B. M. ETIENNE PFIMLIN, PRÉSIDENT DU CRÉDIT MUTUEL
M. Jean Arthuis, président , a rappelé que, pour faire face à la crise financière, la France a créé, au cours de l'automne 2008, la Société de financement de l'économie française (SFEF), dont le rôle est de consentir des financements à moyen terme aux établissements financiers qui le souhaitent, et la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), chargée de renforcer les fonds propres des principales banques françaises.
Dans ce contexte, M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur la manière dont le groupe Crédit mutuel a utilisé ces instruments et sur son attitude future. Il a souhaité connaître le jugement porté par le Crédit mutuel sur l'objectif d'augmentation de 3 % à 4 % de l'encours de crédit des banques figurant dans les conventions qui conditionnent l'octroi des financements de la SFEF et de la SPPE, ainsi que sa vision du rôle du médiateur du crédit, opérationnel depuis le mois de novembre 2008. Il a estimé qu'un regard mériterait également d'être porté sur les exigences passées des fonds d'acquisition par effet de levier (« leveraged buy-out », ou LBO) et sur le risque que ces fonds peuvent représenter dans la crise actuelle. Enfin, il s'est demandé quelle était la politique du Crédit mutuel en matière de rémunération de ses dirigeants, de ses courtiers (traders) et de ses sociétaires.
M. Etienne Pflimlin, président du Crédit mutuel , a tout d'abord rappelé que son groupe compte 15 millions de clients, 36.000 employés et 24.000 élus. Son encours de crédit s'élevait à 260 milliards d'euros au 31 décembre 2008, en augmentation de 9,7 % sur douze mois. Cependant, une « rupture conjoncturelle » est intervenue depuis le mois d'octobre 2008, traduisant les difficultés non seulement du secteur financier mais de l'économie tout entière. S'agissant plus spécifiquement du crédit aux entreprises, l'encours du Crédit mutuel s'établit à 124 milliards d'euros, en progression de 9,4 % sur douze mois, la moitié de cette hausse ayant été permise par les aides de la SFEF (pour environ 5 milliards d'euros) et de la SPPE (pour environ 1,2 milliard d'euros).
Il a ensuite estimé que le dispositif de soutien de l'Etat au secteur financier apparaît pertinent, l'action de la SFEF ayant permis, en particulier, le redémarrage de l'activité bancaire à un moment où la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, avait bloqué le crédit interbancaire dans un climat de forte défiance entre les établissements.
Toutefois, la production de prêts a diminué de 16 % entre 2007 et 2008, avec une détérioration très sensible sur les derniers mois. Le Crédit mutuel finance lesdits prêts par l'augmentation de ses ressources comptables, dans une proportion d'un tiers et, pour les deux tiers restants, par le recours au marché, à un taux moyen compris entre 5 % et 6 %. C'est pourquoi le « taux de sortie moyen » de ces fonds de son établissement est d'environ 5 %.
M. Etienne Pflimlin a déclaré que le ralentissement sensible du marché du crédit ne provient pas de l'attitude des banques mais d'une crise de la demande. Dès lors, le Crédit mutuel devrait « tout juste » atteindre l'objectif de 4 % d'augmentation de son encours figurant dans la convention qu'il a signée avec l'Etat, étant entendu que, aux termes de ladite convention, le non-respect de cet objectif pourrait ne pas être sanctionné en cas de dégradation trop marquée de la conjoncture économique.
Du côté de l'offre, les banques, dont le coût du financement a augmenté, ont renforcé leurs demandes de garantie, notamment pour octroyer des prêts immobiliers. S'agissant des LBO, le Crédit mutuel ne financerait sans doute aujourd'hui qu'environ un tiers des opérations qu'il a pu soutenir précédemment. De fortes menaces pèsent d'ailleurs sur l'ensemble des banques du fait de ces opérations.
M. Etienne Pflimlin a particulièrement insisté sur le fait que c'est l'atonie de la demande de crédit qui ralentit fortement le marché, relevant que la répétition des messages de défiance à l'égard des banques pourrait être l'un des facteurs pénalisant la reprise. D'autre part, l'absence de produits d'épargne longue dans le bilan des banques, pouvant constituer un « socle d'intermédiation », risque de poser des problèmes à terme.
En réponse à une interrogation de M. Jean Arthuis, président , il a indiqué ne pas avoir observé de mouvement de retrait des produits « actions » en faveur de placements plus sécurisés de la part des clients de son réseau, soulignant que le Crédit mutuel n'avait pas distribué de produits « toxiques » à sa clientèle.
Puis M. Etienne Pflimlin a déclaré que le groupe Crédit mutuel avait participé à la première opération de recapitalisation du secteur bancaire par la SPPE essentiellement par « solidarité de place ». Le groupe n'a pas encore arrêté de décision au sujet de la deuxième tranche de refinancement, le coût élevé de cette ressource pouvant l'inciter à ne pas se joindre à cette nouvelle opération. En toute hypothèse, une participation du Crédit mutuel ne s'effectuerait que sous la forme d'émission de titre super subordonnés (TSS) et non d'actions de préférence. Répondant à Mme Nicole Bricq , M. Etienne Pflimlin a précisé qu'une telle participation pourrait toutefois être rendue nécessaire par un durcissement des conditions de collecte de fonds sur le marché, exprimant, à cet égard, ses craintes au sujet des contraintes pouvant résulter du sommet du G 20 qui doit se tenir à Londres en avril 2009. En revanche, une définition commune des fonds propres bancaires apparaît souhaitable, d'autant que la France dispose déjà de critères pertinents en la matière.
