allocation. En 2009, pour des dépenses d'APA qui se sont élevées à 5,1 milliards d'euros, le concours de la CNSA devrait atteindre 1,5 milliard d'euros, laissant à la charge des départements 3,6 milliards d'euros , qui incluent le milliard d'euros non compensé par l'État, en contradiction avec les engagements formulés en 2001.

Toujours selon la Cour des comptes 48 ( * ) , « la capacité du système existant à faire face à l'avenir reste incertaine ». En effet, les perspectives démographiques ne sont guère encourageantes. Alors que les personnes de plus de 60 ans représentaient 19 % de la population totale en 1991 et 22,6 % en 2010, l'INSEE 49 ( * ) prévoit que leur part pourrait atteindre 31,1 % de la population totale en 2030, soit près d'un tiers de la population totale, ce qui pourrait augmenter mécaniquement les dépenses d'APA pour les départements.

(2) La prestation de compensation du handicap (PCH)

Créée par la loi précitée du 11 février 2005, la prestation de compensation du handicap (PCH) est une aide destinée à financer les besoins liés à la perte d'autonomie des personnes handicapées. Elle peut être perçue par « toute personne handicapée confrontée à une difficulté absolue pour une activité ou une grave difficulté pour deux activités pendant une durée d'au moins un an » 50 ( * ) .

Elle a vocation à remplacer à terme l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP). Celle-ci est versée aux adultes de moins de 60 ans par le conseil général après avis de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), pour permettre de compenser l'impossibilité d'accomplir les gestes ordinaires de la vie. Elle permet de rémunérer une tierce personne ou le personnel d'un établissement de soins. L'allocation compensatrice de frais professionnels compense les frais professionnels supplémentaires en raison du handicap.

Sur le même modèle que l'APA, le financement de la PCH est partagé entre l'État, à travers la CNSA, et les départements. L'apport de la CNSA s'opère par le biais d'une dotation de compensation de la PCH.

Dans un premier temps, cette dotation s'est révélée largement supérieure aux besoins des départements, compte tenu des délais nécessaires pour la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). En effet, la dépense cumulée des départements en faveur de la PCH est évaluée à 900 millions d'euros entre 2005 et 2008, alors que le concours de la CNSA s'est élevé à 1,5 milliard d'euros. Pour certains départements, le concours de la CNSA représentait jusqu'à 600 % de la dépense réelle au titre de la PCH. Puis, dans un second temps, cette tendance se renverse, depuis 2009 ou 2010 selon les départements.

En effet, la PCH se caractérise par une croissance dynamique de son versement . Son coût est évalué en 2008 à 550 millions d'euros, soit une hausse de 280 millions par rapport à 2007. Selon la DREES 51 ( * ) , 71 700 personnes bénéficiaient de cette prestation en juin 2009, contre 43 000 personnes en juin 2008, soit une progression de 40 % des effectifs en un an. Par ailleurs, toujours en juin 2009, 24 100 personnes ont fait valoir leur droit mais n'avaient pas encore bénéficié du paiement de leur allocation.

Alors que la PCH devait à terme remplacer l' ACTP , on constate qu'en juin 2009, 99 600 personnes, tous âges confondus, ont conservé le bénéfice de cette deuxième prestation. Malgré une décroissance modérée, mais régulière, de celle-ci, la dépense de l'ACTP s'est élevée en 2008 à 550 millions d'euros, soit le même montant que pour la PCH, contre 580 millions d'euros en 2007.

Au total, 171 300 personnes ont bénéficié d'un paiement au titre de la PCH ou de l'ACTP, soit une progression de 12 % entre juin 2008 et juin 2009.

En 2009, le total des prestations départementales versées aux personnes en situation de handicap, à savoir la PCH et l'ACTP, est évalué à 1,4 milliard d'euros, contre 1,1 milliard d'euros en 2008, soit une progression de 21 %.

