3. Les enjeux du dialogue avec Belgrade
Les serbes du Kosovo, quant à eux, ont un réel sentiment de peur, d'inquiétude et d'abandon.
Comme le rappelait devant votre délégation le général Michel Yakovleff, commandant de la task force nord, ils sont brutalement passés du statut de citoyen à celui de minorité et ont besoin d'accomplir une forme de deuil. Y compris dans la zone nord, ils sont minoritaires (20 % de la population). Les Serbes ne sont pas plus de 5-7 % dans le pays, ils se sentent très isolés. Toute menace même mineure est vécue comme existentielle, d'où un refus de tout compromis qui, pour beaucoup, s'apparenterait à une défaite.
Un signal de Belgrade serait nécessaire pour qu'ils cessent d'espérer la réversibilité de l'indépendance ou, à défaut, la partition du territoire. A cet égard il semble à vos rapporteurs que beaucoup se jouera en Serbie où la question du Kosovo reste un enjeu de politique intérieure et où même le Président Boris Tadic, pro-européen, n'a pas encore osé faire les pas nécessaires vers une certaine normalisation. L'acceptation du déploiement d'EULEX au Kosovo constitue, en tout état de cause, un préalable à tout rapprochement de la Serbie avec l'Union européenne.
Il est apparu à vos rapporteurs que les serbes des enclaves étaient sur une ligne un peu différente de ceux du nord, sans doute plus modérée, du moins c'est la ligne courageuse représentée par Mme Rada Trajkovic rencontrée à Gracanica : en cas de violences au nord, ils se sentent potentiellement exposés à des représailles qui ne pourraient conduire qu'à de nouveaux départs qui videraient un peu plus les enclaves.
Le gouvernement de Pristina doit aussi donner des signaux positifs, ce qui est difficile dans un contexte d'impatience : les serbes étaient 40.000 à Pristina avant le début de la guerre, ils sont aujourd'hui moins de 200. Les faire revenir demandera des efforts et une volonté politique réelle des autorités kosovares. Aujourd'hui les serbes sont strictement séparés de la population albanaise à l'école et dans la vie professionnelle, même dans les zones mixtes.
Enfin, les serbes n'ont pas non plus intérêt au développement d'une zone de non-droit dans le nord et à la prolifération des trafics, au demeurant parfaitement interethniques.
Comme la MINUK aujourd'hui, EULEX a pour vocation de les protéger demain en contribuant à l'établissement d'un état de droit respectueux des minorités. Plus que jamais, la question de l'impartialité reste placée au coeur de l'action de la communauté internationale.