PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Principales observations 1. La France est le premier Etat membre bénéficiaire des dépenses de la politique agricole commune. Les dépenses agricoles du budget communautaire sur le sol français avoisinent 10 milliards d'euros par an. 2. Les aides de la PAC sont préfinancées par les Etats membres, puis remboursées par le budget communautaire. En cas d'irrégularités constatées dans la gestion et le contrôle national de ces aides, la Commission européenne procède à une réfaction sur les remboursements qu'elle octroie aux Etats membres, dite « refus d'apurement ». 3. La procédure mise en oeuvre pour l'apurement des dépenses agricoles communautaires est longue et les méthodes de calcul des pénalités financières et de conciliation entre autorités communautaires et autorités nationales ne sont pas exemptes de défauts . 4. La France a été affectée par près de 100 millions d'euros de corrections financières en moyenne annuelle entre 1996 et 2007. Elle se classe ainsi parmi les Etats membres les plus touchés par les refus d'apurement. 5. Les domaines les plus concernés par les refus d'apurement sont actuellement le développement rural , le secteur des fruits et légumes et l'octroi des prêts bonifiés aux agriculteurs. 6. La France encourt un risque de pénalité financière supplémentaire lorsque les aides indûment versées ne sont pas récupérées auprès des bénéficiaires. 7. Certains risques de pénalités sont la conséquence d'erreurs commises de bonne foi et de la complexité de la réglementation communautaire. D'autres résultent de la volonté des autorités françaises de faire prévaloir leur interprétation de cette réglementation face aux services de la Commission. 8. Les statistiques établies par les opérateurs du ministère de l'agriculture et de la pêche enseignent que la quasi-totalité des pénalités financières constatées entre 2004 et 2006 résultent de « négligences » ou d'une « volonté délibérée » d'enfreindre la réglementation communautaire. Certaines pénalités sont le fruit d'interprétations qui peuvent paraître abusives , voire de contournements assumés de la norme communautaire, dont est emblématique la pratique des « lettres interministérielles ». 9. Le ministère de l'agriculture et de la pêche fait état d'une amélioration récente mais sensible de la situation française au regard des refus d'apurement, consécutive à la mise en place d'un cadre de gestion et de contrôle unifié et rénové. 10. Le paiement des refus d'apurement communautaire, dépense aléatoire et peu légitime, ne fait jamais l'objet d'inscription de crédits en loi de finances initiale . Principales recommandations 1. Promouvoir, auprès des autorités communautaires, plusieurs améliorations de la procédure d'apurement des dépenses agricoles, de nature à enserrer celle-ci dans un délai raisonnable, à limiter le recours aux méthodes de calcul forfaitaire ou par extrapolation des sanctions, et à renforcer l'influence des travaux de l'organe de conciliation sur la décision finale de la Commission. 2. Pérenniser la tenue, par le ministère de l'agriculture et de la pêche, d'une typologie des refus d'apurement en fonction des comportements en cause (négligence, volonté délibérée, erreur d'interprétation), des administrations et opérateurs à qui ils sont imputables et des récurrences constatées. 3. Prévenir l'accroissement de pénalités financières supplémentaires en procédant le plus systématiquement possible à la récupération des aides irrégulièrement attribuées. 4. Se prémunir contre certaines interprétations « extensives » de la réglementation communautaire et mettre un terme au recours ponctuel à des lettres interministérielles invitant les services et organismes chargés de la mise en oeuvre des aides agricoles à prendre des décisions non conformes à la réglementation communautaire. 5. Prévoir l'inscription de crédits en loi de finances initiale pour le financement des refus d'apurement communautaire, d'un montant correspondant aux seules pénalités résultant d'erreurs d'application ou d'interprétation de la réglementation, ou calculé sur la base du taux de correction le plus faible constaté au sein des autres Etats membres de taille comparable à la France. 6. Etudier la possibilité de limiter systématiquement les ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, afin de conduire le ministère de l'agriculture et de la pêche à dégager des ressources en gestion pour faire face aux conséquences budgétaires des refus d'apurement. 7. Préciser les modalités d'un provisionnement comptable des pénalités financières découlant des refus d'apurement. 8. Compléter le dispositif d'évaluation de la performance de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » par un sous-indicateur relatif à l'origine des sanctions financières. |
I. L'APUREMENT DES DÉPENSES AGRICOLES
A. LES MODALITÉS DE PAIEMENT DES AIDES AGRICOLES ET LA NOTION DE REFUS D'APUREMENT
1. La mise en oeuvre des dépenses de la PAC en France
a) Les montants en jeu
Aux termes du cadre financier pluriannuel ayant fait l'objet de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006, le budget communautaire consacrera, sur la période 2007-2013, plus de 400 milliards d'euros aux premier et second piliers de la politique agricole commune ( cf . tableau).
