Annexe 4 : Audition de M. Thierry Carcenac, président de la Commission consultative d'évaluation des charges, devant la Délégation, le mardi 4 mai 2010
M. Alain Lambert , président. - Nous recevons aujourd'hui M. Thierry Carcenac, député du Tarn, président du conseil général du Tarn, mais c'est d'abord en tant que président de la Commission consultative d'évaluation des charges que je lui cède la parole.
M. Thierry Carcenac. - Ce matin, a été présenté, au Comité des Finances Locales (CFL), le rapport d'activité de la Commission consultative d'évaluation des charges (CCEC) sur les années 2005 à 2009, qui donne un bon panorama des missions de celle-ci.
La CCEC est une émanation du CFL. Son champ de compétence, qui est défini par les articles L. 1614-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT), a été élargi par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
La première mission de la CCEC est de constater les dépenses consacrées par l'État à une compétence au moment où il la transfère aux collectivités territoriales. Après cette première étape, la CCEC procède à l'évaluation des montants des compensations de transferts de compétences que vont percevoir les collectivités qui se sont vues attribuer cette compétence. Ce n'est qu'à cette étape qu'interviennent les discussions entre l'État et les collectivités territoriales, qui peuvent être difficiles. Pour cette évaluation, la CCEC procède à une moyenne sur les cinq dernières années en matière de dépenses d'investissement, tandis qu'elle prend en compte la moyenne des trois dernières années pour les dépenses de fonctionnement. S'agissant des dépenses de personnels, la CCEC a élaboré quelques doctrines, notamment pour les personnels qui ne sont pas en poste ou les emplois vacants. Je tiens à signaler l'extension de la compétence de la commission en cas de modification réglementaire. Là encore, la CCEC procède, comme dans le cadre d'un transfert législatif de compétences, à l'évaluation des dépenses au moment de la modification, d'une part, puis au calcul de la compensation, d'autre part.
Parallèlement à ses missions, la CCEC s'est saisie de sujets, sans avoir été sollicitée en ce sens. Ainsi, en est-il des allocations de solidarité, qui représentent un des points de discordance les plus importants entre l'État et les collectivités territoriales. Les évaluations réalisées par l'État n'ont pas toujours été soumises à la CCEC et les ressources fiscales transférées pour compenser ces allocations ne connaissent pas le même dynamisme que les dépenses, d'où l'existence de tensions.
Le rapport d'activité mentionne les différents transferts abordés par la CCEC, pour chaque échelon de collectivités territoriales, l'ensemble des transferts depuis 2004 étant évalué à 6,3 milliards d'euros.
M. Alain Lambert, président. - Nous souhaiterions savoir si l'État assume ses obligations de compensation de transferts de compétences. Qu'en est-il, plus précisément, s'agissant des compétences d'aide sociale des départements ?
M. Thierry Carcenac. - La CCEC veille à ce que l'État assume ses obligations de compensation de transferts de compétences à l'euro près, à la date du transfert. Des ajustements peuvent être opérés, dans le cadre des lois de finances. Par exemple, dans le cadre du revenu de solidarité active et de l'aide pour parents isolés, ont été prévues des dispositions spécifiques d'évaluation sur trois ans, afin de comparer le montant de la compensation alloué aux départements avec le niveau concret de dépenses assumé par ces derniers.
Il existe, par ailleurs, différents modes de compensation des transferts de compétences, comme l'illustre le cas de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), par exemple. Ils peuvent prendre la forme de dotation de l'État, avec la dotation globale de décentralisation, la forme de fiscalité transférée, telles que la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ou la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA), ou encore la forme de mise en place d'une caisse spéciale, comme l'illustre la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).
La CNSA est alimentée par 0,1 point de CSG et par la journée de solidarité. Le président de la CNSA, dans le cadre de sa récente audition par MM. Gilles Carrez et Michel Thenault, présidents du groupe de travail sur la maîtrise des dépenses locales, a mentionné l'écart entre les dépenses réelles résultant du versement de l'APA et de la PCH, évaluées à 5,5 milliards d'euros, et les versements de la CNSA aux départements, qui s'établissent à 2 milliards d'euros. Ainsi, le niveau de couverture de la dépense de l'APA par la ressource CNSA s'établit aujourd'hui à 28 %, alors que la part de l'État devait couvrir 50 % de la dépense.
