III. L'EFFICACITÉ DES DISPOSITIFS FINANCÉS PAR L'ETAT POURRAIT ÊTRE AMÉLIORÉE S'ILS ÉTAIENT MIEUX CONNUS ET ÉVALUÉS
A. DES DISPOSITIFS DONT L'EFFICACITÉ EST RELATIVE
1. Mettre fin à l'empilement des dispositifs
La Cour des comptes relève que « le foisonnement et l'empilement des dispositifs d'intervention éducative en direction des quartiers sensibles induisent une complexité qui constitue un obstacle à l'appropriation, et donc à l'efficacité et à l'efficience des dispositifs ».
Ainsi huit configurations sont possibles selon que l'élève est scolarisé, ou non, dans un établissement de l'éducation prioritaire ou qu'il réside, ou non, dans le périmètre d'un CUCS ou d'une ZUS comme le montre le tableau présenté ci-après.
La prolifération des interventions éducatives dans les quartiers sensibles pose des difficultés : méconnaissance des dispositifs, effets de concurrence ou de redondance entre les dispositifs, difficultés de coordination entre des intervenants nombreux qui ne peuvent de surcroît agir que dans un laps de temps par définition limité : l'optimisation du hors temps scolaire est à ce titre une vraie question.
Synthèse des différents dispositifs
Scolarisation ou non dans un établissement d'EP |
Situation ou non dans le périmètre d'un CUCS |
Situation ou non dans le périmètre d'une ZUS |
Armature des dispositifs éducatifs de l'Etat en direction des quartiers sensibles |
Scolarisé dans un établissement de l'éducation prioritaire (1 571 586 jeunes scolarisés, soit 20 % du total des élèves) |
Vivant dans un quartier prioritaire du CUCS |
Cas 1 : vivant en ZUS |
Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; accompagnement scolarité ; 100 000 élèves, 100 000 tuteurs ; « Oser l'excellence » ; busing ; VVV |
Education nationale : accompagnement éducatif primaire ; RSL ; banque de stages ; médiateurs de réussite scolaire |
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Cas 2 : ne vivant pas en ZUS |
Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; accompagnement scolarité ; 100 000 élèves, 100 000 tuteurs ; « Oser l'excellence » ; busing ; VVV |
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Education nationale : accompagnement éducatif primaire ; RSL ; banque de stages ; médiateurs de réussite scolaire |
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Ne vivant pas dans un quartier prioritaire du CUCS |
Cas 3 : vivant en ZUS |
Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; 100 000 élèves, 100 000 tuteurs ; « Oser l'excellence » ; |
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Education nationale : accompagnement éducatif primaire ; RSL ; banque de stages ; médiateurs de réussite scolaire |
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Cas 4 : ne vivant pas en ZUS |
Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; 100 000 élèves, 100 000 tuteurs ; « Oser l'excellence » ; |
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Education nationale : accompagnement éducatif primaire ; RSL ; banque de stages ; médiateurs de réussite scolaire |
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Non scolarisé dans un établissement de l'éducation prioritaire |
Vivant dans un quartier prioritaire du CUCS |
Cas 5 : vivant en ZUS |
Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; accompagnement scolarité ; « Oser l'excellence » ; busing ; VVV |
Education nationale : RSL ; médiateurs de réussite scolaire ; accompagnement éducatif possible sous condition |
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Cas 6 : ne vivant pas en ZUS |
Politique de la ville : accompagnement scolarité ; « Oser l'excellence » ; busing ; VVV + école ouverte |
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Education nationale : RSL ; accompagnement éducatif |
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Ne vivant pas dans un quartier prioritaire du CUCS |
Cas 7 : vivant en ZUS |
Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; « Oser l'excellence » ; |
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Education nationale : RSL ; médiateurs de réussite scolaire ; accompagnement éducatif possible |
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Cas 8 : ne vivant pas en ZUS |
Politique de la ville : Ecole ouverte ; |
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Education nationale : RSL ; accompagnement éducatif possible |
* PRE : programme de réussite éducative ; VVV : ville, vie, vacances ; IE : internat d'excellence ; RSL : réussite scolaire au lycée
Source : rapport de la Cour des comptes
Au regard de cette complexité, la Cour des comptes propose deux démarches :
- d'une part, l'égalité d'accès aux différents dispositifs devrait être garantie autant que possible. Dans cette optique, l'un des premiers objectifs de la coordination entre les dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation nationale devrait être de veiller à apporter des correctifs afin d'éviter que l'inégalité des moyens mis en oeuvre par les acteurs locaux n'aggrave les différenciations. Si cette proposition reçoit l'assentiment de vos rapporteurs spéciaux, elle pose néanmoins la question de la connaissance précise de la cartographie des dispositifs financés au niveau local ;
- d'autre part, la répartition des crédits devrait être revue afin de concentrer les efforts sur les 6,5 % d'établissements scolaires classés « très défavorisés » , ces établissements ne relevant pas nécessairement d'un zonage RAR ou ZUS. Si vos rapporteurs spéciaux sont convaincus de la nécessité de ne pas saupoudrer les moyens, ils notent que la Cour ne propose pas de les redéployer : or, compte tenu du contexte actuel des finances publiques, il convient de reconnaître la difficulté de renforcer substantiellement les ressources de certains établissements sans diminuer celles des autres.
