IV. COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?

L'enchevêtrement des causes et des conséquences est tel qu'il est difficile, pour des observateurs ex post , de comprendre ce qui s'est réellement produit et de dresser un tableau des responsabilités. Ce n'est du reste pas le rôle d'une mission parlementaire que de s'ériger en juge du contrat. En revanche, il importe de comprendre le déroulement des faits si l'on veut éviter que cela ne se reproduise.

Comme dans beaucoup d'accidents, c'est la concomitance des événements qui a joué un rôle déterminant. Prises isolément, la plupart des décisions clefs du programme étaient justifiées et on peut penser que, dans un contexte différent, elles auraient pu produire les effets escomptés.

A. LA FORTE PRESSION DES ETATS

1. Une bonne entrée dans le programme

Le programme A400M a bien commencé et les travaux préparatoires ont été conduits comme il convient avec :

- d'une part, l'harmonisation du besoin opérationnel des forces armées sur un standard commun avec très peu d'options. C'est l'ESR pour les spécifications opérationnelles, puis la RFP pour les spécifications techniques ;

- et d'autre part, l'accord sur la façon de conduire le programme . C'est la « déclaration de principes » (SOP de décembre 1997), consacrant l'approche commerciale. Fait notable, cette approche comporte une version que l'on pourrait qualifier de raisonnée du principe du juste retour.

Mais ensuite, les choses se sont gâtées, car les objectifs des Etats différaient substantiellement.

2. Des agendas gouvernementaux différents

a) Pour le gouvernement anglais : une contrainte forte sur le calendrier

Les forces britanniques avaient besoin d'une flotte nouvelle de transport militaire dès 2004. Tout retard dans le FLA risquait d'entraîner une rupture capacitaire.

Par ailleurs, British Aerospace souhaitait construire le FLA. Cette entreprise était prête à financer l'intégralité de la phase de développement sur ses fonds propres.

C'est sans doute ce qui explique qu'il y ait eu une pression forte des autorités britanniques sur le calendrier, menaçant à tout moment de quitter le programme si on ne leur donnait pas des garanties quant à la date de disponibilité des avions.

b) Pour le gouvernement allemand : un budget très encadré, un calendrier lointain

L'industriel Dasa, seul avionneur allemand encore en lice en 2000, semblait désireux de lancer le programme A400M. Par ailleurs, l'état-major allemand convenait des avantages du FLA par rapport aux avions américains.

La difficulté, en Allemagne, résidait dans les disponibilités budgétaires, lesquelles étaient lourdement hypothéquées par le programme Eurofighter . Le budget d'équipement militaire de la RFA, à cette époque, était de 11 milliards de Deutschmark/an (5,6 milliards d'euros). En outre, les plus anciens C160 Transall allemands n'étaient à remplacer qu'à partir de 2008.

N'étant pas demandeur, le gouvernement allemand était en position de force. Que cherchait-il ? Faire baisser les prix ? C'est vraisemblable et du reste légitime. Le gouvernement du chancelier Gerard Schröder a voulu acquérir un nombre élevé d'avions - 75 -, chiffre estimé supérieur au besoin réel des forces armées allemandes, et ramené, par la suite, à soixante par le Parlement. Pourquoi autant d'avions ?

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