Je souhaite rappeler que les prestations d'aide sociale assumées par les départements sont des dépenses de solidarité nationale. Face à leur constante augmentation, il faut donner aux collectivités territoriales les moyens de pouvoir assumer leurs compétences. Pour le département du Tarn, que j'ai l'honneur de présider, avec une population de 360 000 habitants, on dénombrait, avant l'entrée en vigueur de l'APA, 1 200 bénéficiaires de la prestation sociale de dépendance. Aujourd'hui, 11 000 personnes bénéficient de l'APA et le budget consacré à cette prestation est de 36 millions d'euros. Si la question de la récupération sur succession, pour l'APA, mérite d'être posée, la réponse n'est pas évidente. Dans le cadre du dispositif de la prestation spécifique dépendance (PSD), dans lequel le département pouvait avoir recours à la récupération sur succession, un certain nombre de conseils généraux avaient décidé de ne pas utiliser cette possibilité. Ce choix pouvait générer des inégalités entre départements, inégalités accentuées par le vieillissement de la population. Par exemple, dans mon département, la moyenne d'âge dans les établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est de 98 ans alors qu'elle est de 78-80 ans dans des départements voisins, ce qui montre la nécessité de trouver des modalités adaptées de financement pour ces dispositifs, la situation actuelle de financement étant particulièrement préoccupante.
M. Alain Lambert, président. - Quelle est l'appréciation de la CCEC sur le dynamisme des impôts nationaux transférés aux collectivités territoriales pour compenser les transferts de compétences ?
M. Thierry Carcenac. - Tout d'abord, je souhaite préciser que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ne sont pas une ressource destinée à compenser des transferts de compétences. Ils ont pourtant de facto agi ainsi : au cours de la période d'euphorie immobilière, ils ont permis de cacher le manque de compensation financière et donc les difficultés de financement des prestations sociales.
S'agissant de la TIPP, rappelons qu'il s'agit d'une « taxe à la tonne » : la diminution de la consommation d'essence, en particulier grâce au développement des transports collectifs ou du covoiturage, conduit à une baisse du produit de la taxe. De même, une collectivité qui fera l'effort de développer les véhicules propres se verra, curieusement, « récompensée » par une diminution de recette. Plus globalement, nous constatons que les impôts nationaux transférés aux collectivités territoriales pour compenser les transferts de compétences ne sont pas les plus dynamiques. Il s'avère cependant que la TSCA est un peu plus dynamique que la TIPP, compte tenu de l'élargissement de sa base fiscale, qui a été rendu nécessaire pour augmenter le produit fiscal de cet impôt.
M. Yves Krattinger . - Les critères actuels d'évaluation des transferts de compétences, tels que le nombre de Rmistes ou de bénéficiaires de l'APA, sont-ils suffisants, aujourd'hui ? La CCEC peut-elle apparaître comme un outil d'évaluation pour les collectivités territoriales ?
M. Thierry Carcenac. - La mission principale de la CCEC est de contrôler l'exacte compensation, de la part de l'État, des transferts de compétences, conformément aux dispositions de l'article L. 1614-1 du CGCT. Ainsi, si les dépenses liées aux compétences transférées évoluent, la compensation continuera de reposer sur la date de transfert.
M. Yves Krattinger. - Ce qui signifie que les missions de la CCEC sont limitées aux compétences transférées.
M. Thierry Carcenac. - Oui. La CCEC est surtout un lieu d'information pour les élus locaux, qui peuvent ainsi disposer d'éléments provenant des administrations d'État.
Mais nous avons la possibilité d'apporter des solutions à certains problèmes liés aux compensations des transferts de compétences, par l'adoption d'amendements aux lois de finances. Ce fut le cas lors de la dernière loi de finances rectificative pour 2009. En effet, il avait été constaté l'absence de compensation des nombreux emplois vacants au ministère des affaires sociales. Un amendement, adopté à l'unanimité par la commission des finances de l'Assemblée nationale, a permis aux départements de bénéficier de la compensation liée à ces personnels.
M. Alain Lambert, président. - Il serait souhaitable de mettre à la disposition de la CCEC et du Parlement les bases de données existantes, afin de modifier les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.
M. Thierry Carcenac. - La Direction générale des finances publiques (DGFiP) dispose des informations relatives aux revenus de nos concitoyens. L'INSEE nous fournit toutes les données relatives au vieillissement de la population. En revanche, les collectivités territoriales sont très en retard en termes de données, contrairement aux compagnies d'assurance, telle que AXA, qui disposent de données très précises, notamment sur la question du cinquième risque.
