B. UNE RÉDUCTION DE LA DETTE PUBLIQUE À L'IMPACT BUDGÉTAIRE INCERTAIN
Un peu en marge des approches les plus optimistes qu'inspire l'objectif d'une réduction drastique de la dette publique, votre Délégation a constamment alerté sur quelques limites des raisonnements à la base de cet objectif.
La politique financière de l'Etat ne peut être conduite sans considération de son contexte économique et financier.
Les risques macroéconomiques d'une réduction de la dette publique à marche forcée, sans réaménagement des conditions du partage de la valeur ajoutée, déjà importants en temps normal, ressortent comme encore plus forts dans le contexte ouvert par la crise économique en cours.
La réduction de la dette publique que décrit la programmation dégage des marges de manoeuvre financières qui, au regard des conditions présentes de financement de la dette publique et des risques macroéconomiques associés à une augmentation de l'épargne des administrations publiques, n'établissent pas clairement l'intérêt de poursuivre un tel objectif.
Le bilan coût-avantages de la stratégie de désendettement est cependant susceptible de varier considérablement en cas de tensions sur les conditions financières et selon les enchaînements macroéconomiques qu'on lui associe.
Sa justification principale semble provenir d'une volonté de provisionnement destinée à assurer la soutenabilité à long terme des comptes publics conformément aux recommandations européennes résultant de la prise en compte des perspectives à long terme de la dette publique.
Les marges de manoeuvre financière résultant de la réduction de la dette publique apparaissent faibles au regard des risques financiers encourus à court terme .
La réduction de la dette publique décrite dans la programmation pluriannuelle s'élèverait à 5,4 % du niveau initial de la dette. Un tel allègement est susceptible de procurer une économie de charges d'intérêt de 0,12 point de PIB par an au terme de la projection, mais pourrait coûter a priori 2,2 points de croissance (qui correspondent au cumul des effets négatifs sur l'activité économique que pourrait receler l'impulsion budgétaire liée à la réduction du déficit public) soit, compte tenu du taux de prélèvements obligatoires de 43,3 %, 0,95 point de PIB de recettes fiscales.
Cette arithmétique déplaisante n'apparaît pas dans la programmation des finances publiques puisque, dans le scénario macroéconomique qui lui est associé, la baisse du déficit public ne pèse pas sur l'activité. Les agents privés l'absorbent et seul est affiché le gain de la réduction du besoin de financement public.
Il faut toutefois observer en toute rigueur que le gain ainsi décrit serait réservé aux administrations publiques, puisque, dans une telle hypothèse, sauf modification des conditions du partage de la valeur ajoutée, les agents privés prennent le relais de l'endettement, ce qui alourdit leurs charges financières (ou diminue leurs gains financiers) .
Au total, l'équilibre financier d'une réduction de la dette publique de 5,4 %, aux conditions actuelles du coût de la dette et de prélèvements obligatoires, suppose que l'ajustement budgétaire n'obère pas la croissance économique de plus de 0,25 point de PIB. Or, un objectif de réduction de la dette publique de l'ordre de 5,4 % nécessite, s'il est recherché via une augmentation structurelle de la capacité de financement des administrations publiques, une impulsion budgétaire négative qui est susceptible de peser sur la croissance économique bien au-delà de ce seuil .