d) Des fichiers de police de plus en plus nombreux
Au même titre que les entreprises, l'Etat a fait des données à caractère personnel la matière première à partir de laquelle il personnalise ses services et améliore sa performance.
Cette logique n'est pas propre aux questions de sécurité. L'ensemble des services de l'Etat est concerné.
Ainsi, le pré-remplissage des déclarations de revenu est un service très apprécié des contribuables. Mais il suppose un croisement et une exploitation beaucoup plus intenses des données transmises par les organismes sociaux et les établissements bancaires.
Cette logique s'exprime pleinement à propos des fichiers de police. Plus nombreux -58 recensés par le rapport d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur les fichiers de police 22 ( * ) -, ils intègrent aussi de nouvelles données comme les données biométriques et recensent un nombre croissant d'individus.
Le STIC (système de traitements des infractions constatées) 23 ( * ) recensait en décembre 2008 36,5 millions de procédures, 37,9 millions d'infractions, 5,5 millions d'individus et 28,3 millions de victimes. En 2001, moins de quatre millions de personnes y figuraient.
Il en va de même pour les fichiers d'identification judiciaire comme le FAED (Fichier automatisé des empreintes digitales) et le FNAEG (Fichier national des empreintes génétiques). Le premier compte 3 millions de personnes enregistrées 24 ( * ) en 2009 contre un million en 1998. Le second, créé seulement en 1998 mais dont le champ a été considérablement élargi par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, comportait un peu plus de 800.000 individus fin 2008 contre moins de 3.000 en 2002.
Cette montée en puissance a fait des fichiers de police un outil de travail quotidien et indispensable pour l'ensemble des forces de sécurité.
Une autre tendance est l'interconnexion , notamment entre les données de masse collectées à titre préventif (données PNR, plaques minéralogiques des véhicules) et des fichiers à vocation judiciaire comme le fichier des personnes recherchées (FPR) ou le fichier des véhicules volés (FVV).
Vos rapporteurs attirent aussi l'attention, à la suite de la CNIL et du rapport d'information précité sur les fichiers de police, sur les risques de dérive en cas d'usage des fichiers de police à d'autres fins, comme la réalisation d'enquêtes administratives.
La loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne a explicitement prévu la possibilité d'une consultation des fichiers STIC et JUDEX dans le cadre de certaines enquêtes administratives. Les informations contenues dans ces fichiers peuvent donc avoir un impact direct sur la vie quotidienne des personnes fichées. Un emploi pourra ainsi leur être refusé. Selon la CNIL, la consultation du STIC à des fins d'enquête administrative est susceptible de concerner aujourd'hui plus d'un million d'emplois, en particulier dans le secteur de la sécurité privée.
L'exactitude et la mise à jour des données enregistrées doivent être irréprochables. Or, les contrôles de la CNIL montrent de graves insuffisances. Ainsi, le taux des données non effacées à la suite d'un classements sans suite pour insuffisance de charges ou infraction insuffisamment caractérisée était, pour les 34 tribunaux de grande instance interrogés, de 6,96 % en 2005, 5,89 % en 2006 et 21,5 % en 2007, soit plus d'un million d'affaires non mises à jour en 3 ans.
Enfin, la coopération policière européenne et internationale tend de plus en plus à permettre l'interrogation réciproque des fichiers de police nationaux, notamment dans le cadre du traité de Prüm 25 ( * ) .
* 22 Rapport d'information n° 1548-XIIIe législature de Mme Delphine Batho et M. Jacques Alain Benisti, députés.
* 23 Ce fichier répertorie des informations provenant des comptes rendus d'enquêtes effectuées après l'ouverture d'une procédure pénale. Il recense à la fois les personnes mises en cause dans ces procédures et les victimes des infractions concernées. Il facilite la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. Il permet également d'élaborer des statistiques. Ce fichier est géré par la police nationale. La gendarmerie nationale possède son pendant appelé JUDEX.
* 24 Ainsi que 171.000 traces non identifiées.
* 25 Le traité de Prüm, signé en mai 2005 et intégré depuis 2008 au droit de l'Union européenne, permet aux États membres d'échanger des données telles que les empreintes génétiques et digitales, ou encore les immatriculations des véhicules.