B. L'AUGMENTATION DU TAUX DE PAUVRETÉ
Depuis le milieu des années 80, le taux de pauvreté a augmenté de près de 2 points en moyenne dans l'OCDE.
Mais, certains pays ont connu des augmentations beaucoup plus fortes que d'autres .
ÉVOLUTION DE LA PAUVRETÉ MONÉTAIRE DANS QUELQUES PAYS
ALLEMAGNE
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ÉTATS-UNIS
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FRANCE
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ROYAUME-UNI
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HONGRIE
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ITALIE
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Source : OCDE
Les États-Unis ont un taux de pauvreté sensiblement plus élevé qu'en moyenne dans l'OCDE ou que les pays européens.
Les taux de pauvreté varient beaucoup : ils sont nettement plus élevés en Allemagne et en Italie qu'en France, au Royaume-Uni ou en Hongrie .
Par ailleurs, les évolutions sont divergentes .
Comme pour les inégalités, l'Allemagne est un des pays où le taux de pauvreté a augmenté avec une particulière ampleur au cours de ces dernières années .
Ainsi que pour les inégalités, l'effet des transferts publics nets sur le taux de pauvreté illustre l'impact des interventions collectives sur la composante la plus manifeste des inégalités.
L'IMPACT DES TRANSFERTS SOCIAUX
(AVEC OU SANS LES
PENSIONS SUR LE RISQUE DE PAUVRETÉ)
EN 2003 (EN POURCENTAGE DE
RÉDUCTION DU RISQUE DE PAUVRETÉ)
Sans les pensions Avec les pensions
Source : Rapport conjoint sur la protection sociale et
l'inclusion sociale. 2006.
Commission européenne
Dans tous les pays, les transferts sociaux nets réduisent le risque de pauvreté, mais c'est dans des proportions inégales, comme le rappelle le rapport précité qui indiquait :
Si on ne considère que l'effet des transferts sociaux hors pensions, les pays peuvent être rangés en quatre groupes dans l'ordre décroissant de la réduction du risque de pauvreté qu'ils exercent :
- les pays scandinaves (Finlande, Suède, Danemark) avec un abattement de plus de 60 % du risque de pauvreté ;
- les pays où cet abattement se situe entre 40 et 50 % comme la France , la Belgique , les Pays-Bas , l' Autriche ou le Luxembourg ;
- les pays où le risque de pauvreté n'est réduit qu'entre un tiers et 40 %, qui sont autour de la moyenne pour l'Union européenne (à 25 pays) : le Royaume-Uni , les pays baltes et l' Allemagne ;
- enfin, les pays où la diminution du risque de pauvreté attribuable aux transferts sociaux est très au-dessous de la moyenne de l'Union européenne : le Portugal , l' Espagne , l' Italie .
Cette hiérarchie est parallèle (sauf pour la République Tchèque) à celle du niveau atteint par les transferts sociaux ici considérés . »
En revanche, il n'y a pas de corrélation nette entre le classement des pays effectué selon cet indicateur et celui réalisé en fonction de la part des dépenses sociales versées sous conditions de ressources dans le total des dépenses sociales.
LE POURCENTAGE DES TRANSFERTS SOCIAUX SOUS CONDITIONS
DE RESSOURCES
EN 2003 (PART DANS LE TOTAL DES TRANSFERTS
SOCIAUX)
Source : Rapport conjoint sur la protection sociale et l'inclusion sociale. 2006. Commission européenne.
En moyenne, le pourcentage des transferts sociaux versés sous conditions de ressources est d'ailleurs bas dans l'Union européenne (10 % du total). L'Irlande occupe une position singulière de ce point de vue et la France comme le Royaume-Uni sont un peu plus « sélectifs » que les autres pays.
Mais, si elle a sans doute un impact, la concentration des transferts sociaux n'exerce pas un effet discriminant entre pays sous l'angle de l'incidence de la redistribution sociale sur le risque de pauvreté.
