ANNEXE V - 2ÈME PARTIE DES AUDITIONS DE LA MISSION
Mardi 24 mars 2009
Audition de M. Martin Malvy, président de
l'Association des petites villes de France (APVF), Mme Marie France Beaufils,
vice présidente de l'APVF
et M. Pierre Jarlier,
secrétaire général de l'APVF
Sous la présidence de M. Claude Belot, président, la mission a auditionné M. Martin Malvy, président de l'Association des petites villes de France (APVF) et ses collègues, Mme Marie France Beaufils, vice-présidente de l'APVF et M. Pierre Jarlier, secrétaire général de l'APVF.
Après avoir présenté l'APVF, M. Martin Malvy a mis en avant le fait que les petites villes représentaient le dernier maillon d'une chaîne qui reliait l'État à la commune, en passant par toutes les autres collectivités territoriales. Il a souligné la dépendance financière des petites villes à l'égard des autres maillons de la chaîne territoriale et il en a conclu à l'absolue nécessité de maintenir, pour les communes, la clause générale de compétence, qui leur permet d'obtenir les cofinancements dont elles peuvent avoir besoin pour réaliser les équipements publics qui maillent le territoire national. Estimant que la clause générale de compétence était la clé de voûte de l'aménagement du territoire et qu'elle offrait une réponse, grâce à la solidarité territoriale, non seulement aux inégalités de ressources existant entre les différentes communes mais aussi aux demandes des citoyens comme des entreprises, il a défendu la pertinence des financements croisés. Il a d'ailleurs marqué son désaccord avec une des solutions parfois envisagées pour encadrer le recours aux cofinancements, qui consisterait à obliger le maître d'ouvrage à participer à hauteur de 50% à l'investissement, estimant que si cela avait été le cas, 80 % des équipements locaux importants n'auraient pas vu le jour.
M. Martin Malvy a ensuite souligné la réussite de l'intercommunalité qui a permis de remédier à l'éparpillement communal. Il a marqué son accord sur cette question avec les propositions du Comité présidé par M. Edouard Balladur et s'est prononcé pour une rationalisation des périmètres des intercommunalités, conduite par des commissions départementales de coopération intercommunale dont la composition serait à rénover, pour la désignation des délégués communautaires par fléchage sur les listes de candidats aux élections municipales. En revanche, il s'est déclaré opposé à un affaiblissement des mairies des communes regroupées au sein d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qui les cantonnerait dans un rôle de mairie de quartier.
Sur la question de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivité, M. Martin Malvy a jugé nécessaire de mieux définir les compétences devant revenir à chaque échelon, dans le respect de la clause générale de compétence, l'exercice de certaines d'entre elles devant être réservé, en matière d'instruction notamment, à une collectivité chef de file. Il a conclu son intervention en indiquant que certaines questions liées aux finances locales, comme l'impôt susceptible de remplacer la taxe professionnelle, appelaient, elles aussi, des réponses.
S'attachant à ce dernier sujet et rappelant que la mission s'était déjà saisie de la question de la fiscalité locale et qu'elle poursuivrait ces travaux en la matière, M. Yves Krattinger a souhaité connaître l'analyse de M. Martin Malvy à la fois sur les conséquences que serait susceptible d'avoir la suppression de la taxe professionnelle sur l'exercice par les différents niveaux de collectivité de leur compétence de développement économique et sur les voies que devrait, selon lui, emprunter la réforme de la fiscalité locale.
Sur le premier point, M. Martin Malvy a estimé souhaitable que les collectivités qui portent les projets de développement économique continuent de bénéficier d'un impôt reposant sur l'activité économique ; en revanche, il a souligné que l'intérêt porté par les collectivités territoriales aux questions de développement des entreprises et des emplois ne se limitait pas au seul retour sur investissement qu'elles pouvaient espérer à travers la taxe professionnelle. Par ailleurs, il a considéré qu'il fallait veiller à ce que la recette censée remplacer la taxe professionnelle soit suffisamment dynamique, ce qui ne serait pas forcément le cas d'une dotation évoluant selon un rythme fixé à l'avance. Sur la question de la réforme de la fiscalité locale, il a souligné les difficultés que la spécialisation de l'impôt par niveau de collectivité pourrait engendrer en matière de péréquation.
Interrogé par M. Pierre Yves Collombat, vice-président, sur l'impact que la mise en place de métropoles serait susceptible d'avoir sur les petites villes, selon le seuil de population retenu pour leur constitution, M. Martin Malvy a jugé que, plutôt que de mettre en place des métropoles, il convenait en priorité de prévoir, éventuellement sur une base expérimentale, des schémas d'aménagement périurbain qui soient prescriptifs et de renforcer la coopération intercommunale.
M. Pierre Jarlier a indiqué que l'APVF était, d'une manière générale, plus proche des préconisations adoptées par la mission que de celles formulées par le comité présidé par M. Edouard Balladur. Il a ainsi marqué son accord avec la désignation par fléchage des délégués communautaires, le scrutin proportionnel de liste étant étendu aux communes de 500 habitants et plus, une obligation de candidature étant mise en place en deçà. Il a également approuvé l'achèvement de la carte intercommunale et la rationalisation des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) avant 2012. À cet égard, il a relevé que de nombreux textes législatifs intervenus récemment dans le domaine de l'environnement mettaient en place une planification de l'action des intercommunalités à l'échelle du bassin de vie, ce qui rendait d'autant plus nécessaire la mise en cohérence de leurs périmètres respectifs. Enfin, il a rappelé la double vocation des petites villes, dont certaines jouent le rôle de satellite dans les grandes métropoles alors que d'autres jouent celui de centre structurant de l'espace rural dans les territoires moins peuplés, ce qui rendait d'autant plus nécessaire le maintien de la clause générale de compétence au niveau communal.
Insistant sur l'importance de la coopération intercommunale, Mme Marie-France Beaufils a souligné la différence entre le fait d'obliger les intercommunalités à se saisir de plus de compétences au détriment des communes et celui de créer les conditions d'une coopération plus aboutie entre les communes qui les composent. Elle a rejoint M. Martin Malvy sur l'idée de privilégier la solution consistant à développer des schémas de cohérence territoriale, sur celle consistant à étendre le statut de métropole aux grandes agglomérations, tout en se déclarant réservée sur la pertinence de rendre ces schémas prescriptifs. Quant à la fiscalité, elle a estimé absolument nécessaire que les collectivités territoriales bénéficient d'une recette fiscale dynamique basée sur l'activité économique. S'agissant de la répartition des compétences, elle a appelé de ses voeux un recours plus poussé à la notion de chef de file, dans un cadre coopératif.
Revenant sur la question de la taxe professionnelle, M. Martin Malvy a considéré que son principal inconvénient tenait à ce que l'État en supportait une grande partie. Soulignant la difficulté particulière qui s'attachait à une réforme de la fiscalité locale conçue dans un contexte de crise des finances publiques, il a suggéré de modifier l'assiette de cet impôt pour y intégrer la valeur ajoutée et lui permettre de peser de manière plus équitable sur les services et la production industrielle. Il a jugé que, en tout état de cause, il fallait éviter que la réforme de la fiscalité locale affaiblisse les collectivités territoriales, et particulièrement les régions et les départements, au point de leur rendre impossible d'aider, comme elles le font aujourd'hui, les petites villes.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a estimé que, en matière de réforme de la fiscalité locale et particulièrement de la taxe professionnelle, la mission devait s'appuyer sur les travaux des rapports Valletoux et Fouquet. Par ailleurs, il a jugé problématique que l'État intervienne autant dans la fiscalité locale, ce qui, à la fois, prive les citoyens de la capacité qu'ils ont à déterminer, à travers leurs élus, les taux des impôts locaux, et est susceptible de fragiliser l'équilibre des finances locales.
M. Claude Belot, président, ayant considéré que les élus locaux étaient amenés à voter les taux d'impôts dont les bases ne sont plus conformes à la réalité, ce qui constituait un des problèmes principaux de la fiscalité locale actuelle, M. Martin Malvy a fait valoir que cela était à l'origine d'une inégalité entre les communes centres et leur périphérie, les citoyens déménageant dans les communes alentour, car les bases foncières y sont moins élevées, tout en profitant des services offerts par la commune centre dont l'assiette fiscale se rétracte.
M. Yves Détraigne s'est interrogé sur les conséquences qu'il convenait de tirer de la généralisation de l'intercommunalité s'agissant de l'élargissement des compétences transférées aux EPIC, de la réduction du nombre de conseillers municipaux corrélative à la réduction des tâches dévolues aux communes, et du maintien des pays alors que les intercommunalités se verraient dotées d'un périmètre pertinent et d'une entière compétence d'aménagement du territoire. Il s'est par ailleurs demandé s'il ne convenait pas de revoir la répartition des compétences entre le département et la région en fonction de leur vocation respective, de proximité pour le premier et d'aménagement et de structuration du territoire pour la seconde.
Sur le premier point de l'élargissement des domaines de compétences transférées aux intercommunalités, M. Martin Malvy a jugé nécessaire d'observer une certaine prudence, afin de conserver toute l'efficacité d'action que permet le consensus construit au sein de l'intercommunalité. S'agissant des pays, il a relevé que leur réussite était très variable d'une région à l'autre, certains fonctionnant bien et d'autres non, et qu'ils permettaient souvent de rassembler plus de communes que ne le pourrait une structure intercommunale. En réponse à une question de M. Yves Détraigne sur le rapprochement des collèges et des lycées, il a, enfin, estimé que la solution de simplification consistant à en confier la gestion à une seule collectivité, serait mise en échec par la spécificité de ces deux types d'équipements, les formations offertes au sein des collèges étant conçues sur un modèle uniforme, alors que celles des lycées sont organisées de manière spécifique, ce qui justifie que, dans le premier cas, la gestion en revienne aux départements qui garantissent ainsi un accès de proximité à une même formation, alors que dans le second cas, elle revient aux régions, qui construisent, sur l'ensemble du territoire, un échantillon varié de formations spécifiques.
M. Claude Belot, président, a souhaité que la mission approfondisse la question des relations entre départements et régions, se demandant s'il fallait aller dans le sens d'un partenariat organisé entre ces deux échelons. Ayant souligné que certaines compétences devaient être exercées à une échelle plus large que le département, il a jugé nécessaire de bien définir la compétence en matière d'aménagement du territoire.
M. François Patriat a indiqué que le Président du Sénat recevait le lendemain des présidents de régions.
Mme Josette Durrieu a demandé l'avis de l'intervenant sur la proposition 18 avancée par la mission temporaire dans son rapport d'étape, visant à « l'affirmation des départements dans leur rôle de garant des solidarités sociales et territoriales, et des régions dans leurs missions stratégiques et liées à la préparation de l'avenir ». Elle a estimé nécessaire de mieux définir les actions stratégiques des régions, ainsi que la répartition des rôles en matière d'accompagnement des initiatives économiques, soulignant que les régions avaient jusqu'alors assumé cette mission de façon insuffisante. Elle s'est demandé, notamment, à quel échelon territorial devraient revenir le déploiement des réseaux de très haut débit ou encore la gestion des aéroports de villes moyennes.
Mme Marie-France Beaufils a relevé que certaines compétences transférées aux collectivités territoriales pesaient lourdement sur leur budget, sans que celles-ci aient parfois les moyens de les assumer.
Mme Anne-Marie Escoffier a souligné que la diversité de la France constituait une force. Aussi a-t-elle plaidé pour l'établissement de règles a minima, simples et lisibles, et non pas pour l'imposition d'un cadre uniforme ou d'exigences trop contraignantes, afin de laisser une marge de liberté aux collectivités territoriales. S'agissant des pays, elle a souhaité que puissent perdurer ceux qui fonctionnent bien, tout en s'interrogeant, néanmoins, sur l'existence de certains qui mobilisent des moyens sans pour autant apporter la preuve de leur utilité.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a rappelé que la mission temporaire avait formulé des propositions raisonnables en faveur de l'instauration d'un guichet et d'un dossier d'instruction uniques, soulignant l'énergie et le temps perdus dans les instructions parallèles par les services de l'Etat et ceux des collectivités territoriales. Il a indiqué que certains guichets uniques existaient déjà et que cette pratique gagnerait à être banalisée. Il importe notamment pour l'Etat d'admettre que ses services ne peuvent plus continuer à intervenir en doublons des collectivités territoriales dans l'instruction des dossiers. Enfin, il a souligné qu'il était indispensable de développer l'interterritorialité, c'est-à-dire les échanges entre les territoires.
En réponse, M. Martin Malvy a indiqué que les régions étaient amenées à coopérer avec les régions voisines et que certaines politiques ne pouvaient être que partagées entre plusieurs collectivités. Il a reconnu, comme M. Claude Belot, président, que cela nécessitait néanmoins une coordination entre celles-ci, comme cela fonctionne déjà dans certaines régions. Il a suggéré que soit rendue obligatoire, par la loi, la création d'une conférence des autorités organisatrices de transports. Puis il a confirmé que la réforme de l'Etat était un préalable indispensable.
M. Claude Belot, président, a souligné la nécessité d'imposer un partenariat entre les régions, notamment en vue d'assurer une continuité territoriale en termes de transports. Mme Anne Marie Escoffier a fait observer que la partition du territoire français en grandes zones de défense, par exemple, montrait la nécessité de dépasser, dans certains cas, les limites régionales.
S'agissant, enfin, des modes de scrutin, M. Martin Malvy a estimé que l'élection de conseillers qui soient à la fois conseillers généraux et régionaux signerait l'arrêt de mort de toute politique régionale. Il a indiqué que le fait, pour un élu, d'être attaché à un territoire le placerait d'abord au service de celui-ci et non pas de l'ensemble du territoire régional.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a ajouté que cela remettrait en cause à la fois la proximité du département et la vocation stratégique de la région. Il a souligné, en outre, le risque de concurrence entre des conseillers généraux et régionaux élus au niveau d'une circonscription législative et le député de cette circonscription.
M. Claude Belot, président, a souligné un attachement largement partagé au scrutin uninominal.
Mercredi 25 mars 2009
Audition de M. Serge Grouard, vice-président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF)
Sous la présidence de M. Claude Belot, président, la mission a entendu M. Serge Grouard, vice-président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF).
Appuyant son intervention sur la plateforme commune adoptée par l'AMGVF, M. Serge Grouard a rappelé les raisons pour lesquelles la réforme était aujourd'hui nécessaire : complexité, manque de lisibilité et coûts de l'organisation territoriale, difficultés de gouvernance et enchevêtrement des compétences. Estimant que l'accent était parfois trop mis sur le couple région/département, il a jugé souhaitable que la réflexion s'attache aussi aux dysfonctionnements propres au couple commune/intercommunalité, notamment en raison des gains financiers que, en la matière, une réforme de la gouvernance pourrait apporter, grâce à la mutualisation des services ou à la mise en cohérence des choix d'aménagements opérés, au sein de l'intercommunalité, par les différentes communes.
M. Claude Belot, président, ayant fait observer que, d'ores et déjà, une telle coordination de l'action des communes était possible grâce aux transferts de compétences à l'intercommunalité, ou aux arbitrages rendus par les départements ou les régions en matière de cofinancement des équipements sollicités par les communes, M. Serge Grouard a estimé que, en s'appuyant notamment sur des règles de majorité qualifiée ou sur la clause générale de compétence, les communes pouvaient faire échec à ces tentatives de coordination de leur action.
Il a par ailleurs indiqué que l'AMGVF souhaitait éviter que le transfert de compétences à l'établissement public de coopération communale (EPCI) n'aboutisse à dissocier l'exercice des compétences de la légitimité démocratique et qu'elle appelait à une modification du mode de désignation des délégués communautaires, mais refusait toutefois leur élection au suffrage universel direct car celle-ci aboutirait à faire des EPCI des collectivités territoriales de plein exercice.
Estimant que deux principes devaient guider la réflexion, à savoir la prise en compte de la diversité des territoires et l'association des collectivités à leur réforme, en particulier pour déterminer la part d'incitation ou de contrainte à laquelle il pourrait être recouru, M. Serge Grouard a estimé, conformément à la position adoptée par l'AMGVF, qu'il était nécessaire d'achever la carte intercommunale et de créer, sur la base du volontariat, des métropoles. Il a prôné pour celles-ci l'organisation d'une élection unique sur leur territoire, en marquant sa réserve à l'encontre du mode de scrutin de type Paris-Lyon-Marseille qui ne fait pas l'unanimité au sein de l'AMGVF.
En réponse à M. Yves Krattinger, rapporteur, qui l'a interrogé sur le soutien qu'une telle proposition pourrait recevoir au sein de la ville d'Orléans dont il est le maire et de son agglomération, il a indiqué qu'elle pourrait rencontrer un écho favorable. Relevant l'intérêt que manifestaient d'une manière générale les citoyens pour la réforme territoriale, il a estimé que ceux-ci pourraient se montrer plus favorables à la mise en place des métropoles que les élus municipaux, plus réservés au sujet de l'affaiblissement des communes qu'impliquerait la création de la collectivité métropolitaine.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a demandé à l'intervenant de préciser la définition qu'il donnait de la notion de métropole, faisant observer que celle-ci variait fortement selon les différentes propositions. Ainsi, pour le maire de Lyon, il s'agirait du regroupement de plusieurs agglomérations, de façon à ce que cette métropole puisse faire jeu égal avec les autres grandes métropoles européennes.
En réponse, M. Serge Grouard a indiqué que l'AMGVF ne partageait pas cette conception, précisant que, selon l'association, les métropoles devraient correspondre aux territoires des actuelles agglomérations, à condition que leur périmètre soit cohérent, réunir les compétences des communes et des groupements, et permettre de concilier légitimité et compétence, par l'organisation d'un mode de scrutin à l'échelle du territoire de la métropole.
M. Pierre-Yves Collombat, premier vice-président, ayant relevé que cela signifiait la disparition des communes situées sur le territoire de la métropole, ou que celles-ci ne disposeraient plus que de compétences déléguées, M. Serge Grouard a confirmé que la proposition de l'AMGVF consistait à attribuer la clause générale de compétence à la métropole et à prévoir la possibilité pour celle-ci de déléguer des compétences de proximité aux communes, dans une logique de « mairies de proximité » et dans un souci de cohérence. En revanche, l'AMGVF, à la différence du « comité Balladur », ne propose pas, a-t-il précisé, de transférer l'ensemble ou la totalité des compétences du département à la métropole, mais certaines d'entre elles.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a indiqué que la proposition de l'intervenant reviendrait à créer un nouveau type de collectivité territoriale de plein exercice, ayant pour conséquence de faire passer de trois à quatre le nombre d'échelons territoriaux. Il a rappelé que la mission temporaire s'était accordée sur le principe de la création, par la loi, d'un nombre limité de métropoles qui ne soient pas seulement un regroupement de communes au sein d'une agglomération.
M. Serge Grouard a indiqué, en réponse, qu'il ne s'agirait pas d'une strate supplémentaire puisque la métropole se substituerait aux communes. Il a précisé que la position qu'il présentait devant la mission temporaire avait été arrêtée dans une plateforme adoptée par le bureau de son association. Par ailleurs, il a rappelé avoir cosigné avec M. Michel Destot, président de l'AMGVF, un article dans Le Monde reprenant cette position.
M. Claude Belot, président, a relevé que cette proposition pouvait surprendre la mission. Il a souligné que la Constitution ne mentionnait que les communes, les départements et les régions, les intercommunalités n'étant que des « coopératives de communes », bénéficiant de compétences déléguées. La proposition de l'AMGVF supposerait soit de créer un nouveau statut de collectivité, soit que les communes concernées décident de se réunir en une commune unique.
