B. LA CONSOLIDATION DU RÉGIME SAOUDIEN

Le rétablissement de l'autorité de l'Etat semble acquis. Plusieurs leviers ont été actionnés afin d'obtenir ce résultat.

D'abord les forces de sécurité ont été réorganisées, entraînées et appuyées par des conseillers étrangers. Elles sont désormais capables d'infiltrer les cellules combattantes afin de prévenir les attentats, de livrer combat dans une contre-guérilla urbaine et d'accroître si nécessaire la répression contre les « égarés ».

En second lieu, la remontée générale des cours du pétrole de 2000 à 2007 a permis à la monarchie d'acheter à nouveau la paix sociale. A cela il faut ajouter la multiplication des emplois partiellement fictifs dans le secteur public, la saoudisation de l'emploi imposée à tous les employeurs, saoudiens et investisseurs étrangers, réticents à se priver de la possibilité d'employer sept millions de travailleurs immigrés, compétents, durs à la tâche et privés de tout droit.

Le Gouvernement a su également renouer avec une politique de diversification de l'économie. Il a soutenu l'investissement dans l'industrie pétrochimique, la production d'engrais, de matières plastiques, de verre, d'aluminium, tous secteurs où un pays pourvu d'une énergie à très bon marché dispose d'un avantage comparatif. Cette politique a généré des emplois productifs.

Enfin, le Gouvernement a pris la mesure des risques que lui faisait courir un système d'enseignement qui, du primaire à l'université, nourrit la jeunesse d'idées religieuses archaïques, éloignées des conceptions mesurées des grandes écoles de pensée théologiques et juridiques reconnues dans l'ensemble du monde musulman. Ainsi les nouvelles générations deviennent-elles plus conservatrices que les précédentes ; ainsi la jeunesse devient-elle d'autant plus perméable aux dérives extrémistes que son absence de compétence professionnelle lui interdit toute insertion sociale.

Afin de reprendre en main ces extrémistes, le Gouvernement mène une politique de rééducation des « égarés », terme qui désigne les terroristes arrêtés et les jihadistes revenus d'Irak. Si la rééducation est considérée comme efficace, c'est-à-dire si « le lavage de cerveau » a produit les résultats escomptés et si le repentir est jugé certain, les « égarés » sont libérés, dotés d'une aide financière, d'un emploi, d'une maison, voire d'une épouse. Deux mille « égarés », soit la quasi-totalité des détenus, pour raison de terrorisme, ont été libérés. Cette politique qui emprunte aux méthodes soviétiques ou chinoises, le paternalisme en plus, fait peu de cas des droits de la personne. Elle s'insère dans un système répressif fait d'emprisonnement sans inculpation, de maintien au secret, de torture systématique et de châtiments dégradants, tels que la flagellation. Mais elle permet, semble-t-il, la réinsertion des Saoudiens qui s'étaient tournés vers l'action violente et, par contraste vis-à-vis des autres inculpés en Arabie saoudite, les « égarés » bénéficient d'un régime de faveur.

Dans une perspective plus stratégique, le roi Abdallah tente de réaliser une réforme des programmes et des méthodes d'enseignement, du primaire à l'université, et surtout de développer les enseignements professionnels et techniques. 30 000 étudiants saoudiens sont actuellement en formation à l'étranger. Le roi se heurte, d'une part, à la forte résistance du corps enseignant et des puissantes universités islamistes militantes de Médine et de Riyad et, d'autre part, à un corps social trop récemment urbanisé pour s'adapter aisément aux contraintes de l'emploi salarié.

Cette politique a toutefois porté ses fruits. La pacification est générale et la menace d'une déstabilisation de l'Arabie saoudite est écartée. Cette situation sera-t-elle consolidée dans les années à venir pour que se construise une société qui, tout en gardant son originalité, sache offrir plus de chances d'épanouissement à sa jeune population dans le cadre d'un Etat de droit et préparer son économie à l'après pétrole ?

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