2. La mauvaise administration
L'appareil d'Etat est miné par une corruption généralisée, alors que les élites se constituent des avoirs à l'étranger. Néanmoins, des réformes ont été entreprises. Un comité national anti-corruption, directement rattaché au Chef de l'État, a été créé ; la justice a été réformée et une loi sur les marchés publics visant à moraliser la gestion des appels d'offres a été adoptée. La fonction publique a par ailleurs été reprise en main et un recensement des fonctionnaires a été effectué afin d'identifier ceux d'entre eux, apparemment nombreux, qui multiplient les emplois fictifs pour augmenter leurs revenus. Rien n'y a fait. Le Yémen demeure, pour l'essentiel, une vaste zone de non-droit.
3. Un retard de développement
Le Yémen se distingue du reste de la péninsule arabe par un important retard en termes de développement humain. Sa croissance démographique est alimentée par une fécondité particulièrement élevée (6,8 enfants par femme en 2005) et l'analphabétisme touche 30 % des hommes et 71 % des femmes. Près d'un tiers de la population n'a pas accès à l'eau potable. La très grande pauvreté touche une large fraction de la population. 42 % des Yéménites vivent avec moins de deux dollars par jour. Des situations de sous-nutrition et non plus seulement de malnutrition ainsi que des maladies endémiques sont fréquentes.
4. Une économie fragile
L'économie du Yémen repose sur trois piliers :
- le pétrole qui, avec 312 000 barils/jour en 2007, fournit la plus grande partie des ressources et qu'exploite la compagnie française Total. Elle est le plus gros investisseur du pays au travers du consortium gazier Yémen LNG ;
- l'agriculture : la surface agricole utile est importante et de bonne qualité. Malheureusement, 60 % des ressources en eau sont utilisées pour la culture du qat qui représente un tiers de la production agricole ;
- les transferts d'argent des nombreux travailleurs yéménites émigrés.
Par ailleurs, le Yémen bénéficie d'une aide internationale significative, notamment sous forme de rééchelonnements et d'annulations de dette.
5. L'insécurité
Le Yémen a fait preuve de laxisme vis-à-vis des mouvements islamistes qui trouvaient sur son sol un appui logistique et un refuge pour leurs camps d'entraînements. Son relief montagneux, la perméabilité de sa frontière avec l'Arabie saoudite, la proximité de la Somalie et du Soudan en font un refuge idéal.
Mais les réactions de l'Occident à la montée de l'insécurité ont obligé le Gouvernement yéménite à réagir. L'émergence d'Al-Qaïda et l'origine yéménite d'Oussama Ben Laden, les attentats du 11 septembre 2001, l'agression contre le destroyer USS Cole le 12 octobre 2000 et contre le pétrolier français Limburg le 6 octobre 2002 dans le port d'Aden, ont modifié l'approche du Président Saleh. Sous la pression des Occidentaux et en particulier des Américains, celui-ci a pris conscience de la nécessité de lutter contre le terrorisme islamique de façon plus efficace. Pour autant, le pouvoir yéménite doit ménager une opinion publique très conservatrice et acquise aux thèses islamistes.
Par ailleurs, une grave rébellion a éclaté en juin 2004 dans la région montagneuse de Saada, au nord du pays. Cette rébellion était menée par un chef religieux zaydite (une des branches du chiisme), Hussein Badr ed-Din Al-Houti, qui a été tué en septembre 2004 et remplacé par son frère Abdelmali Al-Houti. Pendant deux mois les forces gouvernementales ont affronté les rebelles, causant la mort de près de 2 000 combattants de part et d'autre. Malgré de nouveaux combats en 2005, 2007 et 2008, le Gouvernement central n'a non seulement pas rétabli son autorité sur cette région qui reste aux mains des rebelles houtistes, mais ces derniers auraient réussi à ouvrir de nouveaux fronts en s'alliant à des tribus des gouvernorats d'Amran, du Jawf et de Sanaa. Le conflit aurait entraîné le déplacement d'une centaine de milliers de personnes.
Le mouvement houtiste est d'origine tribale et reflète la volonté de défendre la spécificité du zaydisme face au développement par le régime du Président Saleh d'un Islam d'Etat perçu comme uniformisé et à connotation sunnite (même si le Président Saleh est lui-même zaydite).