- Réforme des finances locales et de la taxe professionnelle Audition de M. Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l'institut Thomas More, de M. Stanislas Boutmy, directeur général, et de Mme Céline Moyon, consultante, de l'agence Public Evaluation System (mercredi 13 mai 2009)
Réunie le mercredi 13 mai 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé tout d'abord à l'audition de M. Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l' institut Thomas More , de M. Stanislas Boutmy , directeur général, et de Mme Céline Moyon , consultante, de l'agence Public Evaluation System , auteurs d'une étude comparative sur l'application du principe d'autonomie fiscale et financière en Europe .
M. Jean Arthuis , président, a rappelé à titre liminaire que cette réunion s'insère dans une série d'auditions destinées à enrichir la réflexion de la commission des finances en matière de finances locales. Des réunions ultérieures porteront notamment sur la réforme de la taxe professionnelle, d'une part, et sur la péréquation, d'autre part.
L'audition des auteurs d'une étude sur les finances locales dans douze pays européens a pour objectif de recueillir des informations et des éléments de comparaison sur les choix effectués par nos voisins, en matière d'organisation de l'administration territoriale, de modes de financement et de degré d'autonomie financière. Il doit s'agir en effet pour la commission des finances de puiser, dans ces expériences, l'inspiration des réformes à conduire demain.
M. Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l'institut Thomas More , a rappelé que l'étude réalisée par son institut et l'agence Public Evaluation System retrace les résultats d'un travail comparatif sur douze Etats de l'Union européenne (UE), choisis en fonction de la diversité de leurs profils. Cette étude se fonde sur des données du Conseil de l'Europe, d'Eurostat, de l'OCDE et d'articles universitaires. Elle aborde notamment les problématiques suivantes : l'articulation entre les échelons territoriaux et la répartition des compétences, le partenariat public-public en tant que mode de gouvernance et, enfin, les conditions et les moyens de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Ce dernier aspect est plus spécialement développé dans l'exposé préparé pour la commission des finances.
M. Stanislas Boutmy, directeur général de l'agence Public Evaluation System, a souligné le fait que la réforme des collectivités territoriales et de la fiscalité locale, véritable « serpent de mer » des politiques publiques, nécessite une réflexion sur les modes de financement, et rappelé que la France, dans la continuité de la Charte de l'autonomie locale adoptée en 1985 par le Conseil de l'Europe, a constitutionnalisé en 2003 le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales ainsi que la péréquation.
Cette problématique de l'autonomie financière fait aujourd'hui l'objet d'approches diverses au sein des Etats européens, qui s'expliquent par des conceptions variées de l'autonomie politique, du pouvoir fiscal, de la souveraineté, de l'unité de l'Etat, de la péréquation ou encore du principe de subsidiarité.
Mme Céline Moyon, consultante de l'agence Public Evaluation System , a présenté, à l'aide d'une vidéoprojection, le contenu plus détaillé de l'étude. Le degré d'autonomie financière des collectivités territoriales se mesure à l'aune de données financières mais aussi à partir d'éléments juridiques et institutionnels.
Parmi les aspects financiers, elle a présenté les chiffres du poids de la dépense publique dans le produit intérieur brut (PIB), du niveau des recettes et des dépenses des collectivités territoriales et de la répartition par nature des différentes ressources locales.
Pour les données à caractère plus juridique et institutionnel, doivent être prises en compte les différences en termes de compétences à la charge des collectivités territoriales, d'étendue du pouvoir normatif dévolu à celles-ci, ou encore de capacité à utiliser le levier fiscal et à recourir à l'emprunt.
Elle a rappelé que la Charte européenne de l'autonomie locale définit celle-ci comme « le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ». En matière d'autonomie financière, cette charte confère aux collectivités locales un « droit à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences ».
Mme Céline Moyon a observé que la part des dépenses locales dans les dépenses publiques est très variable selon les pays analysés, ce qui vient s'ajouter à des écarts notables dans les niveaux de dépenses agrégées de l'ensemble des administrations publiques.
Dans les Etats membres de l'Union européenne (UE), le poids des dépenses des administrations fédérées et locales représente en 2007 15,5 % du PIB. La France s'établit sous ce seuil global, avec 11 % de dépenses publiques locales rapportées à la richesse nationale. L'Italie se place quant à elle au niveau moyen, tandis que l'Allemagne et l'Espagne se situent légèrement au-dessus de la moyenne européenne autour d'un taux de dépenses des administrations fédérées et locales représentant 20 % de leur PIB. Le taux le plus bas, 6 %, est constaté au Portugal, dont la structure étatique est particulièrement centralisée. A l'inverse, le Danemark enregistre le taux de dépenses locales le plus élevé de l'UE avec un pourcentage de 32 %.