Il s'est demandé, en outre, si toutes les grandes villes avaient vocation à devenir des métropoles, faisant observer que les différentes définitions qui en sont données peuvent contribuer à brouiller le message. Ainsi, un grand nombre de villes jouent un rôle « métropolisant » sur un territoire donné. Cependant, il a estimé que les métropoles seraient d'autant plus puissantes qu'elles seraient peu nombreuses. Il a voulu savoir, par ailleurs, si l'AMGVF envisageait bien que l'évolution proposée n'ait lieu que sous réserve d'une volonté démocratique et d'une adhésion populaire.
M. Serge Grouard a confirmé ce dernier point et a indiqué que l'AMGVF n'avait pas arrêté de position sur le nombre de villes susceptibles de prendre le statut de métropole, estimant néanmoins que ce dernier pourrait être proposé de façon plus large que ne le suggère le « comité Balladur ». Il s'est demandé, toutefois, ce qui pourrait être proposé aux autres grandes villes qui ne deviendraient pas des métropoles. Reconnaissant que différentes acceptions de ce terme pouvaient exister, il a admis qu'il serait peut-être préférable de qualifier les agglomérations concernées, dans le cas de la proposition de l'AMGVF, de collectivités uniques, plutôt que de métropoles.
M. Philippe Dallier a jugé innovant et intéressant le modèle de type « PLM » (Paris-Lyon-Marseille), dans lequel la métropole constitue la collectivité territoriale de plein exercice et les communes existent en tant qu'arrondissements. Il a ajouté qu'il était possible d'avoir des approches différentes de la notion de métropole, selon leur taille.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a estimé que la loi ne pourrait pas décider de tels regroupements à la place des populations et des conseils municipaux concernés. Il a fait observer que des fusions de communes étaient d'ores et déjà possibles. Rappelant que l'objectif était de réfléchir aux moyens de renforcer la compétitivité des métropoles françaises au niveau européen, il a jugé que celles-ci perdraient en lisibilité si elles étaient trop nombreuses.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a relevé que la proposition de l'AMGVF consistait à envisager la création de collectivités territoriales de plein exercice au niveau d'espaces agglomérés.
M. Pierre-Yves Collombat, premier vice-président, a demandé si l'AMGVF disposait d'études sur les économies d'échelle à attendre de tels regroupements.
M. Charles Guéné s'est demandé si la position exprimée rejoignait les propositions n° 7, 8 et 9 du « comité Balladur ». Celui-ci a en effet suggéré que les métropoles disposent de la clause générale de compétence, formant ainsi une « avant-garde » de ce que pourraient devenir, à terme, les intercommunalités. Par ailleurs, en dehors des onze métropoles créées par la loi, la proposition n° 8 a ouvert la possibilité pour les autres intercommunalités d'accéder par la suite à ce statut, sur la base du volontariat. Enfin, la proposition n° 9 vise à permettre à toute intercommunalité de se transformer en commune nouvelle, c'est à dire en collectivité de plein exercice.
M. Edmond Hervé a souligné que la définition de la métropole devait également prendre en compte des critères de solidarité et de péréquation. Puis il a mis l'accent sur l'importance de la notion de réseau, peu évoquée jusqu'alors au sein de la mission, en vue de favoriser les complémentarités, précisant qu'un réseau peut être international, comme dans le domaine universitaire notamment, et concerner différents niveaux de collectivités. Il s'est interrogé, en outre, sur la façon dont la proposition de l'AMGVF pourrait être accueillie au sein des conseils d'agglomération. Il a souligné que les grandes villes s'étaient montrées exemplaires en n'exigeant pas une représentation proportionnelle à leur population au sein des groupements, contribuant ainsi à la réussite de la coopération intercommunale. Il a souhaité que la notion de compétences obligatoires constitue une référence à prendre en compte, ce à quoi M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, rapporteurs, ont souscrit.
Par ailleurs, M. Edmond Hervé a indiqué qu'une difficulté venait de l'exercice de la maîtrise d'ouvrages, qui exige beaucoup de travail de négociation. Il a insisté pour que les maires ne soient pas privés de compétences telles que le pouvoir de police municipale et la signature des permis de construire, qui sont les principaux attributs de leur rôle de proximité et auxquels ils sont attachés. Enfin il a estimé que la « boîte à outils » juridiques en matière de coopération intercommunale était pleine et qu'il convenait désormais de l'utiliser.
M. Rémy Pointereau a jugé nécessaire de veiller à la répartition géographique des métropoles, dans un souci d'équilibre et d'aménagement du territoire. Il s'est interrogé sur l'opportunité de prévoir un seuil de population pour l'accès à ce statut et s'est demandé si les capitales régionales avaient vocation à devenir des métropoles. En matière de gouvernance, il a estimé qu'il appartenait au président du conseil général ou à celui du conseil régional de veiller à ce qu'il n'y ait pas de redondance d'équipements de proximité sur le territoire. Enfin, il a interrogé l'intervenant sur la fiscalité locale.
En réponse, M. Serge Grouard a indiqué que l'AMGVF avait fixé, dans sa plateforme, quelques grands principes en matière de fiscalité locale, notamment sur la part des ressources propres dans les budgets locaux et sur l'existence d'un lien fiscal entre territoire et activité, afin que les collectivités conservent un intérêt direct à favoriser le développement économique. L'AMGVF ne dispose pas d'études globales sur les économies d'échelle à attendre des regroupements au sein de métropoles mais a conduit des réflexions sur les mutualisations de personnel. A partir de son expérience personnelle, il a relevé que, dans les aires urbaines, chaque commune avait davantage tendance à utiliser l'intercommunalité pour faire aboutir ses propres projets plutôt que pour promouvoir une cohérence d'ensemble. De fait, un équilibre doit toujours être recherché.
M. Yves Krattinger, rapporteur, s'est demandé si la transformation des communes en « mairies de quartier », dans le cadre de la proposition de l'AMGVF, conduirait à résoudre ce problème. Il a douté, en outre, que la création d'une agglomération unique permette de réaliser des économies d'échelle, par exemple pour l'entretien de la voirie.
M. Claude Bérit-Debat a estimé que l'intercommunalité avait pour avantage de reposer sur un accord « gagnant-gagnant », à la différence d'une grande collectivité unique qui imposerait ses décisions à tous. Il a douté que cela puisse être le gage d'une plus grande efficacité.
M. Serge Grouard a indiqué qu'il y aurait, dans le cas d'une collectivité unique, une unité de décision et que, par ailleurs, des cohérences pourraient être trouvées dans la durée, par exemple en matière d'équipements publics. Citant l'exemple de l'agglomération d'Orléans, il a fait observer qu'il existait actuellement une quinzaine de directions de la voirie, et qu'il pourrait à terme n'y en avoir qu'une.
&&Audition de M. Philippe Adnot, sénateur et président du conseil général de l'Aube&&
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe Adnot, sénateur et président du conseil général de l'Aube.
Après avoir proposé à la mission de se rendre dans le département de l'Aube dans le cadre de ses déplacements sur le terrain, M. Philippe Adnot a expliqué qu'il aurait préféré que le comité Balladur commence par poser le cadre de ses réflexions, plutôt que de partir d'hypothèses a priori privilégiant les niveaux régionaux et intercommunaux pour envisager la réforme des collectivités locales. Observant qu'aucun élu rural n'était membre de ce comité, il a estimé que le rapport comportait de nombreuses analyses discutables qui étaient maintenant diffusées « en boucle » sans aucune démonstration. Il a considéré qu'il aurait été préférable d'adopter une démarche consistant à déterminer les objectifs de la réforme parmi lesquels il a cité la nécessité de préserver des services publics de proximité, la recherche du meilleur rapport qualité-prix à travers une gestion responsable et l'utilisation de ratios ainsi que l'application du principe de subsidiarité pour déterminer le bon niveau d'exercice des compétences.
Il a déclaré que les critiques du « millefeuille » administratif ne reposaient sur aucune évaluation chiffrée et que le reproche d'une trop grande complexité ne s'appuyait sur aucune explication. Evoquant les compétences qui seraient mal identifiées, il a indiqué que le rapport du comité Balladur, comme celui de la mission, n'avaient pas, à ce stade, mis en évidence des problèmes liés aux enchevêtrements en observant, par ailleurs, que les matières pour lesquelles plusieurs niveaux de collectivités intervenaient, tels le tourisme et le développement économique, ne constituaient pas des compétences exclusives des collectivités territoriales. Il a rappelé à cet égard qu'il était normal que le département prenne à sa charge la mise en oeuvre de campagnes touristiques au niveau national tandis que la région s'occupait du niveau international.
M. Philippe Adnot a estimé que le véritable chef de file était la collectivité qui se saisissait d'une problématique. Citant le développement économique, il a expliqué que c'était le conseil général de l'Aube qui prenait souvent la responsabilité d'étudier le dossier de demande d'aide de certaines entreprises et de solliciter les partenaires comme l'Etat et la région pour un tour de table. Il a déclaré que la région ne pouvait être la seule à s'occuper de développement économique compte tenu, en particulier, du risque qu'une telle « recentralisation » ne profite surtout au département qui accueille le siège de la capitale régionale. Il a remarqué que la région Champagne-Ardenne n'avait pas soutenu le projet de développement d'une université en dehors de Reims, que seule la possibilité d'organiser des financements croisés avait rendu possible. Il a considéré que la remise en cause du millefeuille administratif aurait surtout pour conséquence de remplacer des élus par des fonctionnaires et d'augmenter ainsi les coûts de gestion. Il a regretté que les incitations financières au développement de l'intercommunalité, dont il a estimé le coût à 2 milliards d'euros, reviennent à subventionner la coopération entre communes et à augmenter les charges de fonctionnement.
Répondant à M. Yves Krattinger, rapporteur, M. Philippe Adnot a précisé qu'il n'était pas hostile à l'intercommunalité mais qu'il considérait qu'elle devait permettre de faire baisser les coûts. Il a déploré que le régime financier actuel de l'intercommunalité n'incite pas à rationaliser la programmation des équipements structurants.
Il a souscrit à l'analyse du rapporteur selon laquelle les départements étaient meilleurs gestionnaires que l'Etat, mais a souhaité que les collectivités, comme les communautés, adoptent de manière plus systématique des critères de gestion précis et définissent, par exemple, des taux minimum et maximum d'imposition.
Il a estimé qu'il était indispensable de préserver un lien direct entre les dépenses publiques et leurs bénéficiaires et s'est donc déclaré hostile à l'idée de n'attribuer que deux impôts à chaque niveau de collectivité en observant que cela ne permettait pas d'atteindre toutes les catégories d'administrés. Il a regretté en particulier que la mission envisage de réserver l'impôt local économique aux seules régions et intercommunalités en observant qu'une telle évolution était de nature à remettre en cause l'action des départements en faveur des entreprises, comme par exemple les aménagements de routes ayant pour objectif de les rendre praticables par tout temps pour les camions de marchandises. Il a considéré qu'il n'y avait pas de difficulté à ce qu'une multiplicité de collectivités puisse bénéficier du produit de chaque impôt local en observant que la feuille d'imposition locale était parfaitement lisible. Il a souhaité, à cet égard, le rétablissement de la vignette automobile.
Il a relevé, en réponse à M. Yves Krattinger, rapporteur, que les exonérations mises en place par l'Etat concernant certains impôts locaux et leur compensation avaient eu pour conséquence de fragiliser le système français de finances locales. Il a observé que la suppression de la taxe foncière sur le non bâti avait constitué une aubaine pour certaines terres viticoles et a considéré que la suppression de la taxe professionnelle n'était pas envisageable sans son remplacement par un nouvel impôt économique.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a rappelé que de nombreuses intercommunalités fonctionnaient bien alors que, a contrario, il existait des conseils généraux très dépensiers. Elle a souhaité qu'on ne jette pas l'anathème sur une strate territoriale en particulier.
En réponse à une question de Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, sur les conseillers territoriaux, M. Philippe Adnot s'est déclaré opposé au rapprochement entre départements et régions en estimant que la force du département résidait dans l'enracinement de ses élus. Interrogé par M. Bruno Retailleau sur le maintien du scrutin uninominal en milieu rural, il s'y est déclaré favorable ainsi qu'au recours à la représentation proportionnelle en milieu urbain.
M. Pierre Yves Collombat, vice-président, a considéré que le développement des intercommunalités se traduisait par une augmentation des dépenses qui correspondait le plus souvent à la mise en oeuvre de projets que les communes membres n'avaient pas les moyens de conduire seules. Il a insisté sur la nécessité de recourir avec précaution au principe de subsidiarité en estimant qu'il n'était pas souhaitable que le département se limite au financement des grands projets de niveau départemental, mais qu'il lui revenait également d'apporter son aide à des projets plus modestes notamment dans le champ associatif. M. Philippe Adnot a déclaré qu'il revenait au département d'assurer la solidarité entre communes riches et pauvres à travers l'utilisation du produit de la taxe professionnelle.
M. Rémy Pointereau, vice-président, a souscrit à la nécessité de mieux évaluer les coûts de gestion des collectivités mais s'est déclaré, rejoint sur ce point par M. Claude Bérit-Débat, en désaccord avec l'estimation du coût de l'intercommunalité faite par M. Philippe Adnot, considérant que les projets mis en oeuvre par les intercommunalités étaient le plus souvent indispensables. Il s'est prononcé pour le projet de scrutin mixte pour élire les conseillers territoriaux, en estimant que leur existence serait de nature à permettre une meilleure cohérence entre les deux niveaux de collectivités. Il a regretté que la clause de compétence générale ait souvent pour conséquence d'obliger les départements à financer une multitude de projets de faible ampleur et a souhaité que soit reconnue la possibilité pour un niveau de collectivité de se substituer à un autre sur la base d'un constat de carence.
MM. Bruno Retailleau et Claude Bérit Débat ont l'un et l'autre défendu la clause de compétence générale, qui constitue une liberté essentielle dont la mise en oeuvre s'arrête là où commence la compétence exclusive d'une collectivité locale. Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a observé pour sa part qu'il ne fallait pas interdire aux collectivités d'agir.
M. Philippe Adnot a regretté que la mission préconise la suppression des syndicats à vocation unique en observant que certains étaient très utiles et que leur disparition pourrait constituer un recul. M. Pierre Yves Collombat lui a fait observer qu'il était surtout question de lancer un mouvement afin de permettre aux intercommunalités d'absorber à terme toutes les compétences déléguées par les communes.
M. Claude Belot, président, a annoncé l'intention de créer au sein de la mission deux groupes de travail, l'un relatif aux compétences, l'autre aux finances locales, afin d'approfondir ces deux aspects de la réforme des collectivités locales.
Mardi 31 mars 2009
Audition de M. Patrick Kanner, président de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS)
Sous la présidence de M. Claude Belot, président, la mission a procédé à l'audition de M. Patrick Kanner, président de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS).
M. Patrick Kanner a indiqué que l'union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS) rassemblait 3 600 centres communaux et intercommunaux d'action sociale, soit environ 5 200 communes de toute sensibilité politique, et 41 millions de citoyens. L'action de l'UNCCAS s'inscrit dans un contexte économique et social caractérisé par une importante crise économique et financière, mais également dans des perspectives démographiques préoccupantes. En effet, en 2050, un tiers de la population sera âgé de plus de soixante ans, situation qui aura un impact sur les politiques d'action sociale.
Il a observé que les centres communaux d'action sociale (CCAS) doivent également tenir compte des évolutions institutionnelles provoquées par la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques et de la réflexion en cours sur une nouvelle réforme de la décentralisation, ainsi que des conséquences de la mise en oeuvre du revenu de solidarité active (RSA) ou des agences régionales de santé (ARS).
Il a indiqué que l'ambition de l'UNCCAS est de développer un réseau de proximité auxquels les conseils généraux pourront avoir recours pour développer l'action sociale locale. Les CCAS présentent en effet de nombreux atouts : proximité, coordination des acteurs sociaux, réactivité, souplesse, expérimentation. Les CCAS entretiennent par ailleurs une relation privilégiée avec les usagers, puisque ces derniers sont représentés au sein des conseils d'administration des CCAS.
M. Patrick Kanner a indiqué que l'UNCCAS a défini plusieurs axes de travail pour les années à venir. Elle souhaite un renforcement du processus de décentralisation, une clarification du rôle stratégique de l'Etat, une amélioration de la péréquation financière, un meilleur maillage territorial avec des regroupements organisés sur la base du volontariat, la formation et la valorisation des acteurs.
M. Yves Krattinger, rapporteur, s'est interrogé sur les mécanismes indispensables à la promotion d'une action sociale intercommunale ainsi que sur les moyens de renforcer la professionnalisation des acteurs. Il a ensuite voulu connaître les modalités d'articulation de l'action sociale intercommunale avec l'action sociale légale dispensée par les conseils généraux.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, s'est interrogée sur les moyens susceptibles de permettre une évaluation des interventions menées par les centres intercommunaux d'action sociale pour le compte des départements.
M. Patrick Kanner a indiqué que le développement des centres intercommunaux d'action sociale (CIAS) est freiné par le fait que les maires souhaitent conserver un lien de proximité avec la population de leur commune. Mais, il a admis que cette recherche de la proximité peut nuire à l'efficacité de l'action publique. La création d'un équipement lourd, pour prendre cet exemple, nécessite l'intervention du niveau intercommunal et le soutien financier du département.
Il a rappelé que dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, ces dernières peuvent choisir de créer un CIAS sans supprimer les CCAS.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a observé que cette solution avait pour effet de créer une structure administrative supplémentaire.
M. Jean-François Voguet a souligné le décalage existant entre les politiques sociales menées par les différents niveaux de collectivités territoriales. Il a estimé que les CCAS répondaient à des demandes ne relevant pas de la compétence des conseils généraux, et que le recours à la clause générale de compétence permettait aux communes de répondre à des besoins nouveaux non pris en charge par ailleurs.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a souligné que les CIAS pouvaient modeler leur organisation interne afin de maintenir des référents de proximité. Elle a estimé que l'échelon intercommunal favorisait la mise en oeuvre de nouveaux services en direction de la population, notamment dans les EPCI regroupant des petites communes.
M. Patrick Kanner a indiqué que la création d'un CIAS permettait de renforcer la professionnalisation des intervenants, de mutualiser les moyens et de constituer un interlocuteur reconnu et identifié par le monde associatif.
M. Jacques Mézard a souligné qu'au sein d'un même établissement de coopération intercommunale (EPCI), les CCAS pouvaient offrir des services différents aux populations. Il a estimé que cette situation n'était pas satisfaisante et constituait un point clé de la future réforme des collectivités territoriales, dont un des objectifs doit être de répondre aux besoins de ceux qui rencontrent le plus de difficultés.
M. Patrick Kanner a reconnu le rôle de chef de file du département en matière d'action sociale, son action devant néanmoins s'appuyer, selon lui, sur un maillage territorial aussi fin que possible. La collaboration entre les CCAS et les conseils généraux peut être organisée à travers des conventions d'objectifs et de moyens, sans confusion des rôles entre les différents intervenants. Il a estimé que la création d'unions départementales des CCAS favoriserait la signature des conventions d'objectifs et de gestion (COG) et que des délégations de pouvoirs étaient envisageables entre le département et les intervenants de proximité.
M. Claude Belot, président, a rappelé la nécessité de conserver une action de proximité qui favorise l'immédiateté de la réponse. Il a observé que les moyens financiers dont disposait le département en faisaient un acteur incontournable en matière d'action sociale. Les acteurs locaux doivent donc tenir compte de cette double contrainte et définir les modalités d'une meilleure articulation de leurs interventions respectives.
M. Patrick Kanner a considéré que les départements devaient associer les CCAS à leur action, deux exemples pouvant illustrer cette nécessité. Tout d'abord, les CCAS savent bâtir des diagnostics de l'état social de la population susceptibles de contribuer à optimiser l'intervention des conseils généraux, ensuite la mise en oeuvre des nouveaux dispositifs tels que le RSA ne peut aboutir qu'avec l'intervention des CCAS, les conseils généraux et les caisses d'allocation familiale ne disposant pas de moyens suffisants pour faire face au traitement des demandes.
