2. L'obligation constitutionnelle de modifier les modalités de financement des risques sanitaires
Jusqu'en 2006, le financement des mesures de prévention de risques sanitaires graves était assuré, soit par le budget de l'Etat , soit par l'assurance maladie, par le biais de deux fonds de concours :
- le fond de concours 35-1-6-955 : « participation de la CNAMTS [Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés] à l'achat, le stockage et la livraison de traitements pour les pathologies résultant d'actes terroristes ou de menaces sanitaires graves » », créé en 2002 et utilisé dans le cadre de la préparation de la réponse aux menaces sanitaires d'origine terroriste et à une pandémie grippale ;
- le fonds de concours 35-1-6-900 : « participation à une action de prévention épidémique », créé en 2003, à la suite d'une épidémie de méningite dans le sud-ouest de la France et en prévision d'autres risques d'épidémies de ce type.
Depuis 2002, le montant de la contribution des régimes obligatoires d'assurance maladie à ces fonds de concours était fixé en loi de financement de la sécurité sociale. Les différents plans de préparation et de planification ont été, jusqu'en 2006, quasiment exclusivement financés par l'assurance maladie, comme l'indique le tableau suivant.
Financement des plans de préparation et de réponses aux urgences sanitaires
entre 2002 et 2006
(en euros)
Crédits inscrits en loi de financement de la sécurité sociale et en loi de finances |
Plan « Biotox » |
Plan « Pandémie grippale » |
Epidémiologie |
Total |
2002 |
||||
Fonds de concours - Assurance maladie |
198.182.190 |
- |
- |
198.182.190 |
Budget général de l'Etat |
402.000 |
- |
- |
402.000 |
Total |
198.584.190 |
- |
- |
198.584.190 |
2003 |
||||
Fonds de concours - Assurance maladie |
9.927.332 |
2.057.250 |
- |
11.984.582 |
Budget général de l'Etat |
6.938.000 |
- |
50.421 |
6.988.421 |
Total |
16.865.332 |
2.057.250 |
50.421 |
18.973.003 |
2004 |
||||
Fonds de concours - Assurance maladie |
1.727.594 |
131.357.850 |
3.507.135 |
136.592.579 |
Budget général de l'Etat |
3.351.000 |
- |
- |
3.351.000 |
Total |
5.078.594 |
131.357.850 |
3.507.135 |
139.943.579 |
2005 |
||||
Fonds de concours - Assurance maladie |
20.896.806 |
319.175.634 |
- |
340.072.440 |
Budget général de l'Etat |
1.511.750 |
5.534.505 |
136.864 |
7.183.119 |
Total |
22.408.556 |
324.710.139 |
136.864 |
347.255.559 |
2006 |
||||
Fonds de concours - Assurance maladie |
5.195.245 |
81.280.467 |
962.420 |
87.438.132 |
Budget général de l'Etat |
787.750 |
36.302.564 |
- |
37.090.314 |
Total |
5.982.995 |
117.583.031 |
962.420 |
124.528.446 |
Total 2002-2006 |
||||
Fonds de concours - Assurance maladie |
235.929.167 |
533.871.201 |
4.469.555 |
774.969.923 |
Budget général de l'Etat |
12.990.500 |
41.837.069 |
187.285 |
55.014.854 |
Total |
248.919.667 |
575.708.270 |
4.656.840 |
829.984.777 |
Source : commission des finances, à partir des données transmises par le ministère de la santé et des sports
Or le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 25 ( * ) , a mis fin, pour l'avenir, à cette possibilité d'une contribution de l'assurance maladie, au financement du plan de prévention et de lutte « pandémie grippale », par le biais d'un fonds de concours ( cf. encadré suivant).
Le Conseil constitutionnel a, en effet, estimé que la participation de l'assurance maladie au fonds de concours précité n'entrait pas dans le cadre des dispositions de l'article 17 de la LOLF et qu'un tel prélèvement, en raison de son caractère obligatoire, ne figurait pas parmi les recettes qui peuvent abonder un fonds de concours.
L'obligation constitutionnelle de renoncer au recours au fonds de concours (Décision n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005) Se saisissant d'office des articles 5 et 64 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions de ces articles n'étaient pas conformes à la règle, fixée par l'article 17 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), selon laquelle les versements aux fonds de concours ont un caractère volontaire. Le Conseil constitutionnel a, en effet, estimé que la participation de l'assurance maladie au fonds de concours précité n'entrait pas dans le cadre des dispositions de l'article 17 de la LOLF et qu'un tel prélèvement, en raison de son caractère obligatoire, ne figurait pas parmi les recettes qui peuvent abonder un fonds de concours. Toutefois, considérant que l'intérêt général de valeur constitutionnelle qui s'attache à la protection sanitaire de la population justifie que la participation de l'assurance maladie au fonds de concours, nécessaire en 2005 et 2006 à la mise en oeuvre des actions de prévention en cause, se poursuive jusqu'à la fin de l'année 2006, le Conseil constitutionnel a jugé que la méconnaissance, par les articles 5 et 64 de la loi déférée, des dispositions de la LOLF ne conduisait pas, en l'état, à les déclarer contraires à la Constitution. Il a cependant validé ces articles sous la réserve que le financement de ces actions soit mis en conformité, à compter de l'année 2007, avec les nouvelles prescriptions organiques qui régissent les procédures comptables particulières d'affectation de recettes. Dès lors, il semble qu'à défaut d'une mise en conformité des modalités de financement du plan gouvernemental avec les dispositions de la LOLF, « la censure serait inévitable lors de l'examen de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale » 26 ( * ) . Source : commission des finances |
Une solution devait ainsi être apportée à la fois aux difficultés rencontrées dans la gestion logistique du « stock national santé » et à l'obligation constitutionnelle de modifier les modalités de financement des mesures de lutte contre les risques sanitaires de grande ampleur. La mise en place de l'EPRUS a eu pour finalité de répondre à ces deux difficultés, ainsi qu'à la question de la mise en place d'un corps de réserve sanitaire mobilisable en cas de crise sanitaire grave.
* 25 Décision n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005.
* 26 Commentaire des Cahiers du Conseil constitutionnel n° 20.