Le rapport entre les recettes des administrations locales et fédérées et les recettes des administrations centrales est de 65 % dans l'Union européenne. La France se place également de ce point de vue en dessous de ses voisins européens puisqu'elle atteint un niveau de 55 %. Les Etats les plus décentralisés que sont l'Allemagne et l'Espagne enregistrent des pourcentages significatifs, respectivement de 151,6 % et de 127,9 %. A l'inverse, des Etats unitaires, tels que le Royaume-Uni ou surtout le Portugal connaissent les rapports les plus faibles : 34 % et 22 %.
En ce qui concerne la part des recettes fiscales propres des collectivités territoriales dans le total des recettes, elle se situe à 43,1 % dans l'UE et à 45,4 % en France. L'Allemagne et l'Espagne se placent aux niveaux élevés de 61 % et 53,5 %. Le Royaume-Uni, quant à lui, n'atteint que 13,2 %.
Pour ce qui relève de la nature des recettes fiscales locales, Mme Céline Moyon a souligné la très grande diversité des situations rencontrées. La structure de ces recettes en France fait apparaître deux tiers de ressources issues d'impôts sur le patrimoine et moins d'un tiers d'impôts sur la production. L'Allemagne répartit de manière quasi égale ses recettes entre impôts sur la production et impôts sur le revenu. Les recettes fiscales locales du Royaume-Uni se fondent quasi-exclusivement sur une imposition du patrimoine alors que les ressources fiscales des collectivités finlandaises reposent sur l'imposition du revenu. Les autres Etats se répartissent entre des configurations de structures de recettes aux proportions variées.
S'agissant du lien entre l'autonomie financière et la part des recettes fiscales dans les ressources des collectivités locales, Mme Céline Moyon a relevé que la recette fiscale peut être partagée entre l'Etat et la collectivité locale à l'image de la perception d'une part de TVA par les collectivités allemandes, autrichiennes, espagnoles, portugaises et italiennes.
Cette pratique du partage d'impôt, de plus en plus utilisée ces dernières années comme le montre une enquête de l'OCDE, existe également pour l'imposition du revenu en Belgique, au Danemark, en Finlande et en Italie. Ce type de dispositif peut faciliter la péréquation, mais il limite l'autonomie fiscale locale.
Les marges de manoeuvre des collectivités sur la fiscalité locale sont variables, tant sur les taux que sur les allègements et abattements, et, surtout, de plus en plus encadrées. Elles dépendent en outre de la nature des bases imposables. Ainsi, la taxation de la consommation ne laisse que peu de marges puisqu'elle dépend étroitement du droit communautaire. L'impôt sur le revenu relève, lui, largement des choix nationaux de politique fiscale. Enfin, la fiscalité patrimoniale confère une véritable liberté quant à la détermination des taux et des régimes mais elle présente la difficulté de son faible dynamisme en raison de la difficile revalorisation des bases.
Des évolutions récentes dans la répartition des ressources fiscales entre l'échelon national et l'échelon local mettent notamment en évidence une nouvelle répartition de la ressource fiscale, plus favorable à l'échelon local. Ce phénomène est constaté dans la grande majorité des Etats de l'Union européenne. Ainsi, entre 2000 et 2006, les ressources fiscales destinées en France à l'échelon central se sont réduites de 4,4 % tandis que celles bénéficiant aux collectivités territoriales se sont accrues de 1,4 %. De même et de manière encore plus saillante, l'Espagne enregistre sur la même période une baisse de 11,9 % des recettes fiscales de l'échelon central et une hausse de 14,3 % de l'échelon régional.
La part des recettes fiscales autonomes des collectivités locales demeure assez importante dans les pays étudiés mais est en diminution. Elle doit être appréciée à l'aune de la capacité pour les collectivités à en fixer les taux. Mme Céline Moyon a dénoncé l'idée reçue selon laquelle l'autonomie fiscale serait plus forte dans les Etats fédéraux. Le cas de figure allemand demeure à ce sujet le plus emblématique puisque les Länder n'ont quasiment aucune ressource autonome, leur financement reposant principalement sur la répartition du produit de la TVA. Elle a ajouté que ce dispositif de transferts financiers de l'échelon fédéral vers l'échelon fédéré facilite considérablement les politiques de péréquation.