Il a estimé que les présidents de conseil général devaient accepter de développer des partenariats avec les communes dans le domaine de l'action sociale.
M. Claude Belot, président, s'est interrogé sur les modalités de coopération susceptibles d'être mises en oeuvre en matière sociale entre les départements et les métropoles, telles que les envisage le comité Balladur.
M. Jean-François Voguet a relevé que l'État conservait des responsabilités importantes dans le domaine social, notamment afin de maintenir le principe d'égalité.
M. Patrick Kanner a rappelé que l'État était le garant de beaucoup de politiques sociales mises en oeuvre par d'autres opérateurs que ses services, en particulier les départements. Il a insisté sur la capacité des collectivités territoriales à apporter des réponses différenciées en fonction des territoires et à ne pas se limiter à l'approche légale et réglementaire. A titre d'exemple, il a évoqué le cas d'un CCAS qui avait mis en oeuvre un équipement d'accueil pour les personnes âgées ayant à leur charge des enfants handicapés.
M. Pierre-Yves Collombat a souligné la mauvaise articulation des interventions des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, notamment les caisses d'allocations familiales en matière de petite enfance.
M. Patrick Kanner a rappelé qu'historiquement les organismes de sécurité sociale avaient porté leurs propres politiques au niveau local. Il a estimé qu'une clarification des interventions était maintenant indispensable, car les caisses d'allocations familiales ne partagent pas la même vision de l'action locale que les CCAS et les conseils généraux.
Il a en outre observé que la représentativité des agents de direction des caisses de sécurité sociale n'était pas de même nature que celles des élus locaux, ces derniers ayant une réelle légitimité pour mener l'action locale.
Mercredi 1 er avril 2009
Audition de M. Bertrand Delanoë, maire de Paris
Sous la présidence de M. Claude Belot, président, la mission a procédé, tout d'abord, à l'audition de M. Bertrand Delanoë, maire de Paris.
A titre liminaire, M. Bertrand Delanoë a souhaité rappeler plusieurs éléments historiques. Il a fait valoir que l'institution de Paris comme collectivité territoriale de plein exercice était récente, ce qui a rendu nécessaires des modifications notables dans les relations que l'Etat entretenait avec elle et permis l'invention d'un partenariat efficace. En revanche, il a remarqué que les rapports établis entre Paris et sa périphérie ont trop longtemps été marqués par une certaine méfiance voire une certaine ignorance réciproque.
Il a souligné que, en tant que maire de Paris, il avait souhaité créer une dynamique de partenariat et de dialogue autour de projets majeurs et que la conférence métropolitaine dans un premier temps puis le syndicat mixte « Paris-Métropole », auquel prennent part la région, les départements et de nombreuses communes et intercommunalités franciliennes, répondaient à cette logique.
Se déclarant convaincu de la nécessité de poursuivre l'évolution en cours, M. Bertrand Delanoë a estimé nécessaire de tenir compte des réalités locales. A cet égard, il a notamment souligné le fait que l'agglomération parisienne, dont l'organisation aux plans territorial, humain et économique est particulièrement complexe, ne pouvait être réduite aux seuls départements issus de l'ancienne Seine, et qu'il convenait de tenir compte de plusieurs zones de développement comme le plateau de Saclay ou les zones aéroportuaires. De la même manière, il a considéré qu'il n'était pas possible de se limiter à la seule zone dense, qui compte 8 millions d'habitants quand la région francilienne en compte près de 12 millions, et il a rappelé que, prenant en compte les craintes parfois exprimées par les départements de la grande couronne d'être exclus de la dynamique engagée dans l'aire métropolitaine, il les avait associés au développement et au pilotage de la zone dense parisienne.
Dénonçant tout à la fois le conservatisme qui fige les situations et celui qui consiste à plaquer des logiques étrangères sur les réalités locales, il s'est déclaré opposé au projet défendu par le comité présidé par M. Edouard Balladur, qui consisterait à réunir en une seule collectivité les quatre départements de la zone dense, jugeant qu'un tel projet excluait sans pertinence les autres territoires et qu'il ne répondait à aucune nécessité au regard des compétences sociales des départements. En revanche, il a considéré qu'il était nécessaire de promouvoir une convergence pragmatique des actions des collectivités territoriales sur les enjeux stratégiques que sont l'urbanisme et le logement, le transport et l'attractivité économique du territoire. Paris-Métropole constituerait alors le lieu de pilotage et de gouvernance de l'agglomération parisienne, les projets engagés étant suivis par des agences ad hoc, dont la dimension serait adaptée aux bassins de vie intéressés.
Par ailleurs, M. Bertrand Delanoë a estimé que la question de la solidarité financière au sein de l'agglomération devait être posée. Relevant que le fonds de solidarité pour l'Ile-de-France était d'un montant insuffisant, en dépit de l'importante contribution versée par Paris, il a jugé nécessaire de renforcer ces mécanismes de solidarité, même si cela représente un coût supplémentaire pour les collectivités les plus riches.
Appelant à inventer des solutions originales, en s'inspirant notamment des exemples étrangers, que ce soit celui du Grand Londres ou celui des métropoles allemandes, M. Bertrand Delanoë s'est félicité de la réflexion et du travail en cours sur ces questions, qui doivent cependant se poursuivre.
En réponse à M. Yves Krattinger, rapporteur, qui l'interrogeait sur les compétences dont il estimait qu'elles devraient être prises en charge au niveau de « Paris-Métropole », M. Bertrand Delanoë a indiqué qu'il fallait avant tout adopter une approche pragmatique et ne rechercher de synergies que sur la base du volontariat ou pour garantir une plus grande efficacité. Ainsi, le transport, comme le logement ou l'attractivité économique relèvent naturellement du niveau de « Paris-Métropole », à la condition que l'ensemble de la région y soit associé. En revanche, s'agissant de l'eau, il a émis des doutes sur la pertinence d'une recentralisation alors que les structures actuelles fonctionnent correctement.
M. Claude Belot, président, l'ayant interrogé sur la part que prenait l'Etat dans les transports franciliens, M. Bertrand Delanoë a regretté que ce dernier n'intervienne plus suffisamment sur le plan financier, et a appelé de ses voeux le développement d'une logique partenariale, en particulier avec la RATP et la SNCF.
En réponse à Mme Jacqueline Gourault qui a souhaité connaître son avis sur l'extension à Paris et à sa périphérie du statut de métropole qui serait éventuellement appliqué à cinq ou six grandes agglomérations françaises, selon une logique proche de celle qui a prévalu pour le développement de l'intercommunalité, M. Bertrand Delanoë a estimé que la région métropole devait avoir un statut original en raison de ses spécificités, comme, par exemple, l'absence de continuité de son territoire, et des problématiques particulières qu'elle rencontrait.
A M. Pierre-Yves Collombat, premier vice-président, qui l'interrogeait, d'une part, sur ce que l'on pouvait attendre du volontariat s'agissant du partage entre collectivités riches et pauvres au sein des intercommunalités et, d'autre part, sur l'articulation à opérer entre Paris-Métropole et les agences ad hoc, le maire de Paris a apporté les éléments de réponse suivants :
- le volontariat ne suffisant pas pour assurer la solidarité financière, il souhaitait, à cette fin, l'intervention de l'Etat ;
- les élus locaux devaient être plus respectés : certaines intercommunalités ayant adhéré à Paris-Métropole fonctionnaient efficacement ;
- un comité de partenaires associant les acteurs économiques, les syndicats et présidé par le président de la chambre de commerce et d'industrie de Paris avait été créé ;
- la gouvernance des agences devrait rester de la compétence des élus locaux qui ont créé les statuts de Paris-Métropole ;
- l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) travaillait, à leur demande, pour toutes les communes de l'agglomération parisienne qui le souhaitaient ;
- la réforme des collectivités territoriales serait peut-être un moyen d'introduire souplesse et innovation ;
- des projets étaient déjà élaborés dont certains ne concernaient ni n'intéressaient tout le monde ;
- la création d'agences était une solution efficace et économique.
M. Philippe Dallier a interrogé M. Bertrand Delanoë sur le choix de l'outil de gouvernance de la métropole : soit une collectivité locale sur un périmètre déterminé, dotée de compétences, d'un budget et gérée par des élus désignés sur un programme, soit, ce qui est le cas aujourd'hui, un syndicat mixte constituant un lieu d'échanges. Il a douté que ce dernier puisse devenir un lieu de gouvernance.
Il a observé que ce syndicat recouvrait un périmètre très vaste, réunissant 8 millions d'habitants, alors que le périmètre qu'il proposait, qualifié par ses adversaires de « mastodonte impuissant » ne rassemblait pourtant que 6 millions d'habitants. Il a souhaité que le maire de Paris précise si le syndicat constituait une étape préalable à la mise en place d'une collectivité territoriale ou s'il resterait un outil d'un type nouveau.
Il a considéré qu'en l'absence de décision sur le devenir de Paris, les intercommunalités constituées de quatre ou cinq communes préservant leur fiscalité, se multiplieraient dans toute l'Ile-de-France, et il s'est interrogé sur la pertinence du partage qui serait opéré, craignant que l'on ne bloque ainsi le système pour trente ans. Il s'est en particulier interrogé sur le traitement du dossier de l'urbanisme si les permis de construire demeuraient de la compétence des communes.
Il a rappelé que sa proposition de création d'un Grand Paris permettrait d'assurer la cohésion sociale de l'ensemble.
En réponse, M. Bertrand Delanoë a rappelé, en premier lieu, qu'il souhaitait l'intervention de l'Etat en matière de solidarité financière, puis que la gouvernance commune de Paris-Métropole devait se consacrer à des impératifs stratégiques. Il a rappelé que, pour lui, la seconde étape de ce dispositif résidait dans la délégation de compétences assortie d'instruments de gouvernance.
Le maire de Paris a affirmé que Paris-Métropole était en état de développer la cohésion territoriale et donc sociale et que la création du sentiment d'appartenance serait fonction du contenu, du sens et de la performance établis.
M. Claude Belot, président, a noté la volonté des parties de faire évoluer la situation.
Mme Josette Durrieu a interrogé le maire de Paris, successivement, sur le projet de création de métropoles, sur les enseignements tirés de la gestion de deux niveaux de collectivités territoriales à Paris, commune et département, et sur la solidarité financière dans la capitale.
Après avoir évoqué la contribution parisienne au fonds de solidarité pour l'Ile-de-France, le maire de Paris a exprimé sa disponibilité à construire des projets pour les collectivités voisines.
Abordant la question du double niveau de collectivité, il a souligné l'existence d'une spécificité de la compétence départementale, concluant à la non-confusion des compétences respectives des deux niveaux. Il a remarqué que, à son initiative, les pouvoirs des maires d'arrondissement de Paris avaient été considérablement accrus avec une nouvelle extension prévue au mois de juin prochain. En revanche, il a estimé que le droit de veto constituait la limite et ne pouvait pas être accordé aux maires d'arrondissement.
Il a ajouté que s'il avait largement augmenté les budgets d'investissements des mairies d'arrondissement, celles-ci ne levaient pas l'impôt.
M. Jean-François Voguet a remarqué que l'histoire commune de Paris et de la banlieue s'était considérablement améliorée au cours des dernières années par le dialogue et la mise en oeuvre de projets communs.
Il a considéré que la coopération ne pouvait s'établir que sur la base de la liberté et du consensus, notant que le projet de Paris-Métropole, fondé sur l'intelligence, était la seule solution possible.
M. Bertrand Delanoë a tout d'abord précisé qu'il s'opposait à toute destruction brutale des dynamiques partagées dont il a souligné les résultats. Il a insisté ensuite sur les partenariats mis en oeuvre, observant que le consensus ne devait pas être l'immobilisme mais la conduite commune de projets.
M. Edmond Hervé a abondé en ce sens, appelant à la constitution d'espaces de consensus à terme. Il s'est déclaré fondamentalement opposé à l'édiction d'un même schéma institutionnel pour toutes les métropoles dont la création est envisagée, Paris présentant un cas exceptionnel. Il a souligné l'avance des régions, en matière de coopération, pour des raisons historiques. Il a approuvé la proposition de création d'agences formulée par le maire de Paris qui lui apparaissait démocratique. Pour lui, il était important de retenir la notion de territoires spécialisés selon l'agence compétente. Il a conclu son propos sur l'intervention indispensable de la loi pour imposer la solidarité financière.
M. Bertrand Delanoë a manifesté son plein accord avec ces propos, l'intervention de la loi créant, selon lui, cohésion sociale et sentiment d'appartenance.
Puis, en réponse à M. Jacques Mézard qui l'interrogeait sur la formation des deux assemblées locales parisiennes par les mêmes élus, le maire de Paris a mis en avant le bon fonctionnement de ce dispositif au travers d'optimisation et de synergies, y compris dans l'administration. Il a indiqué que la contrepartie résidait dans la décentralisation interne.
&&Audition de M. Jean-Paul Huchon,
président du conseil
régional
d'Île-de-France&&
La mission a ensuite auditionné M. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Île-de-France.
M. Claude Belot, président, a souligné en préambule la spécificité du cas de l'Île-de-France parmi les régions françaises, en raison de son poids démographique et du rôle de « ville-monde » joué par Paris.
M. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Île-de-France, s'est d'abord présenté comme un régionaliste convaincu, habitué à travailler avec les départements, les communes et leurs groupements. Il a approuvé le souci de réalisme de la mission temporaire du Sénat ainsi que l'accent mis dans son rapport d'étape sur la volonté de réforme et sur la recherche d'un consensus. Il a indiqué que, s'agissant des conclusions du comité présidé par M. Édouard Balladur, les élus avaient au contraire manifesté leurs vives réticences lors de la conférence nationale des exécutifs organisée par le Premier ministre la semaine précédente.
M. Jean-Paul Huchon a consacré la première partie de son exposé au rôle de l'État, principal responsable selon lui du manque de lisibilité de l'action publique, les personnels de l'administration centrale et déconcentrée n'ayant pas toujours été transférés aux collectivités en même temps que les compétences. Il a pris l'exemple des fonctionnaires de certaines directions du ministère de l'éducation nationale dont il a indiqué avoir demandé en vain le rattachement aux services de la région, et de la compétence de développement économique que l'administration d'État continue d'exercer malgré le rôle reconnu à la région dans ce domaine. Il s'est également demandé pourquoi les aides de l'Union européenne étaient instruites en parallèle dans deux administrations différentes.
En second lieu, M. Jean-Paul Huchon a jugé sans fondement les critiques portant sur des supposés doublons entre les actions des régions et celles des départements. Il a fait valoir que, dans la région Île-de-France, moins de 5 % du budget portait sur des actions menées en commun avec les départements au moyen de financements croisés et qu'il ne s'agissait jamais de recoupements ni de dédoublements, mais d'une addition de forces.
M. Jean-Paul Huchon a déclaré soutenir une grande partie des préconisations formulées par la mission temporaire dans son rapport d'étape. Il a plaidé pour que la région Île-de-France soit traitée comme les autres, qu'il s'agisse de ses droits ou des obligations, tout en lui reconnaissant un devoir spécifique de solidarité avec les autres régions en raison de son importance démographique et économique. Il a notamment approuvé les considérations de la mission relatives à la responsabilité de l'État dans la constitution d'un « millefeuille » administratif, à l'émergence du fait urbain, à la nécessité de clarifier les compétences des collectivités et à l'impératif d'une réforme de la fiscalité et des finances locales.
Très fortement opposé à la fusion des modes de scrutin départemental et régional, M. Jean-Paul Huchon a plaidé pour le maintien du mode de scrutin régional actuel, faisant valoir qu'il favorisait l'émergence d'une majorité, qu'il donnait un espace d'expression à l'opposition et qu'il permettait d'atteindre l'objectif de parité voire, si les partis politiques en avaient la volonté, de diversité. Il a craint que, dans le cas où un conseil unique réunirait les actuelles assemblées départementales et régionale, des débats portant aujourd'hui sur les thèmes stratégiques d'aménagement du territoire et de développement économique ne soient réduits à des questions de niveau cantonal.
M. Jean-Paul Huchon a ensuite insisté sur la nécessité de prendre en compte les réalités de l'agglomération parisienne telles que confirmées par les experts. Celle-ci ne se limite en effet pas aux quatre départements de Paris et de la petite couronne, mais inclut les villes nouvelles ou encore les vallées de la Seine, un tel périmètre étant nécessaire pour mener les politiques de développement durable, de transports en commun, de développement économique et d'emploi. S'opposant aux critiques qui déplorent une insuffisance de la coopération entre les collectivités territoriales d'Île-de-France, il a au contraire affirmé l'utilité de l'intercommunalité en petite couronne : 50 % des communes sont couvertes par un établissement public de coopération intercommunale et certaines de ces structures se regroupent actuellement dans des ensembles plus vastes ou coopèrent entre elles, selon le scénario dit de la « marguerite ». S'agissant des départements, il a indiqué que la région avait conclu des contrats avec chacun d'entre eux pour un montant de deux cents millions d'euros, pour des projets portant principalement sur les transports publics.
Abordant les politiques sectorielles, M. Jean-Paul Huchon a mis l'accent sur le rôle de l'agence mise en place par la région pour le développement économique avec l'appui des départements et des organismes consulaires, du syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) dont les décisions sont prises à l'unanimité depuis trois ans, et de l'établissement public foncier régional qui n'a toutefois pas pu recueillir l'appui de tous les départements. Concluant sa présentation de la situation actuelle de la métropole parisienne, il a estimé que les éléments de coopération entre les collectivités devaient être valorisés.
Évoquant ensuite les perspectives d'évolution, M. Jean-Paul Huchon a observé qu'il n'existait pas de solution miracle pour gérer la nécessaire complexité des métropoles mondiales. Il a dégagé cependant trois pistes possibles de réforme :
- une stratégie coopérative : celle-ci consisterait à achever la carte de l'intercommunalité en petite couronne, à clarifier la répartition des compétences et à réformer la fiscalité et les finances locales. L'État devrait transférer aux collectivités les compétences de proximité comme de stratégie, en conservant les fonctions régaliennes ainsi que la responsabilité de la péréquation. Cette stratégie apporterait son appui aux outils de coopération mis en place par les collectivités en leur attribuant éventuellement un pouvoir réglementaire. Les régions pourraient prendre en charge la formation, l'éducation, les universités et la recherche tout en abandonnant leurs compétences en matière sociale ;
- une stratégie plus avancée de clarification : il s'agirait de distinguer les fonctions métropolitaines des fonctions locales, la même collectivité ne pouvant traiter à la fois les questions de stratégie et celles qui requièrent une approche de proximité. Les compétences d'intérêt métropolitain reviendraient dans ce scénario à la région et celles d'intérêt local à une structure intercommunale, qui pourrait être une communauté urbaine ou une confédération d'intercommunalités mais sur un périmètre limité ;
- une stratégie d'innovation, évoquée à titre personnel et prospectif, par laquelle un Grand Paris serait pourvu, au niveau de la région d'Île-de-France, d'une assemblée panachant une représentation issue d'un scrutin de liste et une représentation significative des intercommunalités et des conseils généraux. Ce scénario demanderait par ailleurs une structuration du territoire en intercommunalités de grande taille.
M. Jean-Paul Huchon a enfin apporté son soutien au syndicat Paris Métropole. Prenant l'exemple du projet Arc Express, il a expliqué que la méthode de la délibération entre les collectivités au sein d'un syndicat permettait de faire naître et grandir des idées jusqu'au moment de leur mise en oeuvre. Il a également approuvé la constitution d'un syndicat pour le traitement des questions relatives au logement, concluant son exposé en proposant de confier à des agences la mise en oeuvre des décisions prises par consensus dans le cadre de Paris Métropole.
