2. « Niches vertes » ou « niches grises » : quelle cohérence et quel impact pour les finances publiques ?
La création de la taxe carbone doit enfin donner lieu à un réexamen des nombreuses « niches » fiscales environnementales qui, soit parce qu'elles favorisent soit parce qu'elles entravent la protection de l'environnement, envoient aujourd'hui des « signaux » contradictoires aux agents économiques tout en pesant de plus en plus lourdement sur le budget de l'Etat .
Au cours de son audition devant la commission des finances, Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, a suggéré que le poids des « niches vertes » demeurait raisonnable, au moins en comparaison du coût des « niches grises ».
Ces dernières prennent généralement la forme de dispositifs de détaxation totale ou partielle des consommations énergétiques au bénéfice de professions fortement exposées à la hausse du prix des combustibles ou des carburants. Analysées comme des mesures de soutien économique sectoriel, elles constituent néanmoins, d'un point de vue strictement environnemental, des encouragements à polluer .
Ne disposant d'aucune évaluation globale de la dépense fiscale en matière environnementale, votre rapporteur général s'est attaché à recenser le coût des mesures dérogatoires chiffrées dans les annexes « Voies et moyens » des projets de loi de finances pour 2007, 2008 et 2009.
Il en ressort que le coût de l'ensemble des « niches grises » , entendues comme les mécanismes de défiscalisation au titre des accises énergétiques, avoisinait 5,3 milliards d'euros en 2009 , soit davantage que le produit attendu de la taxe carbone ( cf . tableau ci-après).
La dépense fiscale associée aux « niches grises »
(en millions d'euros)
* Dispositifs ayant cessé d'être considérés comme des dépenses fiscales à compter de 2009, dans la mesure où ils résultent de l'application de dispositions conventionnelles (droit international ou directive européenne).
Source : commission des finances
La même année, la dépense fiscale associée aux « niches vertes » était estimée à 1,6 milliard d'euros , après voir culminé à 2,1 milliards d'euros en 2008 en raison de la montée en puissance du crédit d'impôt « développement durable » (art. 200 quater du code général des impôts). Votre rapporteur général observe toutefois que ce montant total est susceptible d'augmenter à nouveau à compter de 2010, compte tenu de l'adoption, dans le cadre de la loi de finances pour 2009, de « niches » nouvelles, telles que le prêt à taux zéro destiné au financement de travaux d'amélioration de la performance énergétique des logements anciens, dont le coût pourrait culminer à 908 millions d'euros en 2014.
La dépense fiscale associée aux « niches vertes »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Au total, il est donc possible de considérer que l'ensemble des dépenses fiscales en faveur ou en défaveur de l'environnement grèvent les recettes de l'Etat d'un montant annuel proche de 7 milliards d'euros, dans le but d'envoyer des « signaux-prix » contradictoires aux différents agents économiques .
A cette aune, votre rapporteur général estime que la présentation de la taxe carbone comme véritable « tournant » de notre politique fiscale mérite d'être relativisée, une réelle inflexion de notre stratégie en matière de fiscalité écologique restant conditionnée à une évaluation et, le cas échéant, à un « recalibrage » progressif de l'ensemble des dispositifs qui viennent d'être évoqués.
Comparaison du coût des niches « vertes » et « grises » et du produit de la taxe carbone
(en millions d'euros)
Source : commission des finances