V. LES MOYENS PUBLICS MIS EN oeUVRE AU BÉNÉFICE DES ZONES HUMIDES
Indépendamment des actions conduites par les agences de bassin, modernisation des structures administratives, exonérations fiscales et mesures financières sont censées contribuer à la protection spécifique des zones humides. Qu'en est-il dans la réalité ?
A. LA CRÉATION D'UN OUTIL AD HOC
A la suite de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, une structure administrative spécialisée d'expertise a été mise en place, regroupant les compétences dispersées dans les services dépendant respectivement du ministère de l'Agriculture et du ministère chargé de l'Environnement ainsi que les missions du Conseil supérieur de la pêche dissous par le décret instituant l'ONEMA (Office national de l'eau et des milieux aquatiques) en 2007.
Cet office cumule des fonctions techniques et d'expertise, centralise et organise les connaissances relatives à l'eau 8 ( * ) pour les mettre à la disposition des services de l'Etat, des collectivités locales et du public ; il participe également à la surveillance des milieux aquatiques et la police de l'eau. Il a été fortement impliqué dans l'élaboration de la « trame verte et bleue » proposée par le projet de loi « Engagement national pour l'environnement ».
B. LA PORTÉE LIMITÉE DES EXONÉRATIONS FISCALES
La mesure la plus significative est l'exonération partielle de la TFNB (taxe foncière sur les propriétés non bâties) issue de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux. Ce dispositif donne compétence au maire pour définir avec la commission communale des impôts directs la liste des parcelles situées en zone humide ouvrant droit à l' exonération de 50 % de la part communale et intercommunale de la TFNB , lorsqu'un engagement de gestion favorable est pris pour cinq ans renouvelables impliquant, notamment le non-retournement des parcelles et la préservation de l'avi-faune.
Les parcelles visées doivent être préalablement classées dans la 2° ou la 6° catégorie définies par l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 qui détermine les règles fondamentales d'établissement de la TFNB. Les terrains visés sont :
- les prés et prairies naturels, herbages et pâturages ;
- les landes, pâtis, bruyères, marais, terres vaines et vagues.
Simultanément, la loi précitée a instauré une exonération de la TFNB (part communale et intercommunale) au bénéfice des terrains inclus dans un site Natura 2000 , les parcelles cadastrales éligibles devant figurer sur une liste établie par les services de la DDEA et transmise aux services fiscaux avant le 1 er septembre de l'année de référence. La mise en oeuvre de ce dispositif est complexe car, pour l'heure, aucun système automatique ne permet de passer aisément de la carte d'un site Natura 2000 au plan cadastral . Les services de la direction des finances publiques considèrent que la réalisation de cette transcription serait très difficile et très coûteuse.
Dans les sites Natura 2000, l'exonération peut s'appliquer à des parcelles pour lesquelles un engagement de gestion conforme à la charte du DOCOB a été pris pour une durée de 5 ans renouvelable.
On relèvera la discordance entre les catégories (au sens de l'instruction précitée du 31 décembre 1908) éligibles au titre des zones humides stricto sensu et pour les terrains classés Natura 2000 et présentant des caractéristiques de zones humides.
En effet, outre les 2° et 6° catégories précitées, les parcelles relevant de la 8° catégorie peuvent, de facto, comporter des faciès de zones humides, il s'agit des « lacs, étangs, mares, abreuvoirs, fontaines, canaux non navigables et dépendances, salins, salines et marais salants ».
En 2005 , l'estimation des surfaces visées était de 2 à 3 millions d'hectares 9 ( * ) et le coût de la mesure était évalué entre 23 et 53 millions d'euros . Les résultats acquis sont modestes, si l'on considère la compensation versée aux communes et établissements intercommunaux au titre des deux mesures précitées (spécifique zones humides + Natura 2000).
A ce titre, l'Etat a reversé globalement aux collectivités :
- en 2006 : 347.033 € ;
- en 2007 : 417.158 € ;
- en 2008 : 838.781 €.
Aucun résultat précis n'est avancé quant aux surfaces effectivement engagées. Les services du MEEDDAT n'ont, semble-t-il, pas encore mis en place un outil d'évaluation permettant d'apprécier l'impact réel de la mesure d'exonération fiscale adoptée en 2005. Il faut souligner que le débat actuel sur l'assiette dépasse largement le sujet des zones humides et s'inscrit dans une réflexion globale sur la valeur cadastrale des terres.
Les règles issues de l'instruction ministérielle précitée peuvent parfois être défavorables aux zones humides. C'est le cas en particulier pour certains terrains aménagés pour un usage cynégétique.
Classées alors dans la 11° catégorie de l'instruction ministérielle (terrains d'agrément), les parcelles ne peuvent faire l'objet d'aucune exonération de la TFNB.
Ainsi des plans d'eau à vocation cynégétique sont assujettis à une taxe foncière beaucoup plus élevée que des terrains humides en friche et ne peuvent bénéficier des exonérations précitées, dès lors que des installations ou dispositifs de chasse (tonnes, gabions ou huttes) sont implantés, alors que les abords de ces plans d'eau permanents ou temporaires répondent le plus souvent aux critères pédologiques et botaniques caractérisant les zones humides.
Cette discrimination est de nature à limiter les initiatives des organisations de chasseurs qui dans de nombreux départements ont été des précurseurs dans l'entretien et la restauration des zones humides, bien avant l'adoption du programme national de restauration des zones humides. On rappellera ici, à titre d'exemple, les platières du Nord de la France, les marais de Charente ou du Médoc, les marais ou les lagunes des Landes.
En conséquence, l'instruction ministérielle précitée ne paraît pas cohérente avec la volonté affichée de préserver et de restaurer les zones humides.
* 8 SIE : service d'information sur l'eau.
* 9 L'estimation en 2009 serait, selon le MEEDDAT, de 1,5 million ha.