Sur la question du retour sur succession, pour le financement de l'APA, il est nécessaire de connaître l'état patrimonial des bénéficiaires. Or, nous remarquons que certaines personnes qui pourraient, par exemple, bénéficier du fonds de solidarité vieillesse, refusent de percevoir cette allocation, sous prétexte que le gage sur leur succession priverait leurs enfants de l'héritage qu'ils souhaitent leur léguer. En revanche, des propriétaires terriens, ayant organisé leur succession de leur vivant auprès de leurs enfants, peuvent bénéficier de certaines allocations, alors qu'ils ne le devraient pas.
M. Yves Krattinger. - Depuis quelques temps est évoquée la situation financière délicate de certains départements. Ces difficultés sont-elles liées au transfert des trois grandes allocations d'aide sociale ?
M. Thierry Carcenac. - Les dépenses sociales de mon département représentent 50 % du budget total et 60 % des dépenses de fonctionnement. S'agissant de l'APA, sur une dépense évaluée à 46 millions cette année, les compensations reçues s'élèvent à seulement 15 millions d'euros, soit un taux de couverture très limité. Le constat est identique pour le RSA. Ainsi, pour l'allocation au parent isolé (API), en 2009, l'État nous a versé, pour sept mois de mise en oeuvre, 1,6 million d'euros, alors que les dépenses du département se sont élevées, pour cette même période, à 3,1 millions d'euros. En 2010, les dépenses de ces deux prestations ont été évaluées à 6,1 millions d'euros dans le budget primitif de mon département, alors que la subvention de l'État sera égale à 3,2 millions d'euros. Quant à la PCH, après que les deux premières années suivant sa mise en place ont donné lieu à une différence positive entre la dotation de l'État et les dépenses réelles, on observe, depuis 2008, un renversement de cette tendance.
Par ailleurs, rappelons que les départements participent à des dépenses de l'État, du fait de conventions signées entre les deux partenaires. Pourtant, lors du transfert des routes nationales aux départements, le principe selon lequel l'État ne ferait plus appel aux collectivités territoriales pour financer les investissements de son réseau routier avait été adopté. De même, il n'existe aucun projet de plan État-Région dans lequel les départements ne soient pas appelés à participer financièrement aux projets de l'État. Il en est de même dans le cadre des plans de développement et de modernisation des infrastructures ou pour le financement des universités. Par exemple, j'ai été sollicité pour participer au financement de la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux, à hauteur de 22 millions d'euros, ce que j'ai refusé alors que d'autres départements ont accepté.
La participation des départements aux projets de l'État nous invite à nous interroger sur les compétences traditionnelles des départements : on peut citer la gestion des collèges, des infrastructures routières, ainsi que l'aménagement du territoire. Puis, au cours des deux dernières décennies, se sont ajoutées les compétences d'aide sociale. Pour certains élus, tel M. Michel Mercier, au moment de ces transferts, la gestion des compétences sociales devait permettre aux départements de ne pas disparaître. Or, il faut rappeler que toutes les lois de décentralisation, et notamment celle du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, ont renforcé les compétences des départements. La dernière d'entre elles a transféré aux départements les parcs de l'Équipement.
La gestion des compétences sociales s'apparente à de la délégation de compétence ...
M. Alain Lambert. - ... délégation de gestion.
M. Thierry Carcenac. - Il faut également prendre en compte tout ce que l'État ne souhaite pas faire et qu'il demande aux collectivités territoriales de mettre en oeuvre comme, par exemple, dans les domaines de l'université, de la politique de la ville, de la protection des jeunes majeurs...
M. Yves Krattinger. - Quelles pourraient être les ressources qui permettraient de compenser les transferts de compétences : subventions de l'État, part de CSG attribuée aux départements, par exemple ?
M. Thierry Carcenac. - La réponse à cette question nécessite d'abord de savoir ce que l'on veut faire avec l'impôt sur le revenu. Si ce dernier dispose d'une base plus large, par intégration de la base de la CSG, celle-ci deviendrait progressive et non plus proportionnelle. Alors, se posera la question du dynamisme de cette nouvelle imposition. La masse salariale étant actuellement en diminution, le produit attendu qu'il faudrait ensuite répartir diminuerait lui aussi. Et il n'est pas certain que l'augmentation des taux règlerait ce problème.
Les débats actuels relatifs à la situation financière des départements portent uniquement sur les dépenses, avec la question de savoir si nous dépensons bien et si nous ne devons pas dépenser mieux. Or, la véritable question porte sur les ressources et leur dynamisme : si on ne parvient pas à donner aux départements des ressources supplémentaires dynamiques, ces derniers se transformeront en agences de l'État. Ce n'est pas l'idée que je me fais du rôle du département.