Elle a établi une corrélation entre le niveau des dotations affectées et l'importance des compétences transférées. En Allemagne et en Autriche, les dotations affectées représentent ainsi plus de 50 % des dotations, alors que, en France, elles atteignent environ 12 % du total des dotations.
Mme Céline Moyon a noté que la fixation d'objectifs d'assainissement des finances publiques et d'équilibre budgétaire dans l'Union européenne a conduit plusieurs pays à la signature de conventions entre l'Etat et les collectivités locales : l'Autriche en 2000, l'Espagne en 2001 et l'Allemagne en 2002. La réforme fédérale allemande de 2006, qui a inscrit le pacte de stabilité dans la Loi fondamentale, a également mené à l'adoption de dispositions constitutionnelles concernant la répartition des ressources et de la prise en charge des sanctions entre le Bund et les Länder.
En matière de recours à l'emprunt, Mme Céline Moyon a relevé l'utilisation très fréquente de la « règle d'or », qui réserve l'emprunt au financement d'opérations d'investissement. Elle a insisté sur les différences nationales dans la définition du concept d'investissement et sur la variété des mécanismes de contrôle. Plusieurs Etats ont ainsi fait le choix d'un contrôle a priori à l'image du « credit approval » britannique, mais aussi de l'Allemagne et du Portugal. Cas plus rare, la Pologne a opté pour un contrôle a posteriori qui porte sur le volume de la dette et non sur la nature des dépenses.
M. Stanislas Boutmy a ensuite tiré quelques enseignements de l'étude comparative. La transparence et l'imputabilité, définie comme l'existence d'un lien entre l'impôt et une politique publique donnée, apparaissent comme les oubliées de l'autonomie financière des collectivités locales. Il a estimé indispensable, d'une part, de remettre à plat la fiscalité locale pour atteindre l'autonomie financière et, d'autre part, de renforcer les mécanismes de péréquation.
Il a enfin développé quelques réflexions sur la transparence favorisée par le recours à une comptabilité patrimoniale, sur la responsabilité encouragée par l'évaluation des finances locales, sur le lien entre autonomie fiscale et compétitivité économique des territoires, sur les freins à l'autonomie que sont les abattements et dégrèvements fiscaux et, enfin, sur l'utilisation de nouveaux modes de financement, à l'image des partenariats public-privé.
M. Michel Charasse a souhaité savoir, en préalable, quel système paraît le meilleur aux auteurs de l'étude.
Mme Céline Moyon a rappelé la définition issue de la Charte européenne de l'autonomie locale et a fait valoir qu'un modèle hybride inspiré de ceux de l'Allemagne, de l'Autriche et des pays scandinaves aurait sa préférence, au regard des critères de diversification et d'évolutivité des ressources. Pour la France, l'imitation des procédures de négociation sur la répartition des ressources mises en oeuvre par les accords conclus en Espagne entre l'Etat central et les régions représenterait une piste pertinente.
M. Edmond Hervé a souligné l'importance de la géographie et de la démographie dans les choix effectués par les différents pays. La recherche d'un modèle unique en Europe constituerait, à cet égard, une erreur.
M. Charles Guené a noté que la mise en place récente de la conférence des exécutifs en France va dans le sens d'un système fondé sur la négociation. Toutefois, les accords entre l'Etat et les collectivités locales, s'ils permettent de tracer des perspectives d'avenir en matière de fiscalité, doivent impérativement être respectés sur le long terme.
Mme Céline Moyon a relevé, pour l'Allemagne, que, en dépit d'un accord formel sur le partage des responsabilités entre l'Etat et les Länder en cas de sanction financière pour déficit public excesssif, l'absence de déclenchement d'une procédure n'a pas encore permis de vérifier l'efficacité du dispositif. Les Etats européens se limitent souvent à inscrire dans leur Constitution une clé de répartition des recettes fiscales en vue de dépasser les désaccords sur les niveaux de financement. En Espagne, de tels désaccords se sont soldés par des conflits judiciaires, obligeant ainsi l'Etat à réagir. L'Italie, quant à elle, a fait le choix d'une révision constitutionnelle encore inappliquée. Au total, le dépassement de ces différends dépend des attitudes des acteurs et de leur pugnacité.
M. Pierre Bernard-Reymond a souhaité que l'institut Thomas More et l'agence Public Evaluation System se présentent, en précisant les sources de leur financement. Il s'est interrogé ensuite sur l'appréciation à porter quant aux subventions versées entre collectivités territoriales.
