3. Entre attentes fortes et interrogations
La proposition de loi déposée par notre collègue Francis Giraud, tendant à créer l'EPRUS, n'avait pas « pour ambition de réformer en profondeur la gestion des situations de crises sanitaires dans notre pays » 30 ( * ) . Sa mise en place visait, avant tout, à rationaliser et à professionnaliser la gestion logistique des stocks de produits et équipements de santé constitués dans le cadre des plans de prévention et de lutte contre les risques sanitaires exceptionnels.
Néanmoins, les attentes liées à la mise en place de ce nouvel établissement étaient fortes puisqu'il s'agissait de répondre aux insuffisances du dispositif précédent. C'est ce qu'a notamment rappelé Xavier Bertrand, alors ministre de la santé et des solidarités, au moment de l'examen devant le Sénat de la proposition de loi précitée : « l'importance des stocks et des sommes en jeu, comme les garanties de fiabilité et de disponibilité immédiate que les produits de la réserve doivent offrir à tout moment, supposent la mise en place d'un vaste plan de gestion logistique pour tous les lots livrés et à livrer. Le suivi opérationnel de ces différents circuits ne peut plus être assuré efficacement par un seul service administratif - actuellement, c'est le DéSUS, le département des situations d'urgence sanitaire de la direction générale de la santé -, car il nous faut allier rapidité d'action, efficacité et économie financière » 31 ( * ) .
Or l'ampleur des difficultés rencontrées jusqu'alors faisait également douter de la capacité de l'EPRUS à les surmonter rapidement. C'est ce que conclut la Cour des comptes dans un référé transmis à votre commission des finances le 13 octobre 2008 32 ( * ) . La Cour - dont les travaux portaient sur la gestion du « stock national santé » antérieurement à la mise en place de l'EPRUS -, indiquait ainsi qu' en tout état de cause, la création de ce nouvel établissement ne pourrait résoudre, à elle seule, les difficultés rencontrées précédemment.
Votre commission des finances avait également émis des doutes quant l'opportunité de mettre en place cette nouvelle structure . En particulier, notre collègue Nicole Bricq, alors rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire », qui s'était déjà interrogée sur la qualité de gestion des stocks de produits de santé constitués dans le cadre du plan « Biotox » et du plan de prévention et de lutte « Pandémie grippale », avait insisté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, sur la nécessité pour le nouvel établissement de trouver sa place au sein du dispositif déjà complexe de gestion des crises sanitaires, soulignant notamment des risques de chevauchements de compétences entre les nombreux acteurs intervenant dans ce domaine 33 ( * ) .
Les interrogations de notre collègue Nicole Bricq, alors rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire » sur l'opportunité de mettre en place l'EPRUS « Votre rapporteure spéciale tient à souligner la nécessité pour ce nouvel établissement de trouver sa place au sein du dispositif actuel de gestion des crises sanitaires. En particulier, elle souhaite attirer l'attention sur l'indispensable articulation et coordination des actions de l'EPRUS avec les autres acteurs intervenant en matière de gestion des crises sanitaires : - les agences de sécurité sanitaire et, plus particulièrement l'Institut de veille sanitaire (INVS) qui, en vertu de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique 34 ( * ) , doit contribuer à la gestion des situations de crises sanitaires, en proposant aux pouvoirs publics toute mesure ou action nécessaire ; - le département des urgences sanitaires (DUS), créé par arrêté du 14 octobre 2004, et placé auprès du directeur général de la santé, qui a notamment pour mission de réceptionner les alertes sanitaires de niveau national ou international et de préparer des plans de réponse aux grandes menaces sanitaires ; - le centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales (CORRUSS), chargé de vérifier les données d'alerte auprès de leur émetteur qui sont ensuite analysées au sein du DUS ; - le comité de gestion interministérielle des crises (COGIC) de la direction de la défense et de la sécurité civile du ministère de l'Intérieur qui est le lieu de veille et de mobilisation des différents moyens de secours et d'intervention, dès lors qu'une crise, sanitaire ou autre, nécessite une organisation de sa gestion au plan national. Votre rapporteure spéciale s'interroge également sur les chevauchements possibles de compétences entre le pôle « études » de l'EPRUS, chargé de l'analyse prospective des risques sanitaires, avec d'autres instances aux compétences similaires, en particulier : - la mission d'analyse stratégique, de prospective et d'appui scientifique (MASPRAS) de la direction générale de la santé ; - le Haut conseil de santé publique (HCSP), qui aux termes de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, doit apporter aux pouvoirs publics des « réflexions prospectives » sur les questions de santé publique. Enfin, votre rapporteure spéciale regrette que le transfert, à l'EPRUS, de compétences de la direction générale de la santé, auparavant chargée de l'acquisition et de la gestion des stocks de produits de santé en cas de crise sanitaire, ne se soit pas accompagné d'un transfert de personnel. Pour votre rapporteure spéciale, la création de ce nouvel établissement révèle, une fois encore, la construction par sédimentation du dispositif de sécurité sanitaire, sans étude d'impact préalable et sans vision claire de l'Etat en la matière. » Source : rapport n° 91 - tome III - Annexe 30 |
Bien que Xavier Bertrand, alors ministre de la santé et des solidarités, ait indiqué lors de l'examen devant le Sénat de la proposition de loi précitée, qu' « il ne s'agissait pas de créer une énième agence publique » 35 ( * ) , la mise en place de l'EPRUS s'inscrit pourtant bien dans le mouvement de prolifération des acteurs et structures dans le domaine sanitaire , mis en évidence par notre collègue Nicole Bricq, alors rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire », dans son rapport sur le dispositif des agences de sécurité sanitaire 36 ( * ) ( cf . schéma suivant).
Le dispositif des agences en matière de sécurité sanitaire (cf. glossaire)
Source : Rapport d'information n° 355 (2006-2007)
* 30 Rapport précité n° 159 (2006-2007) de notre collègue Francis Giraud, rapporteur de la proposition de loi relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur au nom de la commission des affaires sociales.
* 31 Séance publique du 23 janvier 2007.
* 32 Cour des comptes, référé n° 52107 sur les risques juridiques et sanitaires tenant aux conditions de gestion de la validité des stocks des produits pharmaceutiques de l'Etat , adressé à votre commission des finances le 13 octobre 2008.
* 33 Notre collègue Nicole Bricq, en sa qualité de rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire », avait abordé ce sujet dans son rapport d'information sur la grippe aviaire (rapport d'information n° 451 (2005-2006)), ainsi qu'à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances pour 2006 (rapport général n° 99 (2005-2006), tome III, annexe 28), pour 2007 (rapport général n° 78 (2006-2007), tome III, annexe 28) et pour 2008 (rapport général n° 91 (2007-2008), tome III, annexe 30).
* 34 Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.
* 35 Séance publique du 23 janvier 2007.
* 36 Rapport d'information n° 355 (2006-2007).