ANNEXE 4 : COMPTES RENDUS DE LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À LA DÉCENTRALISATION
A. COMPTE RENDU RÉUNION DU 24 NOVEMBRE 2009
Présidence de M. Alain Lambert , président.
Audition de M. Xavier Péneau, directeur adjoint de la modernisation et de l'action territoriale au ministère de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, et de M. Jean-Claude Colliard, président de l'université de Paris-I Panthéon-Sorbonne.
M. Alain Lambert , président, a ouvert la séance en précisant que la délégation poursuivait ses auditions avec l'idée de préparer un certain nombre de débats thématiques dont l'objectif était de définir les orientations qui pourraient être présentées au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il a rappelé que, dans le cadre de la préparation de ces débats, la délégation avait entendu la semaine précédente M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'union sociale pour l'habitat, et M. Philippe Valletoux, membre du Conseil économique, social et environnemental. Il a rappelé que M. Hoorens avait abordé la question de la suppression de la taxe professionnelle, de l'évolution qu'elle avait connue et des liens qu'elle établissait entre les territoires et les entreprises, d'une part, et la problématique de la révision des valeurs locatives, de l'impact que cette révision était susceptible d'avoir pour les collectivités territoriales et des solutions tant techniques que politiques qu'appelait sa mise en oeuvre, d'autre part.
Il a observé que l'intervenant avait souligné la difficulté de concilier l'objectif de territorialisation de l'impôt avec les impératifs de péréquation entre collectivités territoriales. Il a proposé de transmettre aux membres de la délégation le compte rendu intégral de cette réunion ainsi qu'un questionnaire, préparé en collaboration avec M. Dominique Hoorens, en vue de la tenue d'une audition thématique sur la double question des modalités de révision des valeurs locatives et de l'arbitrage entre territorialisation et péréquation.
M. Alain Lambert , président, a souhaité que la délégation dispose d'outils utiles à sa réflexion et a proposé dans cette perspective de rendre ses membres destinataires d'un certain nombre de documents d'actualité intéressant les collectivités territoriales et la décentralisation, notamment des statistiques, des textes réglementaires, des rapports et des analyses. Ces documents, adressés par voie électronique au fur et à mesure de leur parution, auront vocation à étayer et à préparer les débats de la délégation. Il a annoncé qu'allait être distribué un dossier relatif à l'évolution des effectifs de la fonction publique territoriale, établi en réponse à la question posée à ce sujet par M. Edmond Hervé au directeur général des collectivités territoriales, lors de son audition devant la délégation le 27 octobre dernier.
Il a ensuite indiqué que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation procéderait, le mardi 1er décembre, à l'audition des auteurs du rapport de la Cour des comptes sur « La conduite par l'État de la décentralisation », et qu'une fiche de synthèse sur ce rapport serait adressée aux membres de la délégation, faisant ressortir les principaux axes d'analyses de la Cour des comptes. Il a remarqué que les magistrats portaient des appréciations sévères tant sur le pilotage du processus de décentralisation que sur l'État, qui s'est maintenu dans des dispositifs décentralisés et a mis en oeuvre des modalités de financement de la décentralisation inadéquates.
M. Alain Lambert , président, a ensuite rappelé que le Sénat allait entrer dans une période où il serait difficile à la délégation de se réunir sans compromettre la participation de ses membres aux débats et aux votes en séance plénière : ainsi, le mardi 8 décembre, devrait se tenir le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2010 et, le mardi 15 décembre, devrait s'ouvrir la discussion générale sur la concomitance des élections territoriales et, si le Gouvernement le décide, celle du projet de loi n° 60 relatif à la réforme territoriale. Il a proposé que la délégation ne se réunisse pas à ces deux dates. Il a estimé que le débat thématique sur la péréquation pourrait être maintenu à la date du 13 janvier 2010, s'il n'y avait pas de télescopage avec la poursuite de la discussion de la réforme territoriale.
M. Alain Lambert , président, a ensuite accueilli M. Xavier Péneau, chef de service adjoint à la direction de la modernisation et de l'action territoriale au ministère de l'Intérieur et a précisé qu'il avait participé à la préparation de la réforme territoriale, en ce qui concerne son volet électoral. Avant de lui donner la parole, il a tenu à souligner que les chefs d'administration répondaient à des questions juridiques et techniques, et qu'il était de bonne méthode de réserver les questions politiques aux responsables politiques.
M. Xavier Péneau a souhaité apporter des réponses précises aux questions pointues qui lui avaient été soumises en vue de la préparation de cette audition. Il a indiqué que, dans la lignée de l'audition du directeur général des collectivités territoriales récemment entendu par la délégation, il présenterait la partie de la réforme des collectivités territoriales relative à l'élection des conseillers territoriaux et des délégués intercommunaux.
S'agissant des critères déterminant le nombre des conseillers territoriaux par région, il a rappelé, comme le précise l'exposé des motifs des projets de loi relatifs à la réforme territoriale, que l'objectif recherché était la diminution de 50 % du nombre des élus locaux, afin d'atteindre le nombre de 3 000 élus contre 6 000 aujourd'hui comprenant 4 182 conseillers généraux et 1 880 conseillers régionaux.
Il a estimé que, au regard de la diversité des situations locales, notamment du point de vue démographique, il n'y avait pas de raison de « nationaliser » les effectifs des conseillers territoriaux : le nombre de ces derniers, dans une région donnée, ne sera pas en relation proportionnelle avec ceux d'une autre région, ni avec la population de la région concernée, en revanche la proportionnalité sera respectée à l'intérieur d'une même région entre les différents départements, le nombre de conseillers territoriaux étant en relation avec la population des circonscriptions départementales. Ce dernier point correspond au principe constitutionnel d'égalité des suffrages.
M. Xavier Péneau a noté que ce principe serait pondéré pour répondre à trois nécessités :
- l'objectif global de réduction de 50 % dans chaque région du nombre des élus territoriaux ;
- l'instauration de conditions permettant l'efficacité de la gouvernance du département et la juste représentation des territoires. Dans cette perspective, le nombre minimum de conseillers territoriaux par département serait fixé à 15, ainsi que l'a confirmé récemment le Président de la République. Actuellement, 26 départements sont sous-représentés au niveau de leur région, n'ayant qu'entre 2 et 10 représentants, il sera donc remédié à cette situation et des ajustements seront prévus pour garantir la bonne représentation des territoires ;
- l'encadrement des effectifs des conseils régionaux qui ne devront pas excéder un multiple inférieur à 2 par rapport au nombre actuel.
Il a indiqué que des choix restaient à faire sur la méthode de répartition des sièges et précisé que certaines grandes lignes directrices devraient être respectées : en particulier, les futurs cantons devront être adaptés aux limites des nouvelles circonscriptions législatives, le nombre de cantons sera plafonné à son niveau actuel, un nombre minimum de cantons sera fixé par circonscription législative, de même que sera défini le nombre minimum d'élus au suffrage universel par circonscription législative. Il a indiqué que ces différentes dispositions se retrouveraient dans le projet de loi d'habilitation, qui tiendra compte de deux échéances importantes de la fin de l'année 2009 : le remodelage définitif des circonscriptions législatives et l'actualisation des résultats du recensement de 2007.
M. Xavier Péneau a ensuite abordé les questions relatives à l'élection des délégués communautaires. Il a observé que le choix avait été fait de ne pas privilégier le suffrage universel direct dans le cadre d'une nouvelle circonscription qui aurait fait « disparaître » la commune, ce qui se traduisait par la création du système de « fléchage » prévu par la réforme territoriale. Il a souligné qu'il n'était pas possible de contraindre un élu local à siéger pour la totalité de la durée de son mandat au conseil communautaire de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et que, par conséquent, la possibilité lui serait laissée de démissionner, y compris pour des raisons de convenance personnelle. Il a précisé que la fonction laissée vacante par l'élu démissionnaire reviendrait au suivant sur la liste, cette règle s'appliquant également dans les communes de moins de 500 habitants.
S'agissant des conseillers territoriaux , M. Pierre-Yves Collombat a fait état des différentes projections réalisées pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et a appelé l'attention sur les distorsions de représentation des différents départements au sein de celle-ci, quels que soient les critères retenus, en raison de leur hétérogénéité démographique.
De même, M. Yves Krattinger a fait part de résultats surprenants pour l'ensemble de la France, avec de fortes amplitudes de représentativité en faveur de départements soit très peuplés qui verraient leur nombre de conseillers territoriaux augmenter ou, au contraire, peu peuplés qui auraient un nombre minimum de 15. Il a attiré l'attention sur la perspective d'assemblées pléthoriques et l'obligation de prévoir des locaux adaptés. Prenant l'exemple de la région Rhône-Alpes, il a estimé impossible de descendre en dessous de 300. Enfin, il a demandé au représentant du ministère de l'Intérieur de rendre publiques les projections concernant la répartition des conseillers territoriaux pour une égale information des élus et l'a interrogé sur l'actualité du redécoupage des circonscriptions.
M. Dominique Braye est intervenu au sujet des délégués communautaires, rappelant les termes du débat entre supracommunalité et intercommunalité. Il a exprimé la crainte que les communes disposant de cinquante pour cent de la population ou plus aient désormais les « clés » de l'intercommunalité, citant une étude de l'Assemblée des Communautés de France. Il a appelé l'attention sur les risques d'un renforcement des approches partisanes et des confrontations politiques au sein des futures intercommunalités et s'est demandé si le Gouvernement n'avait pas trouvé là un moyen d'imposer la création de nouvelles communes.
M. Jacques Mézard a regretté que les parlementaires ne bénéficient pas des clés de calcul utilisées par le ministère et a jugé la réforme des conseillers territoriaux inapplicable car se traduisant par un triplement des représentants des régions et une surreprésentation considérable des petits départements. Pour les délégués communaux, il a souligné la surcharge de travail pour certains maires qui devront cumuler la présidence de nombreuses commissions et seront seuls à représenter leur commune à l'intercommunalité.
En réponse, M. Xavier Péneau a indiqué que :
- son ministère ne dispose pas de tableaux de répartition des sièges par département mais qu'il avait cherché à identifier les problèmes, le projet de loi d'habilitation renvoyant seulement à des critères de répartition ;
- le choix de la méthode de répartition n'est pas encore arrêté mais il y aura inévitablement des distorsions, dans la mesure où il y aura un nombre minimum de sièges pour certains départements et un souci de représenter les différents territoires ;
- si l'objectif est bien de réduire de moitié, globalement, le nombre de conseillers, cette baisse ne sera pas uniforme dans l'ensemble des régions ; il y aura des corrections notamment pour représenter certains départements et pour ajuster certaines circonscriptions cantonales mais en respectant les limites des circonscriptions législatives fixées par la loi.
M. Éric Doligé a souhaité qu'on recherche les moyens de faire varier les « curseurs » de la réforme dont il a rappelé les grands axes en termes d'effectifs, tout en respectant les principes et limites fixés par le Conseil constitutionnel.
A propos des déséquilibres démographiques, M. Pierre Bernard-Reymond a souligné l'absence d'une réelle politique d'aménagement du territoire, notamment dans le département des Hautes-Alpes, et s'est interrogé sur l'équilibre entre la dimension territoriale et la dimension démographique acceptable par le Conseil constitutionnel pour la représentativité des conseillers qu'entraînera la réforme. En ce qui concerne les conseils intercommunaux, il a souhaité que les sièges attribués soient déterminés en fonction de « fourchettes » et non en chiffres ronds, pour plus de flexibilité, et que soit ouvert le débat sur le cumul des mandats des élus locaux, ainsi que sur la délimitation des cantons.