M. Jean-Thomas Lesueur a indiqué que l'institut Thomas More est un laboratoire d'idées (« think tank ») basé en Belgique, dont le financement est assuré par 70 % de dons, issus de grands groupes mais aussi de petites entreprises, et par 30 % de recettes tirées de contrats signés avec des entreprises et des institutions publiques. Il a précisé que l'étude comparative sur l'organisation territoriale des pays européens n'est pas liée à une commande et a été rédigée par l'institut de sa propre initiative.
M. Stanislas Boutmy a présenté l'agence Public Evaluation System, jeune pousse innovante au statut de société anonyme, dont le capital de 255 000 euros est détenu par des personnes privées. Ses clients sont des collectivités territoriales et des grands groupes tels qu'AREVA ou la SNCF.
S'agissant des subventions versées entre collectivités territoriales, il a constaté que, si les structures fédérales permettent la tutelle des entités fédérées sur les autres collectivités locales, ce type de tutelle est interdit en France par la Constitution.
Mme Céline Moyon a ajouté que les subventions non fléchées de collectivité à collectivité en France sont prohibées, en dépit de transgressions en pratique. Elle a notamment donné l'exemple des subventions des départements aux communes.
M. Michel Charasse a insisté sur la distinction entre l'autonomie financière, qui implique la possibilité de recourir à l'emprunt, et l'autonomie fiscale, qui doit permettre aux collectivités d'actionner librement les taux des impôts qu'elles prélèvent et de contrôler ainsi leur endettement. A titre d'exemple, les collectivités locales allemandes et britanniques ne peuvent accéder librement à l'emprunt. Au Royaume-Uni, le financement par l'emprunt doit être exclusivement utilisé pour des projets mis en oeuvre par l'Etat central.
Pour ce qui concerne l'autonomie fiscale, M. Michel Charasse s'est interrogé sur la présence dans les autres Etats européens de l'obligation de maintenir un pourcentage fixe de ressources fiscales locales propres, à l'image de ce que la Constitution française prévoit depuis la révision de 2003.
M. Stanislas Boutmy a mis en exergue la liberté très forte laissée aux collectivités territoriales en France - qui a cependant mis vingt-cinq ans à ratifier la Charte de l'autonomie locale. L'accès libre à l'emprunt ne se retrouve pas dans les autres Etats de l'Union européenne. De même, la maîtrise par les collectivités de certains impôts apparaît comme une spécificité française.
Mme Céline Moyon a ajouté que la France est le seul pays qui a cherché à définir un pourcentage global de ressources propres pour les collectivités territoriales.
M. Michel Charasse s'est étonné de ce mécanisme affaiblissant l'Etat, alors que l'Union européenne ne l'exige pas de son côté.
M. Jean Arthuis , président , s'est déclaré sur ce point favorable à un réexamen du principe établi par la révision constitutionnelle de 2003.
M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité connaître, pour chaque pays, la part de déficit des collectivités locales dans le déficit public global au sens de Maastricht, de manière à enrichir le débat sur la question de l'autonomie fiscale et de la dynamique des déficits publics.
Il s'est demandé ensuite pourquoi seuls trois niveaux de collectivités territoriales apparaissent dans l'étude, sans que les structures intercommunales fassent l'objet d'une analyse. Enfin, il s'est interrogé sur les mécanismes d'autorisation d'emprunt, sur leur efficacité et sur leurs effets sur les niveaux d'endettement des collectivités.
Mme Céline Moyon a précisé, pour chaque Etat de l'Union européenne analysé, la part des déficits locaux dans le déficit public et a mis en évidence l'incompatibilité entre péréquation et autonomie financières.
En matière d'analyse de l'intercommunalité, M. Stanislas Boutmy a indiqué que l'étude s'est volontairement limitée aux échelons élus selon des processus démocratiques classiques.
Mme Céline Moyon a souligné le fait que la France se singularise par l'existence d'un échelon intercommunal, qui n'est pas inscrit dans la Constitution alors qu'il est habilité à lever l'impôt. Elle a jugé cette situation problématique.
Enfin, sur les effets des régimes d'autorisations d'emprunt, elle a confirmé l'intérêt de la « règle d'or », assez généralement répandue, tout en regrettant de ne pas disposer d'informations suffisantes sur les stocks de dettes des collectivités territoriales.
