3. Surendettement ou non
Globalement, en Europe s'est instauré un régime de croissance fondé sur le recours à l'endettement. Cependant, cette observation ne doit pas dissimuler des différences fondamentales entre pays.
La masse monétaire a augmenté à un rythme très rapide dans la zone euro depuis 1999, avec une forte accélération à partir de 2004.
MASSE MONÉTAIRE ET SES COMPOSANTES*
* Données corrigées des variations saisonnières et des effets de calendrier ; contribution à la variation de M3 par rapport au mois correspondant de l'année précédente, points de pourcentage.
Source : BCE
Fin novembre 2007, le rythme de croissance annuel de la masse monétaire a atteint un record depuis la création de l'euro, à 12,3 %.
C'est la croissance des prêts au secteur privé, et particulièrement aux entreprises non financières, qui explique ces dynamiques.
PRÊTS AU SECTEUR PRIVÉ*
* Pourcentages de variation par rapport au mois correspondant de l'année précédente.
Source : BCE
ÉVOLUTIONS MONÉTAIRES DANS LA ZONE EURO
(Encours en milliards d'euros, taux de croissance en %)
Source : BCE, Banque de France.
De 2005 à 2007, en données brutes (c'est-à-dire hors remboursements), les crédits au secteur privé ont augmenté à un rythme annuel moyen de 10,4 % .
Pour les crédits aux entreprises , la croissance a avoisiné 12 % .
Les crédits aux ménages ont connu également un certain dynamisme même si leur augmentation a décéléré. Les crédits à la consommation ont augmenté de l'ordre de 7 % ; ceux destinés à l'habitat des ménages de 9,4 %.
Une partie conséquente de la création monétaire a été liée à des contreparties extérieures en lien avec des flux d'investissements de portefeuille des non-résidents en titres d'émetteurs de la zone euro.
Dans cet environnement global, on doit relever la diversité des dynamiques nationales sur fond de variété des contributions de chaque pays à la masse monétaire dans la zone euro .
S'agissant des prêts aux résidents de la zone euro qui retracent l'ensemble des concours aux nationaux et aux non-nationaux relevant de la zone euro, les pays représentent des poids différents.
PART DES PRÊTS AUX RÉSIDENTS DE LA ZONE EURO DANS LE TOTAL
(en % du total)
Total |
Institutions financières |
Entreprises |
Ménages |
Part dans le PIB total* |
|
Belgique |
3,3 |
4,0 |
2,5 |
2,2 |
3,8 |
Allemagne |
26,3 |
29,2 |
19,5 |
28,7 |
27,8 |
Irlande |
3,8 |
4,3 |
3,9 |
3,1 |
2,2 |
Grèce |
1,5 |
0,9 |
2,1 |
1,9 |
2,6 |
Espagne |
12,8 |
6,0 |
19,9 |
18,0 |
12,1 |
France |
21,7 |
28,6 |
17,5 |
19,3 |
21,7 |
Italie |
13,7 |
11,1 |
18,1 |
9,5 |
17,6 |
Chypre |
0,4 |
0,3 |
0,4 |
0,4 |
NS |
Luxembourg |
2,8 |
5,6 |
1,4 |
0,6 |
0,4 |
Malte |
0,06 |
0,04 |
0,7 |
0,06 |
NS |
Pays-Bas |
6,9 |
3,7 |
6,8 |
8,8 |
6,6 |
Autriche |
3,5 |
4,5 |
3,2 |
2,6 |
3,1 |
Portugal |
1,8 |
0,8 |
2,5 |
2,7 |
1,9 |
* Hors Chypre et Malte
Source : BCE. Calcul des auteurs.
Il existe une forte corrélation entre la contribution de chaque pays à la masse monétaire dans la zone euro et le poids qu'il occupe dans le total du PIB de la zone . Deux pays apparaissent très singuliers sous cet angle : l'Italie dont les encours de prêts sont loin de son poids économique (ce qui reflète le constat généralement admis d'un très faible recours à l'emprunt dans ce pays notamment de la part des ménages) et le Luxembourg qui contribue davantage que son activité économique relative à la masse monétaire de la zone.
Il faut toutefois rappeler ici que les indicateurs concernant la contribution de chaque pays à la masse monétaire de la zone euro incluent les crédits distribués à des non-résidents du pays en question dès lors que ceux-ci sont des résidents de la zone euro. On ne peut donc en déduire l'existence d'un équilibre entre ces grandeurs et le niveau de l'activité économique .
D'ailleurs, les niveaux comparés des taux d'endettement des agents montrent l'existence de très fortes disparités qui témoignent d'une nette hiérarchie du recours au crédit dans l'Union européenne .
Ainsi, pour les ménages, leur endettement variait en 2003 de 67,7 % de leur revenu disponible en Finlande à 104,5 % en Allemagne (60,2 % en France).
ENDETTEMENT DES MÉNAGES EN POURCENTAGE DU REVENU DISPONIBLE BRUT (RDB) EN 2003
Pays-Bas |
200,7 |
Royaume-Uni |
129,2 |
Allemagne |
104,5 |
Autriche |
75,1 |
Espagne |
92,4 |
Finlande |
67,7 |
France |
60,2 |
Belgique |
63,5 |
Portugal |
111,3 |
Italie |
36,4 |
Europe des 15 |
90,8 |
Source : Banque de France
Ces données reflètent des dynamiques antérieures à l'année à laquelle elles se rattachent, dynamiques qui ont été nettement infléchies au cours de la période récente.
CROISSANCE MOYENNE ANNUELLE DES PRÊTS AUX
RÉSIDENTS DE LA ZONE EURO
PAR PAYS À DIFFÉRENTES DATES
(en %)
Décembre 2005 |
Décembre 2006 |
Décembre 2007 |
|
Zone euro |
7,8 |
9,2 |
12,4 |
Belgique |
15,8 |
11,6 |
20,4 |
Allemagne |
2,0 |
1,3 |
6,1 |
Irlande |
30,5 |
26,4 |
10,5 |
Grèce |
10,6 |
12,7 |
27,6 |
Espagne |
20,5 |
22,4 |
16,1 |
France |
6,4 |
9,7 |
18,5 |
Italie |
8,7 |
13,2 |
10,7 |
Luxembourg |
5,2 |
- 1,6 |
17,8 |
Pays-Bas |
8,1 |
9,0 |
8,8 |
Autriche |
6,8 |
7,6 |
11,3 |
Portugal |
5,1 |
8,8 |
12,4 |
Finlande |
11,7 |
10,1 |
13,2 |
Source : BCE
Dans la zone euro, la croissance des prêts aux résidents a largement excédé le taux de croissance potentielle.
Mais, dans certains pays, les dynamiques du crédit se sont plus considérablement éloignées de la croissance potentielle que dans les autres, le crédit étant particulièrement peu réactif en Allemagne.
En partie, ces différences ont été le reflet de situations de départ. Dans les pays où les agents privés étaient fortement endettés, l'essor du crédit a pu être freiné tandis que des rattrapages se produisaient ailleurs.
Mais, les équilibres de l'endettement ont été rompus dans plusieurs pays.
Ces évolutions ont favorisé la croissance économique des pays où la dette privée s'est accumulée 12 ( * ) . Mais, ces croissances économiques recelaient des déséquilibres intenables. Outre l'inflation, mesurée par la hausse des prix à la consommation, on a assisté à la constitution de bulles et à l'excroissance du poids économique de quelques secteurs, tous deux témoins d'un déséquilibre de la croissance de ces pays.
* 12 Certains commentateurs ont pu ironiser les modèles irlandais, espagnols, britanniques, danois successivement.