M. Rémy Pointereau a souligné l'importance des notions de population et de territoires pour élire les futurs conseillers territoriaux. En prenant l'exemple des départements du Cher et d'Eure-et-Loir, il s'est interrogé sur les dispositions qui seraient choisies pour équilibrer ces deux notions. S'agissant de la question des délégués communautaires, il a demandé si ces derniers disposeraient de suppléants. Enfin, il a regretté que les circonscriptions législatives aient été redéfinies avant les cantons.
Mme Marie-Thérèse Bruguière a souhaité savoir si, dans le cadre de la réforme, le maire de la commune centre deviendrait systématiquement le président du groupement de communes, dans la mesure où il disposerait du plus grand nombre de délégués communautaires. Elle a estimé que les conseils communautaires qui le souhaitaient devraient pouvoir continuer de fonctionner selon les règles de représentation actuelles.
M. Hervé Maurey a regretté qu'un conseiller municipal puisse renoncer à sa fonction de délégué communautaire. Il s'est demandé s'il était pertinent de lier le mandat de conseiller municipal et la fonction de délégué communautaire. Par ailleurs, il a plaidé pour que les cantons respectent, outre les circonscriptions législatives, les limites des groupements de communes. Enfin, il a souhaité savoir si le scrutin majoritaire à un tour appartenait à la tradition constitutionnelle française.
M. Roland du Luart s'est inquiété de l'emploi du temps des futurs conseillers territoriaux qui devraient siéger dans de nombreuses commissions du conseil général et du conseil régional. Il a estimé que la reconnaissance des suppléants qui les remplaceraient dans ces instances permettrait de répondre à cette difficulté mais n'entraînerait alors aucune économie de moyens.
M. Xavier Péneau a souligné que le scrutin mixte utilisé pour l'élection des conseillers territoriaux, soit un scrutin majoritaire accompagné d'une dose de proportionnelle, était un principe incontournable de la réforme sur lequel il serait difficile de revenir. En effet, il a estimé que le scrutin proportionnel atténuait la « brutalité » du scrutin majoritaire à un tour et permettait la représentation des petites formations politiques. Il a ensuite jugé possible l'élection de 4 000 conseillers territoriaux au lieu des 3 000 prévus dans le projet de loi mais a rappelé que ces derniers seraient aussi conseillers régionaux, ce qui multiplierait par deux leur nombre par rapport à l'effectif actuel. Sur la question des investissements engendrés par la réforme, il a indiqué qu'aucune simulation n'avait été réalisée mais que l'utilisation de centres de congrès, par exemple, permettrait de répondre à l'augmentation du nombre des conseillers régionaux. Il a précisé que les suppléants des conseillers territoriaux ne percevraient pas d'indemnités, mais seraient dédommagés de leurs frais de déplacements.
S'agissant du redécoupage cantonal, il a jugé possible qu'il respecte les limites des circonscriptions législatives. Cependant, il a rappelé qu'aucun principe constitutionnel ne le prévoyait, la loi pouvant toujours revenir sur les limites des circonscriptions électorales pour prendre en compte les circonstances locales. Par ailleurs, il a indiqué que le nombre de délégués communautaires n'était pas lié au mode d'élection des communes membres. Il a précisé que le fléchage des élus communautaires ne supposait pas qu'il n'y en ait qu'un et que la désignation se ferait dans l'ordre du tableau.
Il a considéré que le maire de la commune centre ne serait pas obligatoirement président du groupement de communes, puisque son élection relèverait, comme aujourd'hui, d'accords entre les différentes communes.
Il a estimé difficile de juger de la constitutionnalité du scrutin uninominal à un tour, compte tenu de l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ainsi, le Conseil constitutionnel a-t-il déjà admis des entorses au principe de « représentation proportionnelle» de la population en estimant que chaque département devait disposer d'au moins deux députés. Toutefois, il est revenu sur ce principe dans sa décision relative à l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés, en supprimant ce plancher minimum de représentation.
M. Pierre Bernard-Reymond s'est demandé si les modalités d'élection des conseillers territoriaux ne seraient pas défavorables aux femmes.
M. Xavier Péneau a répondu que, aujourd'hui, 12 % des conseillers généraux et 48 % des conseillers régionaux étaient des femmes. A résultats inchangés lors de l'élection des futurs conseillers territoriaux, il a estimé que 22 % de ces élus seraient des femmes. Par ailleurs, il a souligné que l'extension du scrutin de liste aux communes d'au moins 500 habitants allait favoriser la parité en augmentant de 100 000 le nombre de femmes élues dans les conseils municipaux et que, ainsi, globalement, la parité ne reculerait pas.
M. Alain Lambert , président, a remercié M. Xavier Péneau pour sa présentation et a accueilli ensuite M. Jean-Claude Colliard, professeur agrégé de droit public, président de l'Université de Paris-I Panthéon Sorbonne et ancien membre du Conseil constitutionnel de 1998 à 2007. Il a rappelé qu'un certain nombre de prises de positions doctrinales étaient intervenues sur le projet de réforme des modes de scrutin pour l'élection des conseillers communautaires, comme pour celle des conseillers territoriaux.
Tout d'abord, M. Jean-Claude Colliard a observé que la question de la constitutionnalité du scrutin était un véritable enjeu.
En premier lieu, il a rappelé que la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 avait ajouté à l'article 3 de la Constitution de 1958, devenu depuis l'article 1er, la disposition selon laquelle « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». Il a jugé que l'indicatif présent « favorise» avait valeur d'impératif et qu'une loi nouvelle ne pouvait donc que renforcer la parité par rapport aux lois plus anciennes. Il a rappelé que la situation était aujourd'hui contrastée puisque les femmes représentaient 12 % des conseillers généraux et 48 % des conseillers régionaux. Il a estimé que la proportion de femmes qui présenteraient leur candidature pour l'élection des conseillers territoriaux au scrutin majoritaire devrait être stable, tandis que la part de représentation féminine au scrutin proportionnel pourrait augmenter du fait de l'alternance de candidats de sexe différent sur les listes. Ainsi, dans le cadre de l'élection des conseillers territoriaux, il a considéré que les femmes pourraient représenter 20 % des élus des conseils généraux et 20 % des élus des conseils régionaux. Par ailleurs, il a évalué à 16 % la part des femmes dans les deux conseils, en globalisant les effectifs actuels des conseils généraux et des conseils régionaux, ce qui améliorait la situation dans les premiers, mais l'aggravait dans les seconds au regard de l'objectif de parité.
Il s'est demandé ensuite si certains autres aspects de la réforme territoriale ne risquaient pas d'être déclarés inconstitutionnels. Toutefois, il a estimé que le risque ne reposait pas sur l'inconstitutionnalité du scrutin majoritaire uninominal à un tour, thèse défendue par M. Guy Carcassonne. Tout en relevant, comme ce dernier, que le scrutin majoritaire uninominal à deux tours n'avait pas connu d'exception dans l'histoire électorale française, il s'est demandé si cela suffisait pour fonder un principe fondamental reconnu par les lois de la République, c'est-à-dire un « principe d'une portée générale, défini par un texte républicain, dont l'application est générale, continue et non contingente ». Il a rappelé que le Conseil constitutionnel avait jugé qu'un principe toujours appliqué par les lois de la République n'en était pas pour autant fondamental s'il n'avait pas une importance suffisante. Ainsi, le principe de la séniorité a-t-il été remis en cause par la décision n° 98-407 du 14 janvier 1999 du Conseil constitutionnel, qui a admis que, lorsque deux candidats disposaient du même nombre de voix à l'occasion d'une élection, le plus jeune des deux finalistes pouvait être déclaré élu, le Conseil constitutionnel a jugé en effet que le principe de séniorité n'était pas assez important pour être reconnu comme fondamental.
La question de l'élection des conseillers territoriaux au scrutin proportionnel lui a paru plus délicate. Il a noté que l'article L. 190-8 du code électoral, tel qu'il était proposé par le projet de réforme des collectivités territoriales, disposait que nul ne pouvait être candidat à la fois sur une liste et dans un canton. Il en résultait que les listes pour l'élection des conseillers territoriaux élus au scrutin proportionnel seraient composées de candidats qui ne bénéficieraient d'aucune voix sur leur nom, leur élection relevant de la comptabilisation des voix des candidats perdants au niveau de chaque canton. Il a considéré que cette disposition pouvait être contradictoire avec le principe selon lequel un candidat est élu s'il a bénéficié du plus grand nombre de suffrages exprimés sur son nom ou s'il appartient à la liste ayant remporté le plus grand nombre de voix. Il a estimé que ce principe pouvait être considéré comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Par conséquent, il s'est prononcé en faveur de la mise en place d'un scrutin à deux bulletins ou d'un bulletin double, sur le modèle allemand.
M. Jean-Claude Colliard a rappelé que l'article 14 du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale prévoyait que le Gouvernement procéderait par ordonnance pour déterminer le tableau des effectifs des conseils généraux et des conseils régionaux. Il a noté que cette demande d'habilitation présentée par le Gouvernement renvoyait au principe d'égalité devant le suffrage, tout en tenant compte des impératifs permettant la bonne administration du département et de la région. Il a souligné la difficulté de concilier ces deux principes dans les régions où coexistent des départements avec de forts écarts de population. Il a cité l'exemple de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dans laquelle, avec l'hypothèse de 50 conseillers territoriaux pour le département des Bouches-du-Rhône, le respect de l'égalité devant le suffrage conduirait à élire 26 conseillers généraux pour le Var, 14 pour le Vaucluse, 4 pour les Alpes-Maritimes et 3 pour les Hautes-Alpes.
Il a jugé, de manière générale, qu'un conseil général ne devait pas compter moins de 12 conseillers généraux. Pour résoudre cette problématique, deux solutions étaient envisageables : soit multiplier le nombre d'élus et de cantons ce qui posait un problème en matière d'égalité devant le suffrage, soit maintenir une proportionnalité, même aménagée, au risque d'avoir des conseils généraux pléthoriques et, in fine, ingouvernables.
Il a noté ensuite que, malgré la convergence des jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État sur le découpage électoral, qui reposaient toutes deux sur des exigences essentiellement démographiques, leurs décisions différaient sur les implications qui en découlent. Le Conseil constitutionnel, en tant que juge des élections législatives, s'est intéressé à l'égalité des suffrages au niveau national. Ainsi, son souci a t-il été de veiller à la répartition des sièges en tenant compte de la population à l'intérieur de chaque département, en contrôlant que l'écart de population entre deux circonscriptions ne dépassait pas 20 %. Le Conseil d'État, en tant que juge des élections cantonales, apprécie, de fait, l'égalité de population au sein de chaque département. Le juge administratif a accepté des écarts de population entre deux cantons d'un même département allant jusqu'à 50 % mais, en revanche, il a censuré un découpage cantonal à cause d'un écart allant de 1 à 5 entre la population de deux cantons d'un même département. Il a estimé que, dans le cadre de la réforme, la jurisprudence du Conseil d'État applicable au découpage cantonal pourrait être transposée à l'élection des conseillers territoriaux.