Les pays dans lesquels la conditionnalité est quasi-absente (le Danemark, la Suède) sont les pays où le risque de pauvreté est le plus allégé par les transferts sociaux . A l'inverse, le Royaume-Uni où le niveau relatif des transferts sociaux sous conditions de ressources est élevé n'est pas particulièrement performant en ce domaine.
Dans les faits, le niveau absolu des transferts sociaux exerce un effet décisif et, dans les pays où celui-ci est faible, malgré le « ciblage » qui est alors souvent mis en oeuvre, les transferts sociaux ne contribuent que médiocrement à réduire le risque de pauvreté .
Ces observations qui portent sur les bénéfices sociaux nets des prélèvements supportés par les ménages peuvent être étendues au cas où seules sont prises en compte les dépenses publiques sociales .
TAUX DE PAUVRETÉ DES PERSONNES EN ÂGE DE
TRAVAILLER
ET DÉPENSES PUBLIQUES SOCIALES - 2000
(en points de PIB)
Note : Les dépenses publiques sociales ici prises en compte sont les dépenses publiques sociales hors santé et pensions. La pauvreté est définie relativement au seuil de la moitié du revenu disponible médian des ménages corrigé de leur composition.
Source : OCDE
Les pays situés le plus à gauche du graphique sont ceux dans lesquels le niveau des dépenses publiques sociales est relativement modéré. Les pays situés en haut du graphique sont ceux où le taux de pauvreté est relativement élevé. Il existe une forte corrélation de ce point de vue puisque les pays les plus à gauche du graphique sont aussi les pays où le taux de pauvreté est le plus important.
Inversement, de façon générale, les pays où le niveau des dépenses publiques sociales est le plus élevé sont aussi ceux où la proportion des pauvres est relativement faible .
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Vos rapporteurs souhaitent que l'Europe adopte des objectifs précis et contraignants de cantonnement des inégalités et de lutte contre la pauvreté.
La question des inégalités n'est pas une question simple. Certaines inégalités correspondant à l'efficacité économique ou à des prises de risques sont à la fois justifiées économiquement et équitables ; d'autres résultant de l'exploitation de rentes ou de situations acquises ne le sont pas.
Même quand elles apparaissent recevables, les inégalités peuvent être excessives et indésirables par leurs conséquences.
Ainsi, à supposer même que la concentration de 20 % du PIB par 1 % des ménages américains résulte de leur productivité ou des risques assumés par ces ménages, une telle concentration de richesse modifie profondément les termes du fonctionnement social et économique du pays. Par exemple, la mobilité sociale qui est une idée structurante aux États-Unis parait peu compatible avec le phénomène évoqué.
Pour l'Europe, qui affiche dans ses valeurs son attachement à un modèle alternatif, il est nécessaire qu'elle trouve sa voie et explicite une norme d'inégalités maximales.
La lutte contre la pauvreté pose moins de problèmes conceptuels. L'Europe a fait un choix, qui peut toujours être discuté mais qu'on peut admettre, d'appréhender la pauvreté dans les cadres nationaux et de se reférer principalement à un concept relatif.
Ce qui jusqu'à présent n'est qu'un vague engagement doit devenir un objectif solennel, précis et contraignant.
Ce changement de statut de la lutte contre la pauvreté n'est pas une remise en cause du principe de subsidiarité : chaque État pourra emprunter le chemin choisi par lui. C'en est au contraire la pleine mise en oeuvre.
L'expérience montre que sans engagement européen fort, les réalisations de l'Europe contre la pauvreté sont en décalage avec les principes qu'elle pose.
Ce constat s'explique aisément si l'on veut bien considérer que comme tout bien public, la réduction de la pauvreté a un coût que sans coordination aucun État ne peut assumer seul sans inconvénients (fuite des capitaux, pertes de compétitivité relative).
Outre l'amélioration des performances de l'Europe en termes de résorption des inégalités et de lutte contre la pauvreté, on peut attendre de l'adoption d'un programme social européen en ce domaine des bénéfices économiques attachés à une croissance plus forte et plus équilibrée dans une Europe où il deviendrait moins facile de s'engager dans des politiques non coopératives.