3. Une réforme du droit de l'urbanisme inachevée
L'impression d'ensemble qui ressort des auditions réalisées par le groupe de travail sur cette question de l'urbanisme commercial est que l'on se trouve actuellement « au milieu du gué ».
La LME a en effet mis un terme, principalement sous la pression du droit européen de la concurrence, à une régulation économique des implantations commerciales. Cet aspect de la réforme peut être considéré comme achevé.
Elle a également posé les bases d'une intégration de l'urbanisme commercial dans le droit commun de l'urbanisme en donnant aux schémas de cohérence territoriale (SCOT) un pouvoir de régulation des implantations commerciales sur des critères exclusifs d'aménagement du territoire (article L. 752-1 du code de commerce).
Ce rôle nouveau dévolu aux SCOT n'a cependant pas été défini dans le cadre d'une réflexion stratégique d'ensemble, cohérente et aboutie. Il avait en effet pour objet de rassurer sur le fait que la réduction du champ d'intervention des CDEC ne signifiait pas l'abandon de tout objectif urbanistique s'agissant de la régulation des implantations. Elle se concevait en outre comme une réponse transitoire, un texte plus ambitieux devant rapidement prendre le relais. Le député Jean-Paul Charié, dans le prolongement de l'adoption de la LME, a d'ailleurs engagé les travaux préfigurant ce futur texte 85 ( * ) .
Depuis lors, le transitoire s'est installé dans le durable et l'ébauche de régulation urbanistique des implantations commerciales peine à remplir au quotidien une tâche pour laquelle elle n'a pas été vraiment conçue. Les acteurs de l'urbanisme commercial, collectivités territoriales et commerçants, ont donc affaire à un droit à la portée mal définie qui pose des questions de fond et crée des incertitudes sur ce que chacun a le droit de faire :
- que peut comporter exactement le document d'aménagement commercial d'un SCOT ?
- les prescriptions et le zonage du volet commercial d'un SCOT s'imposent-elles aux PLU et, au-delà, aux autorisations d'urbanisme ?
- quels sont les liens entre le volet commercial d'un SCOT et les CDAC ?
Finalement, la LME a donné aux SCOT le pouvoir de poser des règles relatives aux implantations commerciales mais sans préciser comment, par quelles procédures, dans quelles limites, ces règles fonctionnent. On a donc institué une compétence qui reste peu effective.
Devant le constat de ces incertitudes, le Sénat, soucieux de ne pas écarter du champ de l'aménagement du territoire un domaine d'activité qui a des répercussions considérables sur l'organisation de nos villes et de nos campagnes, n'est pas resté inactif. Dans le cadre de l'examen du projet de loi Grenelle II 86 ( * ) , qui comporte une réforme ambitieuse des SCOT, il a en effet adopté des dispositions qui renforcent la capacité des SCOT à réguler les implantations commerciales.
Dans la rédaction issue des travaux du Sénat 87 ( * ) , l'article L. 122-1-9 du code de l'urbanisme prévoit ainsi que : « Le document d'orientation et d'objectifs précise les objectifs relatifs à l'équipement commercial et artisanal et aux localisations préférentielles des commerces afin de répondre aux exigences d'aménagement du territoire, notamment en matière de revitalisation des centres-villes, de cohérence entre équipements commerciaux, desserte en transports, notamment collectifs, et maîtrise des flux de marchandises, de consommation économe de l'espace et de protection de l'environnement, des paysages et de l'architecture. Il comprend un document d'aménagement commercial défini dans les conditions prévues au II de l'article L. 752-1 du code de commerce, qui délimite des zones d'aménagement commercial en prenant en compte ces exigences d'aménagement du territoire. Dans ces zones, il peut prévoir que l'implantation d'équipements commerciaux est subordonnée au respect de conditions qu'il fixe et qui portent, notamment, sur la desserte par les transports collectifs, les conditions de stationnement, les conditions de livraison des marchandises et le respect de normes environnementales, dès lors que ces équipements, du fait de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'organisation du territoire ».
C'est une avancée importante, puisque la LME permettait au SCOT de définir des ZAC mais sans dire quelles prescriptions y imposer. Cependant, cette avancée n'a pas encore force de loi et ne règle pas tous les problèmes.
Votre rapporteur appelle donc de ses voeux l'élaboration rapide d'un texte sur l'urbanisme commercial tout en précisant qu'il ne s'agit pas d'en revenir à la situation antérieure à la LME. Jusqu'à cette date l'urbanisme commercial était avant tout une affaire de commerce ; il devra à l'avenir être avant tout une affaire d'urbanisme. C'est dans cette voie qu'il semble pertinent de réfléchir.
* 85 « Avec le commerce, mieux vivre ensemble », Ibid.
* 86 Projet de loi portant engagement national pour l'environnement, adopté par le Sénat le 8 octobre 2009.
* 87 Cette rédaction résulte des propositions d'amendement du rapporteur Dominique Braye.