En réponse à M. Yves Krattinger, rapporteur, M. Jean-Paul Huchon a précisé qu'il n'envisageait pas la création d'un « Sénat d'Île-de-France », mais bien de faire siéger au sein d'une assemblée unique les conseillers régionaux, ainsi que des représentants des intercommunalités et des départements. Interrogé sur la capacité du syndicat mixte Paris Métropole à préparer l'action puis à la mettre en oeuvre, il a expliqué qu'il manquait en Île-de-France un lieu d'expression et de consensus et a évoqué l'exemple du STIF, qui permet d'assurer l'équité entre Paris, la petite couronne et la grande couronne, tout en représentant l'ensemble des collectivités, ainsi que l'exemple de l'établissement public foncier régional qui a réussi de manière consensuelle à lancer la construction de 8 000 logements, ainsi que l'acquisition de 500 000 m² de bureaux.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a déclaré suivre le raisonnement de M. Jean-Paul Huchon, consistant à privilégier une clarification des compétences par rapport à un débat sur l'évolution de la clause de compétence générale. Elle a partagé son opposition au mode de scrutin proposé par le Comité Balladur pour l'élection des conseillers territoriaux. Elle a observé néanmoins que la proposition du président de la région Île-de-France consistant à faire siéger des représentants des intercommunalités et des départements au Conseil régional revenait sous une autre forme à créer des conseillers territoriaux. M. Jean-Paul Huchon a reconnu la ressemblance entre les deux projets mais a expliqué qu'ils étaient de nature différente puisque le sien ne remettait pas en cause la spécificité de chaque mandat local, mais visait seulement à permettre la prise en commun des décisions stratégiques.
M. Philippe Dallier, après avoir observé que le président de la région Île-de-France privilégiait le recours à des statuts de droit commun, s'est interrogé sur la structure Paris Métropole qui créait un niveau supplémentaire devant constituer un outil de gouvernance selon les déclarations du maire de Paris. Il s'est étonné qu'un syndicat réunissant près de huit millions d'habitants soit défendu par ceux qui critiquent le gigantisme d'un Grand Paris constitué de seulement six millions d'habitants. Il a affirmé que, le territoire français étant divers, il convenait de choisir des solutions adaptées à chaque situation et donc, d'envisager un statut particulier pour l'agglomération en Île-de-France. Il a dénoncé les modalités de recours à l'intercommunalité dans la petite couronne parisienne, considérant qu'elles privilégiaient des critères politiques par rapport à des considérations géographiques comme les bassins de vie. Il a regretté le fait que le président de la région ne tire pas les conséquences de l'émergence du fait métropolitain qu'il reconnaissait par ailleurs. Il a estimé qu'il était indispensable de renforcer la cohésion sociale dans l'agglomération, laquelle avait été fragilisée par la réforme de 1964 qui avait supprimé le département de la Seine. Il a expliqué qu'il était nécessaire qu'un acteur puisse prendre en charge la solidarité sur le territoire de l'agglomération et a déclaré qu'il était favorable aux politiques partenariales, notamment entre la région et le futur Grand Paris. Il a dénoncé le fait que le développement de l'intercommunalité était motivé par le souci d'échapper, au moins partiellement, à la contribution au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF).
M. Jean-Paul Huchon a réaffirmé sa conviction que la région constituait le niveau métropolitain. Il a expliqué qu'il avait appris à travailler avec chacun des départements, lesquels avaient tous une population supérieure à un million d'habitants et un budget supérieur à un milliard d'euros. Il s'est déclaré défavorable à leur suppression et a insisté sur la nécessité d'accepter la complexité des réalités en Ile-de-France. Il s'est interrogé sur l'objectif final des projets de simplification en estimant qu'ils visaient à diminuer les dépenses des collectivités et la qualité des services. Il a estimé que le renforcement de la cohésion sociale n'avait pas besoin d'une réforme institutionnelle, mais reposait d'abord sur l'application de la loi SRU et sur l'augmentation du FSRIF. Pour celui-ci, il s'est déclaré favorable à ce que les exemptions dont bénéficient les intercommunalités soient supprimées. Il a indiqué que le maire de Paris n'était pas favorable à la création de structures de gouvernance supplémentaires et qu'il existait des partenariats entre la capitale et la région, notamment sur le financement de nouveaux projets de tramway qui ne pouvaient être remis en cause. Il a estimé que le terme de gouvernance devait être compris dans son sens générique.
M. Charles Guené a évoqué ses réticences face à l'idée qu'il faudrait recourir à un statut de droit commun pour organiser l'Île-de-France en considérant qu'il était incompréhensible que l'on n'arrive pas à dépasser le niveau départemental dans cette métropole, ce qui signifiait, selon lui, une incapacité des démarches intercommunales à répondre à la situation. Il a déclaré ne pas avoir d'objection à ce que la région soit également le niveau de la métropole, mais a estimé que la gouvernance de l'agglomération, telle qu'elle avait été évoquée, lui apparaissait insuffisante. Il a fait part de son inquiétude face à la défiance manifestée par le président de la région vis-à-vis de l'État.
M. Jean-Paul Huchon a expliqué qu'il était désespéré par l'évolution de l'État, qui se retirait progressivement de toutes ses fonctions et critiquait dans le même temps les collectivités locales. Évoquant l'exemple de l'entretien des lycées, il a expliqué que la région y consacrait aujourd'hui plus d'un milliard d'euros par an, alors que l'État lui attribuait, pour exercer cette mission, l'équivalent des 350 millions de francs estimés lors du transfert de la compétence en 1986. Il a indiqué par ailleurs que l'État n'avait rien investi dans les transports franciliens depuis 1988, alors que l'effort des collectivités locales avait depuis été doublé pour s'élever aujourd'hui à 1,1 milliard d'euros. Il a estimé que dans les Etats fédéraux les ressources financières des collectivités locales étaient davantage garanties et a regretté le caractère fluctuant des dotations attribuées par l'État. Il a remarqué que sur un euro de dépense engagé par la région, seulement 28 centimes étaient financés par des ressources fiscales. Évoquant son plan de 18 milliards d'euros en faveur des transports en Île-de-France, il a expliqué qu'il faisait l'objet d'un partenariat avec les collectivités locales, ce qui expliquait le fait qu'il ne demandait pas la suppression des départements, qui jouaient un rôle de proximité et qui avaient une véritable identité.
M. Pierre-Yves Collombat a observé qu'en région parisienne le développement des structures de coopération intercommunale est moins développé que dans le reste du pays. A contrario, les relations entre conseil régional et départements semblent organisées de manière plus formelle.
Il s'est interrogé sur l'opportunité de revoir, dans l'attente d'une réforme globale, la composition du conseil économique et social régional d'Île-de-France afin d'intégrer dans sa composition les représentants des établissements publics de coopération intercommunale et des conseils généraux. Ces élus seraient ainsi associés aux débats sur l'avenir de la région et son développement économique, et les interventions du conseil régional et des conseils généraux pourraient être coordonnés plus aisément.
M. Jean-Paul Huchon a souligné le climat de coopération existant d'ores et déjà entre le CSER d'Île-de-France et le conseil régional et a estimé que la présence d'élus au sein du CSER aurait pour conséquence de modifier la nature des débats se déroulant au sein de cette assemblée. Il s'est déclaré favorable à la proposition d'un renforcement des dispositifs tels que la conférence des exécutifs régionaux. Par ailleurs afin de favoriser une meilleure association des acteurs économiques aux travaux du conseil régional, il a relevé que ces derniers étaient associés aux grands projets, notamment en matière de transports, et que le conseil régional était membre de la chambre de commerce et d'industrie d'Île-de-France.
M. Claude Belot, président, a voulu savoir si une intervention du législateur était nécessaire pour rendre obligatoire cette coopération entre conseil régional et conseils généraux.
Mme Catherine Tasca a estimé que le scénario coopératif imaginé par le président du conseil régional d'Île-de-France était séduisant et moderne. Toutefois, la recherche permanente d'un consensus entre les différents acteurs est de nature à affaiblir cette stratégie. Elle s'est donc interrogée sur les instruments qui seraient nécessaires pour rendre la coopération obligatoire
M. Jean-Paul Huchon a estimé que la reconnaissance du rôle de la région comme chef de file suppose une clarification de la répartition des compétences entre les différentes collectivités locales. Il a estimé que les régions devraient détenir des compétences en matière de formation, d'innovation, de recherche et d'enseignement supérieur. Il a rappelé à cette occasion que le conseil régional d'Île-de-France finance 50% du budget d'entretien des universités, en application du principe de compétence générale, dans la mesure où cette compétence n'a pas été transférée aux régions.
Il a estimé qu'a contrario les conseils régionaux devraient se dessaisir de certaines compétences et cesser d'intervenir dans certains domaines comme l'action sociale par exemple.
Mercredi 8 avril 2009
Audition de M. Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris
Sous la présidence de M. Claude Belot, président, la mission a procédé à l'audition de M. Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris.
Après avoir rappelé que le comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par M. Edouard Balladur, n'avait pas abordé la question du statut de la ville de Paris, M. Yves Pozzo di Borgo a expliqué que la loi du 31 décembre 1982 - dite loi PLM - avait constitué l'aboutissement de l'évolution du statut de la capitale marqué notamment par le rétablissement d'un maire de Paris en 1977. Il a estimé que le débat sur le Grand Paris devait s'accompagner d'une réflexion concernant une réorganisation des compétences communales entre les arrondissements et la ville de Paris, afin d'aboutir à une réforme de la loi PLM. Il a considéré en effet que le statut actuel des arrondissements parisiens en faisait des entités juridiques indéterminées et a évoqué deux pistes d'évolution : soit l'extension du statut des arrondissements aux communes avoisinantes, ce qui aurait pour conséquence de mettre en cause leur identité et de créer une ville de Paris plus difficile encore à gouverner, soit le renforcement des pouvoirs des maires et des conseils d'arrondissements pour les rapprocher de ceux des communes avoisinantes. Il a fait part de sa préférence pour cette dernière solution en observant que la réforme de 2001 engagée par le maire de Paris avait déjà permis de transférer aux maires d'arrondissements la gestion des équipements de proximité.
M. Yves Pozzo di Borgo a expliqué que le pouvoir décisionnaire des maires d'arrondissements se limitait aujourd'hui à l'implantation, à l'aménagement et à la gestion des équipements collectifs ce qui lui semblait insuffisant, de même que les faibles moyens budgétaires qui leur étaient accordés. Il a remarqué que la dotation accordée au XVe arrondissement s'élevait à 8 millions d'euros, alors que la ville de Bordeaux, qui dispose d'une population équivalente, bénéficie d'un budget de 378 millions d'euros, tandis que le XIXe arrondissement peut compter sur un budget de 12 millions d'euros alors que Le Havre, qui compte autant d'habitants, dispose d'un budget de 338 millions d'euros. Sans aller jusqu'à proposer de doter les arrondissements parisiens d'une fiscalité propre, il a estimé nécessaire d'augmenter sensiblement les dotations et les pouvoirs du conseil d'arrondissement en matière budgétaire, considérant qu'il n'était pas normal que le maire de Paris détienne tous les pouvoirs en la matière. Il a déclaré qu'un renforcement des pouvoirs des élus d'arrondissement permettrait de rendre plus homogène le fonctionnement du Grand Paris en réduisant l'effet « millefeuille » de l'empilement administratif.
M. Yves Pozzo di Borgo a présenté ensuite plusieurs propositions parmi lesquelles le renforcement du pouvoir décisionnaire des maires d'arrondissements en matière d'attribution des logements sociaux, en matière de voirie et en matière de gestion des sols. Il a préconisé une déconcentration des personnels des services de la ville au bénéfice des arrondissements ainsi qu'un rapprochement de leur statut de celui de la fonction publique territoriale. Evoquant la question des pouvoirs de police, il a rappelé qu'ils étaient dévolus à un préfet de police depuis l'arrêté du 12 messidor an VIII et a proposé que soit créée une police municipale placée sous l'autorité du maire de Paris, lequel pourrait déléguer certains de ses pouvoirs de police aux maires d'arrondissements.
M. Yves Pozzo di Borgo a apporté son soutien à la proposition de son collègue M. Philippe Dallier, reprise par le comité Balladur, de créer un Grand Paris sur le territoire de Paris et des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne en expliquant que l'empilement des structures administratives actuelles avait pour conséquence de réduire de plus d'un point le taux de croissance de l'agglomération comme l'avait expliqué M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale. A cet égard, il a relevé que, parmi les quatre ou cinq « villes-mondes » dont fait partie Paris, celle-ci était la seule à ne pas entraîner son environnement par des points de croissance supplémentaires. Il a observé, en outre, que de nombreux investissements étaient aujourd'hui réalisés en double par Paris et sa banlieue, notamment dans le domaine de la gestion de l'eau, ce qui constituait un facteur d'accroissement de la dépense publique. Il a considéré que le Grand Paris devrait exercer des compétences à la fois départementales et intercommunales, notamment en matière d'urbanisme, de transports, d'eau et de gestion des déchets. Il a estimé que le projet « Paris métropole » n'allait pas assez loin dans la mutualisation des moyens d'action.
Mercredi 29 avril 2009
Audition de MM. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, et Jean-Jack Queyranne, représentant le président de l'Association des régions de France
Sous la présidence de M. Claude Belot, président, la mission a procédé à l'audition de MM. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, et Jean-Jack Queyranne, représentant le président de l'Association des régions de France.
En réponse à une question de M. Claude Belot, président, concernant l'achèvement de la carte de l'intercommunalité et la taille des communautés, M. Jacques Pélissard a déclaré que l'Association des maires de France (AMF) proposait que la date limite soit fixée au 31 décembre 2011 pour que les communes isolées rejoignent une intercommunalité. Il a souhaité que durant ce délai soit rouverte la possibilité de remodeler les périmètres des intercommunalités à l'initiative du préfet, de la Commission départementale de Coopération Intercommunale (CDCI) ou des communes en observant que trop d'intercommunalités avaient un caractère défensif. Il a indiqué qu'il était favorable, à titre personnel, à ce que les délégués des conseils municipaux aux conseils des communautés soient désignés par fléchage lors des élections municipales, tout en soulignant que l'AMF était partagée sur ce sujet. Il a estimé qu'il n'y avait pas de taille optimale pour les différentes communautés et que celles-ci dépendaient de la nature de chaque territoire, de son histoire et des incitations qui pouvaient exister. Il a demandé que soit clarifiée la possibilité de mutualiser les services communaux et intercommunaux en soulignant qu'il existait des incertitudes liées à l'évolution du droit européen. Il a réaffirmé l'attachement de l'AMF aux démarches fondées sur le volontariat, en rappelant que le succès de la loi Chevènement de 1999 tenait aux dispositions incitatives qu'elle comportait.
Sur une question de M. Claude Belot, président, relative au statut des futures métropoles, M. Jacques Pélissard a indiqué qu'il convenait de reconnaître un nombre limité de grandes métropoles, autour de 5 à 7, et qu'il était important de préserver le caractère volontaire des coopérations, notamment si la reconnaissance du nouveau statut devait s'accompagner d'une remise en cause de la clause de compétence générale et du pouvoir fiscal des communes membres.
M. Jean-Jack Queyranne a estimé que les métropoles devaient se construire autour d'un noyau central constitué par la communauté urbaine auquel seraient associés des territoires partenaires, à l'exemple de Saint-Etienne et de la communauté des portes de l'Isère pour le Grand Lyon. Il a indiqué qu'il fallait permettre des coopérations « à la carte » et des expérimentations. Il a considéré qu'une intégration plus forte serait peut-être d'actualité d'ici 10 ou 20 ans mais qu'il était prématuré de décréter un périmètre dès maintenant. Il a évoqué le cas de certaines communes périphériques du Grand Lyon qui venaient de prendre position contre la perspective d'une intégration pour illustrer le caractère sensible du développement du fait métropolitain.
M. Claude Belot, président, s'est interrogé sur la nécessité pour la mission de formuler de fortes préconisations en observant qu'en l'absence de décisions, il risquait de ne pas y avoir de changements.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a évoqué la nécessité pour la mission de bien identifier les caractéristiques propres aux grandes métropoles, en observant que toutes les communautés urbaines revendiquaient d'être reconnues comme des métropoles, avec l'idée de pouvoir bénéficier du transfert de compétences des régions et des départements.
M. Claudy Lebreton a estimé que la création des métropoles aurait des conséquences pour les trois niveaux des collectivités territoriales et qu'il était par conséquent nécessaire de bien les définir, en tenant compte de leur caractère européen et de l'existence de grandes fonctions métropolitaines. Il s'est interrogé sur le fait de savoir si ces métropoles bénéficieraient d'un statut de collectivité territoriale ou d'un statut d'établissement public. Il a remarqué que les métropoles n'étaient pas caractérisées par l'exercice de compétences sociales et que c'était le département qui conservait la responsabilité d'assurer l'équilibre entre les territoires et les populations.
M. Claudy Lebreton a indiqué que les conseils généraux n'étaient pas hostiles aux délégations librement consenties par convention entre différents niveaux de collectivités.
Il a souligné la nécessité, pour celles-ci, de rationaliser la dépense publique, notamment par le biais de mutualisations. Il a regretté la suspicion manifestée par l'Etat envers les collectivités locales et exprimé le souhait d'un abandon de cet état d'esprit.
M. Jacques Pélissard s'est, d'une part, déclaré favorable à la conclusion de conventions de délégation de compétences entre collectivités et a, d'autre part, précisé que le seuil démographique de création d'une métropole devait être assez élevé.
M. Claude Belot, président, et M. Yves Krattinger, rapporteur, ont considéré qu'il convenait, à côté de critères démographiques, de prendre également en compte des critères fonctionnels.
M. Jean-Jack Queyranne a estimé que les métropoles n'avaient pas vocation à exercer sur leur territoire les compétences départementales et régionales et appelé à l'adoption de règles souples permettant des évolutions. S'appuyant sur l'exemple de l'agglomération lyonnaise, il a indiqué que la région était un gage d'équilibre et salué la conclusion de partenariats intégrant la délégation de compétences sur le noyau de la communauté urbaine.
Rejoint par le président de l'association des maires de France (AMF), il a précisé, en réponse à M. Claude Belot, président, que l'extension du périmètre métropolitain au-delà du territoire départemental n'impliquant pas une modification des limites des départements, ne constituait pas un problème.
En réponse à M. Claude Bérit-Débat qui l'interrogeait sur les moyens envisagés pour rationaliser la carte des intercommunalités, M. Jacques Pélissard a mentionné trois principes : le volontariat, des incitations fortes et l'élaboration par la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) -réformée- de propositions transmises au préfet pour décision.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a marqué son accord pour cette approche mais a insisté sur la fixation de critères pour guider les propositions des CDCI.
M. Jacques Pélissard a indiqué que l'Association des maires de France, lors de la dernière réunion de son bureau, s'était prononcée en ce sens.
M. Claude Belot, président, rappelant le caractère coopératif des intercommunalités, a considéré qu'il convenait de dépasser le principe du simple volontariat, soulignant l'existence de graves déséquilibres territoriaux.
M. Jacques Pélissard a déclaré adhérer à cette démarche.
Abordant la question des compétences des collectivités locales, le président Claude Belot a évoqué les interrogations soulevées par les activités d'intendance des régions qui, pour la mission sénatoriale, ont plutôt vocation à remplir des fonctions stratégiques.
Pour M. Jean-Jack Queyranne, il n'y a pas lieu de modifier l'attribution à la région, qu'il a jugé satisfaisante, de blocs de compétences comme celui qui réunit les lycées, la formation professionnelle, l'apprentissage au bénéfice des jeunes de 15 à 25 ans.
