2. Les modes de scrutin à risques d'inconstitutionnalité forte
Si le scrutin mixte géographique rural/ urbain a l'avantage de permettre une bonne représentation des territoires et d'être facilement compréhensible par l'électeur, il présente des risques sérieux d'inversion des résultats en sièges et en voix et ne garantit pas la constitution de majorités stables.
Ses vertus paritaires, supérieures au scrutin majoritaire uninominal simple, sont moyennes puisque pratiquées seulement en secteur urbain et liées à l'importance de celui-ci.
Faiblesse rédhibitoire, de tous les modes de scrutins examinés, c'est celui qui présente le plus de risques d'inconstitutionnalité. Pour une fois, les avis des spécialistes convergent.
Il ne peut donc être retenu.
3. Hiérarchie des critères de choix
Le résultat de la sélection du meilleur des modes de scrutin possible pour l'élection du conseiller territorial - il suffit d'examiner le tableau synthétique pour s'en convaincre - dépend de la hiérarchie des critères adoptée.
Si le premier critère est le respect du principe de parité, trois modes de scrutins seulement peuvent être retenus : le scrutin proportionnel dans des circonscriptions infradépartementales, le scrutin de type municipal et enfin le scrutin majoritaire pluri nominal, sous certaines conditions.
Si le premier critère est la capacité à dégager des majorités stables, la hiérarchie sera différente. Différente encore si le but est de permettre l'expression de la diversité des opinions.
A ce niveau de la réflexion, vu le caractère indécidable de la question de constitutionnalité (y compris en matière de parité), nous choisirons de la mettre entre parenthèses et de ne retenir que trois critères décisifs, dont deux essentiels.
S'agissant de la désignation d'élus locaux appelés à représenter un territoire dans sa diversité et à le gérer, deux critères s'imposent d'eux-mêmes : la capacité du mode de scrutin à dégager des majorités stables et sa capacité à permettre la représentation du territoire.
Gestion signifiant aussi capacité d'anticipation et de prise en compte des attentes, la représentation de la diversité des opinions ne peut être ignorée.
4. Le mode de scrutin majoritaire à deux tours comme alternative
A l'aune du critère « majorité », à l'exception du mode de scrutin de type municipal, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours est le mieux placé.
Cependant le scrutin « municipal » donne des résultats antinomiques pour le département et la région. La prime majoritaire qui crée automatiquement une majorité départementale rend la constitution de celle-ci aléatoire au niveau régional.
La capacité de représentation du territoire y est par ailleurs nettement plus faible qu'avec le scrutin uninominal majoritaire puisque la circonscription de base couvre tout le département.
Le mode de scrutin majoritaire plurinominal, quant à lui, garantit encore moins l'émergence de majorités stables au niveau départemental que le scrutin uninominal. L'effet d'amplification du scrutin de liste peut, en effet, avoir des effets inattendus.
Les circonscriptions étant plus grandes, le territoire est moins finement représenté. La pratique de la liste bloquée diminue, par ailleurs, les possibilités d'expression de la diversité des opinions. Si ce mode de scrutin de liste permet de beaucoup mieux satisfaire le principe de parité que le scrutin uninominal, il est plus sensible que lui au risque d'inversion des résultats en voix et en sièges.
L'usage de la proportionnelle dans des circonscriptions infradépartementales donne des résultats différents s'il est ou non assorti d'une prime majoritaire.
Avec prime majoritaire, on retrouve un mode de scrutin type PLM, dont les effets en termes de majorité et de représentation territoriale sont proches de ceux du scrutin majoritaire plurinominal. Comme on l'a vu, les risques d'inversion sont importants et le bénéfice en matière de représentation de la diversité d'autant plus réduit que la prime majoritaire est forte.
Le mode de scrutin proportionnel simple dans des circonscriptions infradépartementales ainsi que le mode « à l'allemande » présentent les inconvénients du scrutin proportionnel en termes de majorités. Des circonscriptions plus grandes qu'avec le mode majoritaire uninominal dans le cas de la proportionnelle simple, moins nombreuses (donc plus grandes) puisqu'une partie importante des sièges est attribuée à la proportionnelle avec le mode « à l'allemande », en diminuent les capacités de représentation du territoire.
Par contre, ces modes de scrutins permettent une meilleure expression de la diversité des opinions que le scrutin majoritaire uninominal. Le respect des principes de parité, d'égalité des suffrages est mieux assuré aussi.
Le système « à l'allemande » demande un effort de compréhension de la part de l'électeur...mais moindre qu'avec le projet de loi.
Au final donc, si en matière d'élections locales les deux principales vertus d'un mode de scrutin sont de permettre de dégager des majorités stables et de représenter le territoire dans sa diversité, le mode de scrutin majoritaire uninominal est le plus satisfaisant.
Si le nombre de circonscriptions est suffisant et si les conditions pour se maintenir au second tour ne sont pas trop draconiennes, il permet aussi une expression, limitée certes, mais non négligeable, de la diversité des sensibilités politiques.
Son caractère familier constitue un atout supplémentaire.