N° 509
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mai 2010 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur les modes de scrutin envisageables pour l' élection des conseillers territoriaux ,
Par MM. Hervé MAUREY et Pierre-Yves COLLOMBAT,
Sénateurs.
(1) Cette délégation est composée de : M. Alain Lambert, président ; MM. Dominique Braye, Philippe Dallier, Yves Krattinger, Hervé Maurey, Jacques Mézard, Jean-Claude Peyronnet, Bruno Sido, Jean-François Voguet, v ice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, secrétaires ; M. Jean-Michel Baylet, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot , Claude Bérit-Débat, Pierre Bernard-Reymond, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Gérard Collomb, Jean-Patrick Courtois, Yves Daudigny, Yves Détraigne, Éric Doligé, Mme Jacqueline Gourault, MM. Didier Guillaume, Pierre Hérisson, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Claude Jeannerot, Antoine Lefèvre, Roland du Luart, Jean-Jacques Mirassou, Rémy Pointereau, François Rebsamen, Bruno Retailleau, René Vestri, Mme Dominique Voynet . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Prévue par l'article premier du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, l'instauration de conseillers territoriaux, appelés à se substituer à la fois aux conseillers généraux et aux conseillers régionaux, en constitue, selon les termes mêmes du rapporteur de la commission des lois, notre collègue Jean-Patrick Courtois, « l'une des mesures les plus controversées ».
Le principe en a été adopté par le Sénat lors de sa séance du 21 janvier 2010, après un débat dont l'intensité confirma l'appréciation du rapporteur.
En décidant de se saisir du mode d'élection des conseillers territoriaux, votre délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation n'entendait évidemment pas ajouter la confusion à la controverse.
Tout d'abord, même si un rappel des arguments en présence est indispensable à une bonne appréhension du sujet, il ne saurait être question pour votre délégation de rouvrir en son sein le débat sur l'opportunité de créer des conseillers territoriaux : c'est désormais à l'Assemblée nationale qu'il appartient d'en discuter et, si le texte issu de ses travaux différait de celui voté par le Sénat, c'est sur la base des appréciations de votre commission des lois que notre assemblée serait de nouveau appelée à se prononcer.
En second lieu, c'est également à votre commission des lois qu'il reviendra de présenter le dispositif applicable à l'élection des conseillers territoriaux et de modifier le cas échéant le dispositif proposé par le Gouvernement.
On aura une idée de l'ampleur de la tâche à accomplir en indiquant simplement que la classification des modes de scrutin en trois grandes catégories (majoritaire, proportionnel et mixte) ouvre la voie à des centaines de dispositifs concevables, dans la mesure où entrent également en considération des paramètres tels que, pour n'en citer que quelques-uns, le nombre de tours, le mode de comptabilisation des voix ou le type de circonscriptions (plurinominales, uninominales).
Pour ce faire, votre commission des lois pourra certes s'appuyer sur l'étude d'impact du projet de loi précité, qui explique brièvement les raisons qui ont conduit le Gouvernement à écarter certaines solutions envisageables.
Mais les enjeux du choix d'un mode de scrutin sont tels que votre délégation a estimé éminemment souhaitable de mettre également à la disposition de notre commission une analyse rédigée à partir d'un point de vue parlementaire. Elle l'a jugé d'autant plus nécessaire que le dispositif proposé par le Gouvernement, autant sinon plus que le principe même du conseiller territorial, donne lieu à controverse. Il a d'ores et déjà fait l'objet de nombreuses critiques au sein du Sénat, en particulier lors de l'examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Ces critiques, souvent virulentes et qui ne provenaient pas de la seule opposition, laissent planer un doute plus que sérieux sur l'adoption par le Sénat d'un dispositif que M. le ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a lui-même qualifié d'«option », en ajoutant : « il peut évidemment y en avoir d'autres ».
Cette porte ouverte à une autre option, votre commission des lois pourra d'autant mieux s'y engouffrer, si elle le souhaite, qu'elle bénéficiera d'un inventaire et d'une analyse des « possibles », des autres voies envisageables, réalisés indépendamment du Gouvernement.
C'est à cet inventaire et à cette analyse que se livre le présent rapport.
Est-il besoin de le dire ? Ce travail s'est heurté à bien des difficultés, politiques, juridiques et techniques.
A leur grand regret, dans un contexte tourmenté, passionné et incertain, les deux rapporteurs désignés par votre délégation, l'un issu de la majorité sénatoriale, l'autre de l'opposition, n'ont pu parvenir à autant de points d'accord qu'ils l'avaient initialement souhaité.
Ils ont, sans réserve, considéré tous deux que les impératifs d'une bonne gouvernance des assemblées délibérantes et, au final, du bon fonctionnement de la démocratie locale constituaient des enjeux trop essentiels pour être pollués par des considérations partisanes.
Ils ont dégagé, et fait valider par la délégation, lors de sa réunion du 16 février dernier, les principes d'une grille de lecture permettant l'analyse des modes de scrutin envisageables.
Ils ont porté, avec des arguments différents, un regard critique sur le mode de scrutin proposé par le Gouvernement pour l'élection des conseillers territoriaux, c'est-à-dire un scrutin mixte à un tour comportant une part de scrutin majoritaire (80 % des élus) et une part de scrutin de liste (20 % des élus).
Ils ont émis un constat commun sur le fait qu'aucun des modes de scrutin examinés ne permettait de respecter les objectifs définis par la délégation : représentation des territoires, expression des sensibilités politiques, poursuite de l'objectif de parité et formation de majorité de gestion au sein des assemblées délibérantes.
Mais leurs sensibilités différentes sur le principe même de l'instauration du conseiller territorial ne leur ont pas permis d'élaborer un rapport commun.
Ils ont donc choisi de poursuivre le travail confié par la délégation en suivant des chemins séparés, en développant leurs analyses suivant un style propre et une hiérarchisation des questions qui leur appartenait, puis en élaborant leur propre conclusion.
Informé de cette situation, le président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a fait le choix de leur proposer de présenter leurs analyses dans le cadre d'un débat d'orientation organisé le 11 mai 2010.
Ce débat s'est révélé riche, fructueux et serein. Les approches différentes retenues par nos rapporteurs ont permis d'aborder la question du choix du mode de scrutin sous des angles variés, notamment en replaçant cette problématique dans un contexte plus large. La question de l'effectif des conseillers territoriaux, qui mérite un débat approfondi, a également pu être évoquée, tout comme ses effets sur le choix d'un mode de scrutin.
A l'issue de ce débat, il est apparu que la complète information de notre assemblée supposait que soit porté à sa connaissance le fruit des réflexions conduites par chacun de vos rapporteurs. Aussi a-t-il été décidé de faire figurer l'intégralité de leur travail au sein du présent rapport, ce qui constitue une innovation bienvenue tant sur le fond, que sur la forme. Chacun pourra prendre la mesure de leurs arguments respectifs et apprécier ce qui réunit et ce qui sépare vos deux rapporteurs.
Chaque membre du Sénat sera ainsi en mesure de comparer deux analyses qui, bien que divergentes sur le fond, résultent d'un important travail commun, et notamment de nombreuses auditions menées conjointement.
Dans leur ensemble, ces développements apportent une contribution fouillée, argumentée, et parfois sans concession, au débat sur les modes de scrutin envisageables pour l'élection des conseillers territoriaux.
Cette démarche s'inscrit pleinement dans le souhait de votre délégation de contribuer à éclairer les débats du Sénat sur les questions relatives aux collectivités territoriales, et à la volonté exprimée par le Président du Sénat de voir notre assemblée assurer pleinement sa fonction de représentant des collectivités territoriales.