M. Stanislas Boutmy a précisé que les contrôles a posteriori mis en place en Pologne s'avèrent efficaces et limitent effectivement l'endettement des collectivités locales.
M. François Marc a souligné que la question de la définition de l'autonomie revient de manière récurrente et s'est interrogé sur les effets égalisateurs induits par la nature des recettes fiscales locales. En effet, selon que les ressources reposent en particulier sur l'imposition des revenus, de la consommation ou du patrimoine, la réduction des écarts de richesse semble plus ou moins favorisée.
Mme Céline Moyon a estimé que la problématique de l'égalité de traitement doit être abordée de manière distincte selon le mode de financement des collectivités territoriales. Il en existe deux. Le premier repose sur la prise en compte des compétences exercées et des services rendus. Ce système invite à faire un lien entre la compétence et la fiscalité : une collectivité en charge du développement économique peut ainsi légitimement recevoir les fruits d'un impôt sur la production ; parallèlement des compétences « sociales » appellent des recettes reposant sur le revenu.
Le second mode consiste à définir une répartition en fonction de critères de moyens et de charges, à l'image en France de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et, surtout, de la dotation de solidarité urbaine (DSU). La problématique de l'égalité de traitement, souvent présente en Europe du Nord, pose la question de l'arbitrage entre compétitivité et justice, comme le montre l'exemple des régions espagnoles.
M. Jean-Claude Frécon a précisé que, en tant que représentant au Conseil de l'Europe, il avait évoqué la Charte européenne de l'autonomie locale lors de la révision constitutionnelle de 2003. Il a jugé nécessaire de prendre en considération les histoires nationales pour mieux comprendre la diversité des systèmes de finances locales. La notion de ressources propres fait ainsi l'objet de définitions différentes selon les pays. Les situations nationales sont en effet très diverses et peuvent recouvrir des réalités aux apparences parfois trompeuses. Ainsi, les collectivités territoriales de Macédoine bénéficient de 90 % de ressources propres mais le caractère très limité de leur budget ne rend pas ce pourcentage significatif.
Il a souligné également la difficulté liée à la définition d'un pourcentage minimal de ressources propres : l'idée de part déterminante retenue par la Constitution française n'apparaît pas pertinente.
Enfin, il a remarqué que l'impact des déficits locaux dans le déficit public constitue un phénomène récent puisque pendant dix ans les soldes budgétaires locaux ont contribué favorablement aux niveaux de déficit public.
M. Stanislas Boutmy a relevé l'absence de relation directe entre l'autonomie fiscale et l'autonomie politique. Il a ainsi donné les exemples opposés des collectivités britanniques et des Länder allemands, les premières bénéficiant de marges d'intervention importantes sur leurs recettes fiscales mais d'un très faible pouvoir dans la définition de leur politique. A l'inverse, les seconds, disposant d'une large autonomie politique et de ressources conséquentes n'ont qu'une faible maîtrise du levier fiscal : ils ne peuvent en effet fixer que les taux des taxes portant sur les chiens et la bière.
M. Albéric de Montgolfier s'est interrogé sur l'existence d'équivalents de la taxe professionnelle dans les autres pays européens. Il a regretté que l'étude ne distingue pas les impôts sur la production des impôts sur la consommation.
Mme Céline Moyon a indiqué l'absence d'équivalents de la taxe professionnelle en Europe, qui reste une spécificité française, de même que le versement transports.
Elle a reconnu le caractère extensif de la notion d'impôt sur la production, ainsi que le problème méthodologique qui en découle dans la mesure où Eurostat place la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au sein de cette catégorie de prélèvements.
M. Jean Arthuis , président , a regretté que la catégorie « impôt sur la production » soit si large et souhaité que les impôts sur la consommation en soient extraits. En effet, ceux-ci frappent tous les produits vendus sur le territoire. Les impôts sur la production, eux, ne touchent que les produits nationaux.
Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur l'impact de l'organisation institutionnelle et du mode d'élection sur les rapports de force entre l'Etat et les collectivités territoriales en matière de finances locales.
Mme Céline Moyon a reconnu que le caractère direct ou indirect d'une élection peut avoir des conséquences et que la représentation des collectivités au sein d'une assemblée parlementaire est utile. Elle a noté que cette représentation est plus déterminante dans un système fédéral.
M. Stanislas Boutmy a affirmé que le poids financier réel d'une collectivité détermine son poids politique plus encore que les configurations institutionnelles, à l'exception des régimes fédéraux dans lesquels les entités fédérées exercent un pouvoir institutionnel.
