b) La faiblesse du système politique israélien
Les élections israéliennes ont lieu à la représentation proportionnelle intégrale, ce qui conduit à une fragmentation des forces politiques en une multitude de partis politiques, contraints de former entre eux des coalitions. Aussi, le Premier ministre est-il en permanence l'otage de ses alliés. Bon nombre des partis charnières ont des positions radicales, voire extrémistes. La représentation proportionnelle intégrale donne à leurs députés un droit de vie ou de mort sur tout Gouvernement. Cela est si vrai que peu de Premiers ministres israéliens ont pu terminer leur mandat sans avoir à organiser d'élections anticipées. La perspective de scrutins trop rapprochés interdit à une telle démocratie d'élaborer une stratégie. En effet, dans un tel système, tout Premier ministre israélien déterminé à faire les concessions nécessaires à la conclusion de la paix met en danger son Gouvernement. C'est pourquoi, les Premiers ministres israéliens n'ont jamais vraiment cherché l'arrêt de la colonisation, alors même que les colonies ne concernent que 8 % de la population israélienne.
C'est même sous le Gouvernement d'Ehud Olmert, investi le 14 avril 2006, que le développement des colonies a le plus progressé. Selon l'ONG Peace Now , l'année 2008, année de l'accord d'Annapolis qui stipulait le gel de la colonisation, a vu une accélération de 60 % des constructions dans les colonies en Cisjordanie ainsi que dans les colonies dites « sauvages ». La même ONG souligne que les colons ont profité de la guerre de Gaza, qui a largement détourné l'attention de l'opinion publique, pour étendre les colonies et pour construire de nouvelles routes les reliant.
Précisons que le terme de « colonies sauvages », c'est-à-dire non autorisées par les autorités israéliennes, par opposition aux colonies « autorisées » (par le Gouvernement), n'a aucune valeur juridique. Au regard du droit international et notamment de la IV ème convention de Genève (article 47- 4), et de la Charte des Nations unies, toute annexion est proscrite, ce qui s'applique à toutes les colonies, même « autorisées ».
Si la sécurité des Israéliens est assurée et que tout Gouvernement serait en mal d'accepter les concessions nécessaires à la conclusion d'un accord, pourquoi les Israéliens retourneraient-ils à la table des négociations ?
c) Le lien indéfectible avec les Etats-Unis
1° La politique de Georges W. Bush
Jamais autant que sous Georges W. Bush le lien entre les Etats-Unis et Israël n'était apparu aussi fort. Il prit la forme d'un alignement quasi automatique sur les positions israéliennes et des livraisons massives d'équipements militaires.
Israël reçoit en permanence une assistance militaire américaine plus importante que n'importe quel autre pays, soit depuis 1987, en moyenne, chaque année, 1,8 milliard de dollars, en termes de ventes d'équipement ou de financement. Cette aide fut portée à 2,4 milliards sous l'administration Clinton. En 2007, les Etats-Unis accroissent de 25 % l'enveloppe accordée à Israël portant leur aide annuelle à 3 milliards de dollars pour toute la décennie à venir. En outre, George W. Bush assurait au Premier ministre israélien Ehud Olmert que les Etats-Unis garantiraient un avantage qualitatif dans les matériels livrés à Israël par rapport à ceux vendus aux autres pays du Moyen-Orient 33 ( * ) .
Selon l' U.S. Congressional Research Service , entre 1998 et 2005, les Etats-Unis ont fourni la quasi-totalité de l'approvisionnement de l'armée israélienne par des contrats portant sur plus de 9,5 milliards de dollars. Bien que l'accord du Gouvernement soit nécessaire pour les exportations d'armes, Israël traite directement avec les compagnies américaines pour ses approvisionnements. Israël possède, en dehors des Etats-Unis, la plus grande flotte de F-16 au monde.
Sous l'administration Bush, ce soutien militaire s'est doublé d'un soutien diplomatique sans faille qui devait autant à l'activisme du lobby pro-israélien 34 ( * ) qu'aux convictions de certains néoconservateurs proches du Président américain.
2° La nouvelle politique américaine
Le Président Obama s'est engagé dans une voie nouvelle au Moyen-Orient, en rupture avec celle de son prédécesseur. Son discours refondateur, inspiré et sincère du Caire, le 4 juin 2009, l'a montré. Beaucoup ont souligné la nécessité de voir ce discours traduit en actes. Mais, au Moyen-Orient, parler, c'est déjà en partie agir.
Du point de vue de la politique intérieure des Etats-Unis, la position de cette nouvelle administration américaine apparaît courageuse puisque 78 % des Juifs américains ont voté pour le candidat démocrate. Le soutien américain à Israël, tout en restant « indéfectible », devient plus critique. Comme on le sait, le Président Obama demande au Gouvernement israélien de reconnaître la nécessité d'un Etat palestinien et de geler tout nouveau développement des colonies.
Si le Premier ministre israélien a accepté du bout des lèvres la création d'un Etat palestinien, qu'il avait commencé par écarter, il demande, en revanche, la reconnaissance par les Palestiniens du caractère juif d'Israël, la démilitarisation du futur Etat palestinien et la garantie donnée par la Communauté internationale de la sécurité d'Israël. Pour témoigner de sa bonne volonté, il a fait évacuer quelques colonies sauvages et lever quelques barrages en Cisjordanie, tout en refusant le gel « total » des colonies, et exigeant le droit à la « croissance naturelle » des colonies autorisées.
Benyamin Netanyahu est un homme politique habile. Mais il n'est pas certain qu'il soit dans l'intérêt de son pays qu'il humilie le Président des Etats-Unis avec des réponses biaisées.
L'expérience montre, en effet, que si un Président des Etats-Unis le veut vraiment, il peut exercer une influence déterminante sur le Gouvernement israélien. La nouvelle politique américaine, parce qu'elle est relativement plus équilibrée, ouvre incontestablement de nouveaux horizons dans une situation qui paraissait totalement bloquée.
* 33 Le Figaro.fr du 29 juillet 2007
* 34 Voir sur ce point le livre de J. Mearsheimer et Stephen M. Walt - « le lobby israélien et la politique étrangère américaine » Ed. La découverte 2007 et sa critique par Abraham Foxman, que vos rapporteurs ont rencontré à New-York leader de l'Anti-Defamation League : « The Deadliest lies - the Israel Lobby and the myth of Jewish control ».