B. LES DÉSÉQUILIBRES DES SOLDES COURANTS

1. L'explosion des déséquilibres des balances de paiements en Europe

Les déséquilibres des soldes courants 20 ( * ) se sont considérablement accrus.

Si la zone euro dégage globalement un excédent, les différents pays de la zone euro ont connu sous l'angle de leurs soldes extérieurs des fortunes très variables.

SOLDES COURANTS DANS LA ZONE EURO

Source : Trésor-Eco n° 20, DGTPE

Les divergences entre pays se sont accentuées au cours de ces dernières années si bien que l'éventail des rapports entre les soldes commerciaux et les PIB nationaux s'est largement ouvert pour couvrir en 2007 près de 18 points de PIB.

ÉVOLUTION DES RATIOS DE BALANCES COURANTES EN ZONE EURO

Source : Trésor-Eco n° 20, DGTPE

Cette montée des déséquilibres n'est pas uniquement le reflet des écarts de croissance potentielle entre les pays de la zone.

Elle résulte aussi de deux autres facteurs :

- la coexistence de pays où la demande domestique croît moins vite que la demande potentielle, de pays où l'inverse se produit et de pays où la demande augmente conformément à la croissance potentielle ;

- des déformations des taux de change réels en lien avec des divergences des coûts de production unitaire, et particulièrement, des coûts salariaux unitaires.

Ces deux facteurs se combinent logiquement si bien que la divergence des soldes courants est, dans cette configuration hétérogène, inévitable et potentiellement explosive dans des ensembles aussi intégrés financièrement et économiquement et peu organisés que le sont la zone euro et l'Union européenne.

Il existe une forte corrélation entre les évolutions relatives aux coûts salariaux unitaires et celles des soldes courants.

Leurs divergences peuvent être mises en regard des variations des coûts salariaux unitaires.

ÉVOLUTIONS CUMULÉES DES COÛTS SALARIAUX UNITAIRES

(Écart à la moyenne 1999-2007)

Source : Commission européenne

Ceux-ci ont évolué de façon très divergente. Considérés par rapport à la moyenne, ils ont fortement baissé en Allemagne et en Autriche, ont également connu un repli, mais moindre, en Belgique mais, la France exceptée, ils ont augmenté ailleurs avec plus ou moins d'ampleur : l'Irlande se détache par le haut (près de + 18 %), le Portugal et la Grèce, puis l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas suivent avec des accroissements cumulés compris entre + 10 % et + 5 %. Hors les quatre pays les plus extrêmes, l'écart cumulé entre les pays opposés atteint environ 15 %.

De leur côté, les performances extérieures reflètent fidèlement la divergence des coûts salariaux unitaires entre pays européens ainsi que l'indique le graphique ci-après.

LES SOLDES COMMERCIAUX EN EUROPE EN 2007

(en points de PIB et en milliards d'euros)

Source : Commission européenne

Les pays dont les coûts salariaux unitaires se sont accrus ont accumulé des déficits courants dans des proportions souvent très élevées. Pour la Grèce, le déficit courant atteint 12 points du PIB, c'est-à-dire que, si le commerce extérieur était équilibré, toutes choses égales par ailleurs, le revenu de la Grèce serait supérieur de 12 %. Inversement, en Allemagne, où les coûts salariaux unitaires ont évolué de 15 points de moins que pour la moyenne européenne (soit un décrochage encore plus net par rapport à la moyenne des autres pays), l'excédent courant atteint en 2007 près de 6 points de PIB.

La corrélation entre variations de la compétitivité salariale et des performances économiques extérieures est très forte (sauf pour les Pays-Bas et l'Irlande pour des raisons liées à leurs singularités respectives). Cette corrélation correspond à une intuition répandue mais qu'une analyse rigoureuse de la compétitivité-coût devrait compléter. Celle-ci, en effet, ne peut s'arrêter aux seuls coûts salariaux. Ceux-ci ne représentent qu'une partie des coûts de production, parfois relativement faible par rapport aux perceptions habituelles. Par exemple, les coûts salariaux dans l'industrie allemande représentent moins de 50 % des coûts de production. Le niveau des consommations intermédiaires est un déterminant très important de ces coûts.

En bref, un pays qui axe sa politique économique sur la recherche de gains de compétitivité doit non seulement pratiquer le sacrifice de ses salariés, ce qui lui permet en outre de limiter sa croissance domestique (et donc ses importations), mais encore délocaliser son appareil de production pour gagner des marchés étrangers et peser sur ses coûts. Il n'existe pas d'arbitrage entre déflation salariale et délocalisations .

Quoi qu'il en soit, la sensibilité des performances commerciales extérieures aux coûts salariaux est parfaitement illustrée par le graphique ci-après qui confirme ce diagnostic pour le couple franco-allemand. Les exportations de l'Allemagne progressent effectivement plus vite que celles de la France surtout de 2004 à 2007, période où les coûts salariaux unitaires dans l'industrie baissent en Allemagne par rapport à la France.

ALLEMAGNE ET FRANCE : EXPORTATIONS EN VOLUME
ET ÉCART COÛT SALARIAL UNITAIRE (EN %)

Source : Natixis. Flash économie n° 422

L'analyse économétrique montrerait qu'une baisse de 1 point des coûts salariaux unitaires de l'industrie en Allemagne relativement à la France accroît les exportations de l'Allemagne de 0,4 point par rapport à la France.

La confrontation des graphiques relatifs aux évolutions cumulées des coûts salariaux unitaires et des soldes commerciaux (v. supra ) permet d'élargir ce constat à l'ensemble du système européen.

* 20 Le solde courant d'un pays est égal à son solde commercial auquel on ajoute le solde des revenus des transferts courants entre le pays et l'étranger.

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