Les projections de la CNSA 52 ( * ) montrent que les dépenses des départements en matière de PCH devraient continuer de progresser. Les dépenses relatives à la PCH-enfants, négligeables jusqu'à présent, ont fortement progressé entre le premier et le second semestre 2008, passant de 1,9 % à 3,5 % du total des attributions de PCH. Selon les études de l'ADF, la dépense de la PCH pourrait s'établir, en 2010, autour d'un milliard d'euros (contre 550 millions en 2008).

Or, le conseil d'administration de la CNSA a récemment annoncé la baisse de son concours pour l'année 2009 53 ( * ) , au titre de la PCH, dans un contexte où ses ressources devraient, au mieux, connaître une progression légèrement dynamique (+ 0,5 %). En effet, le concours de la CNSA est indexé sur la CSG et la CSA dont l'évolution est corrélée aux fluctuations de la conjoncture économique.

Par ailleurs, vos rapporteurs ont observé que, si les départements bénéficient de deux concours de la CNSA, un au titre de l'APA, un second au titre de la PCH, aucune disposition juridique ne permet une mutualisation de ces deux dotations qui aurait permis, lorsque le concours de la CNSA au titre de la PCH était excédentaire, de compenser le manque de dotation au titre de l'APA.

(3) Le revenu minimum d'insertion (RMI) et le revenu de solidarité active (RSA)

La loi du 1 er décembre 2008 54 ( * ) institue un revenu de solidarité active (RSA), qui remplace , depuis le 1 er juin 2009, le revenu minimum d'insertion (RMI), l' allocation parent isolé (API) ainsi que la prime forfaitaire de retour à l'emploi . Les départements étaient en charge du RMI depuis 2004 55 ( * ) .

Le RSA bénéficie à toute personne « dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti ». Il complète les revenus du travail et se réduit au fur et à mesure qu'augmentent les revenus professionnels de son bénéficiaire, et il n'est pas limité dans le temps. Ainsi, contrairement au dispositif d'insertion antérieur, le RSA permet de cumuler, sans limitation de durée, les revenus de la solidarité et une partie des revenus tirés de l'activité professionnelle.

L'objet du RSA est de proposer un revenu minimum garanti. Pour les personnes ne disposant pas de revenus d'activité, le RSA se substitue au RMI et à l'API et constitue le « RSA socle » (ou « de base ») pour les allocataires de l'ancien RMI, et le « RSA socle majoré » (ou de « base majoré ») pour les bénéficiaires de l'ancienne API. Pour les personnes en activité, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, le RSA apporte un complément de rémunération qui s'ajoute aux revenus du foyer, dont le montant est calculé en fonction de la composition du ménage et des revenus du travail 56 ( * ) , constituant le « RSA chapeau ».

Le point de sortie du dispositif du RSA correspond :

- au SMIC pour une personne seule, propriétaire ou logée à titre gratuit ;

- à 1,75 SMIC pour un couple propriétaire ou logé à titre gratuit.

Le schéma suivant présente de façon simplifiée le fonctionnement général du RSA :

Schéma général du RSA

Source : Projet de loi de finances pour 2009 : Solidarité, insertion et égalité des chances, annexe n° 29 au rapport général de MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier , fait au nom de la commission des finances du Sénat : solidarité, insertion et égalité des chances (déposé le 20 novembre 2008).

(a) Le financement du RMI

La loi du 18 décembre 2003 transfère la gestion du RMI aux départements, permettant à ces derniers de bénéficier d'une compensation à l'euro près, conformément aux dispositions de l'article 72-2 de la Constitution. Ils ont ainsi été compensés par le transfert d'une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), chaque département recevant un pourcentage de la part du produit de cette taxe, égal au montant des dépenses exécutées par l'État dans ce département.

Mais en raison du dynamisme insuffisant de la TIPP, l'État a créé un fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI) 57 ( * ) , qui reflète d'une certaine façon la reconnaissance par le Gouvernement de l'insuffisance de la compensation budgétaire du transfert du RMI aux conseils généraux.