M. Claudy Lebreton a évoqué le constat établi par l'ADF qui distingue les collectivités locales relevant de la proximité -le département, la commune- de celles relevant de l'avenir, compétentes en matière de recherche notamment. Il a rattaché les collèges à la première catégorie et les lycées, comme l'enseignement supérieur, à la seconde catégorie. Il a conclu à la cohérence de la répartition des compétences dans ce domaine et souhaité le maintien des dispositifs satisfaisants, recommandant de réserver les ajustements à ce qui apparaît nécessaire, notamment pour supprimer les doublons.
Il s'est interrogé sur le choix, en matière de compétences, d'une réponse unique sur l'ensemble du territoire.
Pour M. Yves Krattinger, rapporteur, la réponse réside dans la délégation qui permet de sortir de l'uniformité.
Le président de l'ADF a approuvé ce choix qui peut être mis en oeuvre par le biais de conventions.
M. Jean-Jack Queyranne a considéré, pour sa part, que le transfert éventuel aux départements de la compétence en matière de lycées sortirait les régions de la logique constituée par la formation professionnelle et l'apprentissage.
En réponse à l'hypothèse avancée par M. Claude Belot, président, de l'institution d'une compétence régionale dans le secteur de l'enseignement supérieur, le président de la région Rhône-Alpes, après avoir rappelé le principe d'autonomie des universités, a constaté une certaine cohérence, et considéré que le fléchage des régions comme partenaires de l'enseignement supérieur était une bonne chose.
M. Philippe Leroy a évoqué le soutien apporté par des départements aux universités implantées sur leur territoire. Approuvant la compétence régionale en matière d'enseignement supérieur, il a considéré qu'il fallait éviter d'interdire toute intervention aux départements.
Pour le président de l'AMF, il faut un chef de file.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a soumis au débat la question du transfert aux régions, à titre expérimental, de l'insertion professionnelle des personnes en grande difficulté.
Le président de l'ADF a affirmé que l'essentiel résidait, aujourd'hui, dans la gouvernance, s'appuyant sur l'exemple du RSA (revenu de solidarité active) pour lequel le département, détenteur de la responsabilité politique en la matière, ne peut rien sans ses partenaires.
Il a considéré que devait être renforcé le domaine conventionnel.
Il a, par ailleurs, souligné que l'insertion avait aussi une dimension économique relevant de la région et que cette dernière était, sur ce point, concurrencée par les communautés urbaines.
Après avoir précisé que l'action de formation professionnelle associée au revenu minimum d'insertion (RMI) pourrait être prise en charge par la région, M. Jean-Jacques Queyranne, en réponse à M. Yves Krattinger, rapporteur, concernant le transfert sur une base expérimentale de la compétence emploi à la région, s'est déclaré très favorable à cette solution, tout en regrettant que le projet de loi en cours de rédaction sur la formation professionnelle ne s'inscrive pas dans cette logique décentralisatrice.
Sur la question de l'insertion, M. Philippe Leroy a souhaité attirer l'attention de ses collègues sur les différences existant entre les bénéficiaires du RSA, qui sont engagés dans l'emploi et ceux du RMI qui en sont exclus : les premiers peuvent être intégrés dans un parcours de formation professionnelle géré par les régions, alors que les seconds requièrent un accompagnement social différent, qui relève plutôt du département.
En réponse à M. Claude Belot, président, concernant la coordination des compétences des collectivités territoriales relatives au transport, M. Claudy Lebreton a considéré qu'il fallait envisager la question sous l'angle de la mobilité des hommes. Jugeant que la prise en charge par les départements du transport scolaire était plutôt un succès, il s'est attaché au problème posé par le transport interurbain routier. Il a estimé que les départements pourraient utilement abandonner cette compétence aux régions afin de promouvoir l'intermodularité et éviter la concurrence entre les différents modes de transport. Il a par ailleurs jugé essentiel dans ces matières de tenir compte des différences de situations existant entre les départements urbanisés et les départements ruraux et de procéder par voie d'expérimentation, sur un temps suffisamment long.
M. Jacques Pélissard a relevé que les communautés urbaines assumaient pleinement la compétence transport qui leur était dévolue. Interrogé par M. Claude Belot, président, sur l'opportunité d'attribuer le versement transport à l'autorité organisatrice, il a estimé que la finalité originelle de ce versement qui était de financer les transports intra-urbains interdisait qu'il soit affecté au financement des transports extérieurs aux villes.
Pour sa part, M. Jean-Jacques Queyranne a proposé que le versement transport soit unifié sur un bassin de déplacement qui corresponde à un bassin d'emploi et il s'est prononcé pour la création d'autorités organisatrices de la mobilité urbaine, qui favorisent la mutualisation des services. Il a, en outre, recommandé que des transferts ponctuels de compétence soient organisés lorsque des situations de concurrence entre le rail et la route existaient, afin d'y apporter une réponse.
M. Yves Krattinger, rapporteur, ayant évoqué la possibilité que soient promues des autorités organisatrices partagées et non hiérarchisées qui permettent aux différentes collectivités territoriales d'adopter des solutions uniques en termes de billetique ou de prix de transport, M. Jacques Pélissard s'est déclaré tout à fait ouvert à ce que des syndicats mixtes exerçant cette compétence soient ainsi mis en place au sein d'un même bassin de population. M. Jean-Claude Peyronnet a marqué son accord avec cette proposition.
En réponse à M. Claude Belot concernant l'opportunité et la pertinence de l'instauration d'un constat de carence qui permette à une collectivité non titulaire d'une compétence confiée à une autre, d'agir dans ce domaine, en cas d'inaction de la seconde, M. Claudy Lebreton a estimé que la question de l'exercice des compétences se posait différement selon le type de compétence ou le type de territoire. Il a ainsi fait valoir que la mise en place du haut débit était le fait des villes centres dans les départements urbains et celui des départements dans les zones rurales.
M. Bruno Retailleau a pour sa part considéré que la procédure du constat de carence ne pourrait régler toutes les difficultés dans l'exercice par les collectivités de leurs compétences et qu'il convenait, pour conserver une souplesse au système, de réaffirmer la clause générale de compétence.
L'audition s'est poursuivie en présence de M. Philippe Valletoux, membre du Conseil économique et social et vice-président de Dexia Crédit Local.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a souhaité soumettre à la discussion les grands principes de réforme de la fiscalité locale dégagés par le rapport de M. Philippe Valletoux qu'il a rappelés :
- ne plus concevoir l'impôt local que dans le cadre d'une relation directe entre la collectivité territoriale et chaque catégorie de redevables ;
- proscrire, autant que possible, les impôts locaux sur lesquels s'exercent plusieurs niveaux de pouvoir fiscal, pour la fixation de taux qui s'additionnent ;
- obtenir de l'Etat qu'il s'interdise désormais d'intervenir financièrement en direction des collectivités territoriales pour se substituer aux redevables locaux ;
- une fois cette nouvelle répartition établie, moderniser les bases fiscales les plus obsolètes et instituer des correctifs atténuant les disparités entre collectivités territoriales.
Il a également soulevé le problème de la réforme de la taxe professionnelle, sur lequel l'actualité impose de prendre position.
M. Jacques Pélissard a alors présenté les propositions conjointes de l'AMF, l'ADF et l'ARF sur la réforme de la fiscalité locale :
- redéfinir l'autonomie fiscale comme le fait, pour les collectivités, de disposer de ressources fiscales dont elles maîtrisent les assiettes ou les taux ;
- attribuer à chaque niveau de collectivité un « panier d'impôts » ;
- mettre fin aux dégrèvements et aux exonérations pris en charge par l'Etat ;
- préserver l'équilibre actuel entre l'effort fiscal des ménages et celui des entreprises ;
- rénover la fiscalité locale économique en gardant un impôt sur les entreprises, avec un taux fixé par les collectivités, assis pour une part sur la valeur locative et pour une part sur la valeur ajoutée. En revanche, l'impôt sur le carbone ne constitue pas, a-t-il estimé, une solution viable ;
- dans l'assiette de la taxe d'habitation, introduire une part correspondant au revenu des ménages ;
- renforcer la péréquation dans un cadre national.
M. Claudy Lebreton a souligné qu'il existait, depuis l'acte II de la décentralisation, une certaine ambiguïté dans la notion d'autonomie fiscale. Il a donc rappelé que celle-ci consistait, pour une collectivité, en la possibilité d'intervenir sur les bases et l'assiette ou sur les taux d'un impôt. Par ailleurs, il a souligné que la question de l'autonomie des recettes ne devait pas faire oublier le problème de l'autonomie des dépenses des collectivités, 80 % de celles-ci étant contraintes. Il a en outre indiqué que :
- l'ADF préconise le transfert d'une part de la contribution sociale généralisée (CSG) pour financer les compétences des départements ;
- le nouvel impôt économique local pourrait être assis pour partie sur la valeur ajoutée, cela ne devant toutefois pas conduire à négliger le foncier bâti des entreprises ;
- une péréquation entre tous les départements est nécessaire ;
- il est urgent de remplacer la taxe professionnelle par une autre contribution des entreprises.
M. Jean-Jack Queyranne a estimé que l'autonomie fiscale était indissociable du principe du consentement à l'impôt et de la responsabilité de l'élu devant l'électeur. Par ailleurs, si l'attribution à chaque niveau de collectivités d'une ressource fiscale en rapport avec les compétences exercées à ce niveau apparaît légitime, l'exemple du transfert de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dont le produit est en déclin, doit inciter à la prudence. Enfin, la réforme ne peut pas faire l'économie d'un partage des impôts nationaux : la CSG pour les départements, un impôt économique pour les régions ; l'impôt sur le revenu doit également faire l'objet d'une répartition.
M. Philippe Valletoux, invité à participer au débat, a rappelé que son rapport, rédigé en 2006, entendait définir un « schéma-cible » pour la fiscalité locale, à partir duquel il fallait élaborer un « chemin » de la réforme. Or, c'est ce chemin, nécessairement fait de plusieurs étapes, qui présente les principales difficultés. L'une de celles-ci est la nécessité de préserver, à chaque étape, un équilibre entre la taxation des ménages et celle des entreprises. De même, la réforme de la taxe professionnelle constitue sans doute un premier pas dans la réforme de la fiscalité locale, mais elle doit prendre place dans un processus global sur lequel un consensus aura été acquis. Enfin, il a estimé que la taxe intérieure sur les produits pétroliers posait problème du fait du déclin de son produit mais également de l'absence de marge de manoeuvre des collectivités sur cette ressource.
A une question de M. Yves Krattinger, rapporteur, sur la possibilité de mettre en place une péréquation rénovée, qui pourrait reposer sur une enveloppe spécifique alimentée par un impôt, M. Philippe Valletoux a répondu que les dotations de l'Etat ne pouvaient jouer un rôle péréquateur du fait de leur fonction actuelle de garantie de revenu pour les collectivités. Dès lors, une combinaison de recettes fiscales ou une recette fiscale unique, complétée par un mécanisme de répartition, pourrait effectivement, selon lui, jouer ce rôle péréquateur.
M. Charles Guené a observé que la France était l'un des rares pays européens où les collectivités votent des taux sur des assiettes d'impôts, ce qui n'en fait pas pour autant le seul pays démocratique. Par ailleurs, il a estimé qu'en une période où le produit intérieur brut stagne, voire diminue, il paraissait normal que les collectivités territoriales réduisent elles aussi leur train de vie. Il a par ailleurs relevé que l'idée d'introduire le revenu dans l'assiette de la taxe d'habitation serait impopulaire.
Concernant la réforme de la taxe professionnelle, nombre d'entreprises, a-t-il souligné, espèrent une contribution fixée à 1,5 % de la valeur ajoutée assortie d'un correctif en faveur de celles qui, actuellement, paient moins que ce taux. Le problème de la localisation de la valeur ajoutée, quant à lui, pourrait être résolu par une collecte au niveau national doublée d'une répartition entre collectivités territoriales selon une clef tirée de l'assiette actuelle de la taxe professionnelle. Enfin, il s'est montré favorable à l'idée d'attribuer les « quatre vieilles » aux communes et à leurs groupements et d'effectuer un partage d'impôts d'Etat pour les départements et les régions. L'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, liés à l'activité économique du pays, pourraient ainsi être partagés entre les collectivités ; la taxe intérieure sur les produits pétroliers, quant à elle, devrait bénéficier très probablement de la remontée inévitable du cours du pétrole.
M. Edmond Hervé a souligné qu'il était nécessaire, en matière de réforme fiscale, de prendre une certaine hauteur. En effet, le temps de l'impôt est un temps long, contrairement au temps budgétaire. De plus, a-t-il rappelé, de très bons rapports ont été produits au cours des années passées sur ce sujet, permettant de considérer la réforme dans son ensemble et non pas du point de vue, nécessairement biaisé, d'une collectivité territoriale particulière. Il a, par ailleurs, estimé qu'un consensus était possible, les positions des différents acteurs s'étant sensiblement rapprochées, par exemple sur l'idée d'asseoir une partie de la taxe d'habitation sur le revenu. En revanche, ce consensus doit s'établir très rapidement, a-t-il estimé, sous peine de l'instauration d'un système uniquement fondé sur des dotations. Il convient donc de lever toute ambiguïté sur le contenu de la notion d'autonomie fiscale. Ainsi, notamment, il a jugé que la spécialisation fiscale pourrait nuire à cette autonomie lorsque le produit d'un impôt chute brutalement, d'autant que les collectivités ont besoin de ressources pérennes pour investir à long terme : c'est donc plutôt la notion de « panier fiscal » qui devrait être retenue. Cette stabilité des ressources fiscale est notamment indispensable, a-t-il estimé, pour que les collectivités puissent mener à bien les investissements que le Grenelle de l'environnement implique.
Il s'est par ailleurs déclaré défavorable à la fixation d'un maximum pour les prélèvements obligatoires, cela contredisant le principe de l'autonomie fiscale. Concernant les nouveaux impôts locaux, certains d'entre eux pourraient avoir la même assiette que des impôts d'Etat. Quant à la valeur ajoutée, il a relevé qu'elle pourrait très bien être territorialisée, comme le prouve la référence à cette grandeur économique dans la formule de plafonnement de la taxe professionnelle. Enfin, l'amélioration de la péréquation verticale, qui ne peut reposer sur un seul impôt, doit être conditionnée par des progrès dans la péréquation horizontale.
M. Bruno Retailleau s'est dit attaché à l'autonomie fiscale davantage qu'à l'autonomie financière, la liberté de la dépense ne pouvant aller, selon lui, sans la responsabilité de voter l'impôt. Par ailleurs, il a désapprouvé le principe de la spécialisation fiscale en raison de son incompatibilité avec une gestion saine et respectueuse des règles prudentielles. Enfin, il a relevé deux inconvénients que recèle, à ses yeux, le choix de la valeur ajoutée (VA) comme assiette : d'une part la VA est essentiellement constituée par la masse salariale, d'autre part elle varie, bien plus que la valeur foncière, en fonction de l'activité économique.
M. Philippe Valletoux a considéré que la valeur ajoutée présentait l'avantage d'être une notion économiquement signifiante, facile à calculer. En revanche, en ôter les salaires reviendrait à créer une assiette sans réelle consistance. Il a, par ailleurs, admis que les collectivités territoriales avaient, jusqu'à présent, toujours bénéficié de recettes en partie indépendantes de la conjoncture.
M. Jacques Pélissard a réagi à l'ensemble de ces propos en insistant sur la nécessité de prévoir une assiette large pour la taxe d'habitation, tous les citoyens devant contribuer ; il a également estimé que la péréquation devait d'abord être verticale et mise en oeuvre par l'Etat. Il a en outre confirmé qu'il était possible de territorialiser la valeur ajoutée en utilisant des critères tels que la valeur du foncier bâti et le nombre d'emplois. Enfin, il a estimé qu'en demandant davantage d'autonomie fiscale et de responsabilité, les associations d'élus apportaient une réponse pertinente à la question de la maîtrise de la dépense publique.
M. Claudy Lebreton a relevé que les élus locaux des autres pays européens enviaient l'autonomie fiscale française. Celle-ci joue un rôle important dans l'acceptation sociale de l'impôt et dans la confiance que les citoyens-contribuables accordent aux élus lorsqu'ils peuvent constater la bonne utilisation de la ressource fiscale. Il s'est ensuite félicité que les trois grandes associations d'élus locaux soient parvenues à un accord et a souhaité que celui-ci permette d'influencer les réformes en cours.
M. Jean-Jack Queyranne, après avoir également manifesté sa satisfaction sur l'accord auquel les trois associations sont parvenues, a regretté que les règles de la fiscalité locale aient été trop souvent modifiées par les lois de finances au détriment des collectivités. Le plafonnement de la taxe professionnelle à la valeur ajoutée des entreprises a ainsi été particulièrement préjudiciable aux régions. Il a ensuite jugé nécessaire de réfléchir, en concertation avec le ministère des finances, à la répartition des impôts d'Etat, afin d'éviter une nouvelle attribution de dotations plafonnées aux collectivités.
M. Claude Belot, président, a conclu en relevant que des lignes de consensus pouvaient être dégagées sur la question de la réforme de la fiscalité locale.
Mardi 6 mai 2009
Audition de M. Olivier Fouquet, président de section au Conseil d'Etat
Puis, la mission a procédé à l'audition de M. Olivier Fouquet, président de section au Conseil d'Etat.
Invité par M. Yves Krattinger, rapporteur, à présenter devant la mission les conclusions du rapport sur la réforme de la taxe professionnelle qu'il avait remis au premier ministre en 2004, M. Olivier Fouquet a indiqué que la commission qu'il présidait alors s'était efforcée de trouver un équilibre entre l'intérêt des entreprises engagées dans une économie mondialisée et celui des collectivités territoriales, qui ont besoin de ressources fiscales modulables et pérennes. Par ailleurs, il ne s'agissait pas de supprimer la taxe professionnelle (TP) mais seulement d'amender son assiette.
Il a rappelé que cette assiette devait à l'origine, en 1976, être composée des salaires, des investissements, de la valeur foncière et des bénéfices des entreprises. Cette dernière part avait finalement été abandonnée. En outre, une erreur de calcul avait généré, la première année, des transferts de charges imprévus entre entreprises. Les critiques dont la nouvelle assiette avait alors fait l'objet avaient finalement conduit, dès 1980, à acter le principe d'un impôt assis sur la valeur ajoutée (VA) assorti d'un plafonnement. En 1998, le constat que l'assiette « équipements et biens mobiliers » (EBM) était défavorable à l'investissement et à l'emploi avait conduit le ministre des finances à envisager d'instaurer cette assiette « valeur ajoutée ». Toutefois, en raison des craintes de l'administration devant la difficulté technique de cette réforme, l'évolution de la TP s'était finalement réduite à la suppression de la part salaires. Cette amputation peu judicieuse a exagérément favorisé, selon M. Olivier Fouquet, les entreprises riches en main-d'oeuvre, sans apporter de solution au problème de la taxation des investissements, défavorable à l'emploi. Il a ainsi souligné la singularité de l'assiette de la taxe professionnelle française en Europe, la plupart des collectivités territoriales des autres pays s'appuyant uniquement sur une assiette foncière. Si cette singularité ne provoque probablement pas de délocalisations, elle dissuade sans doute certains investissements étrangers.
Le choix de la valeur ajoutée comme nouvelle assiette, proposé par le rapport Fouquet, permettrait notamment d'opérer un transfert partiel de la charge fiscale supportée par les entreprises les plus exposées à la concurrence internationale, qui sont souvent celles qui ont le plus d'EBM, à celles du secteur moins exposé. Ce choix ne représenterait pas une révolution intellectuelle, puisque la notion de valeur ajoutée est déjà utilisée pour calculer la cotisation minimale de TP (1,5 % de la VA) et la cotisation plafond introduite en 2006 (3,5 % de la VA). Il imposerait cependant de mettre en oeuvre des critères de localisation tels que la surface et le nombre d'employés. Les simulations effectuées dans le cadre de la commission Fouquet avec ce type de critères ont montré de forts transferts entre collectivités territoriales, que la commission avait envisagé de lisser sur 10 ans. Les transferts de charges entre entreprises seraient, quant à eux, moins importants.