Par ailleurs, M. Jean-Claude Colliard a souligné la difficulté de répartir les sièges des conseils régionaux entre les départements. Les lois n° 99-36 du 19 janvier 1999 et n° 2003-327 du 11 avril 2003 relatives à l'élection des conseillers régionaux avaient ainsi prévu des modalités différentes de répartition des représentants de chaque département au conseil régional. L'actuel projet de loi modifie encore les règles de cette répartition en voulant réduire le nombre d'élus siégeant dans les assemblées départementales et régionales. Il a noté que, si le nombre de conseillers régionaux augmentait, la réforme ne répondait plus à cet objectif de réduction du nombre des élus régionaux et départementaux.
Il s'est interrogé sur les effets de cette nouvelle représentation des départements au sein d'une même région au regard des dispositions de l'article 72 alinéa 5 de la Constitution, selon lequel aucune collectivité territoriale ne pouvait exercer une tutelle sur une autre, estimant que, politiquement, le risque d'une tutelle existait.
M. Jean-Claude Colliard a abordé ensuite les effets politiques et techniques induits par le recours à un scrutin mixte. Il a relevé que le recours à un vote unique aurait des effets en sens contraires, dans la mesure où le scrutin majoritaire oblige à se rassembler tandis que le scrutin proportionnel conduit à se disperser. Le système aurait donc, selon lui, à la fois l'effet d'un frein et d'un accélérateur. Dès lors qu'il serait nécessaire d'avoir un pourcentage important pour obtenir un siège à la représentation proportionnelle, le bénéfice en reviendrait au grand parti ayant perdu au scrutin majoritaire, ce qui conduirait les petites formations politiques à se rapprocher des partis plus importants.
Il a regretté la disparition des petits cantons en milieu rural, en insistant sur l'importance du rôle du conseiller général dans ces territoires. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la compatibilité du mandat de parlementaire avec celui de conseiller territorial, dans la mesure où ce dernier mandat demanderait aux élus beaucoup de temps, ce que reconnaît implicitement le projet de loi, puisqu'il prévoit de recourir aux suppléants, ce qui justifierait pour ces derniers la reconnaissance d'un statut.
M. Yves Krattinger s'est interrogé sur le statut du remplaçant d'un conseiller territorial et sur le rôle exact qui lui était attribué par le projet de loi.
M. Jean-Claude Colliard a souligné que la réforme pouvait éventuellement provoquer des effets pervers. Ainsi, il a émis l'hypothèse qu'un candidat, se présentant dans une circonscription qui pouvait être considérée comme lui étant favorable et habituellement investi par un grand parti politique, puisse ne pas se rattacher à la liste régionale de son parti et suscite une autre candidature dans le même canton avec rattachement à cette liste. Cette pratique permettrait au parti auquel appartenaient les candidats d'obtenir un siège au scrutin majoritaire uninominal, tout en recueillant également des voix en vue du scrutin de liste.
Il a précisé que le système proposé par le Gouvernement pour l'élection des conseillers territoriaux constituait une variante d'un système électoral qui avait été utilisé en Italie.
M. Hervé Maurey a estimé que l'instauration d'une faible dose de proportionnelle pour l'élection des conseillers territoriaux constituait une contrepartie à la mise en oeuvre du scrutin uninominal à un tour. Il a considéré que les modalités retenues pour le recours au scrutin proportionnel sur un nombre réduit de sièges avaient pour effet de favoriser les grands partis politiques et ne permettaient pas la représentation des petits partis.
M. Jean-Claude Colliard a souligné que les effets techniques du mode de scrutin proportionnel avantageaient quasi mécaniquement les partis politiques les mieux implantés. En effet, dans un département qui élirait six conseillers territoriaux au scrutin proportionnel, l'obtention d'un siège nécessiterait de recueillir environ 16 des suffrages exprimés.
Il a indiqué que l'influence des partis politiques les plus importants était renforcée, par ailleurs, par l'obligation de présenter des candidats dans la moitié des cantons du ressort régional afin de pouvoir participer à la répartition des sièges à pourvoir à la représentation proportionnelle.
Il s'est prononcé, à titre personnel, pour un doublement de la part de conseillers territoriaux élus au scrutin proportionnel de liste, et l'abandon du système de compensation, c'est-à-dire l'utilisation des voix des candidats battus au scrutin uninominal majoritaire à un tour pour l'élection des candidats à la représentation proportionnelle.
M. Pierre Bernard-Reymond a voulu savoir si, à côté du principe d'égalité du suffrage, la jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaissait la notion de représentation des territoires.
M. Jean-Claude Colliard a précisé que la jurisprudence du Conseil constitutionnel était principalement construite sur le principe de l'égalité des suffrages. Le Conseil pouvait néanmoins accepter des exceptions à ce principe quand elles reposaient sur des critères objectifs et rationnels, par exemple pour la représentation des territoires insulaires ou ultra-marins. Il a considéré que l'acceptation d'une dérogation importante au principe de l'égalité des suffrages semblait plus difficile à justifier à l'intérieur d'un département métropolitain.
Il a estimé que, au regard de la jurisprudence actuelle du Conseil d'État en matière de découpage cantonal, ce dernier allait devoir : soit faire évoluer sa jurisprudence, soit censurer le découpage cantonal nécessaire à l'élection des conseillers territoriaux.
Il a rappelé que, selon les informations parues dans la presse, le Conseil d'État avait d'ailleurs émis des réserves sur l'avant-projet de loi du Gouvernement, sans que les réserves ainsi exprimées n'aient été rendues publiques.
A partir de l'exemple de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, région où l'écart de population entre le département le moins peuplé et le département le plus peuplé est de 14,5 en population et de 3,6 en sièges, M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur les règles de répartition des conseillers territoriaux, entre les départements d'une même région, pouvant être appliquées pour respecter, à la fois, la représentation des territoires, par application d'un nombre minimal de conseillers territoriaux - fixé à 15 par le Gouvernement - et le principe d'égalité démographique, sans augmenter considérablement le nombre d'élus. Il a indiqué que toutes les simulations, réalisées à partir des données communiquées par le Gouvernement dans le cadre des travaux préparatoires à la réforme, rendaient nécessaires des distorsions ou des entorses au principe de l'égalité des suffrages.
M. Jean-Claude Colliard a indiqué que le tableau de répartition des conseillers territoriaux au sein de chaque région étant élaboré par voie d'ordonnance, le Conseil d'État serait saisi d'éventuels contentieux avant le Conseil constitutionnel.
Il a observé que le Conseil d'État sanctionnait des écarts trop importants entre cantons d'un même département et que, par analogie, si ces écarts n'étaient pas acceptables au sein d'un département, le juge administratif ne devrait pas les accepter au sein de la région.
Il a rappelé que, dans sa décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 relative à l'élection des sénateurs, le Conseil constitutionnel avait considéré que la loi déférée ne pouvait modifier le mode de scrutin pour l'élection des sénateurs sans révision préalable de la répartition des sièges par département, afin de tenir compte des évolutions démographiques intervenues depuis les trois derniers recensements.
M. Yves Krattinger a voulu savoir si la présence des conseillers territoriaux au sein des assemblées départementales et régionales n'avait pas pour effet de créer une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre puisque chaque conseil général deviendrait un sous-ensemble du conseil régional, et qu'il existait un risque qu'un département dont la population était particulièrement importante par rapport aux autres départements de la région dispose de la majorité des voix au conseil régional.
M. Jean-Claude Colliard est convenu que, sans correction des inégalités de représentation, un département pouvait disposer d'une part prépondérante lors de l'examen des affaires de la région. Toutefois, une telle situation ne saurait être considérée comme l'exercice d'une tutelle d'un point de vue juridique.
Il a observé que le fait que les élus départementaux composent une section d'un conseil régional pouvait être un obstacle au principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. Claude Jeannerot a voulu savoir si le mode de scrutin uninominal à un tour avait déjà été utilisé en France.
M. Jean-Claude Colliard a précisé que ce mode de scrutin n'avait jamais été utilisé en France. Il a souligné que traditionnellement le mode de scrutin uninominal comprenait deux tours dans notre pays afin que le candidat élu puisse rassembler la moitié des suffrages exprimés. Il a indiqué qu'il existait quelques exemples d'élections à un seul tour, comme le scrutin de liste départemental en vigueur en 1848 et 1870 ou la loi électorale de 1919 qui prévoyait quatre modes d'élections différents dont la majorité départementale, le quotient ou la proportionnelle et qui, de fait, était une élection à un seul tour.
Il a considéré que la référence faite aux travaux de la commission Vedel dans l'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale était inexacte. La commission Vedel avait proposé un mode de scrutin mixte, proche du système allemand, dans lequel l'électeur disposait de deux voix, ce qui n'est pas le cas, en l'état, dans le dispositif proposé pour l'élection des conseillers territoriaux.
M. Jacques Mézard a souligné le risque de voir se substituer des majorités fondées sur des critères géographiques aux majorités politiques, du fait de la surreprésentation de certains départements au sein d'une même région.
M. Jean-Claude Colliard a estimé, qu'en l'état, la rédaction des projets de loi ne semblait pas se préoccuper des moyens de dégager une majorité au sein du conseil régional ou des conseils généraux, à moins de supposer que le scrutin à un tour ne le permette.
Il a rappelé que le scrutin municipal, décrié lors de sa mise en oeuvre en 1982, faisait maintenant l'objet d'un consensus.
M. Eric Doligé a observé que les simulations présentées en début d'audition sur la présence des femmes au sein des assemblées départementales et régionales lui semblaient un peu optimistes.
M. Jean-Claude Colliard en est convenu, le comportement des partis politiques et les effets d'un scrutin de liste ne concernant qu'une fraction réduite du nombre de conseillers territoriaux pouvaient en effet déboucher sur une proportion encore plus réduite de femmes au sein des conseils généraux et régionaux.
Enfin, M. Pierre-Yves Collombat a estimé que la présence des présidents de conseils généraux de tous les départements de la région au sein du conseil régional ne pourrait manquer d'avoir des répercussions sur le fonctionnement de cette assemblée.
B. COMPTE RENDU RÉUNION DU 16 FÉVRIER 2010
Présidence de M. Alain Lambert , président.
Débat d'orientation sur les modes de scrutin envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux.
La délégation a organisé un débat d'orientation sur les modes de scrutin envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux.
M. Alain Lambert , président, a indiqué que, après la table ronde sur la péréquation, les travaux de la délégation feraient désormais plus de place aux débats et aux propositions. Il a émis le souhait que les membres de la délégation puissent tout mettre en oeuvre pour essayer, autant que possible, de dégager des pistes de consensus. Il a indiqué que cette recherche du consensus devait être précédée, avant toute décision, d'un inventaire des points d'accord et des points de désaccord. Il a précisé qu'une telle démarche supposait donc de séparer clairement le temps de l'analyse du temps de la décision, car les consensus ne devaient pas être le fruit des circonstances, mais celui de la réflexion, et tout particulièrement de la réflexion des rapporteurs.
Il a insisté sur le fait que les travaux de la délégation devaient se nourrir de l'expérience de chacun, afin que la connaissance des idées exprimées sur le terrain puisse ensuite alimenter les débats des groupes et des commissions. Il a rappelé que la délégation ne saurait se substituer aux groupes politiques, ni les contourner, pas plus qu'elle ne saurait porter la moindre atteinte aux compétences des commissions permanentes.
M. Alain Lambert , président, a souhaité que l'adoption des rapports de la délégation fasse, autant que possible, l'objet d'une démarche en deux temps, la présentation d'un rapport d'orientation, organisée en aval de la rédaction du rapport définitif, permettant aux rapporteurs de disposer des points de vue de chacun et d'intégrer les éléments de consensus avant la présentation formelle des rapports.
