EXAMEN DU RAPPORT

Au cours d'une réunion tenue le jeudi 15 octobre 2009 , sous la présidence de M. Yann Gaillard, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président , la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution .

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini a souligné que l'évolution du taux de prélèvements obligatoires résulte d'un double phénomène : d'une part, les «mesures nouvelles», qui sont des modifications législatives ou réglementaires, ayant un impact permanent sur le niveau de prélèvements obligatoires ; d'autre part, les variations spontanées du taux de prélèvements obligatoires, dues, en particulier, aux fluctuations de l'activité économique et qui n'ont normalement un impact qu'à court terme.

Le niveau actuel du taux de prélèvements obligatoires provient notamment des allégements réalisés par les Gouvernements successifs. Ainsi, de 1999 à 2010, les mesures adoptées auront eu pour effet de réduire le taux de prélèvements obligatoires de 3,5 points de produit intérieur brut (PIB). Autrement dit, selon cette approche purement comptable, en leur absence le déficit structurel serait inférieur de 3,5 points de PIB à son niveau actuel. Ces mesures se décomposent entre un allégement de 2,6 points de PIB sur la période 1999-2002, un alourdissement de 0,9 point de PIB de 2003 à 2006, et un allégement de 1,8 point de PIB entre 2007 et 2010, dont 0,7 point de PIB en 2009 et 2010, comprenant 0,5 point de PIB de mesures non pérennes devant disparaître en 2011 du fait du contrecoup de la suppression de la taxe professionnelle.

M. Philippe Marini a indiqué que selon le Gouvernement, le taux de prélèvements obligatoires sera de 40,7 % en 2009 et en 2010. Un niveau aussi faible n'a pas été atteint depuis 1981. Si une baisse du taux de prélèvements obligatoires est une bonne chose, on peut en revanche s'inquiéter des conditions de la baisse actuelle, largement subie, et qui aggrave le déficit public.

Le Gouvernement prévoit actuellement des recettes nettes d'impôt sur les sociétés de 19 milliards d'euros en 2009 et de 33 milliards d'euros en 2010, en nette baisse par rapport aux prévisions précédentes. La commission des finances, par ses moyens propres, parvient à des résultats analogues, de respectivement 16 milliards d'euros et 31 milliards d'euros. Les recettes d'impôt sur les sociétés net étaient, au début du mois de septembre 2009, de seulement 2,95 milliards d'euros, contre 27,43 milliards d'euros l'année dernière à la même date. Cette situation s'explique, bien entendu, en grande partie par le plan de relance. Schématiquement, les recettes d'impôt sur les sociétés net s'effondrent en 2009 en raison d'un triple phénomène. Tout d'abord, les quatre acomptes sont calculés sur la base des faibles bénéfices de 2008. Ensuite, l'Etat doit rembourser aux entreprises le trop perçu en 2008. Enfin, le plan de relance comprend divers allégements d'impôt sur les sociétés. Chacun de ces phénomènes ayant un impact de l'ordre de 10 milliards d'euros, les recettes nettes d'impôt sur les sociétés s'en trouvent réduites d'environ 30 milliards d'euros par rapport à leur niveau d'avant la crise, ce qui explique qu'elles soient inférieures à 20 milliards d'euros. Selon les estimations de la commission des finances, le produit de l'impôt sur les sociétés devrait, après la crise, se rapprocher de 40 milliards d'euros (contre 50 milliards d'euros avant la crise).

Les impôts et les taxes affectés au financement des administrations de sécurité sociale représentent 27,9 % de leurs recettes en 2008, contre 1,7 % en 1980. Cette augmentation a résulté, notamment, de la création de la cotisation sociale généralisée (CSG) en 1991, de la mise en place du premier « panier fiscal » en 2006 pour compenser le coût de la politique d'allègements généraux, et de celle d'un second « panier fiscal » en 2007 pour compenser le coût des exonérations de charges sur les heures supplémentaires. Par ailleurs, on a assisté à une fiscalisation de la dette sociale depuis 1996, au financement de laquelle sont affectées la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et, depuis 2009, une fraction de la CSG.

Les recettes fiscales de la sécurité sociale sont globalement peu lisibles.