Le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI)

Ce fonds devait initialement permettre aux départements de réaliser des projets ambitieux en matière d'insertion pour les allocataires du RMI. Mais ce dispositif a été réorienté vers la compensation financière du transfert du RMI aux départements. Initialement doté de 100 millions d'euros, l'État a augmenté les ressources de ce fonds à 500 millions d'euros, durant trois ans. Les lois de finances pour 2009 et pour 2010 ont reconduit le FMDI et son montant est demeuré inchangé.

Mais l'article 46 de la loi de finances pour 2010 introduit une innovation importante, à savoir l'instauration d'un mécanisme d'écrêtement dont les modalités sont les suivantes :

- les ressources des départements dont l'écart entre les ressources transférées (fiscalité et FMDI) et les dépenses engagées pour une année donnée est positif, sont écrêtées à due concurrence de cet écart positif, dans la limite globale du droit à compensation de chaque département au titre des compétences transférées ;

- les départements qui doivent supporter un écart négatif de ressources se répartissent ensuite entre eux le produit de l'écrêtement, au prorata de l'écart négatif constaté pour chaque département rapporté à la somme de l'ensemble de ces écarts.

Malgré la mise en place du FMDI, force est de constater que le financement du RMI s'est révélé déficitaire pour de nombreux départements.

En effet, la référence retenue pour calculer le droit à compensation de l'État aux départements est celle des dépenses supportées par ce dernier en 2003, avec un ajustement définitif au vu des dépenses supportées par les départements en 2004.

Or, cette évaluation s'est avérée sous-estimée : la charge nette, en 2008, des dépenses liées au versement du RMI est évaluée à 1,13 milliard d'euros, après déduction des recettes spécifiques de TIPP et du FDMI, soit un taux de compensation égal à environ 80 %. Les concours financiers de l'État (TIPP et FDMI) ont par ailleurs légèrement diminué entre 2007 et 2008, passant de 4,81 millions d'euros à 4,80 millions d'euros, alors que, dans le même temps, le nombre de bénéficiaires du RMI a fortement augmenté.

(b) Le financement du RSA : une bombe budgétaire à retardement ?

La mise en place du RSA s'inscrit dans le cadre d'une création/extension de compétence, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel 58 ( * ) . Ainsi, le RSA est cofinancé par les départements et par l'État, à travers un fonds spécialement créé à cet effet : le fonds national des solidarités actives (FNSA) 59 ( * ) .

Ce dernier est alimenté par une contribution additionnelle de 1,1 % aux contributions sociales sur les revenus du capital (assurances-vie, dividendes, revenus fonciers, plus-values). Il assure le financement de la différence entre les revenus tirés de l'activité professionnelle d'un foyer et le revenu garanti, le financement de la nouvelle aide personnalisée de retour à l'emploi ainsi qu'une partie des frais de gestion engagés par les organismes gestionnaires, autrement dit, les différentes composantes du « RSA chapeau ».

Les départements, quant à eux, assurent la prise en charge du « RSA socle », à savoir :

- du revenu minimum versé aux personnes sans ressources, correspondant à l'ancien RMI ;

- du montant forfaitaire majoré correspondant à l'ancienne API, qui était jusqu'alors prise en charge par l'État, et qui fait donc l'objet d'une compensation de la part de celui-ci, par l'octroi d'une quote-part supplémentaire de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), conformément aux dispositions de l'article 72-2 de la Constitution.

A cela s'ajoute le concours du FMDI.

Les difficultés rencontrées par les départements au titre du RSA sont semblables à celles qu'ils connaissaient avec le RMI avec une augmentation du nombre de bénéficiaires qui, selon les estimations de la CNAF, devrait croître de 11 % en 2010. Au 31 mars 2010, selon la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), le RSA était versé à 1,74 million de foyers par les caisses d'allocations familiales.