Pour moi, on ne peut pas séparer la ressource de la dépense. Si on considère les dépenses départementales de solidarité nécessaires à la cohésion sociale, il est nécessaire de trouver les moyens visant à faire fonctionner ce système. Je ne suis pas certain qu'un impôt règlerait toutes les difficultés actuelles ; il pourrait même, au contraire, être la source de nouvelles inégalités.
M. Yves Krattinger. - Quelle est votre position sur la question du retour sur succession pour le financement de l'APA ? Faut-il le prévoir pour certains types de succession ou certains types de situations comme, par exemple, le limiter au GIR4 ?
M. Thierry Carcenac. - Si on met en place un service d'assurance, certaines personnes n'y auront pas accès, ce qui nécessitera la mise en place d'un dispositif spécifique pour cette population.
S'agissant de la récupération sur succession, les personnes qui bénéficient d'un fort patrimoine ont une connaissance suffisante des dispositifs fiscaux pour s'exonérer des droits successoraux. Cette question renvoie aux débats du début du XX e siècle, au moment de l'adoption de la première loi sur les retraites, en 1910. Le seul impôt qui existait alors était les droits de succession, l'impôt sur le revenu n'ayant pas encore été créé. Il avait été envisagé la progressivité des droits de succession pour financer les retraites, ce qui montre que le débat actuel a des racines anciennes.
M. Alain Lambert, président. - Ce matin, lors du CFL, a été évoquée la question du dynamisme des dépenses des conseils généraux, compte tenu des évolutions démographiques défavorables, dynamisme qui est supérieur à celui de leurs recettes fiscales. Par conséquent, les dépenses des collectivités territoriales ne vont-elles pas inévitablement devenir des dépenses d'État pour faire face à leur caractère obligatoire et dans la mesure où les collectivités territoriales ne peuvent pas adopter leur budget en déficit ?
M. Thierry Carcenac. - La création d'un budget annexe est souvent proposée pour isoler les dépenses sociales des départements et les apprécier au regard des recettes qui leur sont affectées. Or, cette proposition ne règlerait pas la question du surplus qui resterait à la charge des départements.
Si on considère que la dépendance est une préoccupation sociale, se pose la question de la ressource qui pourrait être affectée à cette compétence. Jusqu'à présent, les collectivités territoriales ont fait face à ces dépenses, soit en utilisant le levier fiscal, soit en augmentant leur endettement, soit en diminuant leur capacité d'investissement, soit encore en baissant les subventions allouées à certains secteurs.
M. Yves Krattinger. - Êtes-vous favorable à ce que les allocations de solidarité soient uniformes sur le territoire ?
M. Thierry Carcenac. - Rappelons que la notion d'égalité a été introduite au sein de l'article 72-2 de la Constitution par la révision de 2003, celui-ci disposant désormais que la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. Les allocations de solidarité étant des allocations nationales, j'estime que leur financement doit être national, sinon leur gestion variera selon les territoires.
S'agissant de ce débat, le précédent ministre du budget, M. Éric Woerth, avait souhaité mettre en place un taux directeur des dépenses des collectivités territoriales, à l'instar de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) dans le domaine de la santé. J'estime cependant qu'il est difficile de mettre en place un tel système pour les collectivités territoriales, c'est pourquoi il est nécessaire de trouver des critères de bonne gestion.
S'agissant des dépenses liées à la dépendance, le niveau de financement des groupes iso-ressources (GIR) de niveaux 1 et 2 dépend des conventions avec l'État ; une partie peut donc être prise en charge par l'État et le reste par les départements. Ainsi, selon l'équilibre choisi, il existe une certaine marge de manoeuvre pour les collectivités territoriales.
M. Yves Krattinger. - Cela appelle-t-il une compensation financière égale, quelle que soit la personne ?
M. Thierry Carcenac. - Bien que différentes considérations doivent être prises en compte dans le classement en GIR, l'analyse des chiffres permet de déterminer le positionnement d'une collectivité territoriale par rapport à la moyenne nationale, en termes de financement du GIR.
Lorsque l'APA a été transférée à mon département, il a été décidé que le conseil général prendrait en charge le financement du GIR 4, ce qui a provoqué un afflux important de dossiers vers le département. Lorsque les services du conseil général ont repris les dossiers de la caisse de sécurité sociale, il est apparu qu'elles avaient été généreuses et que mon département se situait au dessus de la moyenne régionale. Afin de se rapprocher de la moyenne régionale, il a été décidé de diminuer le montant alloué aux personnes classées en GIR 4.