M. Joël Bourdin a déclaré partager ce point de vue.

M. Philippe Marini a estimé que cette situation résulte de plusieurs facteurs : l'éclatement entre différents organismes du produit de certaines recettes, comme la CSG ou les droits de consommation sur les tabacs ; l'affectation de multiples impôts (principe des « paniers fiscaux ») afin de compenser le coût pour le sécurité sociale de la politique de l'emploi ; la partition du produit de certaines taxes entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale ; la faible stabilité de ce système de financement.

Il a jugé qu'il serait irresponsable, dans le contexte actuel de sortie de crise, d'alourdir rapidement les prélèvements obligatoires. Schématiquement, il on peut distinguer trois grands scénarios en termes de croissance :

- dans le premier scénario -peu vraisemblable -, la crise actuelle ne serait qu'un « accident de parcours », qui serait intégralement rattrapé en termes de PIB par une croissance de 3 % par an de 2011 à 2017 ;

- dans le deuxième scénario, la croissance retrouverait son rythme tendanciel (de l'ordre de 2 %) après la crise, qui correspondrait à une perte définitive de PIB de l'ordre de 7 points de PIB, l'écart par rapport au rythme tendanciel dû à la crise n'étant jamais rattrapé ;

- dans le troisième scénario, après la crise la croissance structurelle serait réduite à 1 % par an (notamment du fait de la limitation du recours des agents à l'endettement).

Ces scénarios de croissance ont des implications importantes en termes de taux de prélèvements obligatoires. Le deuxième scénario correspond à un taux de prélèvements obligatoires qui, malgré le « ressaut » de 2011, correspondant au contrecoup de la suppression de la taxe professionnelle, se stabiliserait à moins de 42 %, contre 43 % avant la crise. Le troisième scénario, correspondant à une « décennie perdue » de croissance durablement faible, le ramènerait à 40 %, si l'on suppose que les recettes fiscales obéissent à leurs déterminants habituels, et, du fait de la faible croissance, augmentent donc moins vite que le PIB.

M. Philippe Marini a considéré que si la programmation pluriannuelle des finances publiques prévue par la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 a été caduque dès le départ, ce texte comporte cependant des règles de «bonnes pratiques» de nature à sécuriser les prélèvements obligatoires, qui devraient être considérées juridiquement contraignantes.

Mme Nicole Bricq a déclaré partager ce point de vue.

M. Philippe Marini a rappelé qu'en matière de discipline budgétaire, la loi précitée comprend deux règles essentielles :

- l'article 11 oblige, chaque année, à gager les mesures nouvelles accroissant les «niches» fiscales (y compris, semble-t-il, celles de fiscalité locale) ou sociales par d'autres mesures nouvelles relatives à la même catégorie de «niches» et en sens contraire ;

- l'article 10, qui ne s'entend qu'à l'échéance de la période de programmation, soit 2012, interdit de fait de prendre des mesures nouvelles -qu'elles concernent ou non des niches- qui, considérées globalement, réduiraient les recettes fiscales de l'Etat ou les recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

A cela s'ajoute l'obligation, résultant de l'article 12, d'évaluer le stock de « niches » au plus tard le 30 juin 2011.

A l'initiative de la commission des finances du Sénat, l'article 11 s'entend au titre de chaque année de la période de programmation et non de la période de programmation considérée globalement. Cependant le Gouvernement interprète cette disposition d'une manière qui la vide de son sens. En effet, il prend en compte uniquement le coût des « niches » en régime de croisière. Il considère donc que la règle est quasiment respectée par le projet de loi de finances pour 2010, puisqu'en régime de croisière les mesures prises à partir de la loi de finances initiale pour 2009 coûteront seulement 0,2 milliard d'euros par an. Cependant, en 2010, ces mesures coûteront 2,2 milliards d'euros. La prise en compte du seul impact à long terme des dispositions relatives aux « niches » vide la règle de la loi de programmation des finances publiques de l'essentiel de sa portée. Tout d'abord, le Gouvernement de 2013 pourrait ne pas se sentir très lié par les décisions prises par le Gouvernement actuel, et rien ne l'empêcherait d'instaurer à son tour de nouvelles « niches », dont la durée serait limitée à quelques années ou qui seraient compensées par des mesures ne devant entrer en vigueur que progressivement. Ensuite, le coût effectif des mesures en régime de croisière ne pourra être vérifié que trop tardivement pour qu'il soit possible de juger de l'effectivité de l'application de la règle.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné que l'instauration du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans le secteur de la restauration coûtera 3 milliards d'euros par an, selon l'estimation du Gouvernement. Il s'est interrogé sur la pertinence de cette mesure.