M. Etienne Pflimlin a ensuite qualifié de « remarquable » la mise en place, dans un délai réduit, du dispositif de médiation du crédit. Cependant, sans mettre en cause son utilité, le nombre relativement réduit (environ 6.000) de dossiers déposés auprès des services du médiateur conduit à relativiser l'ampleur des problèmes dus au durcissement de l'offre de crédit. S'agissant du groupe Crédit mutuel, moins de 1.200 dossiers ont été soumis à la médiation, parmi lesquels la moitié a été réglée sans l'intervention des services du médiateur et environ 400 ont été traités par lesdits services, dont seulement 4 au niveau national. Pour ce qui concerne l'avenir, l'orateur a estimé, à titre personnel, que les dispositifs d'exception ne devraient pas avoir vocation à être pérennisés.
Enfin, au sujet des engagements éthiques demandés aux banques, M. Etienne Pflimlin a fait valoir que leur mise en oeuvre a été simple pour le groupe Crédit mutuel, qui n'est pas coté en bourse et ne distribue donc pas de stock options. De plus, le groupe a procédé à l'abandon des bonus des dirigeants dès décembre 2008. Il a également entrepris une réforme de la rémunération des traders qui se heurte, cependant, aux dispositions du code du travail empêchant une révision unilatérale des contrats de travail. Des actions contentieuses de la part des intéressés ne sont pas à exclure. Toutefois, il ne devrait pas revenir à la loi de régler de tels cas au risque de rendre le droit plus complexe. En outre, des dispositions trop rigoureuses pourraient poser un problème de compétitivité à la place financière française après la fin de la crise actuelle.
M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur les nouveaux produits que pourraient créer les banques afin de drainer une épargne de long terme, se demandant, en particulier, si le secteur du développement durable ne pourrait pas fournir un support adéquat.
M. François Marc a souhaité obtenir des précisions sur les raisons pour lesquelles le groupe Crédit mutuel n'est pas coté en bourse. Les fortes évolutions du cours de bourse des banques cotées, parfois sur le fondement de rumeurs, n'auraient-elles pas contribué à brouiller l'image de ces établissements ? D'autre part, la faillite de Lehman Brothers peut-elle être considérée comme le véritable déclencheur de la crise actuelle alors même que l'ampleur des déséquilibres accumulés depuis des années dans l'économie mondiale paraît fournir une explication plus convaincante ? Enfin, le Crédit mutuel ne s'est-il pas éloigné de ses principes originels en accordant trop facilement des crédits immobiliers ou en finançant certaines opérations de LBO ?
M. Jean Arthuis, président , a souhaité savoir si le dispositif public d'octroi de prêts à taux zéro n'a pas fragilisé les bénéficiaires.
M. Albéric de Montgolfier s'est interrogé sur l'évolution de l'encours des livrets A en dépôt au sein du groupe Crédit mutuel et sur les moyens mis en oeuvre par celui-ci pour faire respecter le principe de l'interdiction pour un particulier de détenir plusieurs livrets.
M. Adrien Gouteyron a demandé les raisons pour lesquelles seul un très petit nombre de dossiers du groupe Crédit mutuel a été traité au niveau national par les services du médiateur du crédit. Par ailleurs, une augmentation de la taille des dossiers soumis à la médiation n'est-elle pas à craindre ?
En réponse à ces interventions, M. Etienne Pflimlin a déclaré :
- qu'une réforme de l'épargne logement, certes délicate à mener en une période de forte tension sur les finances publiques, pourrait répondre au besoin d'épargne longue des établissements bancaires, certains d'entre eux considérant toutefois que l'épargne boursière pourrait remplir cette fonction ;
- que l'introduction en bourse pose un problème en ce qui concerne la rémunération des dirigeants, l'attribution de stocks options conduisant certains d'entre eux à privilégier de manière excessive l'évolution du cours de bourse. C'est avant tout ce constat qui a conduit le groupe Crédit mutuel à ne pas souhaiter être coté ;
- que la crise actuelle résulte avant tout des déséquilibres nord-américains, l'endettement des ménages français demeurant plus raisonnable. A cet égard, le groupe Crédit mutuel se caractérise par un taux de surendettement de ses clients inférieur à la moyenne nationale ;
- que la très forte concurrence entre les banques au cours de la période précédente a conduit l'ensemble des acteurs à assouplir les conditions d'octroi de prêts, notamment immobiliers, aux ménages, ou les critères de participation à des opérations de LBO, lesquelles ont d'ailleurs contribué pendant de nombreuses années au dynamisme de l'économie ;
- que le prêt à taux zéro est un bon dispositif qui a solvabilisé les emprunteurs de manière « raisonnable ». A cet égard, le taux de sinistralité des clients ayant bénéficié d'un prêt à taux zéro est inférieur à la moyenne des prêts au logement ;
- que le réseau du Crédit mutuel n'a pas observé de mouvement massif sur le livret A, les ouvertures de comptes compensant presque exactement les fermetures. En revanche, sa filiale CIC, qui ne pouvait distribuer de livret A avant le 1 er janvier 2009, a collecté 1,9 milliard d'euros au cours du mois de janvier 2009 ;
- que le fonctionnement très décentralisé du réseau du Crédit mutuel peut probablement expliquer le petit nombre des dossiers remontés jusqu'au niveau national des services du médiateur du crédit. D'autre part, il est probable que la taille des dossiers appelés en médiation augmente à l'avenir. Néanmoins, une proportion significative desdits dossiers pourrait ne pas véritablement relever de la médiation et être transférée vers des dispositifs de soutien aux entreprises en difficulté.