Par conséquent, même en disposant de critères nationaux, il est possible de réguler les dépenses des départements.
Il convient de rappeler que d'autres problèmes peuvent se poser dans ce domaine, comme celui du prix des établissements d'accueil, variable, qu'il s'agisse d'un ancien hospice, d'un hôpital public ou du secteur privé.
M. Yves Krattinger. - Pensez-vous que l'État crée trop de normes et que cette production a un impact financier pour les collectivités territoriales ?
M. Thierry Carcenac. - Au niveau local, le nombre de fonctionnaires de l'Etat a été fortement réduit, alors qu'ils sont encore très nombreux dans les ministères. Cette situation peut parfois générer des excès de réglementation, d'autant que notre administration est très bonne...
Je donne un exemple : après qu'une étude eut montré que la taille moyenne de la population française avait augmenté au cours des dernières années, le ministère de la jeunesse et des sports a souhaité augmenter la taille du capitonnage de l'ensemble des salles de judo à 1 m 85 ! La CCEN a naturellement émis un avis négatif sur ce décret.
Par ailleurs, il est important que la CCEN transfère l'examen de certains projets réglementaires à la CCEC afin d'en connaître le coût réel pour les collectivités territoriales. Leurs rôles sont complémentaires.
S'agissant des normes imposées, elles sont très nombreuses et, souvent, elles résultent d'initiatives contestables. Je prends un exemple : la semaine dernière, j'ai reçu un courrier de M. Jean-Louis Borloo sur l'accessibilité du cadre de vie aux personnes handicapées et à mobilité réduite, qui me demandait de procéder à toute une série d'actions : un recensement des programmes de planification prévus dans ce domaine et de leur état d'avancement... Si aucune norme n'est encore imposée dans ce domaine, l'administration risque prochainement d'imposer aux collectivités territoriales des améliorations au niveau de l'accessibilité du cadre de vie.
M. Pierre-Yves Collombat . - J'aurais deux questions à vous poser. La première porte sur le jugement que vous inspirent les conclusions du rapport Jamet et de l'étude Standard & Poor's sur les déficits. Pensez-vous que les chiffres mentionnés sont fiables ?
M. Thierry Carcenac. - J'ai lu le rapport de M. Pierre Jamet sur la situation financière des départements ainsi que l'étude sur les finances départementales réalisée par l'agence de notation Standard & Poor's.
La question que je me pose est de savoir qui a commandé et financé cette seconde étude ? C'est une question très importante car ce type d'étude, en ce qu'il tend à mettre en avant une diminution de la capacité d'emprunt des collectivités locales, est de nature à impacter les taux d'intérêt pesant sur elles.
Quant au rapport réalisé par Pierre Jamet, il contient plusieurs pistes intéressantes même si sur plusieurs points, comme la proposition sur le covoiturage, elles ont un caractère anecdotique. Cependant, son auteur a le mérite de dire qu'il existe un réel problème pour les départements.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ma seconde question porte sur l'évolution des effectifs de l'administration centrale et des collectivités territoriales, qu'il serait intéressant de comparer. Je formule cette demande chaque année auprès des ministères compétents sans obtenir de réponse satisfaisante.
M. Thierry Carcenac. - Les rapporteurs spéciaux des commissions des finances ont un rôle important à jouer pour évaluer l'évolution des effectifs des administrations centrales. C'est en cette qualité que j'ai pu étudier l'évolution des effectifs du ministère des finances, notamment depuis la réforme des services. Et, effectivement, j'ai constaté que la réduction du nombre de directions ne s'était pas accompagnée d'une réduction du nombre d'agents.
Les évolutions de la fonction publique territoriale sont plus complexes à appréhender. Lors du transfert des TOS, les collectivités territoriales ont dû rééquilibrer la répartition des personnels dans les collèges. De manière générale, on constate une légère augmentation des effectifs, qui n'est que le reflet des évolutions de la société. Les collectivités territoriales ont également dû supporter des charges budgétaires supplémentaires en raison des modifications de la politique de l'emploi décidées par l'État, comme la suppression des emplois aidés.
Ces évolutions sont contrastées suivant les catégories de collectivités territoriales ; la part de la dépense des départements dans le PIB demeure stable, alors que les dépenses du bloc communal sont en augmentation.
Je voudrais donc insister sur la nécessité d'appréhender ces évolutions dans leur globalité.