En revanche, M. Olivier Fouquet a indiqué que l'excédent brut d'exploitation (EBE) ne constituerait pas une bonne assiette, du fait de sa grande volatilité. En outre, ce choix conduirait à de trop grands transferts de charges entre entreprises.
Enfin, la commission Fouquet avait proposé, comme première étape de la réforme, une année de simulation « en blanc », avec une déclaration supplémentaire fictive des entreprises correspondant à la nouvelle assiette.
Après la remise du rapport, la réforme s'était réduite à une mesure d'exonération des investissements nouveaux, avec comme objectif implicite l'extinction progressive de l'assiette investissements.
Concernant la nouvelle réforme annoncée par le président de la République, elle consiste en la suppression de la part EBM de l'assiette de la TP. La substitution pure et simple d'une dotation à cette ressource fiscale poserait à l'évidence problème au regard de la notion constitutionnelle de « part prépondérante de ressources propres » dans les ressources totales des collectivités locales. Le remplacement de cette assiette « EBM » devra donc nécessairement être assuré, au moins en partie, par une ressource fiscale. Celle-ci pourrait consister en une généralisation de la cotisation minimale de la taxe professionnelle, établie à 1,5 % de la valeur ajoutée, probablement assortie d'un transfert de parts d'impôts nationaux sur lesquelles les collectivités n'auraient pas de marge de manoeuvre.
M. Olivier Fouquet s'est montré défavorable à cette dernière solution et a préconisé que les collectivités territoriales puissent faire varier le taux appliqué à la valeur ajoutée dans une fourchette allant de 1,5 % à 2,5 % ou 3,5 %. Une liaison souple de ce taux avec ceux des taxes « ménages » garderait par ailleurs un intérêt pour éviter les situations anormales. A cet égard, il convient de noter que le rapport entre l'effort fiscal des ménages et celui des entreprises est resté stable au cours des dernières années.
Par ailleurs, ce principe de modulation des taux dans une fourchette pourrait également être retenu pour créer un second impôt économique, reprenant l'assiette « foncier bâti » des entreprises. Les collectivités pourraient ainsi, par exemple, tenir compte des nuisances engendrées par les gros établissements en augmentant le taux s'appliquant au foncier, sans grever parallèlement la valeur ajoutée. L'assiette foncière, pour le moment très archaïque, doit cependant être profondément rénovée pour qu'une telle solution soit envisageable. Toutefois, cette rénovation ne pose pas de problème politique majeur.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a ensuite interrogé M. Olivier Fouquet sur les points suivants :
- quelles sont les modalités envisageables d'une conciliation entre la vision du Sénat sur la réforme de la TP, marquée par son rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales, et celle du gouvernement ?
- comment expliquer que la France soit un des principaux pays d'accueil des investissements étrangers si la taxe professionnelle est dissuasive ?
- le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée n'a-t-il pas permis de parvenir à un degré satisfaisant d' « acceptabilité » de la TP ?
En réponse, M. Olivier Fouquet a d'abord indiqué que le pouvoir exécutif ne pourrait, en tout état de cause, ni ignorer le point de vue des élus locaux, ni risquer d'aggraver le déficit public. Le remplacement de la taxe professionnelle par des ressources fiscales étant par conséquent une nécessité, le Parlement devrait, selon lui, s'efforcer d'obtenir le pouvoir de modulation des taux déjà évoqué. Par ailleurs, si l'assiette « valeur ajoutée » était retenue, toute solution permettant de minimiser les transferts de compétences entre collectivités recueillerait probablement l'assentiment du gouvernement.
Concernant les investissements étrangers, il est vrai que, dans les critères d'implantation des entreprises, le degré de pression fiscale passe après les infrastructures ou la formation de la main-d'oeuvre. D'ailleurs, la fiscalité française sur les entreprises, caractérisée par des taux élevés mais des assiettes réduites, n'est globalement pas plus lourde que dans les autres pays. Toutefois, les entreprises sont sensibles à la complexité excessive de l'assiette de la TP et au fait qu'elle soit, sur un plan comptable, déductible de l'impôt sur les sociétés : cette dernière caractéristique, en réalité favorable aux entreprises, fausse néanmoins les comparaisons internationales.
Enfin, si le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée a effectivement corrigé certains abus, la persistance de l'assiette EBM est préjudiciable aux petites entreprises qui, achetant de nouveaux équipements en gardant les anciens, payent ainsi deux fois la TP.
En réponse à une question de M. Charles Guené, M. Olivier Fouquet a ensuite confirmé que le Conseil constitutionnel considérerait comme une ressource propre des collectivités territoriales une part de la valeur ajoutée fixée au niveau national. M. Charles Guené a également indiqué que le monde économique espérait une taxe fixée à 1,5 %, assise sur le foncier, et a soumis l'idée d'une nouvelle taxe économique locale entièrement versée aux communes et à leurs groupements, les autres niveaux de collectivités recevant des parts d'impôts nationaux. Sur ce dernier point, M. Olivier Fouquet a estimé qu'il serait trop compliqué de procéder à la fois à la réforme de la TP et à une réaffectation de son produit entre les différents niveaux de collectivités.
M. Edmond Hervé a d'abord salué l'exposé de M. Olivier Fouquet. Il a ensuite souhaité que les principes dégagés par le Conseil constitutionnel, tels que la prépondérance des ressources propres, ne soient pas oubliés. Il a également exprimé son accord avec le principe d'une possibilité de modulation des taux par les collectivités, assorti de règles de liaison des taux. Il a par ailleurs rappelé que la taxe professionnelle unique avait été une source d'économies importantes en provoquant la suppression de nombreuses zones industrielles ou artisanales inutiles. Il a ensuite appelé chacun à prendre de la hauteur et à ne pas se laisser influencer par la considération des transferts dont pourrait pâtir sa propre collectivité territoriale. Il s'est en outre montré défavorable à la spécialisation sur un seul type d'assiette de l'impôt économique local, à l'intégration de la TIPP dans le « panier fiscal » bénéficiant à chaque niveau de collectivités pour compenser la diminution du produit de TP, ainsi qu'à la progression des dotations de l'Etat aux collectivités. Enfin, il a estimé que la fiscalité mixte était légitime dans une intercommunalité exerçant des compétences importantes en matière de services à la population.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, l'ayant interrogé sur le maintien ou non d'une part départementale et régionale sur chacune des deux assiettes (valeur ajoutée et foncier bâti) envisagées pour le nouvel impôt, M. Olivier Fouquet a estimé que chaque niveau de collectivités avait de bons arguments à faire valoir pour se voir attribuer une part d'impôt. Néanmoins, la commune ou l'intercommunalité sont sans doute, selon lui, le niveau privilégié du contact entre les chefs d'entreprise et les élus, et à ce titre les bénéficiaires les plus naturels de l'impôt économique local.
M. Philippe Adnot a, quant à lui, estimé que le département était la collectivité essentielle pour le développement économique, du fait de sa compétence voirie. En outre, les départements ont un important rôle péréquateur et il serait donc malvenu de les exclure des produits perçus sur les éoliennes ou les installations nucléaires.
En réponse à une question de M. Philippe Dallier, M. Olivier Fouquet a par ailleurs indiqué que le gouvernement n'envisageait pas, dans cette réforme, un jeu à somme nulle entre entreprise, Etat et collectivités, mais bien une diminution globale des charges pesant sur les entreprises.
Enfin, M. Pierre-Yves Collombat, premier vice-président, a souhaité savoir quelle assiette, des investissements ou des salaires, était la plus préjudiciable à l'emploi, et si des pays étrangers pouvaient fournir des exemples intéressants d'impôt économique local. M. Olivier Fouquet a répondu que l'assiette « investissements » était sans conteste la plus défavorable aux entreprises et à l'emploi. Concernant les points de comparaison possibles, il existe un impôt italien proche de la TP et qui semble bien fonctionner.
Mardi 12 mai 2009
Audition de M. Vincent Eblé, président du conseil général de Seine-et-Marne, de M. Daniel Guiraud, vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis, et de M. Michel Berson, président du conseil général de l'Essonne
Sous la présidence de M. Claude Belot, président, la mission a procédé à l'audition de MM. Vincent Eblé, président du conseil général de Seine-et-Marne, Daniel Guiraud, vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis, et Michel Berson, président du conseil général de l'Essonne.
A titre liminaire, M. Vincent Eblé a fait valoir que la grande majorité des élus de l'Ile-de-France s'accordaient sur la nécessité de traiter de l'ensemble de la région, sans privilégier le centre au détriment de la grande couronne. Il a souligné combien les territoires périphériques participaient à la dynamique de la région capitale dans des domaines très variés, tels, entre autres, l'environnement, les transports ou la logistique. Faisant référence aux critiques parfois formulées contre la position des représentants des départements de la grande couronne, jugée trop défensive, il a considéré qu'elles présentaient le défaut de transposer à l'Ile-de-France un modèle de développement commun aux aires métropolitaines du reste de la France, sans prendre suffisamment en compte les spécificités de la géographie francilienne.
Estimant qu'il était nécessaire de faire évoluer la gouvernance territoriale de l'Ile-de-France, M. Vincent Eblé s'est déclaré totalement opposé à la mise en place d'un couple départements / région, en raison des finalités différentes poursuivies par chacun de ces niveaux, la proximité pour les premiers et le développement stratégique pour la seconde.
Souscrivant, en tant que représentant d'un département de la zone dense, aux propos tenus par M. Vincent Eblé, M. Daniel Guiraud a rappelé qu'un débat sur l'échelle pertinente pour la région capitale avait eu lieu au sein de la conférence métropolitaine, et que les élus s'étaient rapidement accordés sur le fait que le périmètre de Paris Métropole devait dépasser celui de la seule zone dense, contrairement aux propositions formulées par M. Philippe Dallier dans son rapport présenté au nom de l'Observatoire de la décentralisation du Sénat.
Appelant à s'inspirer des exemples étrangers et notamment de celui de l'Allemagne, il a souligné l'intérêt que présentent les démarches de projets qui associent partenaires publics et privés et il a jugé nécessaire de tirer parti de toutes les ressources du procédé contractuel. Dénonçant le maintien de certains services déconcentrés de l'Etat lorsque la compétence correspondante a été transférée aux collectivités territoriales, il a par ailleurs indiqué que, selon lui, les couples pertinents de collectivités étaient le couple département / communes-intercommunalité, couple de la proximité et des solidarités, et le couple Etat / région, couple des grandes stratégies de développement. Enfin, il a estimé que la question fondamentale pour le territoire francilien était la question financière et fiscale.
M. Michel Berson s'est inscrit en faux contre la vision, qu'il a jugée dépassée, qui consisterait à opposer la première couronne et la grande couronne et il a appelé à appréhender la région Ile-de-France dans sa globalité. Il a, à cet égard, noté que les dynamiques de développement de ce territoire suivaient moins des cercles concentriques que des axes traversants. A titre d'illustration, il a cité les pôles de développement, situés dans la grande couronne, tel que le plateau de Saclay, cela expliquant la mise en oeuvre, par les départements concernés, de projets interdépartementaux de développement, en association avec la région et les grandes agglomérations. Il a, par ailleurs, souligné le rôle spécifique des départements franciliens, véritables territoires pivots assurant le lien entre les intercommunalités et la région.
Jugeant anormal que le département de la Seine-Saint-Denis ait une dotation globale de fonctionnement par habitant inférieure à celle des Hauts-de-Seine, M. Michel Berson a fait valoir que la réforme la plus urgente en la matière était moins celle des institutions que celle de la fiscalité locale et du renforcement des mécanismes de péréquation verticale et horizontale. Il a considéré que, dans le cadre de Paris Métropole, des solutions pourraient être avancées pour répondre à ces enjeux. Enfin, se déclarant opposé au remplacement de la taxe professionnelle par une dotation de compensation, il a émis le voeu qu'une autre ressource fiscale lui soit substituée.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a voulu savoir si la question de la solidarité financière entre les collectivités territoriales d'Ile-de-France devait être traitée dans le cadre de la structure Paris métropole, ou dans le cadre d'une modification législative qui fixerait de nouvelles règles et de nouvelles modalités de mise en oeuvre de cette péréquation.
Il s'est ensuite interrogé sur le rôle de l'Etat dans la région capitale et, notamment, sur l'opportunité de laisser à ce dernier une capacité d'initiative.
Il a ensuite abordé la question de la gouvernance locale en rappelant que Paris métropole était un syndicat mixte d'études et qu'une interrogation pouvait se faire jour sur les modalités et les moyens de mise en oeuvre des projets qui seraient conçus en son sein.
Il a voulu savoir si les projets métropolitains allaient au-delà des seules questions de transports et de déplacements pour prendre en charge, par exemple, les questions liées à l'enseignement et à la recherche.
M. Vincent Eblé a souligné que la question de la péréquation financière avait des visages multiples, estimant que la réforme de la taxe professionnelle pourrait fournir l'occasion d'une nouvelle péréquation. En effet, a-t-il fait valoir, si le maintien d'un lien entre les entreprises et les territoires est nécessaire, l'Ile-de-France souffre d'un déséquilibre dans l'implantation géographique des entreprises. Or, plutôt que de corriger ce déséquilibre, les réformes successives de la taxe professionnelle ont maintenu les inégalités constatées et la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle s'est traduite par le versement d'une compensation à des collectivités territoriales dont le potentiel fiscal était jusqu'à sept fois supérieur à celui des collectivités territoriales les plus défavorisées.
Par ailleurs, il a jugé que les départements étaient victimes de la faiblesse des compensations versées par l'Etat au titre des compétences transférées, citant le manque à gagner d'au moins 55 millions d'euros pour la seule compensation du RMI, constaté par le département de Seine-et-Marne. Il a estimé que la simple compensation des dépenses engagées au titre de l'action sociale permettrait ainsi d'améliorer les finances départementales et réduirait la nécessité d'un recours à la péréquation.
M. Vincent Eblé a, en outre, rappelé que le département de Seine-et-Marne avait vu sa population doubler en 40 ans. Or, l'actualisation des dotations versées par l'Etat est beaucoup moins dynamique que cette croissance démographique qui pourtant nécessite de construire des équipements nouveaux, des collèges par exemple, dont le coût de construction pèse sur le budget du conseil général. La question financière doit donc être abordée dans son intégralité et pas seulement sous le seul angle de la péréquation, bien qu'il soit indispensable de traiter de ce sujet au sein de la région Ile-de-France.
Il a considéré que le syndicat Paris métropole constituait un espace de réflexion au sein duquel avaient vocation à siéger tous les départements de la région.
Il a estimé que Paris métropole constituait un outil pertinent de gestion de la métropole susceptible de traiter les questions de l'ensemble de la région, du coeur de l'agglomération à sa périphérie, en tenant compte des particularités de chaque territoire, et a mis en garde contre toute tentative d'encadrer de façon trop stricte le fonctionnement de cette structure.
Il a rappelé que le maire de Paris s'était déclaré prêt à contribuer à un nouveau dispositif de péréquation au sein de la région et que le président du conseil général des Hauts-de-Seine n'avait pas refusé d'examiner cette question.
Il a observé que, de manière globale, Paris métropole devait être considéré comme un mode de gouvernance élaboré de façon négociée et permettant des espaces d'expérimentation. La décentralisation n'oblige pas à la définition d'un modèle unique, mais doit permettre des aménagements tout en respectant un principe d'équité nationale, notamment sur le montant des prestations sociales versées par les collectivités territoriales.
Il a fait part de son opposition à la suppression de la clause générale de compétence qui permet d'adapter les politiques publiques aux spécificités des territoires.
M. Daniel Guiraud a estimé que la question de la péréquation financière pourrait être abordée dans le cadre de Paris métropole, lorsque les collectivités territoriales des Hauts-de-Seine auraient rejoint cette structure. Toutefois, l'État est dans son rôle lorsqu'il décide de modifier, par la loi, les règles de péréquation financière.
Il a souligné que la question financière comportait également un volet de mutualisation des dépenses, susceptible d'être organisé par les collectivités territoriales elles-mêmes, rappelant que les élus membres de Paris métropole avaient affirmé leur volonté de financer des projets communs conçus dans un premier temps autour de trois politiques publiques : les déplacements, le logement et le développement économique.
M. Michel Berson a jugé que le syndicat Paris métropole devait débattre de projets avant de se pencher sur la question de sa gouvernance future, tout en se félicitant que la création de cette structure ait permis l'émergence d'un lieu de débat entre les collectivités territoriales de la région, hors de la présence de l'État. Il a salué le rôle de cet outil pour développer une réflexion commune à la fois sur des projets et sur des modalités de péréquation financière.
Il a rappelé que le fonds de solidarité Île-de-France n'était alimenté que par les contributions des communes, à l'exception des autres niveaux de collectivités territoriales, et estimé l'intervention du législateur nécessaire pour faire évoluer cette situation.
Il a considéré que l'idée de fusionner les trois départements de la petite couronne et Paris soulevait des difficultés insurmontables et devait être écartée, tout comme la création d'une gigantesque communauté urbaine. Ces solutions constituent des outils peu adaptés à la gestion de l'espace francilien. Les élus locaux doivent faire preuve de pragmatisme et d'imagination pour mettre en place de nouvelles modalités de gestion de cet espace.
Il a rappelé que l'Etat avait un rôle fondamental à jouer dans la région capitale mais que ce rôle était différent de celui, très directif, joué dans les années soixante car les effets de la décentralisation devaient être pris en compte.
M. Claude Belot, président, a relevé que la situation des départements de l'Île-de-France était enviable au regard de celle de beaucoup de départements de province, et a invité les intervenants à tenir davantage compte de la réalité de leur situation dans le cadre de leurs revendications. Il a observé que l'Île-de-France concentrait 40 % du produit fiscal pour 25 % de la population. Il a rappelé que beaucoup des problèmes que rencontrait l'Île-de-France étaient pris en charge par le budget de l'Etat et a observé que la région n'avait pas été sollicitée pour financer les lignes TGV. Il s'est interrogé enfin sur la forme que pourrait prendre l'outil de gouvernance qui pourrait résulter de la démarche initiée par Paris Métropole, en observant qu'il pourrait être préjudiciable d'aboutir à une structure qui demeurerait indéterminée.
M. Daniel Guiraud a rappelé que les élus de grande couronne ne revendiquaient pas de péréquation nationale, mais régionale, afin d'aider les territoires les plus démunis, à l'exemple de certains quartiers de Seine-Saint-Denis. Il a évoqué le risque permanent de nouvelles émeutes urbaines pour justifier la nécessité d'obtenir davantage de moyens.
M. Jean-François Voguet a déclaré qu'il existait un certain consensus sur l'analyse de la situation et sur la nécessité d'améliorer le fonctionnement, et a observé que la banlieue concentrait aujourd'hui les problèmes dont la capitale ne voulait plus. Il a rappelé que les décisions structurantes qui déterminaient la réalité de ces territoires n'avaient pas été prises au niveau local, à l'image de la ZUP de Fontenay-sous-Bois, tout en considérant que c'était le développement de la paupérisation qui avait remis en cause le bien-fondé de ces projets. Il a estimé qu'il pouvait y avoir des points d'accord avec les annonces faites par le Président de la République, mais s'est interrogé sur le contenu des projets en matière de développement économique. Rappelant que les réflexions sur la gouvernance avaient été reportées, il a souscrit à la perspective consistant à lancer d'abord un certain nombre de projets. Il a appelé à une large concertation au-delà des clivages habituels et à une clarification du rôle de l'Etat, qui devait préserver son rôle de facilitateur et de financeur de projets. Il a observé que la décentralisation avait été un facteur d'inégalités, en particulier dans le domaine de l'éducation, en indiquant que les dépenses des communes pouvaient varier du simple au double selon leurs moyens. Il a considéré que le syndicat Paris Métropole pourrait, le moment venu, dépasser le simple rôle de syndicat d'études, pour autant qu'il s'attacherait à privilégier une démarche consensuelle. Il a estimé enfin qu'il existait des histoires locales fortes dans les territoires de banlieue qu'il convenait de prendre en compte.