M. Alain Lambert , président, a indiqué que la délégation allait inaugurer cette nouvelle manière de travailler en procédant à un débat d'orientation sur les modes de scrutin envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur, a rappelé que le bureau de la délégation avait souhaité l'élaboration d'un rapport permettant d'éclairer le choix du Sénat quant à l'existence d'un ou plusieurs modes de scrutins envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux.
Il a observé que cette démarche ne visait pas à rechercher un mode de scrutin idéal, ne serait-ce que parce que la notion variait selon les choix politiques, techniques, juridiques qui étaient faits, mais à explorer le champ des possibles, chaque sénateur pouvant alors se déterminer en fonction de ses préférences.
Il a précisé que le débat d'orientation avait pour but de présenter la méthode de travail retenue par les rapporteurs et de vérifier qu'elle recueillait l'assentiment des membres de la délégation.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur, a souligné la nécessité de s'intéresser non seulement à la mécanique du mode de scrutin, mais également à ses effets. Il a ensuite tracé les contours d'une méthode de travail dont la première étape était consacrée à la définition des objectifs assignés aux modes de scrutin ou, plus exactement, à l'établissement de la liste des contraintes qui s'imposeraient à ces modes de scrutin.
Il a ainsi distingué quatre catégories de contraintes. Tout d'abord, les contraintes inhérentes à tout système démocratique, par exemple le fait que le nombre de sièges attribués était représentatif de la distribution des voix ; ensuite, les contraintes gestionnaires, par exemple s'assurer que le mode de scrutin permettait de dégager des majorités de gestion ou que l'effectif de l'assemblée ne soulevait pas des difficultés au regard de l'organisation des délibérations et de la prise de décision ; les contraintes constitutionnelles ; enfin, les contraintes politiques, résultat du choix du législateur, tel que celui d'un scrutin unique pour l'élection d'un même conseiller siégeant au département et à la région.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur, a précisé que cette liste d'objectifs constituait une grille d'analyse des modes de scrutins envisageables et permettrait, dans un deuxième temps, d'élaborer la liste des modes de scrutin satisfaisant à l'ensemble des contraintes initialement dégagées. Dans le cas, qu'il a estimé probable, où aucun mode de scrutin ne vérifierait l'ensemble de ces critères, les rapporteurs devraient alors procéder à une hiérarchisation des critères initialement retenus afin d'affiner l'analyse. Il a jugé nécessaire de prendre également en compte les contraintes constitutionnelles.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur, a souligné que cette analyse permettrait ainsi de faire émerger plusieurs propositions de valeur technique équivalente, le choix final du mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux n'étant plus alors qu'une question de choix politique.
M. Hervé Maurey , rapporteur, a indiqué que ces travaux s'inscrivaient dans le cadre du texte voté par le Sénat. Il a estimé nécessaire de prendre en compte les principes exprimés dans l'article 1A du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, à savoir assurer la représentation des territoires par le recours au scrutin uninominal, permettre l'expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel et, enfin, favoriser la parité.
Il a rappelé qu'un échange de vues entre plusieurs membres de la délégation avait fait apparaître un autre critère très important : la nécessité de favoriser l'émergence de majorité de gestion au sein des assemblées délibérantes des collectivités territoriales concernées.
M. Hervé Maurey , rapporteur, a observé que d'autres critères d'analyse pouvaient également être pris en compte, par exemple celui du risque d'inversion des résultats, effet indésirable inhérent à certains modes de scrutin et mis en évidence lors d'une des auditions de la délégation.
Il a souligné que l'étude menée sous l'égide de la délégation pouvait être limitée à six modes de scrutin distincts, regroupés en deux catégories. La première catégorie regrouperait les scrutins mixtes, c'est-à-dire le mode de scrutin proposé par le Gouvernement pour l'élection des conseillers territoriaux, le scrutin proportionnel à plusieurs niveaux d'attribution de sièges en usage en Allemagne et un scrutin combinant le recours au scrutin uninominal dans les zones rurales et l'instauration d'un scrutin proportionnel dans les zones urbaines. Une seconde catégorie rassemblerait les scrutins alternatifs : scrutin uninominal à deux tours ; scrutin proportionnel avec prime à la liste arrivée en tête de type municipal ; scrutin majoritaire plurinominal.
En conclusion, M. Hervé Maurey , rapporteur, a jugé indispensable de prendre en compte les enseignements des expériences étrangères. Il a indiqué que la division de la législation comparée du Sénat avait été saisie afin de recueillir les données juridiques nécessaires.
M. Alain Lambert , président, a jugé cohérent de débattre des objectifs assignés au futur mode de scrutin avant d'en examiner ses modalités, précisant qu'il serait étrange, fastidieux et largement inutile de discuter de tous les systèmes concevables sans avoir au préalable éliminé ceux qui ne répondraient pas aux critères ainsi déterminés.
Il a proposé d'organiser le débat d'orientation en deux temps. Le premier temps serait consacré à une discussion sur les objectifs qui devraient être assignés au futur mode d'élection des conseillers territoriaux. Puis il a indiqué que, dans un second temps, les membres de la délégation qui le souhaiteraient pourraient faire part de leurs préférences ou réticences pour un système électoral et les porter à la connaissance des deux rapporteurs afin de nourrir leur réflexion.
M. Alain Lambert , président, a ensuite ouvert le premier temps du débat d'orientation, consacré aux objectifs du futur mode d'élection. Il a rappelé ceux énoncés par les rapporteurs : dégager une majorité, assurer la représentation des territoires et des courants d'opinion, prendre en considération la parité. Il a précisé que ces objectifs devaient être rapprochés de ceux identifiés par le Sénat, suite à l'adoption d'un amendement présenté par le groupe centriste : représentation du territoire par le scrutin uninominal, expression du pluralisme politique et de la représentation démographique par un scrutin proportionnel et parité.
S'appuyant sur le principe de loyauté qui avait prévalu lors de la réunion d'installation de la délégation, M. Edmond Hervé a annoncé qu'il ne participerait pas aux débats de la délégation consacrés aux modes de scrutin envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux, compte tenu de son opposition de principe à l'instauration de cette nouvelle catégorie d'élus. Il a rappelé que, à l'occasion de l'examen de la motion référendaire déposée par le groupe socialiste, celui-ci avait fait valoir le caractère fondamentalement anticonstitutionnel du conseiller territorial.
M. Jacques Mézard a souscrit aux propos de M. Edmond Hervé, en précisant que la loi votée en première lecture au Sénat serait discutée à l'Assemblée nationale au cours des prochaines semaines et que le Conseil constitutionnel serait saisi pour donner son avis. Il a estimé que trop d'éléments demeuraient flous pour débattre sereinement des modes de scrutin envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux, notamment l'absence d'informations précises sur l'effectif total de cette catégorie d'élus ou encore la fixation d'un effectif minimal et d'un effectif maximal pour chaque conseil général. Il a estimé que le recueil de ces informations était indispensable avant d'engager une réflexion utile sur les modes de scrutin. Il a souligné que les réponses apportées par le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales sur ce sujet manquaient de précision, le secrétaire d'État ayant dans un premier temps évoqué un nombre maximum de conseillers territoriaux égal à 3 000, avec un effectif d'au moins 15 conseillers territoriaux par département, avant d'indiquer que ces deux seuils risquaient de ne pas être maintenus, compte tenu des différentes contraintes à prendre en compte.
M. Jean-Jacques Mirassou a salué la volonté de M. Alain Lambert, président, de rechercher des propositions consensuelles sur les sujets débattus au sein de la délégation. Cependant, approuvant les propos précédents, il s'est déclaré fermement opposé à la création des conseillers territoriaux. Il a estimé que les ministres chargés de défendre le projet de loi n'avaient pas dissipé les nombreuses interrogations des sénateurs autour de la parité et des effectifs minimum et maximum de conseillers territoriaux par département. Par ailleurs, il a jugé que la détermination du mode de scrutin adapté à l'élection des conseillers territoriaux revenait au Gouvernement et non au Parlement.
M. Claude Jeannerot a regretté que le mode de scrutin des conseillers territoriaux soit débattu avant la question de la répartition des compétences entre les niveaux de collectivités territoriales, dont le projet de loi sera discuté au Parlement en 2011. Il a estimé que la question des compétences aurait dû précéder la réforme proposée par le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales et celui relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale.
M. Didier Guillaume a souligné que l'objectif de la délégation était de disposer d'un lieu de réflexion sur toutes les questions intéressant les collectivités territoriales, distinct de la séance plénière et des commissions permanentes. Il a fait part de sa satisfaction sur le contenu des travaux relatifs à la réforme des valeurs locatives, qui avaient permis de dégager des lignes de consensus entre les membres de la délégation. Mais il a désapprouvé l'organisation d'un débat sur le mode de scrutin des conseillers territoriaux, considérant que le principe même de cette nouvelle catégorie d'élus représentait un recul démocratique.
M. Alain Lambert , président, a rappelé que l'organisation d'un débat sur la question des modes de scrutin des conseillers territoriaux avait été décidée par le bureau de la délégation et qu'il s'était attaché à ne pas refuser les sujets proposés par celui-ci.
M. Bruno Sido a regretté le refus du groupe socialiste de participer aux débats de la délégation sur les modes de scrutin des conseillers territoriaux, considérant qu'il s'agissait d'un travail en amont sur la question, celle-ci devant être de nouveau débattue au cours de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Par ailleurs, il a rappelé que le Gouvernement attendait du Parlement des propositions sur le sujet.
M. Pierre Jarlier a approuvé la méthode de travail de la délégation visant à organiser un débat d'orientation sur les modes de scrutin envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux. Il a cependant relevé que la question du nombre minimum de conseillers territoriaux par département était déterminante pour la clarté du débat. Il a considéré que la légitimité des départements et la crédibilité de leurs politiques publiques pouvaient être remises en cause si les assemblées départementales étaient composées d'un nombre trop faible de conseillers territoriaux. Par conséquent, il a souligné que la question essentielle était la recherche d'une représentation territoriale suffisante permettant à l'assemblée départementale de disposer d'une légitimité politique. Il a rappelé que l'absence d'une vraie représentation territoriale des conseils généraux l'avait empêché d'adhérer au dispositif des conseillers territoriaux.
M. Yves Krattinger a rappelé que la recherche du consensus avait animé la mission temporaire d'information sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, cela afin d'éviter l'adoption d'une loi remettant en question les acquis de la décentralisation. Il a regretté ne pas avoir retrouvé l'esprit consensuel de la mission lors des débats parlementaires sur le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales et s'est étonné que, pour une réforme aussi fondamentale que celle des conseillers territoriaux, le Gouvernement n'ait pas fourni de simulations et qu'il en soit encore à chercher le mode de scrutin approprié. Il a indiqué que, à l'instar de son collègue Edmond Hervé, il n'avait pas l'intention de s'impliquer dans un débat qui ne pourrait, à ses yeux, que déboucher sur une impasse, du fait des nombreuses difficultés liées à la mise en place du conseiller territorial.
M. Alain Lambert , président, a insisté sur le fait que le calendrier de travail de la délégation avait été fixé par son bureau, qui avait donné son accord aux thèmes de réflexion demandés par les sénateurs.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur, s'est étonné de la réaction des membres de son groupe politique. Il a précisé que la question du mode de scrutin des conseillers territoriaux avait été proposée par plusieurs membres de la délégation et qu'il ne voyait aucune objection à participer à une réflexion sur le sujet tout en restant opposé à la création du conseiller territorial. Il a estimé que la réflexion de la délégation sur le sujet avait pour objectif de recenser les contraintes du mode de scrutin actuellement proposé par le Gouvernement et de réfléchir à des alternatives possibles, afin de permettre à chacun de se déterminer en fonction de ces éléments.