M. Philippe Marini a souligné le silence du Gouvernement sur l'application de l'article 10 de la loi précitée. Selon les estimations de la commission des finances, les mesures prises à partir de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 devraient alourdir les recettes de la sécurité sociale de 3,1 milliards d'euros en 2011 : la sécurité sociale se conforme donc, à ce stade, à la règle. En revanche, les mesures prises à partir de la loi de finances initiale pour 2009 devraient réduire les recettes fiscales de l'Etat de 6,5 milliards d'euros : pour respecter la règle, il faudrait donc prendre, d'ici la fin de la période de la programmation, en 2012, des mesures qui les alourdissent de ce montant.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur l'utilité de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

M. Philippe Marini a jugé le montant de la taxe carbone prévu pour 2010 relativement modeste. De fait, la taxe carbone occasionnera un renchérissement de 4,52 centimes d'euros par litre de gazole et de 4,11 centimes d'euros par litre d'essence, alors que la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) applicable à ces carburants s'élève respectivement à 42,84 et à 60,69 centimes d'euros par litre. Néanmoins, la taxe carbone peut constituer un impôt d'avenir : en tant qu'accise, elle apparaît particulièrement adaptée à la mise en oeuvre d'une stratégique globale de « basculement » de la pression fiscale du travail ou de la production vers la consommation. L'opportunité d'une telle démarche en France doit être appréciée à l'aune, d'une part, de ses effets sur la croissance et la compétitivité, qui semblent légèrement positifs dans les pays étrangers précurseurs et, d'autre part, de sa capacité à procurer des ressources stables, sinon croissantes, à l'Etat. Cette question peut apparaître particulièrement épineuse s'agissant des taxes comportementales, à caractère « biodégradable ». L'augmentation progressive du tarif pose la question de la disparition progressive des mesures dérogatoires.

La création de la taxe carbone doit donner lieu à un réexamen des nombreuses niches fiscales environnementales qui, qu'elles favorisent ou qu'elles entravent la protection de l'environnement, envoient aujourd'hui des «signaux» contradictoires aux agents économiques tout en pesant de plus en plus lourdement sur le budget de l'Etat. Ne disposant d'aucune évaluation globale de la dépense fiscale en matière environnementale, votre rapporteur général s'est attaché à recenser le coût des mesures dérogatoires chiffrées dans les annexes « Voies et moyens » des projets de loi de finances pour 2007, 2008 et 2009. Il en ressort que le coût de l'ensemble des «niches grises», entendues comme les mécanismes de défiscalisation au titre des accises énergétiques, avoisinait 5,3 milliards d'euros en 2009, soit davantage que le produit attendu de la taxe carbone. La même année, la dépense fiscale associée aux « niches vertes » était estimée à 1,6 milliard d'euros, après voir culminé à 2,1 milliards d'euros en 2008 en raison de la montée en puissance du crédit d'impôt « développement durable ». Au total, il est donc possible de considérer que l'ensemble des dépenses fiscales en faveur ou en défaveur de l'environnement grève les recettes de l'Etat d'un montant annuel proche de 7 milliards d'euros, dans le but d'envoyer des « signaux-prix » contradictoires aux différents agents économiques. A cette aune, la présentation de la taxe carbone comme véritable « tournant » de notre politique fiscale mérite d'être relativisée, une réelle inflexion de notre stratégie en matière de fiscalité écologique restant conditionnée à une évaluation et, le cas échéant, à un «recalibrage» progressif de l'ensemble des dispositifs qui viennent d'être évoqués.

Depuis 2002, les Gouvernement successifs ont mené des politiques de baisse des prélèvements sur les entreprises. M. Philippe Marini a renvoyé aux travaux de la mission commune d'information du Sénat sur les centres de décisions économiques, et au rapport d'information rédigé par M. Christian Gaudin.