M. Edmond Hervé a indiqué que la France et sa capitale Paris connaissaient aujourd'hui une nouvelle époque et qu'il n'était plus temps de critiquer l'urbanisme hérité du passé. Il a considéré que, si la prise en compte de la réalité des territoires était importante, il ne fallait pas négliger les liaisons entre ceux-ci, et a appelé les élus franciliens à sortir d'une démarche trop autocentrée afin de nourrir leurs réflexions des expériences menées ailleurs, que ce soit en province ou en Europe. Il a marqué son désaccord avec M. Vincent Eblé en considérant qu'il ne pouvait y avoir d'autonomie fiscale dans le cadre du développement du recours aux dotations d'Etat. Il a estimé que la question de la solidarité et de la péréquation ne se résumait pas à la question de la répartition de la taxe professionnelle, mais devait également prendre en compte la qualité des services publics locaux. Il a considéré qu'il n'était pas opportun de consacrer trop de temps, à ce stade, à la question de la gouvernance, et s'est interrogé sur la façon de mettre en oeuvre certaines compétences comme le logement au niveau métropolitain, compte tenu des difficultés qu'il pouvait y avoir pour déterminer les lieux de construction de nouveaux logements.
M. Pierre-Yves Collombat, premier vice-président, a déclaré que si l'on percevait bien les inconvénients que pourrait induire la création d'une nouvelle collectivité territoriale métropolitaine ou d'une communauté urbaine, il lui semblait indispensable de faire émerger de nouveaux lieux de décision, qui pourraient peut-être comporter une dimension thématique. Il s'est interrogé, dans ces conditions, sur l'intérêt de développer des syndicats mixtes pour chaque grande problématique et a estimé qu'il n'était pas possible d'en rester à des démarches fondées uniquement sur des échanges de vues.
M. Michel Berson a considéré que deux types de gouvernances pouvaient être envisagés, l'une fondée sur les territoires et l'autre sur les secteurs d'activités. Il a déclaré que les communautés d'agglomération qui existaient aujourd'hui en Île-de-France n'étaient pas pertinentes, compte tenu de leur périmètre. Evoquant le cas de l'Essonne, il a indiqué qu'une perspective possible consistait dans le rapprochement entre communautés d'agglomérations, à l'image de Massy et Palaiseau, pour constituer une communauté à l'échelle du plateau de Saclay. Il a observé que ces nouvelles communautés d'agglomérations pourraient se constituer sur le territoire de plusieurs départements. Estimant que le STIF fonctionnait de manière satisfaisante, bien que perfectible, il a déclaré que le principal chantier concernait le logement, qui constituait, à ce jour, une compétence répartie entre un trop grand nombre d'acteurs. Revenant sur la question de la solidarité, il a expliqué que le département de l'Essonne avait été amené, aux côtés de la région mais sans le concours de l'Etat, à participer de manière importante au financement des infrastructures, à l'image du Synchrotron SOLEIL et du parc de recherche en sciences et technologies de l'information Digiteolabs. Il a indiqué enfin que les collectivités locales franciliennes s'étaient engagées à financer les deux tiers du plan de développement régional des transports, dont le montant était évalué à 18,5 milliards d'euros.
Mercredi 13 mai 2009
Audition de M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale
Sous la présidence de M. Claude Belot, président, au cours d'une séance tenue le matin, la mission a procédé à l'audition de M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale.
A titre liminaire, M. Christian Blanc a indiqué qu'il n'aborderait pas lors de cette audition la question de la gouvernance, précisant que la responsabilité qui lui avait été confiée par le Président de la République connaîtrait deux étapes : tout d'abord, la définition d'un projet global concernant Paris et Paris région capitale, puis celle de la gouvernance pour laquelle il serait amené à esquisser des propositions dans quelques mois.
Insistant sur la spécificité de Paris, il a évoqué l'émergence, dans l'économie mondialisée, des villes-monde. Toutefois, il a rappelé que celles-ci existaient déjà à la fin du Moyen-âge et sous la Renaissance, lors du développement du commerce et de l'industrie, évoquant en particulier les foires de Champagne, qui étaient à l'époque au point de liaison entre Gènes et Venise, d'une part, et les villes hanséatiques, d'autre part. Il a noté que le phénomène actuel de mondialisation créait un processus identique : l'apparition de plates-formes urbaines qui ne se caractérisent pas seulement par leur population.
M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat, a rappelé l'identification, par l'OCDE, de quatre villes-monde actuellement (Paris, Londres, New-York et Tokyo), ainsi que l'élaboration, dans les très grandes villes, de 80 % des brevets d'invention, en insistant sur l'importance de la capacité de recherche de ces collectivités.
Il a regretté l'absence, en France, de conscience du rôle particulier joué par ces moteurs de la vie moderne. Il a souligné que le développement des très grandes métropoles régionales était lié à cette présence d'une ville-monde constituée par Paris, en relevant l'essor inéluctable des relations entre Londres et Paris et le rôle de Lille comme ville de connexion. M. Christian Blanc a conclu au caractère national du projet économique du Grand Paris. Il a mentionné les portes d'entrée de celui-ci -aéroports et gares- et l'absence de volonté de les valoriser alors que, par exemple, Roissy-Charles-de-Gaulle est le premier aéroport européen de fret et le deuxième au monde. Il a signalé l'existence du plateau scientifique de Saclay, le pôle de la plaine Saint-Denis consacré aux industries de la création, l'implantation autour d'Orly de 50 à 60 % des laboratoires pharmaceutiques sans aucune mise en réseau.
Abordant la question de l'urbanisme, le Secrétaire d'Etat a indiqué que le problème posé aujourd'hui n'était pas d'étendre le Paris haussmannien à l'aire urbaine de 8 millions d'habitants, et estimé que le Grand Paris existerait le jour où la banlieue aurait disparu. Notant que les quatorze premières villes françaises se caractérisaient par une histoire, un grand théâtre, une identité..., il a précisé que l'enjeu urbanistique tournerait autour de la création d'identité. Affirmant la nécessité d'un réseau de transport, M. Christian Blanc a tracé le double schéma élaboré à cette fin : son développement avec la création d'un métro automatique de grande capacité et les rattrapages nécessaires pour remédier aux difficultés de liaison de banlieue à banlieue. Ces projets se concrétiseront par l'établissement d'un réseau stratégique et la poursuite des schémas existants.
Quant au problème de la gouvernance, le Secrétaire d'Etat a relevé la convergence des différents rapports élaborés par le sénateur Philippe Dallier au nom de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation, le comité Balladur et de l'initiative du Maire de Paris qui, tous, établissent la reconnaissance du fait urbain et la nécessité d'instituer des formes de gouvernance démocratique. Il a estimé que la démarche devait partir des projets, leur mise en oeuvre permettant de déterminer les modalités de la gouvernance et de renforcer les solidarités.
En conclusion, il a souligné le pragmatisme de la méthode retenue par le Président de la République pour conduire la réforme de la région capitale.
Interrogé par M. Yves Krattinger, rapporteur, concernant le renforcement indispensable des solidarités et la question du financement des nouvelles infrastructures de transports, M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat, a indiqué que tous les élus franciliens évoquaient la question de la solidarité. Il a expliqué, concernant la Seine-Saint-Denis, qu'il s'agissait du territoire qui connaissait le développement le plus important en Île-de-France, en observant que c'était la zone située entre l'aéroport de Roissy et les espaces urbains qui se développait le plus, en dépit du fait que ce développement n'était pas encouragé depuis des décennies. Il a indiqué que, si l'emploi augmentait autour de Roissy et Villepinte, des territoires comme Clichy et Montfermeil restaient enclavés, ce qui constituait un facteur de déséquilibre, de manque de solidarité et d'exclusion pour plusieurs centaines de milliers de personnes. Il a expliqué qu'un des objectifs devait être le désenclavement de ces territoires et leur articulation avec les zones de développement économique. Il a considéré que la péréquation fiscale devait également trouver sa réponse dans le développement des territoires.
Interrogé sur le financement des nouvelles infrastructures de transports, M. Christian Blanc a déclaré que le coût du réseau de transports primaires envisagé était évalué à 21 milliards d'euros, qui seraient financés de la même manière que le métropolitain parisien au début du siècle dernier, c'est-à-dire au moyen d'une dotation en capital public versée par l'Etat, qui serait complétée par des emprunts sur cinquante ou soixante ans. Il a expliqué que la région et les départements auraient la possibilité de participer à ce financement et à la détermination du projet, notamment pour ce qui est de la tarification.
M. Edmond Hervé a approuvé l'idée selon laquelle l'importance d'une ville était moins liée à sa démographie et à sa densité qu'à l'intensité de son activité. Il a rappelé son hostilité à toute spécialisation excessive des territoires et a dénoncé les effets de frontière. Evoquant la méthode, il a invité le ministre à ne pas négliger l'expérience des métropoles de province qui sont déjà familières des stratégies de développement polycentrique. Il a regretté que la notion de « mise en réseau » ne soit pas suffisamment prise en compte en France. Concernant les transports, il a expliqué qu'ils avaient pour objectif de raccorder les espaces les uns aux autres, ce qui constituait un facteur de dynamisme. Il a considéré que les investissements dans l'intermodalité étaient susceptibles de renforcer l'estime que les Franciliens avaient d'eux-mêmes, ainsi que l'identité des territoires. Il a invité le ministre à ne pas fixer de date-butoir pour la réalisation des travaux, en rappelant qu'il lui avait fallu treize ans pour bâtir le métro de Rennes.
En réponse à M. Edmond Hervé, M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat, a rappelé qu'il avait fallu seulement quatre ans pour construire les 46 kilomètres du métropolitain parisien, « au pic et à la pioche ». Il a indiqué qu'il serait nécessaire de raccourcir les délais de procédure en recourant à la loi, afin de pouvoir débuter les travaux dans trois ans, et a souhaité que dix tunneliers puissent travailler de concert.
M. Philippe Dallier a fait part de sa satisfaction que le ministre considère que la gouvernance actuelle n'était pas tenable à long terme et que les règles de la péréquation devaient changer. Il a regretté l'immobilisme des élus locaux franciliens qui estimaient que « tout allait bien ». Il a fait part de son inquiétude que les investissements massifs de l'Etat aient pour conséquence, comme dans les années 1960, de créer de la richesse à des endroits donnés sans cohérence globale pour le développement et la solidarité. Il a marqué son désaccord avec l'idée selon laquelle la banlieue ressemblerait à un chaos et a indiqué que les problèmes de ses habitants ne se limitaient pas au transport, mais concernaient également le social et l'éducation. Il a souhaité que l'on puisse apporter à tous les habitants le même niveau de service et a considéré que la création du Grand Paris était de nature à permettre un meilleur partage de la richesse. Il a déclaré que le développement des petites intercommunalités dans la première couronne ne constituait pas une bonne réponse et avait en réalité pour objectif d'empêcher l'émergence du Grand Paris. Evoquant le discours du chef de l'Etat, dans lequel celui-ci a annoncé la construction de 70 000 logements, à travers notamment la déréglementation des règles d'urbanisme, il a estimé qu'il conviendrait de remettre en cause la réalisation des PLU au niveau communal. Il s'est interrogé sur les avantages respectifs de la création d'un syndicat régional concernant le logement ou d'une collectivité territoriale de plein exercice.
M. Jean-François Voguet s'est interrogé sur le rôle de l'Etat en observant que, dans les années 1960, celui-ci avait créé des villes nouvelles sans leur accorder les moyens de fonctionner. Il a considéré qu'il était nécessaire que les citoyens adhèrent à un projet. Il a souhaité connaître dans quelle mesure les 70 000 logements annoncés répondraient aux besoins des familles modestes et s'il y aurait des dispositions à cet égard dans le futur projet de loi. Evoquant la question de l'urbanisme, il a observé que l'augmentation de la densité à travers la libération du foncier et les modifications des COS avaient inéluctablement pour conséquences une augmentation des besoins d'équipement, notamment en termes d'écoles, de voirie et de stationnement.
M. Jean-Pierre Vial a fait part de son admiration concernant les délais envisagés pour le début des travaux, compte tenu du temps qui a été nécessaire pour développer le projet de liaison à grande vitesse Lyon-Turin. Il s'est interrogé sur le développement de la plate-forme de Saclay.
M. Christian Blanc, secrétaire d'Etat, a déclaré partager le sentiment de M. Philippe Dallier selon lequel un développement économique qui ne profiterait qu'à quelques territoires constituerait un échec. Evoquant la question du logement et de l'urbanisme, il a expliqué que si les objectifs avaient été identifiés, il restait encore à déterminer la méthode, sachant que les capacités foncières existaient. Il a expliqué que l'Etat n'avait pas l'intention de remettre en cause le statut du STIF, mais qu'il envisageait la création d'un établissement public qui serait chargé spécifiquement des nouveaux investissements envisagés. Il a regretté néanmoins que le STIF ne se préoccupe pas aujourd'hui de la question des transports au-delà des frontières régionales et a considéré qu'il serait également nécessaire qu'il confie des missions à des autorités organisatrices des transports de second rang, par exemple en matière d'organisation des réseaux de bus.
Concernant la gouvernance, M. Christian Blanc a fait part de sa conviction que de nombreux élus locaux attendaient une évolution permettant de débloquer le système. Il a souligné l'importance du rôle des maires en Île-de-France et a considéré que l'identité de la banlieue ne pouvait reposer uniquement sur son histoire, mais devait pouvoir s'incarner, par exemple, dans la création d'équipes de football ou de rugby professionnelles, comme c'est le cas dans les très grandes métropoles. Il a estimé que les maires avaient jusqu'à présent un peu été oubliés dans la prise de décision relative à l'avenir de la métropole et a indiqué qu'il ferait des propositions concernant l'évolution de la gouvernance fin 2009 - début 2010.
Mercredi 20 mai 2009
Audition de M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS)
Sous la présidence de M. Yves Krattinger, rapporteur, la mission a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS).
Après avoir rappelé les circonstances ayant conduit à la création de l'observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) vingt ans auparavant, M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'ODAS, a souligné la qualité de l'implication des départements en matière d'action sociale depuis la mise en oeuvre des premières lois de décentralisation en 1982-1983.
L'évaluation de ces politiques permet d'établir trois constats. Tout d'abord, contrairement aux craintes exprimées lors du vote des lois de décentralisation, les départements ont considérablement développé leurs interventions dans le domaine social, ce qui a permis une forte réduction des inégalités au sein de ces territoires, mais également entre les différents départements. Cette évolution s'explique par le transfert de compétences spécifiques aux conseils généraux, mais également par le développement de politiques locales mieux adaptées aux besoins sociaux exprimés par les territoires. Enfin, le développement de cette politique sociale s'adresse à tous les publics, les personnes âgées et handicapées en priorité. Ces dernières ont d'ailleurs bénéficié d'une forte augmentation des crédits consacrés à la prise en charge du handicap.
Il a fait part de son inquiétude sur les modalités de financement de cette politique d'action sociale sur laquelle la marge d'autonomie des départements est réduite, alors que ces dépenses représentent près de 40 % des budgets départementaux.
M. Jean-Louis Sanchez a insisté sur la nécessité d'organiser une meilleure coopération entre les communes et les départements dans le domaine social, notamment au niveau des grandes agglomérations.
Il a fait valoir, en effet, que les communes développent à leur tour des politiques sociales importantes, dont l'approche est plus sociétale, plus globale, que celles des départements puisqu'elles incluent des dimensions culturelles ou sportives et développent la notion de « prévenance ». L'évaluation de l'action sociale des communes doit donc aller au-delà de la simple prise en compte de l'activité des centres communaux d'action sociale (CCAS).
Il a estimé que les pouvoirs publics ont eu tort de procéder à une décentralisation du financement de certaines prestations sociales, notamment du revenu minimum d'insertion (RMI). De telles allocations doivent, en effet, bénéficier d'un financement national garanti par l'Etat.
Il a indiqué que le schéma de la gouvernance de la caisse nationale pour la solidarité et l'autonomie (CNSA) fait l'objet d'une adhésion des collectivités territoriales. Ce mode de gouvernance pourrait être étendu à l'ensemble des branches de la sécurité sociale. Des problèmes de coopération sont en effet constatés entre les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, notamment entre les communes et les caisses d'allocations familiales. Cette situation rend nécessaire l'instauration d'instances de coordination.
M. Jean-Louis Sanchez a estimé que, outre une réflexion sur la clarification des compétences entre les différents acteurs, les pouvoirs publics devaient également s'interroger sur l'objectif des politiques sociales.
En conclusion, il a jugé dangereux de bouleverser la répartition des compétences en matière d'action sociale en période de crise économique.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a indiqué que la question du financement des minima sociaux constituait un sujet particulièrement important en matière de finances départementales. C'est effectivement le cas du RMI, mais également de l'APA, qui doit légalement être financé à 50 % par la solidarité locale. Or, des inégalités entre départements sont constatées, car les départements ayant les populations les plus âgées doivent supporter une charge financière plus lourde, alors que, parallèlement, leur dynamisme économique est moindre.
Abordant la question du rôle de la CNSA, il a rappelé que ses interventions au niveau départemental font l'objet de critiques de la part des acteurs locaux, qui se considèrent alors plus comme des services déconcentrés que comme des collectivités territoriales de plein exercice, tant la marge d'autonomie qui leur est laissée pour la gestion des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) est réduite.
Il a rappelé que 98 % des dépenses sociales engagées par les départements étaient des dépenses d'action sociale légale, ce qui signifie que le domaine d'intervention des départements est déterminé par la loi.
Enfin, il a souhaité connaître l'avis de l'ODAS sur le schéma proposé par le comité Balladur tendant à transférer des compétences sociales des départements aux métropoles, après avoir mis en doute l'avantage que cela représenterait en termes d'équité territoriale.
M. Jean-Louis Sanchez a rappelé que la part des dépenses prises en charge par l'Etat au titre du financement des prestations sociales est en baisse constante. Cette prise en charge représente aujourd'hui 30 % du financement de l'APA ; elle est passée en quelques années de 55 % à 46 % pour la prestation compensatoire du handicap. Il a souhaité que l'Etat respecte ses engagements.
Il a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre une meilleure coordination des interventions des départements et des agglomérations dans le domaine social. Cette collaboration doit permettre une optimisation des interventions de chacun des acteurs, et notamment des départements.
Il s'est déclaré réservé sur la question de la délégation des compétences des départements vers les métropoles, estimant que cette question devait faire l'objet d'une évaluation préalable. Il a indiqué que des exemples de collaborations efficaces pouvaient être mis en exergue mais sans être représentatifs de la situation réelle, qui se caractérise par une quasi-absence de collaboration entre départements et agglomérations urbaines. Il a néanmoins estimé que les métropoles pourraient se voir confier des compétences en matière d'action sociale.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a estimé que le transfert de compétences sociales des départements vers les métropoles soulevait d'importantes interrogations, notamment au regard du potentiel fiscal de chacun des acteurs. Il a observé que les pouvoirs publics devaient être très attentifs à ne pas créer, d'une part, une collectivité territoriale dotée de moyens financiers conséquents en provenance de l'aire urbaine et capable de supporter le poids des politiques sociales, voire de mener une politique sociale propre au-delà de ce que la loi lui impose, et, d'autre part, une collectivité territoriale rurale, dotée de faibles moyens financiers mais devant mener une politique sociale active destinée à répondre aux besoins d'une population plus âgée.
