C. L'APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LME DOIT ÊTRE ASSURÉE ET LEUR INTERPRÉTATION CLARIFIÉE

Au terme des travaux du groupe de travail, votre rapporteur estime qu'aucune modification majeure des dispositions de la LME en matière de délais de paiement n'est nécessaire : il convient simplement de circonscrire les comportements abusifs et d'assurer une interprétation unique et cohérente de la loi.

1. Une nouvelle réduction du plafond des délais de paiement n'est pas souhaitable à court terme

Au cours des auditions du groupe de travail, seul M. Gontran Lejeune, président du Centre des jeunes dirigeants (CJD), a évoqué une nouvelle réduction des délais de paiement convenus. Lors de la discussion de la LME, les députés avaient pourtant, un temps, envisagé de faire passer le délai maximal de paiement à 30 jours.

Une nouvelle réduction du plafond des délais de paiement ne paraît pas souhaitable à court terme . Il s'agit d'ailleurs de la position du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi qui indique : « la mise en oeuvre d'une telle évolution suppose (...) de s'assurer qu'elle n'est pas susceptible de générer une distorsion de concurrence trop importante avec les partenaires commerciaux européens des entreprises françaises, et notamment ceux des États du sud de l'Europe. (...) Il conviendrait au préalable de s'assurer que les débiteurs étrangers (de l'Union européenne) soient soumis au même plafond, que ce soit par la voie d'une directive ou de réglementations nationales » 32 ( * ) .

2. Le respect des dispositions de la LME doit être assuré et certaines doivent être clarifiées

L'ensemble des interlocuteurs du groupe de travail ont souligné que l'application des dispositions de la LME devait être assurée et que certains comportements abusifs devaient être surveillés et sanctionnés .

Ces comportements ont été mis en avant par de nombreux interlocuteurs du groupe de travail. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) a ainsi souligné que « la coexistence de différents régimes dérogatoires et la situation de crise actuelle n'ont pas permis une application sereine de la nouvelle législation » 33 ( * ) . L'enquête effectuée par la FIM indique que 70 % des entreprises interrogées ont fait l'objet de pratiques abusives .

Différentes pratiques ont été évoquées devant le groupe de travail :

- la demande d'avantages financiers sous forme de remises, d'escomptes ou de ristournes en échange de l'application des dispositions relatives aux délais de paiement , y compris pour des entreprises bénéficiant d'une dérogation. Selon l'enquête de l'AFDCC précitée, une remise a été accordée dans plus de 10 % des cas, en contrepartie de la réduction des délais de paiement ;

- une application extensive ou erronée des accords dérogatoires , l'Observatoire des délais de paiement soulignant la complexité de ces accords. Les entreprises doivent en effet identifier parmi leurs partenaires (clients et fournisseurs) ceux qui relèvent d'une dérogation et de quelle dérogation ils relèvent. D'après l'enquête de la FIM, une entreprise sur trois a été victime d'une application extensive et donc abusive de certains accords dérogatoires, notamment dans le secteur du BTP.

- l'Observatoire des délais de paiement relève l'existence de nombreuses autres pratiques abusives , comme les mesures dilatoires (à l'exemple du non paiement en raison d'un défaut de signature), les pratiques de stock de consignation ou encore la modification des phases de paiement.

Outre ces pratiques abusives, plusieurs interlocuteurs ont relevé la difficulté d'application des dispositions de la LME dans les relations internationales .

L'audit mené en 2009 par l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) sur l'impact de la LME révèle que, pour la moitié des entreprises, la réduction des délais de paiement a fragilisé leur compétitivité par rapport aux fournisseurs étrangers. Les entreprises françaises souffrent de la concurrence des fournisseurs étrangers qui proposent des délais de paiement plus attractifs.

La situation est telle qu'elle aboutit à des pratiques abusives, évoquées par la FIM : certaines entreprises désignent une loi étrangère comme loi du contrat ou ont recours à des groupements d'achat d'origine étrangère afin d'échapper aux dispositions de la LME.

Si la difficulté est réelle, ses effets semblent limités : la FIM souligne ainsi que « les entreprises ne signalent pas avoir été déréférencées au profit de certains fournisseurs étrangers parce que ceux-ci, non soumis à la LME, peuvent (...) accorder des délais plus longs » 34 ( * ) .

Face à cette situation, le groupe de travail estime que la loi doit être appliquée et que l'interprétation de certains de ses aspects doit être clarifiée .

De nombreux interlocuteurs du groupe de travail ont souligné la nécessité d'une clarification, à l'exemple de l'ANIA qui souligne la nécessité « de mettre un terme aux mauvaises interprétations d'un texte clair tant dans l'esprit que dans la forme. Tous les moyens permettant une lecture unique doivent être mis en oeuvre ainsi que la sanction de toute dérive flagrante par des contrôles effectifs et réactifs » 35 ( * ) .

Le groupe de travail souligne le rôle essentiel de la DGCCRF et de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) en la matière.

La DGCCRF a mis en ligne sur son site des éléments de réponse, et la CEPC a émis de nombreux avis interprétant la LME, synthétisés dans une fiche pratique publiée en octobre 2009 36 ( * ) . La CEPC clarifie ainsi les dispositions de la LME en matière de délais de paiement en précisant les opérateurs économiques et les contrats concernés, les pratiques relevées, la computation des délais, le rôle des commissaires aux comptes, les accords dérogatoires et les sanctions.

Si votre rapporteur salue les travaux de la CEPC qui ont notamment clarifié le champ d'application des accords dérogatoires, il s'interroge cependant sur la compatibilité de certains avis avec l'esprit de la LME. S'agissant des contreparties demandées en échange de la réduction des délais de paiement, la CEPC indique ainsi que « si l'obligation légale d'ordre public n'a pas à donner mécaniquement lieu à une compensation au premier euro, elle ne l'interdit pas. La situation des délais de paiement peut toujours être prise en compte dans les négociations commerciales. Le taux de la compensation à une réduction des délais de paiement ne doit pas être abusif, il ne peut créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » 37 ( * ) .

S'agissant de la DGCCRF, le groupe de travail note que cette dernière a menée une action modeste en matière de délais de paiement en 2009, du fait de la crise et de la signature des accords dérogatoires. M. Francis Amand, chef de service, a cependant indiqué que les services de la concurrence devraient mener une action plus soutenue en la matière en 2010.

* 32 Réponse au questionnaire transmis par le rapporteur du groupe de travail.

* 33 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 34 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 35 Association Nationale des industries alimentaires (ANIA), Synthèse de la restitution de l'audition 2009 de l'impact de la LME, 7 septembre 2009.

* 36 Le Moniteur, Marchés privés - Délais de paiement, 30 octobre 2009, p. 3-6.

* 37 Le Moniteur, Ibid..., p. 4.

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