Selon les évaluations de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) 60 ( * ) , plus de 1,3 million de personnes bénéficieront du « RSA socle » en 2010, correspondant à une dépense de 6,88 milliards d'euros. La compensation de l'État (FMDI compris) sera égale à 6 milliards d'euros, laissant à la charge des conseils généraux environ 800 millions d'euros. La charge nette des départements pourrait s'alourdir, en raison notamment du possible transfert des chômeurs en fin de droits vers le « RSA socle », ce qui pourrait porter le nombre total de bénéficiaires du RSA autour de 1,66 million de personnes. Plus généralement, un certain nombre de décisions prises au niveau national ont des conséquences sur le nombre de bénéficiaires du RSA et, in fine , les charges des conseils généraux sur lesquelles ces derniers ne disposent d'aucun levier d'action.

C'est pourquoi, comme le souligne M. Pierre Jamet, dans son rapport précité, le RSA représente la dépense sociale la plus imprévisible pour les départements : « non seulement [les dépenses de RSA] sont liées à la conjoncture économique, mais elles peuvent varier également selon les décisions prises au niveau national, en faveur des chômeurs arrivant en fin de droits. Par ailleurs, la réforme de calcul avant compensation repose sur la situation de 2003 ce qui n'a plus de sens compte tenu de l'évolution ».

Malgré les deux clauses de réexamen prévues pour fin 2010 et fin 2011, les départements sont amenés à puiser dans leurs fonds propres pour assumer les dépenses supplémentaires de RSA, avant de pouvoir bénéficier de la régularisation de la part de l'État, d'où un décalage dans le temps entre les paiements des départements et les remboursements de l'État. Enfin, on constate des excédents de ressources au FNSA, destiné à financer le RSA « chapeau » à la charge de l'État, qui sont évalués entre 500 et 800 millions d'euros, alors que les ressources de TIPP, destinées à compenser les dépenses d'API, sont faiblement dynamiques, compte tenu de la conjoncture économique.


* 30 Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

* 31 Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

* 32 Loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

* 33 Cour des Comptes, Rapport public annuel 2010, Situation des finances publiques, juin 2010.

* 34 Rapport sur les finances départementales, remis au Premier ministre le 23 avril 2010.

* 35 Rapport du groupe de travail présidé par MM. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, et Michel Thenault, conseiller d'État, sur la maîtrise des dépenses locales, mai 2010.

* 36 Les mutations inférieures à 23 000 euros sont exonérées de droits de mutation.

* 37 Hors Paris.

* 38 Notes de conjoncture immobilière n° 6, janvier 2010, et n° 7, avril 2010, Notaires de France.

* 39 Terminologie utilisée par M. Michel Dinet, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle et président de l'ODAS, dans son rapport « Vivre ensemble dans une société solidaire », 2010.

* 40 Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

* 41 1 059,13 euros pour le GIR 2, 794,35 euros pour le GIR 3.

* 42 Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.

* 43 Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'État aux personnes âgées, séance du 19 juin 2001 du Sénat.

* 44 Loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

* 45 Article L. 14-10-1 du Code de l'action sociale et des familles.

* 46 Études et résultats, L'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation de compensation du handicap au 30 juin 2009, n° 710, Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES).

* 47 Cour des comptes, rapport thématique public, « La conduite par l'État de la décentralisation », octobre 2009.

* 48 Rapport précité.

* 49 « Projections démographiques pour la France, ses régions et ses départements à l'horizon 2030 », INSEE, Population et famille, Chantal Brutel et Laure Omalek, août 2003.

* 50 Définition de la loi précitée du 11 février 2005 de l'incapacité absolue et de l'incapacité grave.

* 51 Étude précitée.

* 52 « Prestation de compensation du handicap : suivi de la montée en charge et du contenu - état des lieux fin 2008 », CNSA.

* 53 - 4,25 % pour l'APA, - 8,3 % pour la PCH.

* 54 Loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

* 55 Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

* 56 Article L. 262-2 du Code de l'action sociale et des familles.

* 57 Article 37 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 58 Conseil constitutionnel, DC n° 2009-599 du 29 décembre 2009.

* 59 Article L 262-24 du Code de l'action sociale et des familles.

* 60 Sur le fondement d'analyses de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

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