CONCLUSION
Les enseignements de la mission effectuée en Inde, en Afghanistan et au Pakistan par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées peuvent s'articuler autour des points suivants :
• les raisons qui ont conduit la communauté internationale à intervenir en Afghanistan en 2001 demeurent justifiées mais ont évolué ;
• en dépit d'un certain nombre de réussites indéniables, notamment en matière de santé et d'éducation, l'action de la communauté internationale en Afghanistan, depuis 2001, n'a pas atteint ses objectifs, loin s'en faut ;
• l'accumulation des erreurs, reconnue dans l'évaluation du général MacChrystal, l'incurie et la corruption des institutions afghanes, ont entraîné une gabegie dramatique et conduisent aujourd'hui à une impasse qui, faute de réaction, conduit à court terme à l'échec ;
• la stratégie de contre insurrection proposée par le général MacChrystal pourrait permettre une amélioration sensible de la situation et créer les conditions qui autoriseront le retrait à terme des forces de la coalition internationale ;
• néanmoins, la mise en oeuvre de cette stratégie se heurte à d'immenses difficultés qui supposeront, pour être surmontées, une volonté inflexible et une coordination sans faille des différents intervenants civils et militaires de la communauté internationale et du gouvernement afghan ;
• la stabilisation et la paix en Afghanistan supposent une régionalisation qui implique politiquement, économiquement et diplomatiquement l'ensemble des voisins, et en particulier l'Inde, la Chine, le Pakistan et l'Iran. Les pays membres de la coalition ne peuvent continuer à faire une guerre par procuration ;
• enfin, si le fait de raisonner au niveau de la zone AFPAK est pertinent, le Pakistan doit faire l'objet d'une attention et d'une aide beaucoup plus importante qu'à l'heure actuelle. Démocratie faible mais réelle, disposant des structures d'un véritable Etat et d'une armée structurée, puissante et solide, le Pakistan doit recevoir une assistance massive de la communauté internationale, à la fois dans son action militaire mais aussi, et peut-être surtout, pour assurer son développement économique et social notamment dans les domaines de l'éducation et la santé.
Le schéma proposé offre une cohérence certaine :
• la sécurité est la condition du développement. On ne peut reconstruire en zone de conflit ouvert. Cela implique donc, en pratique, des opérations militaires qui s'accompagnent d'un maillage et d'un quadrillage permanent du terrain pour sécuriser les populations et les rallier au pouvoir légal ;
• pour cela, il faut augmenter les effectifs sur le terrain en particulier ceux de l'armée et de la police afghane. L'objectif est, pour l'ANA, d'atteindre 240 000 hommes et, pour l'ANP, 160 000 hommes en 2013 ;
• il faut donc un effort très important de formation, d'entraînement et d'équipement des forces de sécurité afghanes (FNS), c'est-à-dire de l'ANA et de l'ANP (qu'il faudra également mieux payer pour éviter qu'elles vivent sur la population et se laissent corrompre) ;
• conjointement aux opérations anti-rébellion, il faut couper les sources de financement (principalement les revenus provenant de la drogue et des autres trafics) ;
• parallèlement, il faut reconstruire et développer en particulier les routes, les infrastructures en général, l'irrigation et l'agriculture. Pour cette dernière ceci s'accompagne de la mise en place de cultures de substitution au pavot.
• Ces actions de développement supposent un très important effort de coordination entre l'OTAN, la mission de l'Union européenne et la MANUA aujourd'hui insuffisante ;
• La communauté internationale devra continuer très longtemps à tenir ce pays sous perfusion financière ;
• dans le même temps, il faut améliorer la gouvernance : lutte contre la corruption, le trafic de drogue et procéder aux adaptations institutionnelles indispensables dans le respect des spécificités et de l'histoire afghanes ;
• enfin, la société afghane doit se réconcilier avec elle-même, ce qui entraîne la réintégration dans le jeu politique des insurgés nationaux (c'est-à-dire non internationalistes) quels que soient les motifs qui les poussent à l'insurrection (intérêts mafieux, luttes tribales, convictions religieuses etc...), il est vraisemblable qu'une Loya Jirga serait de nature à permettre ce mécanisme de réconciliation ;
• la régionalisation suppose principalement que le Pakistan participe activement à la lutte contre le terrorisme et qu'il reçoive le soutien et aide de la communauté internationale pour atteindre cet objectif ;
• elle suppose aussi que l'antagonisme entre l'Inde et le Pakistan diminue de manière significative. Compte tenu de la susceptibilité de ces pays sur la question du Cachemire, le règlement doit s'effectuer de manière bilatérale avec l'aide de la communauté internationale mais sans pressions sur les deux pays ;
• la Chine, alliée traditionnelle du Pakistan, en compétition économique et politique avec l'Inde, doit être impliquée dans la résolution du conflit ;
• l'Iran (comme du reste la Chine et la Russie ou les républiques d'Asie centrale) a les mêmes intérêts que la communauté internationale à lutter contre le terrorisme et le trafic de drogue d'autant qu'à cette menace s'ajoute pour lui l'antagonisme chiites-sunnites. L'Iran entretient, par ailleurs, de très importantes relations commerciales avec l'Afghanistan. La réintégration de l'Iran dans la communauté internationale est donc un enjeu important dans le cadre de la résolution de la question afghane ;
• la régionalisation peut également signifier une implication militaire accrue des pays de la zone, notamment des pays musulmans à l'exemple de la Turquie. Toutefois, c'est surtout par leur implication politique que les pays de la région pourront contribuer de manière significative à la résolution de la question afghane.