2. En Iran, éviter la bombe et le bombardement
Au lendemain d'élections dont l'irrégularité est probable, le régime évolue vers une dictature pure et simple. Le régime iranien vient de montrer son visage le plus détestable : celui d'un régime instable, va-t-en guerre et paranoïaque. Pour autant, la politique étrangère de l'Iran n'est plus, depuis la fin de la guerre avec l'Irak, celle d'une Révolution islamiste prête à gommer sa spécificité chiite pour prendre la tête du monde musulman et des « déshérités ». L'Iran a fait prévaloir ses intérêts nationaux et Mahmoud Ahmadinejad poursuit l'orientation ultranationaliste de ses prédécesseurs. Ses déclarations outrancières et populistes sont destinées à son électorat. L'Iran a besoin de grossir la menace extérieure afin d'échapper à ses difficultés intérieures.
S'agissant du programme nucléaire, si aucune preuve formelle n'existe à ce jour permettant d'affirmer qu'il s'agit d'un programme à vocation militaire, de nombreux indices le laissent supposer. Ce programme d'apparence civile comporte vraisemblablement une option militaire qui n'a pas encore été levée par les dirigeants iraniens. Si elle l'était, l'Iran pourrait disposer d'un premier « engin » nucléaire à la fin de l'année 2010. Mais ce serait un engin unique, non validé expérimentalement et ne pouvant être emporté par un missile. L'acquisition d'un ensemble militaire dissuasif n'aurait pas lieu avant 2015.
Il y a lieu de s'interroger sur les raisons de craindre un Iran doté de l'arme nucléaire. Aussi bien Israël que les puissances occidentales sont dotés de l'arme atomique. En cas de conflit, les mécanismes de la dissuasion joueraient probablement tout autant qu'entre les protagonistes de la guerre froide. Les dirigeants iraniens font assaut de rhétorique anti-occidentale mais ils ont des intérêts rationnels à défendre. Toutefois la réélection de Mahmoud Ahmadinejad ajoute un facteur d'incertitude supplémentaire.
Le véritable danger pour la paix du monde serait l'inévitable nucléarisation du Moyen-Orient consécutive à celle d'Israël et de l'Iran. C'est pourquoi, il faut tout faire pour éviter que le programme nucléaire iranien ne devienne militaire s'il ne l'est pas déjà.
En cultivant l'ambiguïté l'Iran se croit sans doute en position de force. Si les négociations aboutissent, ses dirigeants auront obtenu des avantages économiques et politiques concrets en contrepartie du renoncement à un programme militaire virtuel. Si les négociations échouent, et que l'Iran est attaqué, il endossera la posture de la victime qu'il affectionne tant pour accroître sa popularité et son influence dans le monde musulman.
Or une chose est sûre : ni l'Occident, ni Israël n'arrêteront le programme nucléaire iranien par la force des armes. Ce qui a été construit peut être détruit, mais ce qui a été appris ne peut être désappris.
Eviterons-nous le programme nucléaire militaire par la négociation ? On peut raisonnablement en douter, compte tenu de la longue expérience que nous autres Européens avons en la matière. Il y a à cela une raison fort simple : le régime iranien actuel a besoin d'ennemis pour exister. Survivrait-il à une détente ?
Néanmoins, il faut donner une dernière chance à la négociation et soutenir le Président des Etats-Unis dans sa politique de la main tendue, qui n'est du reste que la position européenne initiale.
L'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, mandatés par l'ensemble de l'Union, pourraient entamer une négociation avec l'Iran : en échange d'un arrêt des activités d'enrichissement d'uranium ils offriraient à l'Iran une coopération dans le nucléaire civil ainsi qu'un dialogue sur la sécurité régionale.
Si cette négociation échoue, il faudra envisager en dernier recours un renforcement de sanctions en s'efforçant d'y associer la Chine et la Russie. L'abandon du projet de bouclier anti-missile américain en Pologne et en Tchécoslovaquie va certainement dans ce sens.
Simultanément, il serait souhaitable de promouvoir l'objectif d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient, à l'instar de celles qui existent en Amérique latine, en Afrique et en Océanie, dans le cadre d'un traité régional incluant Israël 67 ( * ) . C'est un des aspects de la dénucléarisation du Moyen-Orient dont il faut se préoccuper, faute de quoi les peuples du Moyen-Orient reprocheront une fois de plus à l'Occident de faire « deux poids, deux mesures ».
* 67Il y a actuellement quatre zones exemptes d'armes nucléaires instituées par quatre traités régionaux : le (traité de Tlatelolco signé en 1967 pour l'Amérique latine et Caraïbes : le traité de Rarotonga signé en 1985 pour le Pacifique Sud : le traité de Bangkok signé en 1995 pour l'Asie du Sud-est et le traité de Pelindaba signé en 1996 pour l'Afrique.