M. Hervé Maurey , rapporteur, a estimé que le principe du conseiller territorial ayant été voté, l'instauration de cette nouvelle catégorie d'élus constituait un cadre de travail qu'il ne s'agissait plus de remettre en cause. En revanche, il a considéré que le mode de scrutin proposé dans le projet de loi pouvait être amélioré. Enfin, il a estimé que les rapporteurs pourraient proposer, au titre des aménagements nécessaires, de ne pas diviser par deux l'effectif des élus départementaux et régionaux, mais de procéder à une réduction de moindre ampleur.
M. Alain Lambert , président, a tenu, avant d'entamer la seconde partie du débat consacrée à l'examen des modes de scrutin alternatifs envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux, à rappeler que le programme de travail de la délégation avait été communiqué à l'ensemble des groupes politiques du Sénat et qu'il n'avait été l'objet d'aucune opposition.
M. Yves Détraigne a estimé que le Sénat, qui examinera prochainement les modalités d'élection du conseiller territorial, devait être le mieux informé possible et que les travaux de la délégation pouvaient contribuer à cette bonne information commune. À cet égard, il a vivement regretté qu'une partie des membres de la délégation refuse de s'associer à ces travaux.
M. Rémy Pointereau s'est dit intéressé par les propositions des rapporteurs et notamment par une analyse approfondie des effets de deux des modes de scrutin présentés : le scrutin mixte prévoyant le recours au scrutin majoritaire en zone rurale et l'usage du scrutin proportionnel en zone urbaine ; le scrutin proportionnel sur des territoires réduits, dans le cadre de circonscriptions infradépartemenatles.
M. Pierre Jarlier a souhaité que les rapporteurs étudient systématiquement les modes de scrutin en prenant en compte leurs effets en cas d'organisation d'un seul ou de deux tours de scrutin. Il a considéré que cette question revêtait une grande importance, notamment au regard de la légitimité politique de l'élu et de l'émergence d'élus issus de la société civile, plus facile, selon lui, dans le cadre d'un scrutin à deux tours que dans celui d'un scrutin à un tour.
M. Pierre Hérisson a suggéré que les rapporteurs étudient également les modes de scrutin d'autres pays au regard de la parité. Il a ainsi évoqué le Sénat espagnol qui compte 42 % de sénatrices, alors qu'aucune loi n'impose de parité aux élections, les partis politiques en ayant spontanément inscrit le principe dans leurs statuts. Considérant que la création du conseiller territorial avait été adoptée démocratiquement en première lecture au Sénat, il a souhaité que la délégation poursuive ses travaux et s'est dit, à titre personnel, intéressé par un scrutin majoritaire en zone rurale et proportionnel en zone urbaine.
M. Yves Détraigne a souhaité que les critères retenus soient appliqués tant au niveau régional qu'au niveau départemental. Il a mis en avant des difficultés susceptibles de résulter de cette exigence, citant en exemple le fait que l'obtention d'une majorité du niveau départemental ne garantissait pas une majorité du niveau régional. En outre, il a suggéré que les critères soient hiérarchisés. Par ailleurs, il s'est dit ouvert à l'invention de nouveaux modes de scrutin, comme cela avait été le cas en 1982 avec le scrutin municipal, avec des résultats fort satisfaisants et sans poser de problèmes constitutionnels. En conséquence, il a estimé que la délégation ne devait pas limiter sa réflexion.
M. Bruno Sido a souhaité une analyse approfondie des observations émises par les constitutionnalistes entendus sur le sujet, ainsi que de la signification et de la portée du principe de parité inscrit dans la Constitution.
M. Jacques Mézard a rappelé que la délégation n'avait à se substituer ni à la commission des lois, ni au Sénat réuni en séance plénière et que, dès lors, le travail des rapporteurs devait se limiter à la présentation et à l'analyse de différents types de scrutin. Toutefois, il a estimé que ce travail était rendu particulièrement difficile par l'absence d'éléments connus à ce jour sur les effectifs des conseillers territoriaux. En outre, il a fait état de ses préventions à l'encontre de scrutins différents dans les cantons ruraux et dans les zones urbaines.
M. Alain Lambert , président, a observé que, si les analyses réalisées, notamment par des universitaires, sur la constitutionnalité des différents modes de scrutin envisageables ne permettaient pas d'anticiper, quelle que soit leur pertinence, la décision finale du Conseil constitutionnel, ces analyses devaient toutefois être prises en compte par les travaux de la délégation. Il a jugé souhaitable de réexaminer certains modes de scrutin peut-être frappés un peu rapidement d'inconstitutionnalité par leurs opposants, tel que le mode de scrutin combinant le recours à un scrutin majoritaire dans les zones rurales à un scrutin proportionnel dans les zones urbaines.
Il a rappelé qu'il avait déposé une proposition de loi tendant à modifier le mode d'élection des conseillers généraux dans les cantons urbains en vue d'y instituer la représentation proportionnelle.
M. Hervé Maurey , rapporteur, a rappelé qu'il existait des divergences d'appréciation sur l'exigence constitutionnelle de parité, ainsi que l'avait rappelé M. Guy Carcassonne, lors de son audition par les rapporteurs ou M. Bertrand Mathieu, lors de son audition par la délégation aux droits des femmes. De la même manière, la question de savoir si le mode de scrutin uninominal à deux tours doit être considéré comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République fait l'objet d'appréciations différentes chez les constitutionnalistes, d'où la nécessité d'approfondir les termes du débat.
M. Hervé Maurey , rapporteur, a observé que l'intention des rapporteurs était d'aller au-delà des analyses réalisées par les représentants de la communauté universitaire sans empiéter sur les prérogatives de la commission des lois.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur, a indiqué que, compte tenu des prises de parole ayant eu lieu en début de réunion, il allait prendre l'attache de son groupe politique avant de décider de poursuivre sa tâche de rapporteur de la délégation sur ce sujet. Il a indiqué que le travail des rapporteurs devait aller au-delà des analyses universitaires sur les effets des modes de scrutin.
M. Rémy Pointereau a souligné que le mode de scrutin retenu pour l'élection des conseillers territoriaux devait être compréhensible pour les électeurs.
C. COMPTE RENDU RÉUNION DU 11 MAI 2010
Présidence de M. Alain Lambert , président.
Modes de scrutin envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux - Débat.
M. Alain Lambert , président.- Plusieurs semaines après notre débat d'orientation du 16 février, nous voici de nouveau réunis pour débattre de la question, ô combien épineuse, des modes de scrutin envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux.
Je dis bien « débattre », car il n'aura échappé à personne que la rédaction même de notre ordre du jour rectifié ne porte pas à proprement parler sur l'examen d'un rapport, alors qu'à la fin de la semaine dernière, j'espérais pouvoir y parvenir.
J'en ai décidé ainsi pour sortir d'une difficulté dans laquelle se trouvaient nos collègues Hervé Maurey et Pierre-Yves Collombat, en charge de ce dossier. Pour des raisons qu'ils seront bien mieux à même que moi d'expliquer, ils n'ont pu parvenir à la rédaction d'un texte commun.
Il fallait bien trouver une voie de sortie, et c'était mon rôle de le faire. Pour cela, il m'appartenait de choisir entre le retour à un seul rapporteur, la confrontation et la discussion :
- le retour à un seul rapporteur, solution à laquelle j'avais songé en fin de semaine passée, aurait consisté à prendre acte de l'impossibilité d'un accord et à soumettre à la délégation le projet de rapport du sénateur appartenant à la majorité. Bien entendu, l'autre sénateur aurait eu tout loisir de nous expliquer pourquoi cette analyse n'était pas la sienne ; bien entendu, soucieux du respect des droits de la minorité, je vous aurais proposé la publication de cette opinion sous forme d'annexe au rapport. Dans ces conditions, cette solution avait ma préférence et je croyais sincèrement, pour la leur avoir soumise, qu'elle avait également la préférence de nos deux collègues. Mais M. Pierre-Yves Collombat m'a fait savoir qu'il y avait eu un malentendu et qu'il souhaitait, lui aussi, soumettre son projet de rapport à la délégation ;
- une autre solution, la deuxième qui s'offrait à moi, que je qualifie, peut-être de manière un peu abrupte, de « choix de la confrontation », aurait consisté à ce que chacun de nos deux collègues vous présente son rapport avant que la délégation choisisse celui dont elle autorisait la publication (le cas échéant, en mettant l'analyse minoritaire en annexe). Il y aurait donc eu, en quelque sorte, un gagnant et un perdant. Ce n'est pas la méthode que je préconise pour notre délégation. Elle n'est pas jury de concours et nos rapporteurs ne sont pas des candidats à un titre quelconque. L'affrontement majorité-minorité n'a pas la meilleure pertinence, dans notre enceinte, pas plus que la répartition entre gagnants et perdants. Le plus fructueux me semble dans le dialogue Parlement / Gouvernement avec une réflexion commune au sein du Parlement, et notamment de notre délégation, pour proposer à l'exécutif des solutions issues des expériences de terrain ;
- dans ces conditions, et pour prendre en compte le souhait - tout à fait légitime - de M. Pierre-Yves Collombat de soumettre son analyse à la délégation, j'ai dû modifier le format initialement prévu pour notre réunion pour retenir la dernière solution, celle de la discussion. Il n'y aura donc pas - en tout cas à l'issue de notre réunion - d'adoption formelle de rapport. Nous le ferons ultérieurement si un consensus se dégage en ce sens, mais n'ayons pas non plus l'obsession des rapports : l'essentiel n'est pas de produire du papier, mais des idées, des analyses, des arguments et de le faire dans le respect des opinions de chacun. La solution que j'ai retenue pour aujourd'hui le permet.
Cette forme de conclusion est une première pour notre jeune délégation... mais n'est peut-être pas une dernière, car le choix de co-rapporteurs induit inévitablement des ajustements à trouver dans la pratique.
Sauf à nous limiter à des sujets de moindre intérêt politique (ce qui serait une conception étroite de notre rôle), la recherche préalable de solutions transpartisanes, dont nous avons fait notre marque de fabrique, implique l'association de sensibilités différentes et donc, forcément, le risque d'un constat de désaccord.
Désaccord ne signifie pas échec. Notre rôle consiste de toute manière à informer, non à décider. Même si l'obtention d'un consensus est évidemment toujours préférable, l'essentiel reste de travailler ensemble, d'échanger les points de vue à partir d'informations recueillies en commun et de porter le fruit de ces réflexions à la connaissance du Sénat (c'est ce qu'ont précisément fait nos collègues en l'espèce) et notamment des commissions saisies au fond.
Dans ce cas, il n'y a plus formellement deux rapporteurs, mais il y a toujours deux protagonistes, à qui je cède maintenant la parole.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur. - Je souscris à l'esprit de ce que vient de dire notre président. Il n'est pas anormal, compte tenu de la difficulté du sujet et des enjeux politiques, que nous restions en désaccord sur certaines choses. Mais, depuis le début, notre objectif a été simplement de poser les conditions du problème et de faire part de nos réflexions pour que chacun puisse se faire sa propre opinion.
M. Hervé Maurey , rapporteur. - Avec M. Pierre-Yves Collombat, nous avons mené de nombreuses auditions en commun afin d'établir un document de travail qui contribue à alimenter la réflexion de la délégation sénatoriale à la décentralisation et de la commission des lois du Sénat, avant l'examen du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et la deuxième lecture du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales.