Il a estimé que le rôle des métropoles devait plutôt être axé sur le développement économique qu'orienté vers les politiques sociales.
M. Jean-Louis Sanchez a rappelé que l'ODAS avait dressé un bilan particulièrement flatteur de l'action des départements en matière d'action sociale. Il a jugé que la prise en charge des prestations sociales constituait une question cruciale pour les finances départementales.
Il a indiqué que les transferts de compétences des départements vers les métropoles ne devaient pas concerner les domaines de la protection de l'enfance ou de l'action en direction des publics en détresse, mais plutôt permettre le développement de politiques sociales plus globales qui intègrent une dimension culturelle, sportive et tiennent compte des actions menées en matière de politique de la ville.
Il a indiqué que les maires souhaitaient une coopération approfondie avec les départements sur de tels sujets.
M. Yves Krattinger, rapporteur, s'est interrogé sur les effets de ces délégations en matière institutionnelle, la création de services redondants au niveau municipal se traduisant par des coûts financiers supplémentaires.
M. Claude Berit-Débat a, à son tour, relevé qu'un transfert des compétences d'action sociale du département vers les métropoles posait un problème de solidarité financière entre les territoires, et notamment entre les zones urbaines et les zones rurales.
Il a souligné par ailleurs que toutes les agglomérations ne disposaient pas de moyens suffisants pour développer des politiques sociales novatrices.
Il a, par ailleurs, souhaité connaître la définition de la notion de « prévenance ».
M. Jean-Louis Sanchez a indiqué que la notion de prévenance, d'origine québécoise, définissait une politique active dont l'objectif est le bien-être des personnes.
Il a estimé que le rôle des communes en matière de politique sociale était sous-évalué et que la coopération entre communes et départements en la matière devait être renforcée. Les maires doivent être incités à développer des politiques plus ambitieuses afin de lutter contre le délitement du lien social et contenir l'augmentation des situations de grande précarité, cette évolution n'étant pas source de conflits d'intérêt entre les départements et les communes.
Audition de M. Guy Pustelnik, directeur de l'établissement public interdépartemental de Dordogne, délégué général de l'association française des établissements publics territoriaux de bassins (EPTB)
Sous la présidence de M. Yves Krattinger, rapporteur, la mission a procédé, ensuite, à l'audition de M. Guy Pustelnik, directeur de l'établissement public interdépartemental de Dordogne, délégué général de l'association française des établissements publics territoriaux de bassins (EPTB).
M. Guy Pustelnik a rappelé, au préalable, que la création des EPTB, dès le milieu des années 1960, avait apporté une réponse institutionnelle à un besoin de coordination pour faire face aux problèmes de gestion de l'eau, dans un souci d'adaptation aux besoins du territoire, de planification, de solidarité et, le cas échéant, de coordination interdépartementale. Soulignant la nécessité d'aborder ces questions à partir de la bonne échelle, il a regretté que les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), en cours d'élaboration, soient peu axés sur la territorialisation de ces politiques et manquent de vision stratégique.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a voulu savoir quelle pourrait être la répartition des compétences dans le domaine de l'eau, qui relève également de l'aménagement du territoire.
M. Guy Pustelnik ayant indiqué que les communes restaient au centre de ces politiques, notamment en matière d'assainissement, M. Yves Krattinger, rapporteur, a estimé que les intercommunalités devraient également être incitées à intervenir.
Puis M. Guy Pustelnik a souligné la pertinence, d'une part, du niveau départemental pour coordonner l'alimentation en eau potable, et, d'autre part, de l'échelle du bassin versant en matière de lutte contre les inondations, de protection coordonnée des zones humides et d'étiages. Par ailleurs, les conventionnements entre EPTB et communautés de communes présentent un grand intérêt. Il a fait observer qu'un grand nombre de syndicats de bassins rencontraient des difficultés financières, puis a rappelé que l'entretien des cours d'eau incombait aux riverains, en vertu du droit existant. Il a attiré l'attention sur les difficultés que rencontrent également les EPTB, en l'absence de modes de financement, et a souhaité que ces établissements deviennent des relais des agences de l'eau. Par ailleurs, il a regretté que ces dernières ciblent à présent leurs financements sur les priorités fixées par la directive européenne relative aux eaux résiduaires urbaines (ERU), au détriment, notamment, des eaux de baignade.
M. Yves Krattinger, rapporteur, s'est demandé s'il ne serait pas plus pertinent d'inciter à la coopération entre les intercommunalités plutôt que de recourir à des syndicats de bassins. Il a relevé une évolution des mentalités quant à l'obligation d'entretien des cours d'eau par les riverains. Enfin, il s'est interrogé sur le niveau du prix de l'eau.
M. Claude Bérit-Débat a souhaité que la mission intègre la question du financement dans ses préconisations, soulignant les problèmes liés au désengagement de l'Etat, notamment en termes d'impact sur les charges à supporter par les communes et de péréquation.
M. Guy Pustelnik a indiqué qu'il existait de grandes différences de prix de l'eau. Puis il a souhaité qu'une réflexion soit menée en vue de définir une stratégie sur les grands fleuves qui structurent notre territoire. Il a rappelé, par ailleurs, que l'Etat envisageait de transférer aux collectivités territoriales le domaine public fluvial, sans que soit réellement précisé le champ de ce transfert.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a relevé que, si ce transfert intervenait, il devrait également concerner les concessions. Puis, M. Claude Bérit-Débat a insisté sur la nécessaire prise en compte de l'état du domaine concerné.
Audition de M. Jean-Pierre Dufès, vice-président de l'association des maires et élus des communes associées de France (AMECAF
Sous la présidence de M. Yves Krattinger, rapporteur, la mission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Dufès, vice-président de l'association des maires et élus des communes associées de France (AMECAF).
M. Jean-Pierre Dufès a expliqué qu'il existait 744 communes associées, dont 150 étaient membres de l'AMECAF. Il a indiqué qu'il était maire-délégué de Terves, commune associée à Bressuire.
Il a considéré que le dispositif de fusion-association créé par la loi Marcellin de 1971 constituait une étape transitoire avant la fusion qui avait perdu beaucoup de son intérêt. Il a indiqué qu'il y avait eu beaucoup de séparations. Interrogé par M. Yves Krattinger, rapporteur, sur les évolutions à engager, il a évoqué le fait que le maire délégué d'une commune associée n'était pas forcément la personne la mieux élue sur le territoire considéré, ce qui pouvait constituer un problème. Il a également observé qu'il n'était pas opportun que la commune associée soit représentée au niveau de la communauté de communes seulement avec une voix consultative.
M. Jean-Pierre Dufès a fait trois propositions pour faire évoluer le statut de commune associée. Il a proposé, tout d'abord, que la population soit systématiquement consultée sur un projet de fusion simple. Dans l'hypothèse où la fusion serait refusée, il a préconisé le retour à l'indépendance pleine et entière de la commune associée, celle-ci devant néanmoins intégrer la communauté de communes dont était membre son ancienne commune de rattachement. Il a évoqué enfin la possibilité de s'inspirer de la loi PLM (Paris-Lyon-Marseille) afin de transformer les communes associées en arrondissements, certains élus siégeant également au conseil municipal de la commune et au conseil de la communauté de communes.
En réponse à M. Yves Krattinger, rapporteur, M. Jean-Pierre Dufès a estimé que les communes qui avaient appliqué le dispositif de fusion-association choisiraient aujourd'hui l'intercommunalité si elle n'avait pas précédemment fait ce choix.
Audition de M. Emile Blessig, député du
Bas-Rhin, président,
et de Mme Catherine Sadon, directrice
de l'association de promotion et de fédération des
pays
Sous la présidence de M. Yves Krattinger, rapporteur, la mission a ensuite procédé à l'audition de M. Emile Blessig, député du Bas-Rhin, président, et de Mme Catherine Sadon, directrice de l'association de promotion et de fédération des pays.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a d'abord rappelé que détracteurs et défenseurs des pays s'affrontaient dans le cadre des débats actuels sur l'évolution des structures territoriales. Dans ce contexte, il a souhaité connaître les réflexions menées sur l'avenir de ces institutions par l'association de promotion et de fédération des pays.
M. Emile Blessig a d'abord souhaité présenter quelques données chiffrées, permettant de mesurer l'ancrage des pays dans le paysage territorial français : 80 % du territoire est couvert par les pays, ce qui représente 47 % de la population, soit 23 millions de personnes et plus de 29 000 communes. Le plus grand pays (Rennes) compte 450 000 habitants et le plus petit 6 250 habitants. Leur superficie varie entre 150 et 4 700 km² et ils rassemblent entre 1 et 20 groupements de communes. Il a ensuite rappelé que les pays n'étaient pas des collectivités territoriales. A cet égard, il ne lui est pas apparu légitime qu'ils soient évoqués dans le débat sur la réduction du nombre de niveaux de collectivités.
Les pays doivent être évalués en fonction des missions qu'ils remplissent : ce sont en effet, selon le souhait du législateur, des administrations de mission et non de gestion. Dans cette optique, les pays sont des outils à la disposition des intercommunalités et déploient leur activité sur un territoire infra-départemental ou infra-régional. La pertinence de ce territoire de mission se mesure à l'aune de quatre critères : une superficie suffisante, un nombre d'habitants de l'ordre de 100 000, la présence d'activités économiques et des services publics indispensables, ainsi que le sentiment, pour les habitants, d'appartenir à un territoire ayant une personnalité propre.
Il a jugé, par ailleurs, indispensable au bon fonctionnement d'un pays que la région et le département en comprennent et en appuient la démarche : c'est à cette condition que des projets peuvent être portés par ce pays à une échelle plus large que celle d'une seule communauté de communes.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a estimé que certains pays faisaient preuve de beaucoup de dynamisme, notamment en matière de réflexion stratégique ou de coordination des actions des communautés de commune. D'autre pays, au contraire, ont seulement joué le rôle de « boîte aux lettres » pour la distribution ponctuelle de subventions à leurs membres. Il a, par ailleurs, évoqué l'éventualité d'une institutionnalisation de la coopération entre les départements et les régions par le biais d'un conseil des exécutifs. Compte tenu de ces éléments, il a interrogé l'intervenant sur l'utilité de préserver un cadre législatif pour les pays : ne suffit-il pas de faire confiance aux collectivités et à leur désir de coopérer dans un cadre plus large que celui de l'intercommunalité ?
M. Emile Blessig a estimé nécessaire de préserver les dispositions législatives concernant les conseils de développement, organes de réflexion stratégique d'une grande utilité, parfois vus d'un mauvais oeil par les collectivités de niveau supérieur. En outre, l'expérience montre que les collectivités territoriales, s'appuyant sur la clause de compétence générale, font souvent passer la défense de leur périmètre d'action avant la coopération inter-collectivités. Dès lors, il a souhaité le maintien d'un cadre législatif permettant de soutenir les initiatives de coopération entre groupements de communes, notamment en milieu rural, par exemple en matière de haut débit, d'aménagement sanitaire ou d'emploi, surtout lorsque ces initiatives ne sont pas reconnues par le département ou la région.
M. Yves Krattinger, rapporteur, a, par ailleurs, estimé que les pays pouvaient constituer des territoires à l'identité forte, que les citoyens s'approprient et dont les actions en matière de développement touristique s'avèrent souvent utiles.
M. Emile Blessig a confirmé que l'économie touristique pouvait recevoir un soutien efficace de la part des pays, en incitant les agents économiques à coopérer et à élargir leur action.
Mercredi 10 juin 2009
Audition de M. Alain Even, président de l'assemblée des conseils économiques et sociaux régionaux de France
Sous la présidence de M. Yves Krattinger, rapporteur, au cours d'une première réunion tenue le matin, la mission a procédé à l'audition de M. Alain Even, président du conseil économique et social de Bretagne, président de l'assemblée des conseils économiques et sociaux de France.
M. Alain Even, président de l'assemblée des conseils économiques et sociaux de France, a indiqué que l'association qu'il préside regroupait l'ensemble des conseils économiques et sociaux régionaux (CESR). Les membres de cette association ont souhaité élaborer des propositions susceptibles de contribuer à la réflexion sur la réforme territoriale annoncée par le Président de la République.
L'assemblée des CESR n'a pas souhaité se prononcer sur le bien-fondé de la suppression d'un échelon territorial, mais a considéré qu'une réforme conduisant à clarifier la répartition des compétences entre les acteurs était nécessaire pour assurer une meilleure articulation des interventions de ceux-ci et éviter une dispersion des moyens. Cette réforme devrait permettre de conforter la région, qui s'est affirmée comme un acteur responsable, dans ses compétences et ses réalisations en matière de développement économique, de formation professionnelle, afin de lui permettre de jouer un rôle de mise en cohérence des actions au sein de l'espace régional.
L'assemblée des CESR s'est également déclarée favorable au renforcement de l'approche consultative, par le maintien ou le renforcement des conseils de développement existant au niveau des pays et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle souhaite que la composition des CESR soit ajustée pour être plus représentative de la société. Or, il a regretté que ces questions n'aient pas été évoquées jusqu'à présent.
M. Alain Even, président de l'assemblée des conseils économiques et sociaux régionaux de France, a souligné que la création des conseillers territoriaux pourrait avoir une influence sur le rôle des CESR, notamment en les conduisant à se prononcer sur la politique menée au niveau départemental.
M. Yves Krattinger, président, a souhaité disposer de précisions sur les positions adoptées par l'assemblée des CESR de France, notamment sur le périmètre de la réforme territoriale évoquée, sur le rôle et la place des CESR comme porteurs de l'intérêt régional et sur leur articulation avec le rôle des conseils régionaux, ainsi que sur leurs relations avec les départements, leur positionnement comme acteurs stratégiques en charge de la préparation de l'avenir ou comme acteurs de proximité.
Mme Anne-Marie Escoffier a souligné la nécessité d'examiner les effets de la révision générale des politiques publiques (RGPP) menée par l'État sur la question de l'enchevêtrement des compétences entre État et collectivités territoriales.
M. Alain Even a souligné que les propositions de l'assemblée des CESR étaient le fruit d'un consensus et n'avaient pas vocation à se présenter sous la forme d'un projet de réforme concurrent de ceux élaborés par le Gouvernement ou le Parlement. L'assemblée des CESR souhaite simplement souligner les effets dommageables provoqués par l'absence de coordination de certaines politiques locales. C'est le cas, par exemple, pour les actions menées en réponse à la crise économique par les régions, les départements et les intercommunalités de grande taille. L'absence de coordination entre les différents projets peut se traduire par des interventions redondantes. C'est également le cas dans le domaine des transports puisque chaque région compte en moyenne quatre opérateurs distincts, ce qui ne favorise ni la concertation, ni l'intermodalité.
Mme Anne-Marie Escoffier a voulu savoir si c'était le nombre d'opérateurs qui soulevait des difficultés ou l'absence de concertation entre les différents acteurs. Elle a indiqué que, dans la région Midi-Pyrénées, malgré un contexte relationnel difficile, les acteurs définissent des politiques complémentaires.
M. Alain Even a estimé que la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales devait être clarifiée. Il a souligné que, en Bretagne, de nombreux acteurs, dont le CESR, souhaitaient que la région puisse disposer de compétences en matière de gestion de l'eau ou de protection du littoral afin de faire valoir une approche différente de celle de l'État et d'accélérer la mise en oeuvre de certains projets qui sont aujourd'hui retardés par la complexité des relations entre l'État et les collectivités territoriales.
M. Yves Krattinger, président, s'est interrogé sur les moyens d'organiser les relations entre territoires au sein d'une région, ainsi que sur l'opportunité de transférer les services de l'État aux régions lorsque les compétences correspondantes ont été transférées. Il a évoqué la perspective de création d'un conseil régional des exécutifs.
M. Alain Even a indiqué que de nombreuses difficultés subsistaient en matière de répartition des compétences. C'est le cas en matière de tourisme, tout comme en matière de développement économique. Il a estimé difficile pour une entreprise souhaitant bénéficier d'aides au titre du développement des pôles de compétitivité de devoir s'adresser à trois guichets distincts installés aux niveaux communal, départemental et régional.
Il a souhaité que les schémas de cohérence territoriale (SCOT) soient articulés avec le schéma régional d'aménagement du territoire, afin d'éviter des contradictions entre ces documents.
Il a émis le souhait que les CESR puissent être associés à la définition de l'intérêt régional et participer aux travaux du conseil régional des exécutifs.
Enfin, il s'est prononcé en faveur d'un mode de scrutin qui permette de dégager des majorités au niveau régional estimant que toute autre solution constituerait un retour en arrière.
M. Yves Krattinger, président, a jugé que le mode de scrutin actuel au niveau régional aboutissait à une sous-représentation des minorités mais garantissait l'existence d'une majorité de gestion.
M. Alain Even a regretté que les débats sur la réforme territoriale n'évoquent pas la question de l'association de la société dans ses différentes formes : conseils de quartier, conseils de développement ou CESR.
Mme Anne-Marie Escoffier s'est déclarée favorable à un débat sur le rôle des conseils de développement qui assurent la représentation de la société civile et du monde économique. Elle s'est interrogée sur les moyens d'assurer une meilleure représentation de la société civile dans la gouvernance locale et sur l'opportunité de transformer les CESR en conseils régionaux du développement.
M. Alain Even a indiqué que la majorité des CESR entretenaient des relations régulières avec les conseils de développement des pays et des EPCI et leur apportaient un soutien méthodologique. L'évolution de l'intercommunalité pourrait modifier le rôle des conseils de développement qui verraient leur rôle renforcé, notamment en prévoyant des saisines obligatoires de ces structures.
A titre d'exemple, il a indiqué que, en Bretagne, le conseil régional ne signe aucune convention avec les pays sans avoir préalablement consulté le conseil de développement de la structure concernée.
Les CESR peuvent également jouer un rôle de référent au niveau régional pour les multiples organes consultatifs qui sont créés, tels que les conférences régionales de santé. Il conviendrait également de redéfinir le rôle des CESR dans la nomination des membres de ces structures.
M. Claude Bérit-Debat a souligné l'existence de fortes hétérogénéités dans les modalités de nomination et de fonctionnement des conseils de développement. Il s'est prononcé en faveur d'une harmonisation de ces procédures et s'est interrogé sur l'origine des ressources financières qui leur sont affectées, considérant qu'il n'appartenait pas nécessairement aux collectivités territoriales de financer ces conseils consultatifs.
M. Alain Even a distingué la situation des CESR dont les modalités de composition sont définies par la loi, des conseils de développement existant dans les EPCI ou les pays. Il a fait part de son accord sur la nécessité d'harmoniser la nomination de leurs membres.
M. Yves Krattinger, président, a rappelé qu'il était parfois difficile de trouver un président pour ces conseils de développement. Il a ensuite voulu connaître l'opinion de l'orateur sur la répartition des rôles entre région et départements.
M. Alain Even a estimé que la région constituait l'échelon pertinent pour les questions d'avenir et le développement des grandes infrastructures. A ce titre, il a estimé qu'elles devraient disposer d'une compétence élargie en matière de développement économique, social, culturel et environnemental, ainsi que pour l'enseignement supérieur et la recherche. Certains domaines, tel le développement économique, devraient donc faire l'objet de clarification.
Il a reconnu que, après avoir considéré que la région et les EPCI devraient suffire à gérer le territoire, il admettait aujourd'hui que, dans les zones les moins denses, l'action du département était fondamentale pour préserver l'équité territoriale et assurer la cohésion sociale tandis que l'animation civique relève de la responsabilité des communes. La région ne peut assurer l'action sociale de terrain.