B. CRÉER LES CONDITIONS D'UN DIALOGUE RESPONSABLE ENTRE LES ETATS ET L'INDUSTRIEL

Cependant, l'abandon de la règle du juste retour ne peut constituer qu'un préalable. S'il y a une leçon essentielle à tirer du programme A400M, c'est bien, semble-t-il, la nécessité d'un dialogue responsable entre les Etats et l'industriel. Encore faut-il créer les conditions permettant à un tel dialogue de s'instaurer.

1. Instaurer un véritable « leadership » du côté des Etats

Tout d'abord, pour dialoguer, il faut être deux, ce qui implique en particulier que les Etats puissent s'exprimer d'une seule voix.

Il est donc nécessaire d'instaurer un véritable « leadership » du côté des Etats. Ce leadership peut prendre la forme :

- d'un renforcement du rôle de l'OCCAr, qui pourrait se voir confier un rôle décisionnel indépendant des Etats (l'exemple précité du « frein d'hélice » montre qu'on en est loin) ;

- de la désignation d'un, au maximum deux Etats « leaders », chargés de prendre rapidement les décisions dans l'intérêt des Etats.

Ce dernier point pourrait a priori paraître peu réaliste. Tel est pourtant ce qui fonctionne, par exemple, dans le cas du programme de missile air-air METEOR, en cours de développement conjoint, par le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la Suède, et qui doit équiper en particulier le Typhoon et le Rafale. Le contrat du missile METEOR a été signé par l'équivalent britannique de la DGA - la Defence Procurement Agency (DPA) - le 23 décembre 2002, au nom des six Etats. Le programme est géré par un bureau de programme international situé au sein de la DPA.

L'exemple de l'A400M montre que l'absence de leadership du côté des Etats conduit à l'irresponsabilité généralisée. Il en découle un mélange d'attentisme et de déclarations fracassantes qui ne favorise pas la gestion du programme.

2. La définition d'une relation mature : accepter de part et d'autre d'adapter les spécifications initiales

L'existence d'un interlocuteur unique du côté des Etats rend le dialogue possible avec l'industriel. Or, le dialogue est absolument nécessaire dans le cas d'un programme imposant des avancées technologiques majeures.

En effet, dans un tel programme, il est inévitable que l'industriel ne parvienne pas à répondre parfaitement à l'ensemble des spécifications. Il faut alors que l'industriel soit capable de se tourner vers les Etats, et de déterminer avec eux dans quelle mesure les spécifications peuvent être revues à la baisse, par exemple en échange de la révision à la hausse d'autres spécifications.

C'est la définition d'une relation industrielle mature. Un client mature n'est pas un client qui joue contre le contrat et qui dit : je ne suis pas satisfait s'il manque 10 % des spécifications. Un client mature, c'est un client qui obtient la livraison du bien commandé.

Il importe avant tout de ne pas se retrouver enfermé dans une relation purement juridique et contractuelle, où les spécifications sont figées une fois pour toutes et où l'échec et les pénalités sont automatiquement au bout du contrat.

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