Pour faire face à la crise, le soutien aux entreprises a constitué l'axe central de la politique économique du Gouvernement : par le soutien aux banques et aux assureurs-crédits, pour éviter la paralysie des circuits économiques, mais aussi par des mesures fiscales en faveur de la trésorerie des entreprises. Ces mesures de relance en faveur des entreprises, telles que le remboursement anticipé des créances au titre du crédit d'impôt recherche, mesure dont le projet de loi de finances pour 2010 propose d'ailleurs la reconduction, coûteront 14,8 milliards d'euros en 2009. Selon l'étude récemment réalisée par le Conseil des prélèvements obligatoires à la demande de la commission des finances, en application de l'article L. 351.-3 du code des juridictions financières, sur les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée, les entreprises et les employeurs ont bénéficié, entre 2001 et 2008, d'un gain global de 12,7 milliards d'euros tandis que les ménages et les employés bénéficiaient de 21,3 milliards d'euros d'allègements fiscaux et sociaux.

En matière de fiscalité des entreprises, la suppression de la taxe professionnelle est assurément une réforme de structure importante. Elle est destinée à procurer un allègement fiscal aux entreprises de 4,3 milliards d'euros par an, net d'impôt sur les sociétés, en régime de croisière. En 2010, les entreprises bénéficieront des effets de la réforme et percevront dans le même temps des dégrèvements de taxe professionnelle dus au titre de 2009. Leur gain en 2010 s'établira à 11,6 milliards d'euros.

La suppression de la taxe professionnelle s'accompagne de la création de deux impôts nouveaux, l'un assis sur l'ancienne part foncière de la taxe professionnelle, l'autre consacrant l'assiette « valeur ajoutée », déjà utilisée pour calculer la cotisation minimale de taxe professionnelle et son plafonnement. Il est trop tôt pour apprécier de manière fine les effets de la réforme sur les entreprises, par secteur d'activité ou par niveau de chiffre d'affaires. En outre, il faut désormais évaluer ces effets au regard du nouveau texte de référence, qui est celui proposé par la commission des finances de l'Assemblée nationale qui, parmi les nombreux aménagements qu'il apporte, a proposé de « territorialiser » l'assiette « valeur ajoutée » et de transférer deux milliards d'euros de produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des départements vers les communes et les établissements publics de coopération intercommunale.

M. Philippe Marini a estimé qu'une bonne réforme de la fiscalité locale doit obéir à trois principes : maintenir une cohérence entre les compétences des collectivités territoriales et les sources de financement de ces collectivités ; rejeter le principe de spécialisation de la fiscalité locale, qui est une « fausse bonne idée » ; garantir, autant que possible, le respect de l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales. Par ailleurs, il convient de concilier deux exigences en partie contradictoires : inscrire l'ensemble de la réforme, y compris son volet relatif aux collectivités territoriales, dans la loi de finances initiale pour 2010, afin de donner de la visibilité à ces dernières ; réaliser ,au cours de l'année 2010 les inévitables ajustements, qui seront nécessaires à l'entrée en vigueur complète du dispositif en 2011.

M. Philippe Marini a présenté un chiffrage de la réforme préconisée par la commission des finances, parfois qualifiée de « triptyque » ou de « trilogie », consistant à supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune et le bouclier fiscal, et à créer une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Les travaux exploratoires de la commission suggèrent que si l'abrogation de l'impôt de solidarité sur la fortune et du bouclier fiscal susciterait une perte de recettes de l'ordre de 3,4 milliards d'euros, la mise en place d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu à un taux de 50 % à partir de 83 406 euros ne rapporterait que 2 milliards d'euros, ce qui obligerait à inclure cette nouvelle tranche dans un « bouquet substitutif » de recettes fiscales, dont les autres éléments pourraient, par exemple, consister en la suppression de la déductibilité de la CSG sur les revenus du capital, en l'augmentation d'un point de l'imposition sur les plus-values mobilières et en l'alignement à 18 % de l'imposition des plus-values immobilières.

La pression sur les dépenses est forte. Certes, il importe de poursuivre la recherche systématique d'économies. Cependant, les dépenses de l'Etat sont rigides, et les marges de manoeuvre portent essentiellement sur une enveloppe de l'ordre de seulement 110 milliards d'euros, constituée des dépenses d'intervention et de fonctionnement. Par ailleurs, les charges inéluctables qu'il faudra supporter dans l'avenir sont lourdes et tiennent pour une large part au vieillissement de la population. Les dépenses liées au vieillissement pourraient augmenter de 3,2 à 7 points de PIB en 2050 par rapport à la situation de 2004. Aux charges liées au vieillissement, il faut ajouter l'augmentation probablement durable du chômage, et l' « épée de Damoclès » de la charge de la dette.

