3. Pays émergents : une résistance incertaine
Bien qu'affectée par le ralentissement de l'activité mondiale, la croissance de la Chine et des autres grands pays émergents ne devrait fléchir que légèrement en 2008 et en 2009 du moins selon les prévisionnistes. Dans la plupart de ces pays, la croissance trouve un certain soutien dans l'investissement domestique. Par ailleurs, des capacités de relance peuvent être mobilisées.
Le ralentissement mondial pèsera néanmoins sur le commerce international, qui est un puissant moteur de leur croissance. Les excédents extérieurs accumulés par ces pays montrent, en effet, que le Reste du Monde tire leur croissance. Par ailleurs, même s'il semble que les banques de ces pays aient privilégié les placements sûrs de la dette publique, leur degré d'exposition au risque est particulièrement mal connu.
Enfin, c'est pour les pays les plus dépendants des capitaux étrangers que le ralentissement risque d'être plus brutal, d'autant que leurs devises sont vulnérables.
L'hypothèse d'un découplage entre pays développés et pays émergents est donc des plus incertaines.
4. Zone Euro : des perspectives orientées à la baisse
Pour les prévisionnistes, le ralentissement en zone euro serait très net : en septembre, les instituts prévoyaient encore en moyenne une croissance de 1,2 % en 2008 et de 0,8 % en 2009.
Les prévisions de la Commission européenne, en date du 3 novembre 2008, ont traduit une nette dégradation des perspectives , puisqu'elles tablent sur une quasi-stagnation dans l'Union européenne (+ 0,2 %) et dans la zone euro (+ 0,1 %) en 2009. La crise entraînerait une croissance inférieure à son potentiel pendant trois ans , de 2008 à 2010.
Les prévisions du FMI sont plus pessimistes encore puisqu'elles anticipent une récession en zone euro en 2009 (- 0,5 %).
L'Allemagne est particulièrement affectée par le ralentissement de la demande extérieure, principal moteur de sa croissance. La Commission européenne y prévoit une croissance nulle en 2009. L'activité se replierait également en Italie (0,0 %) et en Espagne (-0,2 %), ce dernier pays subissant brutalement la crise immobilière (le nombre de mises en chantier reculerait de 300 000, avec un fort impact sur l'emploi, si l'on veut se souvenir qu'une mise en chantier équivaut à 2 emplois).
En période de ralentissement prononcé, il existe traditionnellement une différence entre les Etats-Unis et l'Europe avec les interrogations que suscite, chez les conjoncturistes, la capacité de l'Europe à mobiliser ses politiques économiques.
Les prévisions pour la zone euro n'intègrent pas encore la totalité des enchaînements internes qui pourraient conduire à une récession (dégradation du marché du travail, du pouvoir d'achat, de la demande des ménages et des entreprises).
D'un autre côté, elles n'intègrent pas non plus les soutiens que la zone pourrait trouver dans le contre-choc pétrolier qui se dessine, la baisse des prix des matières premières et une meilleure compétitivité extérieure en lien avec la dépréciation de l'euro.
Elles ne tiennent pas non plus complètement compte de l'utilisation des marges de manoeuvre qu'offrent les politiques économiques , les conjoncturistes s'inquiétant d'une éventuelle inertie de l'Europe en ce domaine.
La politique monétaire - dont l'efficacité pourrait être restaurée si les marchés interbancaires revenaient à la normale - paraît mobilisable. Mais, il faudrait pour cela que la Banque centrale européenne se forge une appréciation de la situation économique différente de celle qui l'a conduite à augmenter son principal taux directeur d'un quart de point en juillet 2008 (après l'avoir maintenu inchangé pendant 13 mois) quand la Fed abaissait régulièrement le sien depuis septembre 2007 .
Sans doute la BCE a-t-elle changé d'orientation en abaissant ses taux en octobre 2008 (à 3,75 %) puis à nouveau en novembre 2008 (à 3,25 %) . Il plane néanmoins un doute sur sa capacité à être aussi réactive que la banque centrale américaine pour faire face à un choc négatif sur la croissance, dans la mesure où l'inflation demeure sa principale préoccupation.
Quant à la politique budgétaire , dont il est admis que l'activation serait permise - le déficit de la zone euro étant assez modeste (0,6 point de PIB) - et rendue particulièrement nécessaire par les perspectives de fléchissement de l'activité, il est jugé assez probable qu'elle sera sollicitée.
Mais les conjoncturistes n'inscrivaient pas, jusqu'en octobre, de plan de relance. A leurs yeux, des inconnues demeurent : ils insistent sur l'utilité de clarifier le statut de la discipline budgétaire européenne (le Pacte de stabilité et de croissance) en ces temps de crise et de coordonner les actions budgétaires plutôt que laisser les agents dans l'incertitude et agir en ordre dispersé.