3. L'évolution du mode de présence
Il faut rappeler qu'en octobre 1999, la KFOR comptait 45.000 hommes, sur un territoire de 15.387 km². Les effectifs français ont quant eux atteint jusqu'à 7.000 hommes lors de l'entrée sur le théâtre en août 1999.
Depuis 2001, la KFOR a connu une forte décrue de ses effectifs et comprend actuellement environ 15.000 hommes répartis dans les cinq zones de responsabilité. Les principaux contingents sont allemands (2.400 hommes), italiens, français (2.000 personnes) et américains (1.500 hommes).
La Task Force Multinationale Nord, qui comprend la zone de Mitrovica, compte 3.500 hommes et elle est dirigée par le général français Michel Yakovleff. Votre délégation a pu effectuer une visite approfondie de cette zone.
Depuis deux ans, les effectifs de la KFOR ont atteint un effet de seuil : une diminution nécessiterait une reconfiguration de la mission, une question qui se pose néanmoins dans le nouveau contexte.
L'action de la KFOR est unanimement considérée comme efficace mais elle l'est peut-être trop : la KFOR est censée intervenir en troisième niveau derrière la police kosovare et la police de la MINUK. De fait, elle se trouve trop souvent placée en première ligne en raison de l'inefficacité supposée ou avérée des autres forces.
Vos rapporteurs ont pu constater lors de leur visite des installations de la KFOR à Mitrovica qu'elle était de fait la mieux à même de détecter et de contenir des incidents en ville.
Sa présence la place en position de recours ultime et, à certains égards, elle déresponsabilise les acteurs locaux en garantissant l'extinction de toute flambée de violence.
Les autorités de la KFOR considéraient, à la date de la mission de vos rapporteurs, qu'il serait possible de réduire les effectifs de 30 à 40 % avec des unités plus mobiles, notamment grâce à des hélicoptères, et moins de caveat .
L'actuel commandant de la KFOR, le général italien Giuseppe Gay, favorise une coopération accrue entre les différentes task forces. Par ailleurs, il note que les relations de la KFOR avec la police kosovare sont bonnes et pour le contrôle des frontières, des patrouilles conjointes sont organisées avec l'Albanie, le Monténégro, la Macédoine, même la Serbie.
Sur le terrain, les modalités de la présence militaire évoluent vers plus de mobilité (moins de contrôle statiques, de patrouilles systématiques...) et vers un renseignement de proximité accru, via les LMT (« Liaison and Monitoring Teams »), les équipes de liaison qui entretiennent des contacts nombreux et variés avec la population. Contrairement aux LOT (« Liaison and Oberservation Teams » ) en Bosnie-Herzégovine, les membres des LMT ne vivent pas directement avec la population locale, mais ils participent au rapprochement avec la population. Enfin, comme ont pu le constater vos rapporteurs, les personnels sont formés aux techniques de contrôles des foules.
La KFOR s'efforce de mieux dialoguer avec l'ensemble des parties, avec ce qu'il convient d'appeler un engagement de « non-surprise » afin d'éviter d'imposer des mesures sans information. Elle a ainsi procédé à une information préalable à l'installation de caméras aux postes de frontière du Nord. Par ailleurs, comme la présence de la force militaire est encombrante, la KFOR s'efforce de développer certaines patrouilles moins militarisées, au contact de la population.
La KFOR a également pour mission de contribuer à mettre sur pied les forces de sécurité kosovares et de transformer ainsi la milice albanaise KPC, héritière de l'UÇK. L'obstacle principal, outre l'intégration des serbes, est le manque de soutien financier à cette opération qui semble être le parent pauvre des financements internationaux, alors qu'elle pourrait contribuer à l'autonomisation du nouvel État kosovar.
Dans un paysage international concurrentiel et discordant, la KFOR constitue manifestement un point d'ancrage même si les Etats participants ne sont pas non plus unanimes sur la question de l'indépendance mais on ne peut raisonnablement lui demander de pallier l'absence de ligne directrice et les conséquences des ambigüités de la communauté internationale.