A moins de supposer un rattrapage de la perte de PIB due à la crise, sans mesures nouvelles alourdissant les prélèvements obligatoires, ramener à moyen terme le déficit public à son niveau d'avant la crise - sans parler du fait d'atteindre un niveau proche de l'équilibre - semble un exercice très difficile, pour ne pas dire impossible.

La dette consolidée issue des régimes obligatoires de base a atteint 109,1 milliards d'euros à la fin de l'année 2008, soit une progression de 14 % depuis la fin 2006. Les « déficits cumulés » du régime général en 2009 et 2010 s'élèveraient à 56,3 milliards d'euros (hors mesures PLFSS 2010). Le choix du Gouvernement de ne pas transférer ces déficits à la CADES a pour conséquence de les faire supporter par l'ACOSS. Le plafond d'avances de l'ACOSS devrait être fixé à 65 milliards d'euros pour 2010 : une situation peu soutenable à moyen terme. Compte tenu des « tarifs » de reprise de ces déficits par la CADES, tout report de décision risque de se révéler de plus en plus couteux.

Il ne serait pas responsable d'alourdir les prélèvements obligatoires tant que la crise n'est pas terminée. Ce serait en effet faire de la « relance à l'envers ». Pourtant, le supplément de déficit à combler du fait de la crise semble considérable. Le déficit public était avant la crise de l'ordre de 3 points de PIB chaque année, ce qui correspondait à son niveau structurel. Si le PIB baissait de 7 points et si ensuite la croissance reprenait son rythme tendanciel, le déficit structurel pourrait s'en trouver accru d'environ 5 points, et le déficit de 2009 et 2010, de l'ordre de 8 points de PIB, devenir structurel. Par ailleurs, dans le cas de figure où la croissance serait durablement égale à 1 % par an, le déficit public augmenterait, les dépenses progressant légèrement plus rapidement que le PIB, alors que les recettes augmenteraient moins rapidement. Le déficit pourrait alors approcher les 10 points de PIB dans une dizaine d'années. Certes, il n'est pas possible de déterminer dès à présent l'ampleur des réductions de dépenses ou des augmentations de recettes nécessaires pour compenser les effets de la crise sur les finances publiques. Il est cependant probable que le montant de ces réductions ou augmentations soit élevé, représentant l'équivalent de plusieurs points de PIB. Un point de PIB valant environ 20 milliards d'euros, plusieurs dizaines de milliards d'euros devront être dégagés en supplément des 60 milliards d'euros nécessaires pour résorber les 3 points de PIB de déficit structurel initial.

M. Jean Arthuis , président, a souligné la nécessité de se préparer à agir sur les dépenses et de ne pas exclure des augmentations d'impôt, de façon à contenir la dérive des déficits et de la dette. La réforme de la taxe professionnelle sera largement évoquée lors du prochain débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, qui se tiendra en séance publique le 22 octobre 2009. L'instauration d'un taux national de la nouvelle cotisation assise sur la valeur ajoutée serait un puissant instrument de péréquation.

M. Bernard Angels a considéré que, dès lors que majorité et opposition sénatoriales jugent alarmante la situation des finances publiques, le Sénat ne peut adopter le projet de loi de finances pour 2010. La présentation du rapporteur général n'a pas évoqué le grand emprunt annoncé par le Président de la République. Il faut « éviter le pire » en matière de finances locales.