En décidant de se saisir du mode d'élection des conseillers territoriaux, notre délégation n'entendait pas revenir sur le principe du conseiller territorial, mais bien procéder à une analyse des modes de scrutin pouvant être appliqués à cette nouvelle catégorie d'élus.
Mon analyse s'appuie sur la méthodologie et la grille d'analyse approuvées lors de notre réunion du 16 février dernier. A cette occasion, nous avions estimé collectivement que les modes de scrutin envisageables devaient être compatibles avec les trois objectifs fixés par l'article 1A du projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales, c'est-à-dire la représentation des territoires, la représentation des sensibilités politiques et l'objectif de parité. A la réflexion, un quatrième objectif me semble incontournable, c'est la formation de majorités stables au sein des assemblées délibérantes.
Nous avions également évoqué les modes de scrutin dont nous souhaitions évaluer les effets : le scrutin dit « à l'allemande », le scrutin combinant le recours au scrutin majoritaire en zone rurale et au scrutin de liste en zone urbaine, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, le scrutin de type municipal, le scrutin majoritaire plurinominal et bien entendu le mode de scrutin proposé par le Gouvernement.
Je me propose donc maintenant de vous exposer les résultats de cette analyse.
Le mode de scrutin proposé par le Gouvernement est censé favoriser l'ancrage territorial des conseillers territoriaux, puisque 80 % d'entre eux seraient élus dans le cadre cantonal. Les effets attendus du recours au scrutin de liste sont insignifiants en raison du faible nombre de sièges soumis à ce mode de scrutin - seuls 20 % des conseillers territoriaux seraient élus au scrutin de liste départemental - et les modalités d'attribution des suffrages ne suffisent pas à favoriser le pluralisme politique. Les simulations figurant dans l'étude d'impact jointe du projet de loi confirment ce point. Ce mode de scrutin est plutôt favorable aux grandes formations politiques.
La création des conseillers territoriaux s'accompagne, par ailleurs, d'une réduction du nombre d'élus. Il y aurait moins de conseillers territoriaux qu'il n'existe de cantons aujourd'hui (3 000 conseillers territoriaux pour 4 000 cantons existants aujourd'hui). En conséquence, seuls 2 400 sièges seraient soumis au scrutin uninominal majoritaire (80 % de 3 000). La réforme se traduirait donc en outre par la suppression d'environ 1 600 cantons, soit une réduction de 40 %.
L'analyse des effets de ce mode de scrutin ne permet pas d'atteindre les objectifs annoncés. Ce constat est sévère, mais le Gouvernement lui-même a reconnu ces carences en précisant qu'il était ouvert à toute amélioration.
En outre, ce mode de scrutin a fait l'objet de nombreuses critiques de la part des constitutionnalistes, notamment de M. Guy Carcassonne qui a estimé que le recours à un seul tour de scrutin pour les 80 % de conseillers territoriaux élus au scrutin majoritaire uninominal pouvait heurter un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
J'évoquerai maintenant le mode de scrutin dit « à l'allemande ». Dans ce système, la moitié des députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire, et l'autre moitié, au scrutin de liste, les élus à la proportionnelle corrigeant les effets du scrutin majoritaire.
Vous comprenez aisément qu'appliquer ce mode de scrutin à l'élection des conseillers territoriaux soulèverait des difficultés. Dans un département désignant 20 conseillers territoriaux, seuls 10 seraient élus dans un canton, et au final la représentation des territoires serait loin d'être optimale.
Ce défaut me semble rédhibitoire, bien que ce mode de scrutin présente des avantages certains en matière de représentation des sensibilités politiques et de respect de l'objectif de parité du fait du nombre important de sièges à pourvoir au scrutin de liste. En revanche, il ne garantit pas forcément l'émergence d'une majorité de gestion.
Je voudrais maintenant évoquer le mode de scrutin combinant scrutin uninominal majoritaire dans les zones rurales et scrutin de liste dans les zones urbaines.
Le recours à ce mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux a été envisagé par le Gouvernement qui a choisi d'y renoncer, le rapport Balladur ayant mis en doute sa constitutionnalité. Ce point de vue n'est pas partagé par les constitutionnalistes que nous avons auditionnés.
L'étude d'impact jointe au projet de loi souligne également la difficulté de différencier zones rurales et zones urbaines. Sans nier cette difficulté, je considère que cet argument ne constitue pas un élément suffisant pour écarter sine die ce mode de scrutin qui présente en effet de nombreux avantages.
Ce mode de scrutin favorise une meilleure représentation des territoires, en pérennisant les cantons dans les zones rurales et en rationalisant les circonscriptions dans les zones urbaines. Il permet de conserver un lien fort entre élus et territoires dans les zones rurales, celles où aujourd'hui le conseiller général joue le rôle le plus important.
Le scrutin majoritaire uninominal à deux tours est le plus connu, celui qui correspond le mieux à la tradition républicaine française. Il est admis de manière quasi unanime que ce mode de scrutin favorise la représentation des territoires, et instaure une relation très forte entre l'électeur et l'élu, entre l'élu et la circonscription.
C'est également un mode scrutin qui semble compatible avec la constitution d'une majorité de gestion, bien que cela ne soit pas garanti avec la même automaticité que dans le scrutin de type municipal. De manière générale, avec un nombre de cantons impair, ce mode de scrutin est reconnu comme compatible avec les exigences de gestion d'une assemblée délibérante. Mais, il ne correspond pas aux principes fixés par l'article 1A du projet de loi, qui évoque un scrutin mixte.
Ce mode de scrutin n'est toutefois pas non plus très favorable à l'objectif de parité. Cette dernière progresse plutôt par l'intermédiaire des scrutins de liste, si l'on se fie à l'exemple des élections municipales, régionales ou sénatoriales. L'instauration de mesures complémentaires, pénalités financières, obligation de choisir un suppléant de sexe opposé, ne suffirait sans doute pas à favoriser l'élection d'un nombre de femmes équivalent à celui que permet le scrutin de liste.
Le recours à ce mode de scrutin peut se traduire par une régression en matière de représentation des sensibilités politiques et de l'objectif de parité.
Toutefois, le scrutin majoritaire uninominal permet l'émergence des candidats de la société civile et fait aussi de l'élection une rencontre entre un candidat et ses électeurs, ce qui n'est pas le cas au scrutin de liste.
Le scrutin de type municipal a, selon moi, pour principal défaut de ne pas assurer la représentation des territoires. Appliqué à l'échelle départementale, il provoquerait un délitement du lien entre les élus et les territoires. Notre collègue Pierre Bernard-Reymond a suggéré de prévoir une obligation de représentation de l'ensemble des zones du département lors de la constitution de la liste. Cette solution astucieuse ne garantit pas pour autant que chaque zone dispose d'un élu.
Il s'agit là du principal défaut de ce mode de scrutin qui, par ailleurs, offre des garanties en matière de représentation des sensibilités politiques, de poursuite de l'objectif de parité et de gouvernance.
En matière de représentation des sensibilités politiques, le recours au scrutin de liste permet de favoriser la diversité des assemblées locales et la poursuite de l'objectif de parité. Il garantit également l'émergence d'une majorité dans la circonscription dans laquelle il est appliqué. Ultime avantage, les électeurs connaîtraient le candidat qui a vocation à présider l'exécutif départemental en cas de victoire.
L'évaluation des effets du mode de scrutin plurinominal est intimement liée au choix des circonscriptions. Ainsi, appliqué au niveau départemental, le scrutin plurinominal se verrait reprocher les mêmes défauts que le scrutin de type municipal en matière de représentation des territoires.
Il est également assez difficile d'appréhender les effets de ce mode de scrutin au regard des objectifs de représentation des sensibilités politiques et de gouvernance des territoires. En effet, avec le recours à des listes bloquées, le scrutin plurinominal, à un ou à deux tours, amplifie les effets du scrutin uninominal puisque la liste arrivée en tête emporte tous les sièges.
En conclusion, j'observe qu'aucun mode de scrutin n'apporte une réponse satisfaisante aux différents objectifs retenus.
Les modes de scrutin à l'allemande et de type municipal présentent des avantages incontestables au regard de la représentation des sensibilités politiques et de la parité. Leurs effets divergent sur la formation des majorités de gestion, où seul le scrutin municipal offre une véritable garantie. Leur faible capacité à représenter les territoires constitue un motif suffisamment puissant pour écarter le recours à l'une ou l'autre de ces solutions.
A l'inverse, le scrutin majoritaire uninominal vaut prioritairement pour sa capacité à représenter les territoires. Il s'agit, d'avis unanime, de sa principale qualité. Mais, ce mode de scrutin est défaillant lorsqu'il s'agit de favoriser la représentation des sensibilités politiques et la parité.
De plus, il convient de souligner que le scrutin majoritaire uninominal n'est pas compatible avec les principes fixés par l'article 1A du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, adopté par le Sénat le 21 janvier.
Le mode de scrutin plurinominal ne présente que des avantages restreints, il ne favorise ni la représentation des territoires, ni celle des opinions politiques.
Seul le scrutin combinant scrutin majoritaire uninominal dans les zones rurales et scrutin de liste dans les zones urbaines permet d'approcher les critères fixés à l'article 1A en raison de son caractère mixte.
Mais, si les débats se focalisent naturellement sur la question du choix du mode de scrutin, certains sujets connexes doivent également être débattus publiquement car ils sont étroitement liés.
C'est le cas de la décision du Gouvernement de réduire de moitié les effectifs des assemblées départementales et régionales.
Ce débat n'est pas sans conséquence sur le choix du mode de scrutin, car la réduction drastique du nombre d'élus accentue les effets négatifs des modes de scrutin, qu'il s'agisse de la représentation des territoires, de celle des sensibilités politiques ou de la parité.
Je suis plutôt circonspect quant aux économies à attendre d'une telle mesure, d'autant que le Gouvernement a annoncé qu'en raison de la réduction du nombre d'élus, leurs suppléants seraient appelés à jouer un rôle actif. On peut donc imaginer qu'ils seront indemnisés. Dès lors pourquoi remplacer 6 000 élus indemnisés par 3 000 titulaires et 3 000 suppléants indemnisés ?
Il semblerait donc plus raisonnable de renoncer à une diminution aussi drastique du nombre d'élus.
Je suggère à titre personnel un scrutin mixte qui pourrait être le suivant :
- 3 600 conseillers territoriaux élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans le cadre de cantons redécoupés. Ce chiffre ne réduirait que de 10 % le nombre de cantons, assurant ainsi la nécessaire proximité entre élus, citoyens et territoires. Cela préserve le rôle de proximité de l'élu, surtout dans les zones où la ruralité est en crise ;
- 900 conseillers territoriaux supplémentaires, soit 25 % de conseillers territoriaux supplémentaires, élus au scrutin proportionnel dans le cadre départemental favorisant ainsi, conformément à l'article 1A du texte voté par le Sénat, la représentation du pluralisme et la parité.
Les citoyens disposeraient alors de deux bulletins de vote ; l'un pour choisir un conseiller territorial dans le cadre du canton et l'autre pour apporter leur suffrage à une liste départementale.
Le nombre total d'élus serait ainsi réduit de 6 000 à 4 500, soit une diminution de 25 %.
80 % seraient élus au scrutin majoritaire assurant ainsi la représentation des territoires et 20 % au scrutin proportionnel favorisant le pluralisme et la parité.
