II. UNE RÉPONSE ENCORE EMBRYONNAIRE AUX DIFFICULTÉS CONSTATÉES ANTÉRIEUREMENT
Si certains interlocuteurs ont évoqué les avancées permises ou, pour le moins, attendues de la création de l'EPRUS, les auditions et les déplacements réalisés par votre rapporteur spécial ne lui permettent pas de porter, aujourd'hui, un jugement aussi optimiste. Son sentiment est davantage celui d'un dispositif embryonnaire, non encore complètement maîtrisé , aujourd'hui confronté à une véritable « épreuve du feu ».
Votre rapporteur spécial ne minimise pas le contexte difficile dans lequel la création de ce nouvel établissement est intervenue, contexte d'autant plus contraint depuis la découverte des premiers cas de grippe A/H1N1 à la fin du mois d'avril 2009. En particulier, il souhaite insister sur :
- le caractère encore relativement récent de l'EPRUS : le premier conseil d'administration de l'établissement a eu lieu le 10 septembre 2007 ;
- les conditions peu satisfaisantes de la gestion du « stock national santé » antérieurement à la création de l'agence , rappelées précédemment ;
- les difficultés rencontrées par la DGS, chargée de l'exercice de la tutelle, au moment de la mise en place de l'EPRUS . Celle-ci achevait, en effet, au même moment la réforme de son organisation 37 ( * ) , héritant ainsi, avec des équipes reconstituées, des missions jusqu'alors partagées entre les services du Haut fonctionnariat de défense et de sécurité (HFDS), de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) et ses propres services, le DéSUS, devenu département des urgences sanitaires (DUS). En moins d'une année, la DGS a, en particulier, été amenée à gérer des procédures d'achats dans des conditions différentes entre la période de gestion assurée en propre par l'administration centrale, la création à titre transitoire du FOPRIS et la mise en place de l'EPRUS ;
- enfin, de façon plus générale, la difficulté inhérente à la gestion des crises sanitaires , par définition imprévisibles, et dont la maîtrise dépend de nombreux facteurs extérieurs à l'Etat.
Si certaines faiblesses constatées par votre rapporteur spécial peuvent être imputées à la « jeunesse » de l'établissement et si certaines avancées semblent en cours de réalisation, des difficultés plus profondes demeurent néanmoins . Elles peuvent être regroupées en trois catégories :
- des problèmes de gouvernance et de positionnement au sein du dispositif déjà complexe de gestion des risques sanitaires ;
- des difficultés dans la programmation budgétaire des moyens alloués à l'EPRUS et la valorisation du « stock national santé » ;
- des dysfonctionnements, enfin, liés à sa mission de gestionnaire logistique des stocks de produits de santé constitués en cas de menaces sanitaires graves.
A. DES PROBLÈMES DE GOUVERNANCE QUI ONT RETARDÉ LA MISE EN PLACE OPÉRATIONNELLE DE L'EPRUS
Les difficultés rencontrées par l'EPRUS en matière de gouvernance résultent, à la fois, de sa création dans une relative impréparation, de son positionnement complexe au sein du dispositif de gestion des crises sanitaires, notamment par rapport à son administration de tutelle, et, enfin, de difficultés de gestion des ressources humaines.
1. Une création dans la précipitation
La mise en place de l'EPRUS a été entérinée dans de brefs délais. L'EPRUS a été créé par la loi précitée du 5 mars 2007 et organisé par le décret n° 2007-1273 du 27 août 2007 38 ( * ) . Le président du conseil d'administration et le directeur général de l'établissement ont été nommés par décret du 29 août 2007 39 ( * ) . L'installation officielle de l'EPRUS a eu lieu le 10 septembre 2007 lors du premier conseil d'administration de l'établissement.
Il s'agissait, pourtant, de mettre en place une structure opérationnelle de préparation et de projection de moyens humains et matériels en cas d'urgence sanitaire à partir, certes, d'un transfert de compétences auparavant exercées par le ministère de la santé - la gestion du « stock national santé » -, mais également, à partir de la création d'un tout nouvel outil - la « réserve sanitaire ».
Habituellement, comme cela a été indiqué à votre rapporteur spécial, une opération de cette ampleur donne lieu à une phase de préfiguration destinée à préciser, à partir des difficultés identifiées, l'ensemble des objectifs assignés à l'établissement, les moyens dont il dispose pour y parvenir et le calendrier précis de sa montée en charge. Or, selon Bernard Boubé, ancien directeur général de l'EPRUS en place au moment de la création de l'agence, cette phase de préfiguration a été partielle laissant subsister de nombreuses incertitudes, tant en ce qui concerne la conception du rôle du nouvel établissement et son positionnement par rapport au ministère de la santé chargé de sa tutelle, que des modalités juridiques de transfert à l'EPRUS des principaux marchés passés antérieurement par la DGS.
Ces imprécisions ont eu des conséquences dans le retard de la mise en place opérationnelle de l'EPRUS, ainsi que dans les relations EPRUS/DGS. Trois éléments attestent, en particulier, de ce caractère quelque peu « improvisé » de la création de l'établissement : les retards pris dans l'implantation, dans des conditions pérennes, de l'EPRUS ; la formalisation tardive, et encore non parfaitement achevée, des relations entre la DGS et l'EPRUS ; enfin, les problèmes juridiques soulevés par l'ouverture de l'établissement pharmaceutique.
a) Les retards pris dans l'implantation, dans des conditions pérennes, de l'EPRUS
En premier lieu, l'implantation de l'EPRUS dans ses locaux définitifs n'a été effective qu'au début de l'année 2009 , après une implantation provisoire au sein du ministère de la santé, puis dans un immeuble de la rue de Rennes.
Une contrainte paraît avoir pesé dans le choix du site : le statut d' « opérateur d'importance vitale » reconnu à l'EPRUS par un arrêté en date du 10 juin 2008 et entraînant un certain nombre de conséquences, notamment en termes de sécurisation du siège de l'agence et de ses systèmes d'information.
Le choix s'est finalement porté sur un établissement situé à Saint-Denis. Cette décision est en cohérence avec la politique de rationalisation de l'implantation, autour de deux pôles, des agences de sécurité sanitaire, menée depuis quelques années par le ministère de la santé : le premier pôle dit « milieu et recherches » est situé au sud-est de Paris (Maisons-Alfort) et réunit l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) ; le second dit « pratiques et produits » est situé dans le nord de Paris (Saint-Denis) et regroupe notamment l'Agence de biomédecine (ABM) et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
Sous réserve qu'il réponde aux conditions de sécurité requises pour ce type particulier d'établissement, votre rapporteur spécial estime ce choix pertinent, dans la mesure où il a vocation à faciliter la mutualisation des fonctions support des agences de sécurité sanitaire et ainsi à contribuer à l'amélioration de la gestion patrimoniale de l'Etat.
* 37 Décret n° 2007-840 du 11 mai 2007 relatif à l'organisation de l'administration centrale du Ministère chargé de la santé et modifiant le code de la santé publique ; arrêté du 11 mai 2007 portant organisation de la direction générale de la santé en services et sous directions ; arrêté du 11 mai 2007 portant organisation de la direction générale de la santé en bureaux ; arrêté du 11 mai 2007 relatif à l'organisation, aux attributions et aux moyens du service du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité auprès des ministres chargés des affaires sociales.
* 38 Décret n° 2007-1273 du 27 août 2007 pris pour l'application de la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.
* 39 Décret du 29 août 2007 portant nomination du président du conseil d'administration de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires - M. Bühl (Jean-Louis). Décret du 29 août 2007 portant nomination du directeur général de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires - M. Boubé (Bernard).