2. Minimiser le caractère aléatoire des dispositifs
Le rapport de la Cour des comptes souligne à de nombreuses reprises la présence d'un aléa dans la mise en oeuvre des différents dispositifs. Elle relève ainsi que « l'intégralité des dispositifs n'est pas toujours mise en oeuvre , car leur offre dépend de la mobilisation des acteurs locaux, ou bien elle ne peut être proposée que sur des territoires ou établissements ciblés ».
Trois types d'aléa semblent devoir être distingués :
- premièrement, un aléa propre aux politiques locales qui ne peuvent pas, par définition, être identiques sur l'ensemble du territoire national. Les interventions éducatives dans les quartiers sensibles peuvent ainsi être plus ou moins soutenues financièrement et être organisées différemment ;
- deuxièmement, un aléa propre à la mise en oeuvre de la politique de la ville qui ne conduit une action que sur des territoires ciblés ou en fonction d'une contractualisation spécifique ;
- troisièmement, un aléa propre aux dispositifs qui ne sont pas, pour la plupart d'entre eux, d'application immédiate, mais tributaires de l'accord d'une ou plusieurs personnes. Plusieurs exemples peuvent être cités, comme l'accompagnement éducatif , les stages pendant les vacances scolaires , ou « Ecole ouverte », trois dispositifs qui reposent aussi bien sur le volontariat des enseignants que sur celui des élèves . De fait, le déploiement des dispositifs est relatif, ce qui nuit à leur efficacité : seulement 62 % des établissements situés en éducation prioritaire ou en ZUS profitent de la mesure « Ecole ouverte », et moins de 20 % des élèves de l'éducation prioritaire bénéficient de l'aide aux devoirs dans le cadre de l'accompagnement éducatif.
De même, en 2009, afin de lutter contre l'absentéisme scolaire, le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat chargé de la politique de la ville ont proposé la création de médiateurs de réussite scolaire dont le déploiement dans les établissements est soumis à l'accord des conseils d'administration : cette condition a pour conséquence, en cas de refus, de priver ces établissements de personnels, de réorienter ces derniers vers d'autres établissements et donc d'aboutir à un éparpillement des moyens.
Au total, le volontariat, qui se comprend dans son principe, peut poser deux catégories de problèmes :
- d'une part, il ne permet pas de toucher l'ensemble de la cible prioritaire des élèves, ce qui remet en cause la capacité de l'éducation nationale à accroître la réussite scolaire de chacun et notamment de conduire tous les élèves à la maîtrise des compétences ;
- d'autre part, le volontariat des enseignants peut déboucher sur une inégalité de l'offre de soutien , inégalité qui n'est pas nécessairement compensée par les dispositifs de la politique de la ville ou les initiatives des collectivités locales. Cette situation remet en cause l'égalité des chances, ce qui n'est pas satisfaisant.
Ces remarques qui ont été mises en avant par la Cour des comptes, lors de son enquête, justifient qu'une réflexion plus globale soit engagée.
En effet, comme le montre la réforme du lycée, la personnalisation de l'offre éducative est une tendance de fond du ministère de l'éducation nationale. Compte tenu de cette réalité, il serait opportun d'étudier la possibilité d'inscrire les dispositifs de soutien dans le cadre des moyens de droit commun des établissements comme cela a été fait pour les PPRE dans les collèges.
Outre une autonomie accrue des établissements , ceci permettrait une plus grande cohérence dans le suivi des élèves et un déploiement peut être plus homogène du dispositif sur l'ensemble des établissements. Cette évolution nécessite de réfléchir aux obligations de service des enseignants ainsi qu'à leur mission.
Enfin, vos rapporteurs spéciaux soutiennent la proposition de la Cour des comptes de mettre en place un cahier des charges national des services, ou prestations, attendues en matière de soutien scolaire afin d'évaluer les écarts et donc de permettre leur compensation.