Ce mode de scrutin respecterait la volonté manifestée par le Sénat le 21 janvier 2010, lorsqu'il a adopté l'article 1A du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
M. Alain Lambert , président. - Je donne maintenant la parole à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur. - Effectivement, aucun mode de scrutin ne répond de façon satisfaisante aux critères retenus par la délégation.
De mon point de vue, la question du mode de scrutin pour l'élection du conseiller doit être analysée dans une problématique plus large, celle d'une nouvelle catégorie d'élu à la fois départemental et régional, issue de la même élection, dans le cadre départemental. Parallèlement, les effectifs des conseils généraux seraient réduits de 25 % et ceux des conseils régionaux augmenteraient de 50 %.
Une réflexion sur le mode de scrutin ne peut pas ne pas tenir compte de ce cadre général, à la fois sur le plan pratique et sur le plan constitutionnel.
Trois remarques complémentaires doivent être prises en compte.
Premièrement, le respect du principe de l'autonomie des collectivités territoriales. Si l'assemblée régionale est formée fondamentalement de la réunion des conseils généraux, peut-on dire que la région dispose d'une assemblée délibérante qui lui est propre ? Le problème se pose d'autant plus sérieusement que, dans les trois régions composées de deux départements, l'Alsace, la Haute-Normandie, le Nord-Pas-de-Calais, un département sera majoritaire à lui tout seul au sein de l'assemblée régionale. Comment, au moins dans ces régions à deux départements, ne pas parler de tutelle du département le plus important sur le conseil régional, et indirectement sur l'autre département ?
Cette question intéresse directement celle du mode de scrutin, car le couplage des élections régionales et départementales fait que l'élection essentielle, pour l'électeur et le système lui-même, c'est l'élection départementale. Dans ces conditions, l'élection régionale pourra difficilement faire sens, ses enjeux deviendront illisibles pour l'électeur. Dès lors que le canton sera la circonscription électorale de base, l'enjeu départemental occultera l'enjeu régional. Cette démarche va à rebours de l'Histoire puisque depuis 1985, l'évolution du mode de scrutin régional est allée dans le sens d'une régionalisation de la circonscription et d'un système capable d'assurer des majorités claires et stables.
Deuxièmement, il faut prendre en compte les modalités de répartition des effectifs à l'intérieur de chaque région. La distribution des conseillers territoriaux entre les départements d'une même région, respectueuse du principe d'égalité devant le suffrage, devra être fondée sur une représentation essentiellement démographique. Il s'agit d'un véritable casse-tête, notamment lorsqu'il faudra prendre le cas des départements peu peuplés ou d'une région sujette à de profonds déséquilibres démographiques entre les départements qui la composent. En deçà d'un effectif minimum, certains modes de scrutin (proportionnel, par exemple) n'ont plus de sens. Au-delà, les assemblées ne sont guère efficaces.
Troisièmement, la congruence des élections régionales et départementales fait qu'un même mode de scrutin peut avoir des effets contraires au niveau départemental et au niveau régional. Par exemple, si un mode de scrutin majoritaire favorise l'émergence de majorités stables au niveau départemental, il les rend aléatoires au niveau régional.
Le scrutin de « type municipal » produit les mêmes effets. Non seulement il ne garantit pas la formation d'une majorité au niveau régional, mais la conjugaison des primes majoritaires et de la proportionnelle peut donner des effets indésirables. Impossible dans le département, le risque d'une inversion des résultats en voix et en sièges doit être envisagé au niveau régional. Si donc, les effets sont contraires aux deux niveaux, lequel privilégier ? Aucun, évidemment.
L'analyse des différents modes de scrutin envisageables peut être réalisée à partir des critères retenus par la délégation, mais il est préférable de les hiérarchiser.
S'agissant d'élections locales, deux critères paraissent essentiels : la capacité du mode de scrutin à dégager des majorités stables et la capacité à représenter le territoire. Un troisième critère peut être pris en compte : la capacité à permettre l'expression de la diversité des opinions.
Il faut également prendre en compte les critères de « constitutionnalité », le problème étant qu'aucun consensus ne s'est dégagé dans la communauté universitaire. Les constitutionnalistes n'ont, par exemple, pas déterminé la portée exacte de la parité, figurant à l'article premier de la Constitution, ni même sur ce qu'il faut entendre concrètement par « égalité des suffrages ». Difficile, en outre, de tirer une conclusion incontestable de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui ne concerne que peu les élections locales.
Tout ce qu'on peut faire, c'est relever, pour chaque mode de scrutin, le nombre plus ou moins grand de points de faiblesses constitutionnelles et privilégier, éventuellement, celui qui présente le moins de risques. La seule convergence de vues que j'ai notée chez les constitutionnalistes, concerne le scrutin mixte géographique (majoritaire en zone rurale / proportionnel en zone urbaine) puisque le comité Vedel, la commission Balladur et l'étude d'impact du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale jugent qu'il présente de grands risques d'inconstitutionnalité.
Concernant le mode de scrutin proposé par le Gouvernement pour l'élection des conseillers territoriaux, il faut rappeler qu'il est directement inspiré par le « scorporo » italien, et comme le montre un examen attentif des simulations fournies avec l'étude d'impact, il y a de fortes chances que ce mode de scrutin donne les mêmes résultats. La dose de proportionnelle accentue l'instabilité du système majoritaire à un tour qui ne garantit automatiquement ni des majorités départementales, ni une majorité régionale.
L'alternative c'est, soit de renoncer à l'instauration du conseiller territorial, une solution de sagesse, soit d'adopter une position de repli : un mode de scrutin qui, n'amplifiant pas l'effet des votes locaux dans le département, rend moins aléatoires les majorités régionales : tel est le cas du scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
Le recours au mode de scrutin majoritaire uninominal permet de se débarrasser de « l'appendice proportionnel » qui n'apporte que des inconvénients. L'existence d'un second tour améliore la capacité du système à exprimer la diversité des opinions, permet de mieux satisfaire le principe d'égalité des suffrages et limite les risques d'inversion entre les résultats en voix et en sièges.
Le scrutin majoritaire uninominal à deux tours m'apparaît comme la moins mauvaise manière d'élire les conseillers territoriaux.
Dernière interrogation : faire élire, en même temps, au scrutin majoritaire à deux tours les conseillers régionaux et généraux, représente-t-il un progrès par rapport à la situation actuelle ?
Ma réponse est évidemment non, pour les raisons que j'ai rapidement évoquées en commençant et pour une autre que je voudrais esquisser. La disparition de la circonscription régionale comme base d'élection des conseillers régionaux risque, non seulement de la faire disparaître de la conscience des électeurs, mais aussi de mettre la majorité du conseil régional à la merci de formations politiques représentant globalement peu de voix au niveau régional mais disposant de bastions électoraux locaux.
Ceux-ci pourraient leur permettre d'obtenir suffisamment de sièges, grâce au scrutin majoritaire, pour devenir les arbitres des majorités. En effet, en cas de quasi-équilibre entre les formations principales, ces quelques sièges pourraient faire la différence...
Le risque donc, de ce couplage entre élections départementales et régionales, c'est l'apparition, sur fond de désaffection de l'électorat, de territoires où les oppositions parviendraient à se coaliser, souvent avec une composante identitaire et/ou tribunicienne.
Peut-on vraiment exclure, en France, l'enracinement de l'extrême droite dans suffisamment de « bastions » locaux pour lui permettre de devenir, comme dans les années quatre-vingt avec la proportionnelle, malgré le scrutin majoritaire, voire grâce au scrutin majoritaire, l'arbitre de majorités régionales sinon départementales ?
Plus simplement, dès lors que les enjeux départementaux et régionaux seront confondus, qu'est-ce qui empêchera des candidats « indépendants » de faire campagne, dans leur département, sur le thème de la défense des intérêts locaux, sinon identitaires, contre la centralisation et la domination de la métropole régionale ?
La sagesse voudrait plutôt que l'on cherche à perfectionner le dispositif existant s'agissant des élections départementales, dont le mode de scrutin finalement ne donne pas de si mauvais résultats, sous réserve d'un nouveau découpage des cantons actuels pour éliminer les déséquilibres démographiques excessifs. Le consensus existe là dessus.
S'agissant des élections régionales, tout en conservant la prime majoritaire régionale, seule susceptible de garantir des majorités stables, une solution, inspirée du système Blum ou du système à « l'allemande » pourrait permettre de mieux « localiser » la représentation, ce qui est la principale faiblesse du mode de scrutin actuel. Quoi qu'il en soit, si on veut assurer à la région une réalité dans la conscience des Français, ce ne peut être en confondant élections régionales et départementales.
M. Alain Lambert , président. - Je remercie les rapporteurs pour la qualité du travail qu'ils ont mené car, malgré la complexité du sujet, ils ont fait apparaître les avantages et les inconvénients des différents modes de scrutin. Je vous propose maintenant d'ouvrir le débat.
Mme Jacqueline Gourault . - Je veux attirer l'attention sur un point qui n'a peut-être pas été suffisamment exploré, à savoir celui de la délimitation des zones urbaines et des zones rurales. Il serait très difficile d'y procéder si l'on décidait de s'engager dans un scrutin distinguant les deux. Cela sera d'autant plus compliqué que des intercommunalités ont souvent relié des zones urbaines et des zones rurales sur les territoires. Le projet de loi présenté par le Gouvernement entend respecter les circonscriptions électorales législatives. Je souhaite pour ma part que soient prises en compte les limites des intercommunalités en versant cette question au débat. La rationalisation des périmètres de l'intercommunalité doit être prise en compte dans la détermination des circonscriptions électorales des conseillers territoriaux. Il me semble qu'un autre sujet doit alimenter notre débat, celui relatif à la méthode du découpage de ces circonscriptions. Quand ce découpage aura-t-il lieu, et selon quelles modalités ?
M. Antoine Lefèvre . - Je souhaite revenir sur la question de la « territorialisation » du conseiller territorial. Il me semble que c'est l'enjeu essentiel de cette réforme, qui vise à « cantonaliser l'élu » au sein du conseil régional. Ceci permettra une vraie identification de l'élu par rapport à son territoire, ce qui est un élément indéniable de démocratie.
Je me pose aussi la question du respect des limites des intercommunalités dans le cadre de la définition des circonscriptions électorales des conseillers territoriaux. Il convient d'attirer l'attention sur les différences de taille de ces intercommunalités, ce qui me conduit à me demander quelle devrait être la taille du canton idéal.
Enfin, si la préservation de la représentation de la ruralité est essentielle, l'amélioration de l'identification des villes ne l'est pas moins. Il faudrait réfléchir à la possibilité d'élire un conseiller territorial représentant l'agglomération centrale. En effet, il peut arriver que la municipalité soit divisée en plusieurs cantons, ce qui ne facilite pas la lisibilité démocratique de la représentation territoriale.
M. Éric Doligé . - Je note que chacun d'entre nous, à l'aune de son expérience personnelle et des caractéristiques des territoires qu'il connaît, pourra émettre quelques réserves sur un mode de scrutin proposé au niveau national. L'exercice consistant à déterminer le meilleur mode de scrutin est particulièrement complexe, du fait de l'hétérogénéité des territoires.
Dans la réforme engagée deux points me semblent essentiels : la proximité et la reconnaissance du nouvel élu qu'est le conseiller territorial. L'identification pourrait être difficile puisque le représentant départemental et le représentant régional seront traités au sein d'une même élection. Je rappelle que plus on connaît son candidat et plus l'intérêt pour son élection est grande.
