C. L'EXEMPLE DE LA PÊCHE EN MÉDITERRANÉE ET DU THON ROUGE
La pêche en Méditerranée est marquée par une forte spécificité dans sa gestion et doit faire l'objet d'un examen distinct entre la situation générale et la pêche aux thons.
1. Problématique générale de la pêche en Méditerranée
Au niveau européen, la pêche en Méditerranée se distingue par la différence des mesures de gestion. Il n'y a pas de ZEE, pas de TAC et quotas. La régulation de la pêche se fait par des mesures techniques, sauf pour le thon rouge. Les plateaux continentaux sont peu étendus, les stocks partagés peu nombreux et y prédominent une pêche artisanale multispécifique, là aussi à l'exception du thon rouge.
La flottille de pêche méditerranéenne est constituée d'environ 100.000 bateaux dont environ 45 % sont européens et dont 90 % sont des petits métiers.
Le volume des captures s'élève à environ 1 million de tonnes soit 1 % environ des prises mondiales. La part de l'UE est de 60 % qui se répartissent de la manière suivante entre les pays membres : Italie (53 %), Espagne (25 %), Grèce (15 %) et France (7 %).
Si cette pêche ne représente que 20 % du volume des prises européennes, sa part en valeur est de 35 %.
La composition en volume des débarquements est de 35 % pour les petits pélagiques, de 35 % pour les poissons démersaux, de 25 % pour les crustacés et mollusques et de 5 % pour les grands migrateurs, thons et espadons.
La flottille française y représente 1.600 navires soit 21 % du total national . Elle est constituée de petits métiers (1.500) , de chalutiers (90) et de thoniers senneurs (35).
Sa production est concentrée à 90 % sur le golfe du Lion et sur Sète (48 %) et ses environs.
Dans le golfe du Lion, hors thon, les prises se répartissent pour moitié en espèces démersales (80 % poissons, 20 % mollusques et crustacés) et petits pélagiques (75 % sardines, 25 % anchois). Le total des captures est de 35.000 t (5,6 % du total national) pour 100 millions d'euros (10 % du total national).
En l'absence de TAC et quotas, la pêche n'est limitée que par des mesures techniques, à l'origine édictées par les prud'homies.
Au niveau du bassin, l'instance compétente est la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) . Elle a la responsabilité de la gestion de la pêche et doit édicter des mesures de gestion. 23 pays en sont membres. Son fonctionnement semble fortement perfectible dans la mesure où les États sont loin d'être déterminés à communiquer leurs données scientifiques et à appliquer les mesures prises en commun . La Méditerranée se caractérise par la faiblesse des contrôles et la fréquence de la pêche illégale. Lors de ses rencontres, votre rapporteur a eu la forte impression que les autorités ne se sentaient pas autorisées à sanctionner leurs pêcheurs dans la mesure où elles craindraient d'être les seules à avoir cette rigueur de gestion.
Pourtant l'étroitesse des plateaux continentaux et le faible nombre des ressources partagées font de la pêche méditerranéenne une question essentiellement nationale .
Plus qu'ailleurs, il serait donc nécessaire de responsabiliser les pêcheurs et de leur laisser une plus grande responsabilité dans la gestion . Pour ce faire, il faut à la fois accroître les liens avec le milieu scientifique et renforcer nettement les moyens des comités des pêches et des prud'homies . Leur action sera d'autant plus efficace que l'État remplira pleinement sa mission de contrôle et de sanction .
En Méditerranée comme dans d'autres zones géographiques, les pêcheries sont en phase de régression . L'examen des débarquements depuis 1970 montre que le maximum a été atteint au niveau du bassin en 1995-1996 et que, depuis, les prises diminuent. Au niveau de l'Union européenne, le maximum date de 1986 (750.000 t), les prises étant aujourd'hui de 563.000 t .
Selon les scientifiques, si les stocks de petits pélagiques sont généralement sous-exploités, les poissons démersaux le sont pleinement et d'une manière peu durable. En effet, il existe un important marché des poissons de l'ordre de 10 cm, taille très éloignée de la première maturité . La relative pérennité de cette situation s'expliquerait par la préservation des grands géniteurs dans les canyons sous-marins permettant un prélèvement raisonnable de juvéniles. Cependant cette situation ne cesse d'inquiéter scientifiques et pêcheurs. Les premiers parce qu'ils craignent qu'à trop pêcher les juvéniles, trop peu de poissons n'atteignent l'âge de la maturité. Les seconds car ils dénoncent la pêche destructrice espagnole dans les canyons sous-marins situés au-delà des eaux territoriales.