M. Jean-Thomas Lesueur a mis en évidence, au sein des Etats analysés, l'importance de l'existence ou de l'absence d'une culture du consensus. Sa faiblesse en France peut expliquer le jeu des rapports de pouvoir entre l'Etat et les collectivités territoriales.
M. Yann Gaillard a émis des doutes sur le lien implicitement admis entre l'autonomie financière des collectivités locales et la démocratie. Il a invité à remettre en question les présupposés de l'étude concernant l'intérêt de cette autonomie, et plus largement des libertés locales, au sein d'un régime démocratique.
M. Stanislas Boutmy a précisé que l'étude n'avait pour point de départ que le droit existant et, en particulier, la Charte européenne de l'autonomie locale. L'étude a mis l'accent sur l'autonomie financière parce qu'elle permet de répondre à la question de l'imputabilité, c'est-à-dire de déterminer l'entité responsable d'une politique donnée. Dans les régimes non fédéraux, il est légitime pour l'Etat de financer les collectivités par des dotations et de conduire des politiques de péréquation qui conduisent à une réduction des inégalités de richesse.
M. Philippe Dallier a souligné les limites de la péréquation. En Allemagne, le mécanisme a été poussé si loin que les collectivités peuvent ne plus avoir intérêt à accueillir d'entreprises sur leurs territoires. Un lien doit donc être conservé entre la fiscalité et le territoire. Il s'est interrogé sur les choix des Etats de l'UE en termes de péréquation verticale ou de péréquation horizontale à l'image du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France, et sur les montants en cause ainsi que sur l'efficacité des mécanismes mis en place. Il serait de ce point de vue intéressant de mesurer les écarts de richesse entre collectivités de même niveau dans chacun des pays étudiés.
Il a enfin estimé que réformer la taxe professionnelle sans toucher aux mécanismes de péréquation pourrait induire des conséquences dramatiques.
En réponse, Mme Céline Moyon a posé la question de la définition du concept de « richesse » d'une collectivité locale. En effet, l'intérêt de politiques de péréquation ne peut être envisagé qu'une fois pris en compte les écarts de ressources mais également les compétences dévolues à une collectivité donnée.
M. Philippe Dallier a considéré que ce critère des différences de compétences n'est pas recevable, en particulier en France, la péréquation devant répondre à un objectif de correction des inégalités de richesse dans un contexte où les compétences des collectivités sont uniformes. Il a insisté sur la nécessité d'utiliser des données pertinentes en vue de faciliter les comparaisons internationales dans le domaine de la péréquation.
M. Stanislas Boutmy a remarqué que les dotations versées par l'Etat ont par leur nature même des effets péréquateurs.
M. Jean-Pierre Fourcade a confirmé l'insuffisance des mécanismes de péréquation en France.
M. Jean Arthuis , président , a relevé que le choix de la bonne clé de répartition des dotations constitue la question centrale et souligné le rôle du comité des finances locales en la matière.
M. Gérard Longuet a regretté l'absence des structures intercommunales dans l'étude ainsi que la confusion entre impôts sur la production et impôts sur la consommation. Il a souhaité que les prestations individualisées, c'est-à-dire celles pouvant faire l'objet d'une facturation séparée, à l'image des taxes sur l'eau, l'assainissement ou les déchets, fassent l'objet d'une analyse spécifique au sein des budgets locaux.
M. Stanislas Boutmy a proposé de produire de nouvelles données, intégrant les remarques sur l'intercommunalité, l'imposition de la consommation et l'individualisation des prestations.
M. Edmond Hervé a mis en évidence le caractère fondamental de la géographie, de la densité et de la concentration urbaine pour appréhender les finances locales et les problématiques d'inégalité entre collectivités. Il a donné l'exemple de l'impact différent de la suppression des bureaux de poste aux Pays-Bas et en France.
Dans le cadre d'un travail sur l'autonomie financière, il a plaidé pour une distinction entre le contribuable et l'usager. Enfin, il a indiqué que la taxe professionnelle n'est pas la seule charge à prendre en compte pour les entreprises au niveau local et que l'étude doit élargir son champ à l'ensemble des prélèvements susceptibles de réduire l'attractivité des territoires.
M. Stanislas Boutmy a souligné le rôle important du bénévolat dans le fonctionnement des petites communes rurales.
M. Jean Arthuis , président , s'est félicité de la large participation des membres de la commission à ce débat.