2. Les difficultés d'application de la LME en matière de relations commerciales
a) Une divergence majeure entre distributeurs et fournisseurs quant à l'interprétation de la loi.
Les échanges du groupe de travail avec les distributeurs puis avec les fournisseurs ont montré un désaccord fondamental existant sur l'interprétation des dispositions de la LME en matière de relations commerciales. Cette divergence porte essentiellement sur la négociabilité des tarifs :
- les distributeurs estiment que les fournisseurs souhaitent imposer leurs conditions générales de vente (CGV) ;
- les fournisseurs estiment que les distributeurs refusent d'expliquer la dégradation des conditions générales de vente.
La FIM rappelle ainsi que si les CGV « n'en sont pas nécessairement le résultat (...) elles doivent en être au moins le point de départ » , regrettant que « les acheteurs en position de force (...) refusent de tenir compte des conditions générales de vente et imposent leurs clauses et conditions sans qu'une véritable négociation puisse intervenir » 61 ( * ) .
Distributeurs et fournisseurs estiment de concert qu'il convient simplement de faire appliquer la loi, sans avoir la même interprétation de cette dernière .
Votre rapporteur rappelle qu'en matière de négociabilité des tarifs, la LME est équilibrée : les conditions générales de vente constituent le point de départ de la négociation et, à ce titre, elles ne peuvent être refusées d'office. Mais une véritable négociation doit s'engager sur la base de ces conditions.
b) Des abus et des difficultés d'application
De nombreux abus de la part des distributeurs ont été portés à la connaissance du groupe de travail lors de ses auditions par différents interlocuteurs (la CGPME, les différentes organisations de fournisseurs, la FIM,...). On peut relever les pratiques suivantes :
- l'exclusion a priori des conditions générales de vente ou l'imposition de conditions d'achat ;
- la demande de financement de missions relevant des distributeurs, à l'exemple des dispositifs de comparaison de prix ;
- la demande de remises pour compenser la fin des « marges arrière » : M. Dominique de Gramont, délégué général de l'Institut de liaison et d'études des industries de consommation (ILEC), note ainsi que « les fournisseurs sont amenés, en l'absence de plans d'affaires et de services identifiés, à consentir des concessions tarifaires sans avoir obtenu aucun engagement en retour » 62 ( * ) ;
- le recours aux menaces de déréférencement ;
- l'absence de contenu de certaines conventions uniques : M. Dominique de Gramont relève qu'au 27 février 2009, 20 % des conventions uniques avaient été signées. Au 1 er mars, plus de 90 % l'avaient été, cet écart révélant que nombre de contrats avaient simplement été prolongés, d'autres étant vides ;
- la renégociation permanente des conventions uniques, dès le lendemain du 1 er mars 2009.
Lors de son audition par le groupe de travail, le cabinet de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a confirmé l'existence de pratiques abusives , citant le report du coût d'un produit non vendu sur le fournisseur ou l'interdiction d'augmentation des tarifs du fournisseur en cas d'augmentation du prix des matières premières.
Votre rapporteur note qu' une difficulté réelle porte sur l'application de la date du 1 er mars 2009 pour la conclusion de la convention unique .
Plusieurs fournisseurs ont relevé les difficultés en la matière, soulignant par exemple que « le principe de l'annualisation des négociations commerciales est fragilisé car (...) toutes les enseignes ont déjà relancé des négociations alors qu'en principe, les avenants doivent rester dérogatoires et ne pas permettre une remise en cause totale du contrat signé quelques jours plus tard » 63 ( * ) .
Le Groupe d'étude industrie distribution (GEID) indique de son côté que « l'application d'une date unique, et fixe , pour conclure toutes les conventions uniques , s'avère inapplicable et irréaliste » : inapplicable car, par exemple, les fabricants gèrent dans certains secteurs plusieurs milliers de comptes clients ; irréaliste car un accord ne peut prévoir les fluctuations des marchés.
Lors de son audition par le groupe de travail, M. Francis Amand, chef de service à la DGCCRF, a indiqué que la direction avait adopté une attitude équilibrée sur cette vraie question : elle admet la révision, tout en contrôlant que les conditions de la révision ne sont pas abusives. La DGCCRF estime par contre qu'il ne lui revient pas de contrôler si les remises tarifaires obtenues par la négociation sont abusives.
* 61 Contribution écrite transmise au groupe de travail.
* 62 Contribution écrite transmise au groupe de travail.
* 63 Contribution écrite de l'ANIA transmise au groupe de travail.