Mme Nicole Bricq a estimé que les prélèvements obligatoires devraient être rebaptisés « prélèvements aléatoires », dès lors qu'ils sont à ce point liés à la conjoncture. La notion de prélèvements obligatoires, sujette à interprétation, permet moins les comparaisons internationales que celle de recettes publiques. Evoquant l'intitulé de l'une des parties de l'exposé du rapporteur général - « l'impossibilité d'accroître rapidement les prélèvements obligatoires » -, elle a considéré qu'en 2012, le Gouvernement sera jugé sur la capacité qu'il aurait eu ou non de réduire le déficit public structurel. Il ressort du rapport précité du Conseil des prélèvements obligatoires que les nombreux allégements de fiscalité des entreprises n'ont pas eu d'impact significatif sur leur compétitivité. L'autonomie fiscale des collectivités territoriales est certes un principe important, mais il convient de le concilier avec les exigences de la péréquation. L'impôt sur les sociétés a un taux trop élevé et une assiette trop étroite. On peut s'interroger sur l'efficacité du crédit impôt-recherche (CIR).

M. Jean Arthuis , président, a indiqué que M. Christian Gaudin présentera prochainement devant la commission un point d'étape de son contrôle sur le CIR.

M. Christian Gaudin a précisé que sa communication est prévue pour le 12 novembre 2009.

Mme Nicole Bricq a considéré que le critère essentiel pour juger de la politique du Gouvernement en matière de finances publiques est le solde primaire du budget de l'Etat.

M. Jean-Pierre Fourcade a estimé que, pour éviter une hausse des taux d'intérêt à long terme en 2010, le Gouvernement doit rassurer les marchés, d'une part en passant au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et en doublant le produit de cet impôt, grâce à une réduction de la dépense fiscale et, d'autre part, en affectant le produit de la taxe carbone au désendettement. Il a annoncé son intention de déposer un amendement sur ce dernier point.

M. Jean Arthuis , président, a souligné que cela reviendrait seulement à réduire le besoin de financement de l'Etat.

M. Jean-Jacques Jégou a jugé la situation financière de la sécurité sociale « insoutenable ». Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit de fixer le plafond d'avances de trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à 65 milliards d'euros, soit un niveau sans commune mesure avec les plafonds précédents les plus élevés, 33 milliards d'euros en 2004 et 36 milliards d'euros en 2008. Cela n'est plus un déficit de trésorerie, mais un « trou abyssal ». Cette situation résulte du choix du Gouvernement de ne pas transférer les déficits accumulés en 2009 et 2010 à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et donc de faire supporter par l'ACOSS des déficits de trésorerie qui vont au delà des découverts infra-annuels. S'agissant du schéma de financement des besoins de l'ACOSS, il s'est interrogé sur le partenariat avec la Caisse des dépôts et des consignations (CDC), rappelant que la renégociation de la convention financière entre l'ACOSS et la CDC n'a pas débouché sur une augmentation du seuil de liquidités accordées par la CDC.

En réponse à M. Bernard Angels, M. Philippe Marini , rapporteur général, a considéré que le fait de déplorer le niveau élevé du déficit public ne doit pas nécessairement conduire à rejeter le projet de loi de finances pour 2010. Le futur « grand emprunt » place le Parlement dans une « situation originale », puisque celui-ci risque de devoir se prononcer sur le projet de loi de finances pour 2010 sans en connaître les caractéristiques, qui doivent être déterminées en janvier 2010 par une loi de finances rectificative. Le « grand emprunt » pourrait servir à financer une caisse qui financerait des projets et acquitterait la charge de sa dette grâce aux revenus suscités par ceux-ci. En réponse à Mme Nicole Bricq, il a rappelé avoir souligné à plusieurs reprises, lors de ses communications précédentes relatives aux prélèvements obligatoires, les ambiguïtés méthodologiques de la notion de prélèvements obligatoires. Si une partie de son exposé est intitulée « l'impossibilité d'accroître rapidement les prélèvements obligatoires », c'est parce qu'il ne serait pas envisageable d' « ajouter la crise à la crise » en alourdissant les prélèvements obligatoires dans le contexte actuel. La portée d'une réduction des « niches » de l'impôt sur les sociétés paraît limitée en pratique, les principales mesures qui réduisent l'assiette de cet impôt n'étant pas des « niches » mais des parties intégrantes de la structure de cet impôt. L'assiette de l'impôt sur les sociétés devrait être harmonisée entre les Etats de l'Union européenne. En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, il a considéré que, s'il est nécessaire de moderniser l'impôt sur le revenu, il convient pour cela d'attendre la fin de la crise. Il a déclaré partager les doutes de M. Jean-Jacques Jégou au sujet de l'opportunité économique du passage du secteur de la restauration à la TVA au taux réduit.

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