3. L'impasse actuelle
a) Trois blocages
Le conflit des légitimités : le Hamas tire sa légitimité des élections législatives, mais aussi de la tragédie de Gaza ; il possède ce qu'Amin Maalouf appelle la « légitimité combattante ». Le Fatah contrôle l'Autorité palestinienne, seule organisation dont la légitimité est reconnue par Israël et par la communauté internationale pour conduire des négociations. Ce conflit de légitimité devrait être résolu par de nouvelles élections, présidentielles et législatives, d'autant qu'entre les deux mouvements le sang a coulé et que les règlements de compte sont monnaie courante.
La division territoriale : le Hamas contrôle Gaza. Il a payé pour y parvenir un prix trop élevé pour y renoncer sans de très sérieuses contreparties. En dépit de ses conditions de vie épouvantables tout indique que la colère de la population vise d'abord Israël. Des groupuscules extrémistes se réclamant d'Al-Qaïda sont apparus. Le Fatah exerce quelques apparences de pouvoir sur la Cisjordanie et contrôle l'OLP. Y renoncer le condamnerait à disparaître, d'autant que Mahmoud Abbas n'a obtenu aucun résultat substantiel en échange de sa coopération avec Israël. Tout au contraire, les incursions de l'armée israélienne en Cisjordanie et les « exécutions extrajudiciaires » qu'elle y commet sapent la crédibilité de l'Autorité palestinienne. Ce deuxième blocage n'interdit pas la formation d'un Gouvernement provisoire, mais il fait obstacle à la création d'un Etat palestinien.
La dernière fracture est politique . En supposant que les deux parties arrivent à un compromis et forment un Gouvernement d'union laissant à chaque mouvement le contrôle de son propre territoire, sur quelle base conduirait-il la négociation et avec quel programme ? Devrait-il commencer par reconnaître Israël, comme le Fatah l'a fait, et avec lui la communauté internationale, ou bien cette reconnaissance pourrait-elle intervenir en fin de négociation, comme le suggère le Hamas ?
b) Les négociations interpalestiniennes du Caire
Le « dialogue interpalestinien » a commencé au Caire le 26 février et n'a duré que quelques jours. Une deuxième session a eu lieu du 10 au 20 mars permettant de définir les axes du dialogue. Deux autres sessions ont eu lieu. Les discussions achopperaient sur trois points.
En premier lieu, le programme : le Hamas voudrait que le Gouvernement ait un vrai rôle politique, alors que le Fatah souhaite qu'il se concentre sur trois missions : préparation des élections ; reconstruction de Gaza et unité territoriale.
En second lieu, les engagements de l'OLP : le débat reste ouvert sur la nécessité pour le prochain Gouvernement de « reconnaître » (comme cela a été fait dans l'accord de La Mecque) ou « d'endosser », comme l'exige le Fatah, les engagements de l'OLP. Néanmoins, l'ensemble des participants reconnaissaient qu'il était vain de demander au Hamas de reconnaître Israël d'emblée et qu'il fallait s'attacher à favoriser concrètement les conditions d'une reprise des négociations avec Israël.
Enfin, la refonte des forces de sécurité pose problème, chaque formation se montrant déterminée à contrôler les forces armées dont sa survie politique dépend.
En revanche, un accord aurait été trouvé sur deux points importants.
Les élections : avant le 25 janvier 2010, les Palestiniens doivent élire un nouveau président, un nouveau conseil législatif et un nouveau conseil national (instance législative de l'OLP). Des désaccords subsistent sur le mode de scrutin pour les élections au Conseil national palestinien dont le Hamas ne fait pas à ce jour partie.
La réforme de l'OLP : l'objectif est d'accroître sa représentativité tant vis-à-vis de l'extérieur qu'à l'intérieur. Un nouveau Conseil national palestinien pourrait être élu à la représentation proportionnelle intégrale. En attendant ces élections, le Hamas refuse d'intégrer formellement l'organisation afin de ne pas avoir à reconnaître les structures actuelles et l'acquis de l'OLP.
A la date de rédaction du présent rapport le dialogue interpalestinien n'a toujours pas abouti. Pour que les négociations aboutissent, il faudrait :
- soit que le Hamas accepte de reconnaître Israël en préalable à toute négociation ;
- soit qu'Israël accepte de négocier avec un Gouvernement palestinien dont un ou plusieurs membres ne le reconnaissent pas.
Ces deux conditions paraissent hors d'atteinte.