Sur l'ensemble de ces crédits, 10 milliards d'euros par an environ sont consacrés à notre agriculture nationale, montant qu'il convient de rapporter aux 3,5 milliards d'euros de crédits de paiements inscrits annuellement à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » du budget général de l'Etat.
Sur la période 2007-2013, la France devrait rester le premier bénéficiaire des dépenses relatives aux marchés agricoles (premier pilier). Ces dépenses sont estimées à 62 milliards d'euros sur la période, soit un « taux de retour » de 19,4 %. Pour le second pilier (développement rural), ces montants sont respectivement estimés à 6,4 milliards d'euros et 7,2 %.
b) Des aides préfinancées par les Etats membres
Selon le principe de la gestion partagée , la Commission européenne n'effectue pas elle-même les paiements des aides communautaires aux agriculteurs, mais confie cette mission aux Etats membres, qui agissent par l'intermédiaire de 85 organismes payeurs nationaux ou régionaux. En France, ces organismes payeurs sont les offices agricoles, l'Agence unique de paiement (AUP) et le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) 1 ( * ) .
Les aides communautaires sont préfinancées par les Etats membres, puis remboursées par le budget communautaire, via le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA). Ce remboursement s'effectue le troisième jour ouvré du deuxième mois suivant le paiement des avances.
En France, et depuis 2001, le préfinancement des aides communautaires est assuré par avances du Trésor mises en oeuvre, sur instruction ministérielle, par l'Agence France Trésor (AFT). Ces avances sont consenties à l'AUP et permettent d'éviter un financement bancaire ou de marché qui aurait pour conséquence d'accroître la fragmentation de la dette de l'Etat et sa charge d'intérêts. Ce mécanisme de préfinancement est retracé au programme 821 « Avances à l'Agence unique de paiement au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune » de la mission « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics ».
2. La notion de refus d'apurement
Chargée de protéger les intérêts financiers de la Communauté, la Commission vérifie la sincérité des comptes des organismes payeurs et la conformité à la réglementation européenne des aides versées aux bénéficiaires finaux. En cas d'irrégularités, la Commission procède à une réfaction sur les remboursements qu'elle octroie aux Etats membres, dite « refus d'apurement ».
Ce refus d'apurement s'analyse donc comme la sanction de contrôles insuffisants ou de paiements irréguliers. Il résulte donc, soit d'un refus de certification des comptes (apurement comptable ), soit de la constatation d' irrégularités dans le paiement des dépenses agricoles communautaires (apurement de conformité ).
a) L'apurement comptable
L' apurement comptable consiste à vérifier que les comptes annuels des organismes payeurs sont bien tenus et que les procédures internes de contrôle ont été mises en oeuvre de façon satisfaisante. La Commission adopte une décision annuelle d'apurement des comptes avant le 30 avril de l'année suivant l'année financière concernée 2 ( * ) .
Les refus d'apurement comptable résultent le plus souvent du non-respect des délais et plafonds de versement des aides communautaires, ainsi que de l'absence de recouvrement par les Etats membres des créances qu'ils détiennent sur les bénéficiaires finaux des aides, lorsqu'il est définitivement établi que celles-ci sont indues 3 ( * ) .
b) L'apurement de conformité
L' apurement de conformité consiste à s'assurer que les dépenses effectuées sont conformes à la réglementation communautaire et que les organismes payeurs ont procédé aux contrôles prévus. Cet apurement fait suite à des audits menés par la Commission et intervient plusieurs années après l'engagement des dépenses concernées.
La Commission prend deux à trois décisions d'apurement de conformité par an. La procédure d'apurement de conformité survenant plusieurs années après l'engagement effectif des dépenses, il en résulte que les éventuelles corrections financières ne s'imputent pas sur les dépenses contestées , mais sur le remboursement par la Commission des dépenses de l'année en cours 4 ( * ) .
* 1 Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), ces opérateurs font actuellement l'objet d'une réorganisation, évoquée dans la suite du présent rapport.
* 2 Pour les dépenses agricoles, une année financière s'étend du 16 octobre de l'année n au 15 octobre de l'année n+1.
* 3 Cf. infra les développements consacrés aux enjeux liés aux créances non recouvrées.
* 4 Par exemple, des irrégularités constatées sur les dépenses engagées en 1999 et détectées en 2005 donneront lieu à des corrections financières amputant les remboursements de 2005.