Je dirai à notre collègue Pierre-Yves Collombat qu'il me paraît normal que la réforme qui nous est proposée ne soit pas entièrement définie. C'est l'intérêt de notre réflexion commune de dégager des pistes sur ces sujets, et nous sommes déjà bien avancés dans cette voie. La mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales présidée par notre collègue Claude Belot, le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par l'ancien Premier ministre Édouard Balladur, et maintenant notre délégation permettent d'éliminer certaines solutions et de retenir des critères qui nous semblent essentiels, tels que le nombre de cantons, la taille des cantons, ou la prise en compte de la représentation démographique et des limites des intercommunalités.
Je reconnais que les disparités pourront être importantes, qu'un conseiller territorial ne représentera pas la même population au sein de chaque département et de chaque région. Des critères devront être définis. S'ils ne permettent pas l'égalité parfaite, ils seront sans doute un progrès face aux écarts qui existent aujourd'hui entre les cantons.
J'avais une préférence pour le scrutin mixte géographique, mais je suis conscient des difficultés qu'il pose. Je suis aujourd'hui plutôt favorable au scrutin uninominal à deux tours, tout en souhaitant qu'un effort particulier soit fait pour la cohérence de la taille des cantons. Enfin je tenais à remercier les rapporteurs pour leur travail qui a permis d'éclairer notre délégation.
Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Je suis très favorable à la proximité de l'élu local avec son territoire, car cela correspond à une attente forte de nos concitoyens. Je crains, cependant, que certains scrutins majoritaires ne soient défavorables à la parité.
Par ailleurs, en me basant sur l'exemple de la Lozère et de l'Hérault, je m'interroge sur les modalités permettant de garantir un minimum de conseillers territoriaux pour chaque département, y compris les moins peuplés, tout en assurant une juste représentation de la population des départements les plus peuplés. Comment parvenir à un équilibre sans voir exploser le nombre de conseillers territoriaux des départements à forte densité de population ?
M. Jean-Claude Peyronnet . - Je me trouve dans une situation un peu délicate, malgré l'intérêt de la synthèse réalisée par nos rapporteurs : parler du mode du scrutin c'est déjà parler du conseiller territorial, alors que je suis contre la réforme qui prévoit sa création et qui implique une confusion entre les missions des conseils généraux et des conseils régionaux. Cette confusion se retrouve dans le mode de scrutin du conseiller territorial.
La réforme pose deux questions essentielles. La première porte sur le nombre de conseillers territoriaux permettant de fonctionner dans une assemblée. La fusion va rendre particulièrement difficile la fixation d'un plancher pour assurer la représentation des conseils généraux et d'un plafond pour permettre le fonctionnement des conseils régionaux. Il en découlera probablement un problème d'inconstitutionnalité lié à l'égalité des suffrages. Je crains qu'il n'y ait pas de solution à ce problème de découpage des circonscriptions électorales, auquel s'ajoute celui de la réduction du nombre des conseillers territoriaux.
Je suis favorable au regroupement des cantons ou au moins à l'égalisation des populations qu'ils représentent. Je ne vois pas d'objection à l'idée de réduire un peu le nombre d'élus, mais une réduction de moitié n'a pas de sens. Cette réduction de moitié, telle qu'elle est prévue, serait contraire au bon fonctionnement des assemblées et aurait des effets pervers sur les modes de scrutin étudiés.
M. Yves Daudigny . - Des éléments de réflexion intéressants ont été apportés à notre délégation. On mesure toutefois la limite de l'exercice. En effet, tout pouvoir politique, au moment du choix d'un mode de scrutin, prend certes en compte l'intérêt général mais aussi son propre intérêt, c'est une évidence. Une deuxième limite à cet exercice de réflexion est qu'il est paradoxal de réfléchir au mode d'élection du conseiller territorial lorsque l'on n'est pas convaincu du bien-fondé de sa création.
L'élection étant prévue dans le cadre départemental, le mode de scrutin du conseiller territorial semble obéir à des objectifs départementaux, sans que l'on mesure les conséquences que cela pourra avoir sur le fonctionnement des conseils régionaux.
La prise en compte du périmètre des intercommunalités dans le cadre de la réflexion sur le mode de scrutin des conseillers territoriaux est souhaitable. L'hétérogénéité des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne permet pas d'envisager que chacun d'entre eux soit représenté par un conseiller territorial. Les circonscriptions électorales doivent s'inspirer des limites cantonales en tenant compte, autant que faire se peut, des périmètres des intercommunalités mais aussi des territoires des communes.
Je suis très favorable à l'idée d'abandonner la réduction de moitié du nombre des conseillers territoriaux. Il a été dit, par quelqu'un qui n'est pas de l'opposition, que l'économie attendue serait négligeable, voire très négligeable. J'ajoute qu'une telle évolution serait une perte pour la démocratie.
Enfin, pour garantir la proximité du conseiller territorial, je soutiens le scrutin uninominal à deux tours.
M. Alain Lambert , président. - J'aimerais faire deux remarques quant aux recommandations ou alertes que vous souhaiterez présenter à la commission des lois et à l'ensemble des sénateurs en vue de l'examen du projet de loi sur l'élection des conseillers territoriaux et le renforcement de la démocratie locale. Au cours de nos débats, deux sujets m'ont marqué par leur récurrence.
D'une part, le fait de discuter du mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux sans connaître précisément le nombre d'élus constitue un exercice difficile et fait peser un aléa supplémentaire sur la réforme. C'est un point sur lequel notre délégation pourrait attirer l'attention du Sénat, ce qui renvoie à plusieurs questions : la taille des cantons, la prise en compte de l'intercommunalité...
D'autre part, notre délégation pourrait également attirer l'attention sur la nécessité de choisir un système où les majorités soient stables à la fois au niveau départemental et au niveau régional.
M. Hervé Maurey , rapporteur. - En réponse à ce que mes collègues viennent de dire, il me semble tout d'abord important de préciser que je suis favorable à ce que le découpage des cantons respecte les limites de l'intercommunalité.
Par ailleurs, je dirai qu'il est presque normal de ne pas encore pouvoir disposer d'informations supplémentaires concernant la taille et le périmètre de ces futurs cantons. Tant que l'on ne connaît pas le mode de scrutin, il est difficile d'aborder la question du découpage, d'autant que, quel que soit le Gouvernement, les découpages ne se font généralement pas dans la plus grande transparence !
Sur la question de M. Jean-Claude Peyronnet relative à la disparité des cantons, je dirai que, comparée à la situation actuelle (les disparités sont de l'ordre de 1 à 40), la copie du Gouvernement ne pourra être que meilleure. Le Conseil d'État examinera ce point et comme l'a rappelé M. Pierre-Yves Collombat, le juge administratif qui a déjà accepté des écarts importants, acceptera les futures disparités qui semblent être moins fortes.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur. - Nous ne connaissons pas encore précisément les disparités entre les cantons !
M. Hervé Maurey , rapporteur. - D'après M. Hervé Fabre-Aubrespy, conseiller pour la législation électorale au cabinet du Premier ministre, les disparités entre les futurs cantons seront acceptées par la haute juridiction administrative, puisque le Conseil d'État a déjà validé des écarts plus importants.
Pour avoir un sens, les cantons doivent être à taille humaine, le maintien de la proximité étant essentiel. Dans l'appréciation de la taille des cantons, il faut prendre en considération certes l'importance de la population, mais aussi d'autres critères, tels que le nombre de communes.
Mme Jacqueline Gourault . - Pensez-vous qu'un sénateur n'est pas un élu de proximité ?
M. Hervé Maurey , rapporteur. - La notion de proximité n'a pas le même sens, selon qu'on l'applique à un sénateur ou à un conseiller général.
Ce que je veux dire, c'est qu'il est absurde de vouloir nécessairement porter à 3 000 le nombre de conseillers territoriaux. En effet, s'il est acceptable de réduire un peu le nombre de cantons, par exemple de 10 %, une diminution de 50 % n'est pas imaginable.
Pour terminer, je tiens à souligner que je n'ai personnellement rien contre le scrutin uninominal à deux tours, mais je vous rappelle que la majorité du Sénat a voté l'article 1A qui pose le principe d'un scrutin mixte.
M. Pierre-Yves Collombat , rapporteur. - S'agissant des questions liées aux zones urbaines et rurales et à la proximité, l'étude d'impact du projet de loi concernant l'élection des conseillers territoriaux et le renforcement de la démocratie locale souligne la difficulté de définir un critère objectif de l'urbanité et précise que la notion d'aire urbaine au sens de l'INSEE n'a aucun lien avec la carte des départements et, a fortiori, avec la carte cantonale.
L'étude d'impact ajoute que le suffrage d'un électeur n'est pas pris en compte de la même manière selon qu'il s'exprime dans une zone urbaine (répartition des sièges entre plusieurs listes proportionnellement aux voix recueillies par chacune d'elles) ou dans une zone non urbaine (attribution du siège en jeu au candidat arrivé en tête, même d'une seule voix).
S'agissant de la notion de proximité, il s'agit de savoir de quel territoire on parle : du territoire au sens de la géographie euclidienne ou bien de la géographie humaine ? Cette question opposait déjà en 1790, lors de la création des départements français, les tenants d'un découpage au cordeau, qui s'inspiraient des États-Unis d'Amérique, et ceux qui souhaitaient respecter la vie locale et la taille humaine.
Lorsque le projet de loi portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés a été déposé au Parlement, j'ai présenté une contre-proposition visant à effectuer le découpage des circonscriptions législatives à partir des frontières des intercommunalités. On m'a alors objecté que ce projet renforcerait les pouvoirs du préfet, compte tenu de ses pouvoirs en matière de découpage des intercommunalités. Je vous laisse juger la valeur de l'argument ! En réalité, l'intercommunalité est une variable que l'on refuse de prendre en compte, alors qu'elle le mériterait.
Par ailleurs, les difficultés liées aux élections régionales trouvent leur origine dans la problématique de la territorialisation des élus. J'ai regardé par exemple ce qui se passerait dans mon département et j'ai constaté un déséquilibre évident entre le pourcentage d'électeurs dans certaines zones et le nombre d'élus. Il y a à l'évidence un problème. Le système de Léon Blum permettrait de répondre à cette difficulté. Selon ce système électoral, les personnes élues à la proportionnelle sont par ailleurs candidates sur des listes territorialisées, ce qui permet de disposer « d'élus territorialisés ».
Mais ce système, aussi bon soit-il, nous conduit toujours à la même difficulté, sur laquelle nous ne sommes pas d'accord : l'élection simultanée des conseillers régionaux et des conseillers généraux. A mon avis, tous les risques d'inconstitutionnalité et de définition de majorité stable dans les conseils régionaux et généraux sont liés à cette élection simultanée. C'est pourquoi, selon moi, cette réforme n'est pas un progrès !
M. Alain Lambert , président. - Je tiens à vous remercier car, sur un sujet aussi sensible et délicat que sont les conseillers territoriaux, nous avons travaillé dans un esprit visant à rechercher des propositions concrètes. Lors de la prochaine séance de notre délégation, je souhaiterais aborder avec vous les modalités de publication d'un rapport consacré à la question des modes de scrutin des conseillers territoriaux, car les analyses qui ont été faites sur le sujet pourront être utiles à la commission des lois du Sénat, et au Sénat dans son ensemble lorsque le projet de loi n° 60 sera discuté en deuxième lecture au sein de notre Assemblée.